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Critiques de Herta Müller (153)
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Le renard était déjà le chasseur

Cette lecture là, c’est bien plus que le récit présenté par cette quatrième de couverture; cette lecture là, c’est un saisissant paradoxe littéraire. Herta Müller parvient à dire le cauchemar de la dictature, d’angoisse latente, de délabrement social et humain par une prose à la poétique perçante, par la description des lieux, des images qu’ils font naître, par l’expression d’un sentiment d’irréalité qui rend celui de la réalité si prégnante; cette réalité dans laquelle tous regards, toutes attitudes, toutes émotions, spontanés, naturels, sont bannis. Une autre dimension qui rend toute la dimension de ce qu’ont vécu les Roumains. Le ciel est plombé, fuyant, l’air vicié. Densité des mots palpable, sur la page, sur la peau, effrayante; des mots crus sur les visions, des mots de silence, de malaise, de dégoût, d’échos d’égouts… Des sensations physiques, sensations à la fois de poids et de vide, l’oppressant, le métallique – images filées de l’usine « de fer et de rouille » -, de la ville aux angles tranchants, des trous des fenêtres, des chemins perdus, la tension des tempes et des ventres qui cognent, les bruits qui claquent » comme une branche qui casse, mais autrement » sur la rive du Danube …
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L'homme est un grand faisan sur terre



Ca n'arrive pas souvent, mais là, ce roman m'a complètement échappé.



L'écriture est sèche et plate même dans les moments où l'on voit l'imaginaire se mêler à la réalité du présent. A travers des phrases courtes et froides, l'autrice décrit plus qu'elle ne raconte. Mais elle ne décrit pas les gens, ou très peu, au point que les pierres, l'herbe, les ornières et la vaisselle semblent plus vivants que les personnages.



Il y a sans doute plein de symbolisme dans ce bouquin. La chouette qui revient à toutes les pages, adossée à la mort; le blanc, qui apparaît même où on ne l'attend pas; les pommes, qui se font manger par les hommes ou par le pommier lui-même.... Mais franchement me dire qu'il faudrait débattre des heures avec d'autres lecteurs pour y trouver un sens ne m'enchante guère.



Le fil principal de l'intrigue, tiré par ces villageois qui ne savent plus quoi vendre ou donner pour obtenir un passeport tant ils sont tous déjà allé si loin pour ne récolter que du vide est désespérant, volontairement. L'emballage est aussi désespérant, même l'absurde que l'on touche du doigt est désespérant...



Et finalement ne mettre qu'une étoile à un Nobel, signe de mon déplaisir lors de cette lecture, suffit en soi à être désespérant...
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Animal du coeur

Challenge Nobel 2013-2014

4/15



Drôle d'expérience que la lecture de Herta Müller. J'ai d'ailleurs dû m'y prendre à deux fois avant de vraiment commencer, et de me dire que j'ai bien fait de ne pas tenter la lecture en VO.

Une narration pas toujours simple à suivre, des images insolites, une chronologie heurtée, des conversation incluses dans le texte : la lecture n'en est pas simplifiée et ne se prête pas au manque de concentration ; le lecteur DOIT être attentif (mais nous ne manquons pas de courage et d'esprit : nous ne faillerons pas !) Mais du coup, j'ai eu l'impression que le message qu'elle veut faire passer, la dictature, tue les êtres, les avilit, et les déshumanise (en substance), s'en est trouvé affaibli. Je n'ai pas senti la force du verbe, à force de devoir renouer les fils. Rien n'est donné, tout est à trouver (elle a une haute estime de ses lecteurs, un bon point pour elle !)

Une lecture mitigée, donc.
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La convocation

Très beau roman que celui-là où par bribes et morceaux, la narratrice évoque sa vie dans la Roumanie de Ceausescu. Un mariage raté et l'envie de se remarier avec un étranger pour partir à l'Ouest. Et pourquoi pas un Italien ? Alors, travaillant dans une usine de confection, elle glisse dans la poche de 10 pantalons de luxe destiné à l'Italie, un petit papier avec ces mots "Ti aspetto" , son nom et son adresse. Les petits papiers n'arriveront jamais en Italie. Depuis, régulièrement, la narratrice est convoquée. "Qu'est-ce qu'il perd ce pays si je le quitte pour un autre ? demanda-t-elle un jour au commandant qui assure les interrogatoires. "Quand on n'aime pas sa patrie, on ne peut pas comprendre", répondra-t-il. Et une autre fois : "A cause de ton comportement, toutes les femmes de notre pays se font traiter de putes à l'étranger". Voilà pour le crime.

Dans le tramway qui l'emmène pour une nouvelle convocation, "à dix heures précises, lui a dit Albu", la narratrice recompose le puzzle de sa vie. L'auteure y met beaucoup de poésie. De quoi atténuer le malaise, la poussière qui salit tout, l'envie de ne plus se lever le matin, la gueule de bois de l'ivrognerie ambiante. Ne pas répondre à la convocation, la narratrice y a souvent songé. Mais, "si tu n'y va pas, lui a dit Paul, l'homme qui partage aujourd'hui sa vie, ils viendront te chercher et ils t'auront pour toujours". Comme la belle Lilli, abattue à la frontière alors qu'elle tentait de passer en Hongrie avec son nouvel amoureux. L'étau est bel et bien là, comme un garrot d'angoisse qui serre le quotidien.

Sans avoir trop l'air d'y toucher, La convocation évoque le sort d'un peuple anesthésié, tenu par la suspicion et la délation, qui fait la file devant les boutiques vides et qui essaye de grappiller quand il le peut quelques instants de bonheur arrachés au sordide du quotidien. A la fois glauque et brillant.
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La convocation

Herta Müller a reçu cette année le prix Nobel pour avoir « avec la concentration de la poésie et l'objectivité de la prose, dessiné les paysages de l'abandon, de l'oppression, de la peur, de la trahison, de la répression, de l'humiliation». Dans « La convocation » l'auteur nous dit la douleur du « rester » dans la Roumanie de Ceauşescu et l'impossibilité de simplement rêver le « partir ».

La narratrice, prête à épouser n'importe quel Italien pour sortir du pays, a glissé un message dans la poche d'un pantalon qu'elle confectionnait pour une maison de couture transalpine. Depuis, dénoncée par son collègue, elle est convoquée inlassablement par la Securitate et absurdement interrogée par un officier rotor. le texte est d'une absolue noirceur avec cependant quelques éblouissements poétiques qui disent la beauté irrépressible du monde. Ainsi, au point du jour sur le chemin de l'interrogatoire, la lune ne sait où aller, le ciel doit lâcher le sol et les tramways sont autant de pièces éclairées… La technique du récit est également exemplaire. Nous sommes, tout au long du roman, dans l'espace clos du tramway en chemin vers celui qui ne manque jamais d'humilier la narratrice. L'angoisse est omni présente et trois récits s'enchâssent : le trajet, le conducteur et les autres passagers ; le retour sur les épisodes marquants de sa biographie (métaphorique de celle de l'auteur ?) ; et enfin la réalité imminente et terrible de l'interrogatoire qui s'impose par intermittence.

C'est un monde grisâtre d'enfermement que nous montre Herta Müller. Les rapports entre les êtres semblent envisager d'un point de vue uniquement matériels où le rapport à l'autre est souvent instrumenté. Peut-être les liens du personnage principal avec son mari alcoolique et avec sa meilleure amie Lilli qui meurt lors d'une tentative d'évasion, échappent à cela ? « La convocation » est manifestement un texte du ressentiment – par ailleurs parfaitement compréhensible et légitime de la part de l'auteur– qui fait cependant à mon sens peu de place à l'intelligence, la sensibilité et l'humanité incoercibles de l'Individu. Est-ce que les régimes de l'Est ont pu gommer totalement ses qualités humaines ? Il manque aussi ici, me semble-t-il, un peu de la force, de la lucidité de penser contre soi. Herta Müller, souabe du Banat, fille d'un ancien soldat de la Waffen SS, appartenant donc à une minorité allemande de Roumanie au lendemain de la terrifiante deuxième guerre mondiale, met peu de chose de cette complexe biographie et de l'Histoire contemporaine, cela nous aiderait pourtant à « surmonter l'insurmontable ».



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Animal du coeur

La narratrice,toute jeune fille, rapporte les faits et les comportements des adultes tels quels et le lecteur comprendra plus tard de quoi il s'agit, ce qui rend l'entrée dans ce roman assez difficile . Elle est avec sa famille originaire du Banat roumain au sein de la minorité germanophone. Son père a été SS.

On s'intéresse d'abord avec elle à Lola, une camarade de chambre retrouvée pendue dans son placard : suicide ou assassinat ?

On suit ensuite ses amis Edgar, Kurt et Georg, étudiants puis jeunes adultes entrés dans la vie professionnelle, et toujours poursuivis par la police de Ceaucescu : surveillance de chaque déplacement, fouilles de leurs affaires, interrogatoires sous le regard cynique de Piel et de son chien, prêt à en découdre. Quand ils sont licenciés, ils fuient le pays, pas pour longtemps. Pour communiquer entre eux, ils utilisent des stratagèmes et des messages codés.

La jeune fille et sa mère n'échappent pas à ces représailles. Sa peur la renvoie souvent à ses souvenirs d'enfance et passé/présent se confondent dans le récit.

Et puis il y a Téréza son amie qui a une "noix" sous les aisselles et dont elle aurait dû se méfier !

Quant aux autres personnages, ils vivent aussi dans la misère et s'adaptent ou pas à la dictature.

L'auteure a un style très particulier, procède souvent par images, par métaphores et utilise des expressions en leitmotiv : animal du coeur, prunes vertes, collants d'une finesse aérienne, cimetière...

J'ai beaucoup aimé l'écriture et la composition de ce roman et apprécié la façon dont est décrit le fonctionnement d'une dictature. Utilisons ce terme à bon escient...
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La convocation

Ce roman vit au rythme des convocations de sa narratrice, et de ses souvenirs, et réflexions qu’elle égraine lors de son trajet dans le bus.

1. Le scénario

C’est d’un ennui mortel, c’est sans relief, sans saveur, rébarbatif… Il ne se passe rien dans ce livre. Armez-vous donc d’une bonne dose de patience pour ingurgiter ce truc –là….250 pages ne sont rien quand c’est intéressant, mais quand on s’emmerde, mieux vaut planifier un nombre de pages journalier pour tenter d’en venir à bout….et encore….

2. Le style

Je me suis dit, prix Nobel de Littérature, cette femme doit avoir une patte, un style ; bref, un petit truc en plus qui donne à son œuvre une dimension particulière. Et bien non !!! Pas de poésie, rien de particulier, un texte massif sans chapitre : un paquet qu’on vous file dans les mains, en vous disant « tiens débrouille toi avec ça »

Il n’y a rien dans cette écriture-là, on ne ressent pas le poids de la dictature.Elle ne suscite ni l'émotion, ni la colère, ne vous fait pas dire " tiens, c'est beau ça"....rien!!!

En tout cas, je ne remettrai plus mes yeux dans ses œuvres. Je n’ai accroché ni à ce qu’elle voulait me dire (je cherche toujours !!!) ni à son écriture.

Je me pose une question : son Prix Nobel, choix littéraire ou choix politique ?
Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Animal du coeur

Je retrouve Herta Müller, une fois encore, impatient, le coeur battant. Les premiers mots sont de cette veine que j'aime, à la poésie chirurgicale faite de métaphores limpides et étranges. C'est sa façon de décrire cet univers particulier que j'aime. Comme si elle parlait une langue inconnue dont la musique vous essouffle malgré tout. Les premières lignes ont suffi à faire renaître en moi cette impression familière et inédite pourtant, l'idée d'un moment retrouvé, mais rare pourtant. Je place pour ces raisons Herta Müller parmi les plus grands écrivains que la langue allemande a donné - et elle n'en manque pas. Lire Herta Müller, c'est accepter - avec réticence parfois, tant sa langue est âpre - de franchir le seuil de son univers, et donc de quitter le vôtre ; c'est accepter de passer du côté de ce monde peut-être disparu - la Roumanie de Ceaucesu - et y perdre tous ses repères ; c'est donc accepter de se laisser guider par elle, parmi les villes, les femmes, les hommes, les vivants et les morts, les objets et la nature. Franchissez ce seuil, il s'ouvre sur des mots d'une force incroyable !

Animal de coeur revient sur les grands thèmes d'Herta Müller : vivre en dictature, y poursuivre son identité, en vain souvent, y mourir face à l'impossibilité de vivre. Ici, c'est la quête de soi de jeunes gens de la communauté allemande, enfants de SS, ouvriers d'usine, et perdus dans ce pays. Les hommes de main du régime y mangent des prunes vertes, une façon d'avaler d'indigestes verités. Et la métaphore de l'animal du coeur que chacun porte en soi installe une autre vérité, celle que chacun enferme, retient, nourrit au plus profond de soi, en attendant la fuite, la liberté, ou la mort. Comme souvent chez Herta Müller, la nature est omniprésente, comme le pendant de la ville en dictature. Il y a cette sensation que les nuages, les arbres (mûriers, pruniers), terre ferme, sont à la fois l'aspiration à la liberté, et le cadre physique qui contraint l'individu. Sur le sol, les mouvements semblent toujours ramenés à la pesanteur - comme attachés à ce sol de malheur. Herta Müller creuse inlassablement son sillon, parfois déroutant, toujours envoûtant.
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L'homme est un grand faisan sur terre

J'attendais beaucoup de ma lecture d'Herta Müller. Je tournais autour de ses livres depuis des années.

Et puis, je suis tombé sur un épisode de l'émission de France culture "Les romans qui ont changé le monde" consacré au livre d'Herta Müller "Le renard était déjà le chasseur". Mathias Enard y recevait Claire de Oliveira et Traian Sandu pour en parler et c'était passionnant. J'y ai donc vu un signe qu'il était temps de me jeter à l'eau et de lire la prix nobel de littérature 2009.



Je suis alors passé à la médiathèque Jean Moulin de Margny-les-compiegne et j'ai trouvé le titre de ce petit opus drôle. Je l'ai donc emprunté.

L'histoire se passe en Roumanie. Un homme Windisch ne pense plus qu'à une chose partir, quitter ce pays si dur pour un autre ou sa femme, sa fille et lui pourront avoir une vie meilleure. Mais pour cela, il faut des passeports et comme dans beaucoup de ces régimes, la seule manière d'en obtenir est de payer. Alors le vieux meunier va payer encore et encore et encore et il va le payer très cher même ce voyage vers un monde qu'il espère meilleur...



Le rythme de ce livre est assez lent. On ressent ainsi le temps qui semble ne pas vouloir s'écouler et les jours qui se succèdent et cette attente interminable du personnage principal pour obtenir le fameux sésame pour sa nouvelle vie.



J'ai aimé l'histoire, j'ai apprécié le personnage principal mais j'ai eu plus de mal avec le style très particulier de l'auteure fait de phrases courtes, parfois presque sans continuité. en tout cas, c'est comme cela que je l'ai ressenti. Malgré tout, je pense que je me plongerais dans quelques temps dans un autre de ses livres pour voir si c'est avec le style d'Herta Müller en général ou seulement avec ce livre que je n'accroche pas.

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La bascule du souffle

J'ignorais totalement que la population germanophone de Roumanie avait été contrainte d'intégrer des camps de travail russes après la guerre. C'est l'histoire qui nous est contée ici, violente, une histoire de froid et de faim, de cruauté, de solitude pour un jeune homme arraché à sa famille.

Avec une écriture poétique et onirique, l'auteure montre le lent basculement dans la folie.

Un récit hypnotique et dur.
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La convocation

La convocation, du Virgina Woolf en moins bien. Voilà ce que je pourrais dire pour résumer mon sentiment après cette lecture poussive que je me suis forcée à finir. Le procédé est en effet un peu similaire à celui que Virginia Woolf inaugure dans Mrs Dalloway, le flux de conscience, par lequel l’auteur cherche à retranscrire les idées de ses personnages comme elles lui arrivent, de façon désordonnée, passant du coq à l’âne ou bien fonctionnant par association d’idées, sans intervenir en tant qu’auteur pour arranger ces pensées de façon cohérente, pour les hiérarchiser. Le procédé marche plutôt bien chez Virginia Woolf : même si ma lecture de Mrs Dalloway il y a moins d’un an a été un peu difficile, je l’ai trouvée intéressante et j’ai fini par y trouver un certain plaisir. Ici je me suis ennuyée de bout en bout, je n’ai vraiment pas compris quelle pouvait être l’intention de l’auteure dans ce roman.

Certes, ça ne doit pas être drôle de vivre dans un régime communiste de l’Europe de l’Est (on appelle cela un euphémisme), certes je n’aimerais pas être à la place de cette femme convoquée et reconvoquée pour ce que l’on pourrait considérer une broutille, mais je crois que ce livre ne m’a rien appris sur ce que c’est que de vivre dans cette situation, ce que c’est que d’être à chaque instant scrutée, ce que cela veut dire que les gestes anodins puissent avoir des répercussions pendant toute une vie. J’espérais comprendre un peu, ou du moins toucher du doigt, je n’ai vu qu’une femme somme toute plutôt pathétique, sans relief, sans avenir, dont les pensées vagabondent entre le présent et un passé plus ou moins lointain, mais où il semble plutôt que ce sont ses choix personnels ou ses petites lâchetés qui soient à l’origine de sa triste situation, sans que le régime y soit pour beaucoup au fond.

Un livre décousu, mais pourquoi pas, c’est une idée de construction qui peut tenir la route. Suivre une femme pendant son trajet en bus pour se rendre à sa énième convocation par la police d’Etat, et qui laisse ses pensées errer entre l’anticipation de cet entretien à venir, les entretiens passés et des tableaux de sa vie présente ou passée. Mais ici, c’est un livre décousu qui tourne sur lui-même, voir qui s’emmêle les pinceaux, sans que j’aie pu y trouver aucun sens ni aucun intérêt. Peut-être est-ce un livre qui parle plus à une personne qui a effectivement vécu de ce côté-là du rideau de fer. Peut-être beaucoup de choses sont-elles suggérées et n’ont-elles pas besoin d’être expliquée pour ceux plus proches de cette réalité. Pour la lectrice privilégiée que je suis, ce roman manque de contexte et je n’ai malheureusement pas été touchée par ce livre.
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Le renard était déjà le chasseur

J’ai refermé ce roman, impressionnée. D’abord par la langue de Müller, « d’une richesse poétique inouïe » (parfaitement bien résumée sur la quatrième de couverture d’un autre de ses livres). Cette écriture âpre, mais belle comme dans un conte, casse les codes de la composition lexicale pour raconter des vies dépossédées, sous l’emprise d’une dictature. La lecture est exigeante et je ne prétends pas avoir compris le sens de chaque phrase, mais j’ai saisi suffisamment d’éléments pour suivre le récit sans me perdre.



La première moitié du roman plante le décor dans une petite ville roumaine sans âme, par une série de tableaux souvent lugubres. Même la nature y apparait hostile. Le soleil est froid et les peupliers pointus projettent des ombres coupantes. Dans la seconde moitié, quelques personnages croisés auparavant de manière furtive s’extraient de cet environnement fantomatique. Certains, menacés par le régime, résistent à la peur, d’autres, du côté du pouvoir totalitaire, en profitent. Une découverte littéraire rare !
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La bascule du souffle

Leopold est embarqué dans un camp de travail en Russie en 1945. Nous suivons par petites tranches de vie son quotidien. C'est dur et froid.

Nous ne nous attachons pas au personnage principal qui se déshumanise et survit juste. Il n'y a plus d'affect seulement l'ange de la faim et le mal du pays.



J'ai eu beaucoup de mal à finir ce "roman " sans intrigue qui nous relate le quotidien de ces déportés dans des camps que nous connaissons moins bien que les camps de travail allemands. L'atmosphère est lourde et nous ne pouvons qu'être tristes de savoir que ça a existé.



Des termes allégoriques voire oniriques mais redondants, et en même temps 5 ans de travaux forcés difficiles cest indéfinissable.



Un livre pour ne pas oublier.
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La bascule du souffle

Description du camp, des corps, de la nourriture etc, on ne s'attache pas au personnage principal qui nous fait en somme une "visite guidée" et de plus morcelée car chaque chapitre a un thème. Non franchement je me suis ennuyé et ai lu la deuxième moitié en diagonal après avoir bien tiré pour lire la première.
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La bascule du souffle

Janvier 1945, Léopold a 17 ans lorsqu’il lit son nom sur la liste. Celle des roumains d’origine allemande qui sont condamnés par les russes à aller dans un camp de travail. Pour combien de temps ? Nul ne le sait.

Son crime et celui de ses codétenus : être allemands et donc voir soutenu Hitler. La Roumanie vient de capituler et, en attendant la fin de la guerre, est « sous autorité » russe.

Léopold ne se révolte pas et semble « presque » content de quitter son environnement familial (il est homosexuel et doit se cacher en permanence de sa famille et de tous : être homosexuel en Roumanie en 1945 est puni de mort alors être déporté dans un camp russe lui semble bien peu de chose…)

Pendant cinq ans, il va rester dans ce camp de travail.

Ce livre est dur, mais aussi très poétique.

Heureusement, l’histoire nous est racontée par Léopold 60 ans après : on sait donc qu’il a survécu à ces 5 années horribles où la faim est permanente, le travail harassant , les hivers glaciaux et les étés étouffants.

L’écriture d’Herta Muller est tout simplement somptueuse et réussit à transcender le sort de Léopold…et des autres …

Il s’agit à travers les yeux de Léopold de s’accrocher à la vie : Le camp n’est pas un camp « fermé » mais perdu dans la steppe, au milieu de nulle part : toute évasion à pied est impossible. Les « internés » peuvent aller mendier au village voisin ou troquer un peu de charbon contre de la nourriture.

Léopold y rencontre une vieille dame qui lui offre un joli mouchoir blanc (à lui l’ennemi) : elle a cru voir son fils (déporté en Sibérie).

Les chapitres sont courts, oscillant entre menus faits du camp et réflexions sur les changements provoqués par la vie du camp : Léopold s’émerveille d’un rien : un outil, « une pelle en forme de cœur », son travail à la mine « chaque tranche est une œuvre d’art », L’ »ange de la faim » revient harceler Léo, encore et encore. La faim dépouille cette misérable assemblée de toute humanité…

Leo sera libéré mais devenu un étranger parmi les siens (et pas vraiment libre puisque être homosexuel reste passible de la peine de mort…)
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La convocation

Belle écriture, poétique et évocatrice. Cependant, noyée dans trop de détails descriptifs, l'histoire en elle-même perd de son rythme.

Les "changements de tableau" à chaque paragraphe sont déroutants. Ils nous contraignent à nous remettre sans cesse dans le contexte de situations qui, de plus, sont relatées sans ordre chronologique.

L'auteure connaît son histoire. Moi, pas. Et cette façon de sauter du coq à l'âne est très déstabilisante car on entre à peine dans un sujet qu'elle en reprend un autre. Fatalement, on s'y perd et on "décroche" souvent.

En outre, entre délires poétiques, délires oniriques et délires tout court, certains passages m'ont été totalement abscons.

Pourtant, paradoxalement, ce livre ne m'a pas déplu mais il a, tout de même, fortement déçu mes attentes.

Prix Nobel de littérature 2009... j'ai dû surestimer mes capacités cognitives.
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Le renard était déjà le chasseur

L'écriture d'Herta Müller est déroutante. Sur des constructions simples - sujet+verbe+complément - elle greffe des images poétiques extrêmement fortes qui rendent parfois son texte obscur. Pourtant, il y a dans cette sécheresse une force incroyable, qui met en scène les personnages de cette Roumanie qu'elle décrit. La société totalitaire n'a que faire des adjectifs et des fioritures. Il ya aurait dans la forme comme la volonté de coller aux canons de l'art officiel et autorisé. Mais dans le sujet et l'absurde poésie qu'elle y glisse, la description est impitoyable. Je n'aime pas toujours son écriture, dans laquelle on n'entre pas facilement, mais Herta Müller est un auteur incontournabler de la langue allemande contemporaine.
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La convocation

Herta Mueller nous livre une plongée dans l'obsession, la perte des repères, la dépossession de soi.



Obsession de la personnage principale qui se rend à une énième convocation de la police politique. Perte de repères car la réalité et l'imaginaire vont se mélanger, s'entremêler. Notamment à la fin où elle mélange les lieux, les personnages... montrant l'angoisse qui monte à mesure qu'elle se rapproche du lieu de l'interrogatoire. Dépossession de soi, car elle ne saura plus qui elle est, si elle est saine d'esprit, de corps, ce qu'elle veut.



L'interrogatoire est mené par un homme qui joue au chat et à la souris avec elle, il joue le registre de la compréhension, de la séduction, des menaces. Tout cela concourt à lui faire perdre la tête. Mais il ne faut pas perdre la tête. Herta Mueller le lui fait dire à plusieurs reprises.



Elle est obnubilée par la mort de sa meilleure amie, exécutée. Ce qui lui pend au nez, à elle aussi.



Son compagnon perd pied, renvoyé de son propre boulot pour des broutilles. Elle aussi risque cela pour avoir mis quelques messages dans des pantalons qu'elle confectionne et qui partaient vers l'Italie. Et leurs connaissances sont aussi convoquées de temps à autre... c'est le régime de la terreur, qu'Herta Mueller connaît bien et qu'elle décrit simplement, à la perfection.



Le livre prend place sur le chemin de la convocation. Certain.e.s peuvent juger le livre décousu... le lecteur suit le fil des pensées de la personnage principale. Pensées angoissées, mortifères, noires... qui dénotent la persécution permanente, le lavage de cerveau, le doute de tout, et qui mélangent le passé et le futur, les vivants et les morts... en une sorte de prière pour que tout se passe bien (comme si les choses pouvaient bien se passer dans les locaux de la police politique).



C'est lourd, à sens unique, sans espoir, sans rayon de soleil, et cela m'a -quand même- gêné à la longue. Les seules échappatoires sont des variations sur la mort, finalement: alcool, suicide, folie... Cette folie qui monte petit à petit dans le cheminement des pensées de la personnage principale.
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La bascule du souffle

1945-1950 : Cinq ans de paix. Pour Léopold, âge de 17 ans, cinq ans de camp de travail forcé. Faisant partie de la communauté Allemande de Roumanie, il sera déporté pour contribuer à l'effort de reconstruction de l'Union soviétique, comme le seront tous ceux de sa communauté âgés de 17 à 45 ans. Il devra supporter la présence de l'ange de la faim. Celui qui lui fera manger l'immangeable, celui qui le fera rêver à la plénitude, celui qui sans cesse le promènera au bord du gouffre du manque. L'ange de la faim a-t-il été son gardien ? L'écriture d'Herta Müller est tranchante, et cisèle la dalle de béton sur laquelle Léopold est jeté. La raison se déshumanise, les objets s'humanisent. Là réside toute l'écriture poétique de l'auteure.Comment écrire l'indicible? Comment dire le retour, la frontière qui se dresse entre ceux qui "y étaient " et ceux qui ne peuvent pas imaginer ? Qui revient, quel est cette part qui ne revient jamais, qui est cet autre qui prend place dans le manque de nous ? Un témoignage bouleversant.



Astrid SHRIQUI GARAIN

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Animal du coeur

"Se taire, c'est déplaire, dit Edgar; et parler, c'est se ridiculiser."

Le roman commence et finit par cette phrase. Herta Müller, née dans la région souabe de la Roumanie (minorité germanophone), a vécu cette oppression de la dictature de Ceausescu. Ce roman est paru en 1994 en Allemagne et vient juste d'être édité en France. On y trouve une part de la vie de l'auteur puisque la narratrice est issue de la même région, elle est aussi fille d'un ancien soldat SS et elle est traductrice dans une usine roumaine.

C'est le roman d'une amitié entre la narratrice et trois jeunes garçons, Edgar, Kurt et Georg, réunis par le suicide de la camarade de chambrée de la narratrice. Ces jeunes vivent sous la peur constante d'être interpellés, poussés au suicide ou envoyés au cimetière. Ils voudraient témoigner de toutes ces morts suspectes, du mauvais traitement des prisonniers. Pour eux, c'est une perpétuelle méfiance, un harcèlement constant.

" On sentait le dictateur et ses gardes qui planaient au- dessus de tous les secrets des projets de fuite, on les sentait à l'affût, en train d'inspirer la peur."

Chaque lettre doit être codée et renfermer un cheveu témoin.

" Nous restions dépendants les uns des autres. les lettres contenant un cheveu n'avaient servi qu'à lire la peur de l'un dans l'écriture de l'autre."

Les fouilles de domicile, les interrogatoires sont permanents. Il n'y a que deux issues possibles, le suicide ou la fuite qui conduit très souvent à la mort.

Le roman est difficile car l'auteur utilise elle- même des codes de langage. Elle réinvente une langue où la mort est un sac, la noix, une tumeur. Des phrases et des mots viennent rythmer constamment le récit, on retrouve de manière récurrente les coiffeurs et les couturières, les moutons en fer-blanc (sidérurgie), les melons de bois (transformation du bois), les buveurs de sang(abattoirs).

Dans ce récit viennent aussi se mêler les souvenirs de l'enfant face à son père, les folies des grand-parents.

Sens cachés, métaphores, incursions compliquent la lecture du roman mais l'atmosphère est ainsi créée et le dénouement est particulièrement intense et émouvant.

Et l'animal de notre cœur, lui-aussi se met à remuer en nous.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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