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Critiques de Italo Calvino (687)
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Le Baron perché

Carrément perché c'est certain, le jeune baron du Rondeau se réfugia un jour parmi les branches d'un chêne du domaine familial, en guise de protestation contre les injonctions parentales. Puis les nuits succéderont aux jours, les ormes aux yeuses ou aux figuiers, et plus jamais le baron ne redescendra de son fabuleux territoire sylvestre.



Ainsi au fil des années suivrons-nous l'existence imaginaire et poétique de ce doux excentrique, peuplée de rencontres et de péripéties extravagantes, toujours perchée entre rêve et réalité.



Conte écolo avant la mode, roman d'évasion délicieusement burlesque, cette oeuvre originale en dit sans doute beaucoup sur son auteur et la distance particulière de son regard sur le monde.

« Eh bien… peut-être que je vis dans les arbres » admettait-il, un peu rêveur, lors d'un entretien* où on lui demandait s'il s'identifiait à son personnage...



Séduisante philosophie en effet que de s'affranchir de certaines contraintes sociales, s'en remettre à celles de la nature et prendre un peu de hauteur pour contempler le monde.



Allez, je file sur mon ginkgo biloba moi.





* https://www.ina.fr/video/I00018194




Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Si par une nuit d'hiver un voyageur

Fantastique et étourdissant exercice de style, donnant à lire l’éclatant talent d’un écrivain réussissant le tour de force d’en faire un roman.

Un livre « dont vous êtes le héros » (coucou Bernard) qui, comme chez Cortázar, n’a pas besoin de dés pour être joué.

Evidentes et permanentes mises en abîme, incarnées jusqu’au vertige que représente une histoire, de son début et de ses absences de fins.

Facilité du style, fine caricature, allant même jusqu’à préfigurer le post-exotisme à travers un chapitre révolutionnaire.

Torrent de superlatifs, certes, mais restant au final un exercice de style, rendant certains moments de lectures à la limite du décrochage… lorsque l’attention aurait besoin de suivi, et qu’un manguier devient la page d’après un palmier… on peut déraper…

Reste l’impression éclatante d’un livre indispensable, d’une évidence renvoyant la critique à son petit miroir de poche, rangée dans son coin, sagement.
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Si par une nuit d'hiver un voyageur

Si par une nuit d'été un lecteur vous raconte cette histoire, le croirez-vous ?

N'avez-vous jamais eu envie d'entrer dans un livre ? Vous me répondrez que lorsque vous aimez un livre, vous entrez dedans. Oui, mais entrer, au sens propre, qu'en est-il ?

Les livres sont des rencontres et les livres permettent de faire des rencontres. Ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre.

Ainsi il m'est arrivé une étrange aventure durant les vacances estivales qui s'achèvent. En séjour dans les Vosges, je décidai d'aller faire une visite au village du livre, Fontenoy-la-Joûte, à une quarantaine de kilomètres de là où je résidais, un village de 280 habitants qui ne compte pas moins d'une dizaine de librairies. Il y en a même dans des hangars... J'entrai dans l'une d'elle, Les Caractères, avec ma petite liste de pépites glanées sur le fil des commentaires d'une chère amie chroniqueuse de Babelio et la libraire se plut au jeu d'aller fouiller dans les dédales de sa boutique y compris jusqu'au grenier. Elle en trouva quelques-uns pour ma plus grande joie. Je lui évoquai alors ma recherche d'un livre du genre escape game, un livre où le lecteur devient le héros du livre... La libraire malgré sa bonne volonté ne semblait pas posséder ce type d'articles dans son achalandage. Expliquant ma demande, j'évoquai alors mon appartenance à Babelio, j'évoquai un challenge auquel je participais au sein de cette merveilleuse communauté.

Je n'avais pas remarqué qu'une jeune femme était entrée dans la boutique durant ma conversation avec la libraire et nous écoutait. Elle s'approcha de nous, esquissa un geste poli, presque gênée de couper notre échange, me fit un petit signe pour la suivre dans le labyrinthe des étagères. Elle semblait connaître le lieu par coeur. Nous nous retrouvâmes dans le rayon littérature étrangère, progressant jusqu'à la lettre C. Comme si elle connaissait la disposition des livres par coeur, elle sortit d'une seul geste à la fois vif et léger un livre qu'elle me tendit sous mes yeux étonnés avec un sourire ravi : « C'est celui-là qu'il vous faut, Si par une nuit d'hiver un voyageur, d'Italo Calvino. » Je me mis aussitôt à regarder la quatrième de couverture qui évoquait en effet « un livre dont le héros est le lecteur », tandis qu'elle avoua qu'elle fréquentait elle aussi Babelio. Quel est votre pseudo ? me demanda-t-elle. Berni_29. Ah ! Je vous connais. Et vous ? On est peut-être amis... ? Mon pseudo est L. mais je n'ai aucun ami sur Babelio. Aucun abonné, rectifia-t-elle en me délivrant un clin d'oeil complice. Je crois que c'est comme ça qu'on le dit maintenant. Par contre j'aime bien lire vos critiques, j'aime bien vous suivre, ajouta-t-elle, je les apprécie, à part celle de la Horde du Contrevent qui m'a mise en rage. Mais au moins, vous avez exprimé votre ressenti avec beaucoup d'originalité. J'ai même ri, j'adore l'humour... Et elle se mit à rire, d'un rire léger et voluptueux qui me troubla, comme le bruit d'une cascade qui semblait se déverser sur tous les rayonnages de la librairie. Je vous avoue que j'étais un peu gêné, troublé, émoustillé même. Je n'osais pas regarder la libraire, là-bas m'attendant derrière son comptoir... En toute confiance, je pris le livre, la remercia. Elle me dit : j'ai très hâte de connaître votre avis sur ce roman. Je lui répondis que j'espérais pouvoir rédiger une critique dès que je l'aurais lu, peut-être même avant la fin de mon séjour ici. Elle me griffonna alors un numéro de téléphone sur un papier qu'elle me tendit : j'aimerais bien avoir votre ressenti assez vite sans attendre votre critique... Elle disparut alors de la boutique avant même que j'ai pu tenter de poursuivre la conversation.

Le soir, connecté sur mon ordinateur et sur le site Babelio, je retrouvai le profil de L. qui disait peu de chose, un seul livre dans sa bibliothèque, qui était Si par une nuit d'hiver un voyageur et qui figurait d'ailleurs sur son île déserte...

Je me jetai sur les premiers chapitres du roman et je compris très vite que j'avais affaire à un livre hors du commun, dans tous les sens du terme, un roman où les codes traditionnels étaient cassés, avec cependant une architecture particulière, offrant une toute autre logique, liant des fragments de texte comme des récits interrompus d'une écriture classique et fluide, un mécanisme dont je m'appropriai rapidement les nouveaux codes.

Me voilà alors lancé à la poursuite de toutes les ombres qui peuplent à la fois cet indicible roman, celles de l'imaginaire et celles de la vraie vie. Et puis il y avait ce titre, comme une respiration suspendue au-dessus du vide, comme une phrase interrompue... Comme une blessure béante.

Mais d'emblée ce qui m'étonna le plus, fut de découvrir dès le début du roman l'évocation de la rencontre d'un Lecteur et d'une Lectrice dans une librairie, la conversation se faisant autour d'un livre intitulé Si par une nuit d'hiver un voyageur d'Italo Calvino. Et dans le récit, ils se promettaient tous deux de se rappeler pour évoquer leurs ressentis, la Lectrice allant jusqu'à donner son numéro de téléphone au Lecteur. J'étais sidéré. J'avais l'impression d'avoir déjà vécu cette scène à la différence près que « ma » lectrice avait une longueur d'avance sur moi : elle avait déjà lu le livre. Je décidai d'appeler aussitôt L., après tout... ! Je ne reconnus pas la voix au bout du fil. Ce n'est pas L., je suis sa soeur, Lotaria. L. n'est pas disponible. Vous pourriez lui dire de me rappeler ? elle ne sera pas surprise de mon appel. C'est au sujet d'un livre. Je ne sais pas pourquoi je crus bon de me justifier et le regrettai aussitôt. Ma soeur lit trop, dit-elle d'une voix froide. Les femmes qui lisent sont dangereuses. C'est pour cela que je filtre ses appels. Mais aussitôt il y eut un mouvement de voix à l'autre bout du fil et je reconnus alors la voix de L. Alors, vous aimez ? demanda-t-elle d'une voix enthousiaste. Oui, beaucoup, mais je voulais vous évoquer cette étrange coïncidence... Ne croyez pas tout ce qu'il y a dans ce livre, ne croyez pas tout ce qu'il y a dans les livres. Je lui dis que je ne savais pas où j'allais dans cette lecture, que j'allais à tâtons, que ce roman me procurait déjà comme une sensation de vertige, comme si je ne faisais que tomber d'un monde dans un autre. Je le lui dis. Alors elle ajouta : « Lire, c'est aller à la rencontre d'une chose qui va exister mais dont personne ne sait encore ce qu'elle sera. » Elle ajouta : Ce n'est pas de moi, Berni_29, c'est à la page 79 du roman. Je lui proposai alors d'en parler de vive voix en fixant un rendez-vous. Elle accepta à condition que ce soit dans une médiathèque... Et qui croyez-vous vint au rendez-vous ? Ce fut sa soeur. Elle était moins désagréable qu'au téléphone. Ma soeur était indisponible, dit celle-ci. Je connais ce roman aussi bien qu'elle. Nous l'avons lu toutes les deux maintes fois, nous l'avons même lu parfois à haute voix, ensemble, nous répondant d'une phrase à l'autre... Au-delà de ses vertiges et de son apparente incompréhension, ce texte est beau, d'une poésie totalement sublime.

Elle parlait de ce livre et je ressentais la même impression qu'elle.

Un livre façonné par ses mises en abyme.

Un livre aux multiples visages et aux multiples vertiges, crevassé d'abîmes sans fond.

Un livre qui ne cessait de s'interrompre, de rebondir et de recommencer.

Un livre fragmenté comme un puzzle, où le lecteur que j'étais dedans et en dehors du livre cheminait comme un couturier pour tenter de coudre tout cela.

Parfois les livres deviennent des dunes de sables emportées par le vent lorsqu'on les oublie ou qu'on ne prend pas soin d'eux.

Puis elle conclut. Ma soeur donne trop d'importance aux auteurs. Elle voudrait savoir d'où ils viennent, où ils vont, qui ils sont... C'était important pour moi qu'elle ne vienne pas à ce rendez-vous. Elle ne vous aurait pas dit cela... Elle vous aurait dit autre chose...

Le lendemain matin, je fus réveillé par des coups à la porte. J'ouvris, il y avait des hommes devant moi, gabardines noires, chapeaux noirs, visages et silhouettes sombres qui m'ont bousculé. Où est-il ? Qui ? le livre. Quel livre ? le livre que vous lisez en ce moment ? Je lis beaucoup de livres en même temps... Celui de l'Italien ! Je n'oublierai jamais ce visage plein de haine... Ils l'ont trouvé tout de suite sur ma table de chevet et m'ont embarqué aussitôt, avec le livre. Dans la rue, j'ai aperçu en face une voiture à l'arrière de laquelle une jeune femme pleurait, j'ai reconnu L. son visage légèrement penché vers l'avant, ses cheveux défaits, ses yeux noyés de larmes qui n'osaient me regarder.

Ils m'ont tabassé. Ils m'ont dit que l'exemplaire du roman que j'avais en ma possession était un faux. Ils voulaient trouver l'original. Ils m'ont questionné, où je me l'étais procuré... Ils m'ont questionné sans relâche. C'est quoi ce groupuscule auquel vous appartenez ? Lequel ? Babelio. J'ai ri, ils m'ont giflé. En passant de ma cellule au bureau du responsable de cette sorte de milice, j'ai aperçu derrière la vitre d'un autre bureau la libraire qui était interrogée, elle était terrorisée et puis dans un autre bureau il y avait L. le visage tuméfié, ensanglanté, comme si on l'avait frappée, rouée de coups... L'homme qui m'accompagnait me dit comme pour se justifier : « Les femmes qui lisent sont dangereuses. »

Ils ont fini par me libérer, ils m'ont même rendu le livre. Dans la cour de la prison, des livres brûlaient... Dehors L. m'attendait, son visage n'avait aucune séquelle, je ne comprenais rien. Elle m'embrassa sur la joue. Ne crois rien de ce qui existe dans ce livre. Je lui demandai : je voudrais comprendre qui tu es. Une lectrice. Mais nous ne lisons pas la même chose, nous ne lisons pas le même roman. Tu te souviens de ta critique de la Horde du Contrevent ? C'est donc pour cela que tu m'as dénoncé ? Non, je suis de ton côté, j'ai fait semblant d'être de leur côté, pour te sauver, j'étais une infiltrée, ils ne nous auront pas...

Elle chuchota en s'approchant au plus de mon oreille : « Je marche sur des fragments de monde éparpillés dans le vide ; le monde est en train de s'effriter. » C'est à quelle page ? Cherche, me dit-elle. Puis elle se sauva après avoir caressé mon visage comme pour s'en souvenir...

J'ai continué de marcher dans ce roman. N'avez-vous jamais fait cette expérience de mettre deux miroirs face à face et de vous situer au milieu ? Les miroirs se renvoient leur image à l'infini. On voudrait scruter l'un des deux miroirs pour tenter de voir une fin, mais c'est impossible. C'est ce vertige qui est le propre du roman d'Italo Calvino... Ce roman est un kaléidoscope qui fragmente et reconstruit des images, à l'infini.

Je savais que j'allais continuer de marcher dans les pages de ce roman avec beaucoup de surprise, je n'étais pas au bout de mes peines. Un passage m'avait totalement épaté :

« Parfois, il me vient un désir absurde : que la phrase que je suis sur le point d'écrire soit celle que la femme est en train de lire au même moment. L'idée s'empare si fort de moi que je me convaincs que la chose est vraie : j'écris la phrase en hâte, je me lève, je vais à la fenêtre, je braque la longue-vue pour contrôler l'effet de ma phrase dans son regard, le pli de ses lèvres, la cigarette qu'elle allume, le remuement de son corps sur la chaise longue, ses jambes qui se croisent ou qu'elle étend. »

J'étais au bord d'un lac, entouré par les sapins des Vosges. Je poursuivais ma lecture du roman et de temps en temps je notais des phrases pour ma future critique, des phrases qui me venaient à l'esprit et je me disais que ce serait une bonne idée de les mettre dans ma critique. Je les notais dans mon petit carnet à spirales. À plusieurs mètres de moi, une femme en maillot de bain lisait, elle venait de se baigner et à présent elle prenait le soleil, elle lisait un livre et je ne parvenais pas à cette distance à lire le titre, mais j'aurais juré que c'était le même livre que je lisais. Chose étrange, de temps en temps elle allait consulter son smartphone, elle passait de sa lecture au smartphone, de l'un à l'autre, comme on passe d'une rive à l'autre...

J'écrivis sur mon carnet que parfois je me posais cette question. Est-ce que nous passons à côté du monde en lisant, où est-ce une autre manière de nous ancrer au monde, de nous y adosser, en arpentant les pages des livres ? J'ai alors vu aussitôt la femme se redresser. Je savais dès lors que nous étions en connexion.

J'écrivis sur mon carnet que je ne pensais pas que les femmes qui lisent sont dangereuses. Je l'ai vu sourire, je vous jure... Je l'ai vu se détendre devant la beauté du lac où la forêt se mirait. Je l'ai vu se détendre dans sa beauté.

J'écrivis que je pensais qu'Italo Calvino avait écrit ici un roman qui dépassait l'exercice de style, l'expérience oulipienne, même si cela y ressemblait un peu, même si cela était la démarche initiale. Je la vis de nouveau se concentrer sur son smartphone, puis tendre son regard vers le livre tout près d'elle, elle eut un geste familier vers lui comme pour s'en saisir, comme vers un ami, puis revint tout de suite à son smartphone pour continuer de lire les messages que je lui adressais, rien qu'à elle peut-être...

J'écrivis qu'Italo Calvino était un écrivain que je trouvais humble, loin de la figure emblématique qu'on se fait d'un auteur et que tout ici était fait pour célébrer les livres et surtout ceux qui les lisent, les lecteurs, les lectrices... Les faire se rencontrer, se connecter, converser... Dire du bien des lecteurs, nous...

Je l'ai vue de nouveau se détendre...

Ode aux livres. Ode à la liberté. Ode à l'amour forcément.

Ode aux incipits et aux épigraphes.

Ode aux lectures interrompues.

Italo Calvino nous fait croire qu'au-delà de la page, c'est le vide... Parfois je le crois aussi, parfois je ne le crois pas.

La femme alluma une cigarette, son visage sembla se troubler, regarda au loin, vers l'autre rive du lac... J'étais trop loin d'elle pour voir ce qu'il y avait dans ses yeux, comme une eau pâle qui sy reflétait qui n'était plus celle du lac...

Puis j'écrivis qu'une femme lisait ces mots que j'écrivais tout en fumant une cigarette et que ses jambes se croisaient et se détendaient au fur et à mesure que j'écrivais ces mots, que je la trouvais belle, qu'un chagrin peut-être ancien l'étreignait encore... Elle eut alors un sursaut et se retourna, se releva même, balaya autour d'elle le paysage dans lequel j'étais, mais j'étais déjà dans le paysage d'Italo Calvino, j'étais donc invisible, elle ne pouvait pas me voir.

C'est alors que mon smartphone sonna. C'était L. qui me disait qu'elle quittait la région, qu'elle avait supprimé son compte sur Babelio, elle me disait de ne jamais croire à cette histoire que j'avais vécue, elle me disait qu'elle attendait avec impatience la publication de ma critique. Tu parleras de moi ? Oui, lui répondis-je. Elle me répondit : si j'aime ta critique, tu le verras désormais dans les appréciations des anonymes de passage... Les femmes qui lisent ne sont pas dangereuses, sauf contre les barbares... Ou plutôt, oui les femmes sont dangereuses, retiens plutôt cela... Je veux être une femme dangereuse contre le malheur du monde...

Le soir-même j'ai tenté de l'appeler, mais visiblement le numéro ne correspondait à aucun abonné.

Plus tard le soir j'ai poursuivi ma lecture jusqu'au bout. J'ai compris alors le sens de tout ce texte, j'ai vu l'ensemble du puzzle se réunir, j'ai vu la phrase se poursuivre, se couturer, se déplier comme une vague, celle suspendue au-dessus du vide, mais il n'y avait plus de vide. Comme une partition courant vers la note finale. Il ne restait qu'un roman à peine inachevé. Et un texte grandiose qui dépassait tout, devenait grand, plus grand que nous et nous donnait vie et sens à nous lectrices et lecteurs...

J'ai conscience que ce roman pourra autant enchanter les uns que rebuter les autres.

J'ai alors pensé à cette jeune fille qu'évoque Italo Calvino et qui ne cessait de lire durant sa prise d'otage dans cet aéroport. Lire, est-ce une absence au monde ou s'abandonner au monde ?

Si par une nuit d'été un lecteur vous raconte cette histoire, le croirez-vous ?

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Si par une nuit d'hiver un voyageur

Comment écrire et comment décrire ce roman ?

Si j'avais 1/10ème du talent d'Italo Calvino se serait facile.

La 4ème de couverture dit " un livre dont le héros est le lecteur ".

C'est l'histoire d'un lecteur et d'une lectrice, se sont dix récits dans un récit, c'est un labyrinthe où j'ai aimé me perdre, un voyage initiatique à travers l'imaginaire de son auteur.

Ce livre se déguste, se savoure, prenez le temps, découvrez ce paysage aux mille facettes , véritable kaléidoscope de style .

Je ne peux pas vous en dire plus, à vous maintenant de découvrir ce roman.

Si une nuit d'hiver un voyageur vous parle d'Italo Calvino, n'hésitez pas foncez.

merci à FX de m'avoir conseillé ce roman.
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Le Baron perché

Quand l'amour (qui comme chacun sait, donne des ailes) vous fait grimper aux arbres... et n'en redescendre que pour vous mettre (très momentanément) aux pieds de votre bien-aimée....

Entre conte philosophique et aventures à la Munchausen, ce livre admirablement écrit, se dévore d'un bout à l'autre. Sorte de Voltaire italien, Calvino met ici en valeur l'esprit des lumières, à travers l'histoire assez délirante d'un homme de la fin du XVIIIème qui, passé l'enfance, ne vivra plus que dans les arbres.

C'est d'ailleurs un très bel hommage aux arbres que ce livre ! On vole de branche en branche, de feuillage en feuillage, d'arbre en arbre, de saison en saison, et pour finir, on voit notre baron disparaître dans les airs, aussi mystérieusement que dans ses apparitions. Homme-oiseau, homme-mystère, héros quasi légendaire dans son pays, autant respecté que redouté, Côme finira comme il a vécu : au-dessus de la médiocrité et des pesanteurs terrestres.

Un très bon moment de lecture, aussi désopilant que suscitant des reflexions sur notre façon de vivre et sur notre rapport au monde.



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Si par une nuit d'hiver un voyageur

Je suis très perplexe, presque honteuse car je lis ici dans l'ensemble de bonnes critiques de ce roman, or je n'ai pas pu le terminer. Je me suis accrochée pourtant, j'ai fait des efforts, me suis encouragée à poursuivre ma lecture, mais j'ai abandonné à la page 125. C'était trop pour moi. Trop confus, trop compliqué, trop embrouillé, trop intellectuel certainement n'ayons pas peur des mots. Je suis déçue pour deux raisons : je déteste abandonner un livre en chemin (cela est exceptionnel), et j'espérais vraiment avoir du plaisir à découvrir ce Calvino. Je suis passée à côté. Dommage. J'avais tant apprécié sa trilogie "Les ancêtres" (surtout Le baron perché). Je reste là sur ma faim, avec un goût amer en bouche. Le titre m'attirait "Si par un nuit d'hiver un voyageur", prometteur de superbes découvertes littéraires, mais un roman ne se résume pas seulement à son titre. Je ne remets pas en cause le talent littéraire d'Italo Calvino, l'écriture est bonne, c'est le style du roman qui ne me convient pas. Cette rencontre manquée restera un de mes grands regrets.
Lien : http://araucaria.20six.fr
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Le Vicomte pourfendu

Oyez, braves lecteurs ! Approchez un peu que je vous narre cette histoire étonnante... Celle d'un personnage inouï, le Vicomte pourfendu.

Or donc, le vicomte Médard de Terralba, chrétien convaincu, partit combattre en Bohème les méchants turcs parce qu'ils étaient d'une toute autre religion, non mais quoi ?!

Le vicomte revint quelques temps plus tard, mais pas tout entier ; lors d'un combat terrible, un obus le coupa en deux. C'est donc une moitié, une des deux moitiés qui revint au bercail, et visiblement pas la meilleure... Celle de droite.

Ainsi s'en retourne au pays le vicomte tant attendu, - cela dit, seigneur reconnu comme ni bon ni mauvais par ses sbires -, mais voilà ce n'est pas vraiment celui qu'on attendait. Certes, c'est une moitié de lui-même qui arrive, c'est-à-dire précisément la partie droite comme je l'ai dit. Mais il s'avère très vite que cette moitié d'homme est odieuse, cruelle, égoïste, sans pitié pour les autres comme pour les siens.

J'ai été ému par cette scène touchante, sans doute l'une des plus belles pages du récit, où son père, pris de chagrin, s'était enfermé de lui-même dans une volière d'oiseaux, attendant éperdument son fils parti à la guerre, craignant pour le sort de ce dernier, désespéré.

Le vieil homme était presque devenu fou à force d'attendre parmi les oiseaux. Il n'était déjà plus de ce monde. Lorsque son fils revint de la guerre, ce dernier l'ignora, le père lui envoya alors un oiseau comme messager, une pie-grièche grise, le fils crut bon de tuer simplement l'oiseau qui l'agaçait...

La portée de ce texte tient aussi dans ces pages.

Le narrateur est le neveu du vicomte, tour à tour fasciné et terrifié par cet oncle qui n'est plus que la moitié de lui-même, et quelle moitié... Un enfant qui devient homme dans ce regard vers un homme cruel qu'il attendait comme un messie, un enfant perdu dans les feux-follets des cimetières...

C'est lui qui nous raconte cette histoire surprenante, celle d'un vicomte fantastique. Mais bientôt, une autre moitié surgit, l'autre moitié du vicomte, celle-ci se distingue par deux signes : il s'agit de la partie gauche, mais aussi elle offre des élans d'une immense générosité, parfois excessive à telle point qu'elle finit par indisposer les habitants de la région.

Voilà Italo Calvino comme on l'aime, nous entraînant dans son récit à la fois onirique et ironique... Un récit qui tient du conte, mais pas tout à fait, ou pas seulement... Comment passer du conte au vicomte, comment passer de l'histoire au sens qu'elle possède ou plutôt le sens qui est révélé par la lecture de ce récit.

Mais nous connaissons ce diable d'écrivain qu'est Italo Calvino, ce diable de conteur qui nous a naguère invité à grimper dans les nues, dans les arbres, prendre de la hauteur. Ici encore le mécanisme narratif est le même. Nous élever, prendre de la hauteur face au récit, à sa douleur, à son horreur.

À l'enchantement aussi...

Car l'horreur il y en a, presque à chaque page, presque à chaque fois que le vicomte prend son cheval pour visiter l'espace qu'il domine. À quelques lieux de là, il y a comme un ghetto, un village replié sur lui-même où vivent des lépreux... Une autre horreur...

Tandis que l'autre face du vicomte apparaît, le visage du bien, l'autre face de nous-même, il nous vient l'envie de se toucher les membres, les côtes, le visage, les yeux, le cerveau, toucher aussi l'envers de nous-même, si c'est possible, mais oui c'est possible puisqu'Italo Calvino nous rend possible des choses apparemment invraisemblables.

Pourrions-nous ainsi identifier à l'intérieur de nous le bien du mal, car tel est le propos d'Italo Calvino, qui s'est donné le peu de mal qu'il fallait pour délivrer ce bien précieux qu'est ce très beau texte ?

Comment, au final, accepter ces deux versants qui vivent en nous, s'affrontent, sommeillent en nous, couturent nos vies, le bien, le mal, et tout ce qui va avec... Sans doute l'originalité du propos ne consiste pas à opposer les deux versants, mais à montrer, ô originalité, que le bien peut parfois être excessif et ne pas produire ce qu'il cherchait à faire...

J'ai trouvé ce texte incroyablement universel, sublime, intact, inattendu à chaque page...
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Leçons américaines

Essai où il est brillamment question de littérature.





D'Italo Calvino j'ai lu 4 romans : le baron perché, le chevalier inexistant, le vicomte pourfendu et Si par une nuit d'hiver, un voyageur. Je les ai tous aimés avec une préférence pour les deux premiers, particulièrement séduit par l'imaginaire de cet auteur, ses récits métaphoriques, la légèreté et la concision de son style. Aussi voyant à la bibliothèque, cet essai préparatif à six conférences étayant sa vision de ce que devrait être sa (la) littérature pour le troisième millénaire, je n'ai pu résister.





Surprise ! Quelle profondeur dans la réflexion, et quelle étendue dans la connaissance de la littérature, en pas moins de quatre langues, qu'Italo Calvino parcourt au galop suivant des axes différents. Il suggère rien moins que la littérature se doit d'être la pierre philosophale capable de transmuter le lourd mercure de la pensée en ce messager ailé des dieux et que l'art du récit tantôt marchant à pas comptés, tantôt chaussant ses bottes de sept lieux, devient littérature quand celle-ci coule le temps sur le papier.





Le temps littéraire est celui que tout un chacun peut expérimenter un beau jour début de printemps en prenant le soleil sous un ciel moutonneux. Peu importe la couleur des nuages et leurs reflets bleutés, seul compte l'intervalle de lumière entre deux ombres qui se capte par tous les pores. La rêverie n'a point tant pour objet la forme des nuages que la vitesse et la direction de leur déplacements pour anticiper la prochaine onde de chaleur bienfaisante. Invariablement le temps de la lumière apparait plus court que celui des sinueuses divagations du passage d'un nuage dont l'apport principal est l'excitation dans l'attente d'une nouvelle exposition aux rayons du renouveau.





Car la littérature se doit de viser à la fois à l'universalité et à l'immortalité. Et Italo Calvino de tracer pour nous les chemins les plus appropriés dans cette quête dans l'espoir d'atteindre ce but chargé d'absolu. Il nous partage simplement une immense érudition. Hautement recommandé pour tout grand lecteur qui rêve secrètement d'un jour pouvoir élégamment transmettre ses pensées par écrit et les ancrer durablement dans l'esprit de celles et ceux qui le suivent. Des pistes déjà empruntées par d'illustres écrivains pour frapper d'éternité les signes de leurs déambulations sur les parois du labyrinthe de la grande pyramide de la pensée humaine et nous offrir ainsi des clés pour décrypter les mystérieuses énigmes du sphinx qui lui fait face. Et c'est magie que de le faire en empruntant la plume de Maât pour conserver en parfait équilibre la légèreté de l'âme.





Epoustouflant savoir accumulé au cours d'une vie.

A relire,

avant de soi-même, ...

"In Calvino veritas"
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Les villes invisibles

Les Villes invisibles d’Italo Calvino ne sont pas du tout un roman simple, ni une œuvre commune. Ni vérité, ni mensonge, finalement qu’est-ce qu’une ville dans notre imaginaire ?



Marco Polo tient ambassade auprès de Kublai Khan, grand empereur des Tartares. Parlant des villes qu’il a rencontrées, dont il a rêvé ou qu’il imagine dans le passé, dans le présent ou dans le futur, il nous raconte à sa façon une cinquantaine de villes toutes aussi étranges et merveilleuses les unes que les autres. Clairement, Marco Polo se place en observateur de ces espaces urbains et n’a de cesse de nous rendre compte de leurs aspects les plus concrets. Les discours entre les deux protagonistes viennent rythmer les chapitres clairement inégaux et difficiles d’accès, c’est pourquoi je conseille de lire cet ouvrage d’une traite.

En utilisant à plein cette variation urbaine sur le thème du Livre des merveilles de Marco Polo, Italo Calvino cherche à nous enseigner que le chemin le plus court vers ces villes n’est jamais celui que nous croyons. En usant presque aléatoirement d’additifs indispensables et inhérents aux villes (la mémoire, le désir, les signes, les échanges, le regard, le nom, les morts et le ciel), il nous emmène à la rencontre de villes imaginaires qui se révèlent être fortement proches de celles que nous connaissons. Il alterne également avec quelques visions plus spécifiques comme les villes effilées, les villes continues et les villes cachées, qui lui permettent de venir progressivement aborder les métropoles et mégalopoles contemporaines sur lesquelles il finit, en fait, par discourir.

Il me manque sûrement au moins un niveau de réflexion pour pleinement apprécier cet ouvrage atypique et pour en cerner la véritable portée. Toutefois, de par mes quelques recherches en géographie urbaine, je peux me permettre quelques parallèles avec, par exemple, la théorie des espaces dans la ville, par Guy Di Méo qui voit la création de certains lieux spécifiques en fonction de notre psychologie et de notre rapport à l’espace (espaces genrés par exemple) ; de même, je ne peux m’empêcher de penser au « génie des lieux » de Jean-Robert Pitte, qui voit dans chaque lieu un espace spécifique au développement d’une nouvelle forme géographique spécifique. De la même façon, et pour sortir un peu de la géographie, il suffit de faire le parallèle avec les extraterrestres dans notre imaginaire : ils sont bien souvent (voire toujours) le fruit de nos visions anthropomorphisantes, de telle façon que nous cherchons toujours à retrouver ce que nous connaissons dans ce que nous découvrons.



En conclusion, je dirais qu’avec ce roman, atypique s’il en est et ô combien compliqué à véritablement cerner, Italo Calvino a sûrement, et avant tout, voulu insister sur le fait que les villes ont toujours été, sont par essence et seront encore demain des conteneurs de pensée où nous déversons notre propre inconscience. Par une prose volontairement complexe et onirique, presque faite pour perdre le lecteur, cet auteur italien a au moins le mérite de nous donner des clés plus ou moins claires pour développer notre imaginaire dans de nombreuses directions. À découvrir, mais surtout à relire posément !



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Le Baron perché

J'ai adoré ce livre, tout comme le Vicomte pourfendu. L'idée même du héros perché dans son arbre toute sa vie résume l'intention de ce conte philosophique, déroulé par Italo Calvino avec cette vive intelligence qui, sous des apparences rationnelles, interroge le sens des choses jusqu'à les pousser vers un absurde empreint de poésie.

Perché sur son arbre, le Baron prend de la hauteur et se rebelle, examine sous un autre angle les événements de son temps, ses conquêtes, ses amours, ses rencontres. Il y a du Petit Prince dans ce Baron perché. Notamment, un fort rapport à la nature et un questionnement humaniste. Dans ce pays imaginaire, miroir boisé d'une Italie septentrionale de la fin du XVIIIème Siècle, le Baron vit mille aventures et, décalé de ses contemporains, échange avec eux des mots sages et fous à la fois, comme Don Quichotte... L'écriture est vive, agréable, précise aussi ; cette oeuvre fait partie pour moi de ces livres qui continuent de nous parler après qu'on les ait refermés. A découvrir d'urgence.
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La Journée d'un scrutateur

Voici ce qui me reste de cette lecture ancienne, en quatre mots-clés :

*AMOUR : ce qui s'échappe, ce qui semble certain un moment puis redevient destiné à Liverpool. L'amour est anglais.

*POLITIQUE : le constat est assez désespérant sur son utilité, cela changera bien peu de choses à Cottolengo, à la Cité.

*COMPASSION : celle que gagne Amerigo mais à laquelle il ne peut s'accrocher : il comprend pour un instant ce « qu'il faut exiger de la société » et ce qu'il faut atteindre « par soi-même ».

*ÉPIPHANIE : comme celle que Calvino refuse.
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Le Baron perché

Ce livre se trouvait sur ma table de nuit depuis un petit moment. Exemplaire offert par l'éditeur et le cercle de l'enseignement. J'appréhendais un peu m'imaginant une lecture scolaire "obligatoire".



Ayant repris le chemin du boulot et donc le train train quotidien j'ai embarquée à bord de mon TER ce poche à la couverture artistique.



Je ne savais pas trop à quoi m'attendre mais finalement j'ai bien apprécié cette lecture.



L'histoire est celle d'un jeune homme de noble famille qui à la suite d'une dispute familiale décide de s'exiler sur les arbres. Il s'affranchit ainsi des règles instaurées par sa famille.



Côme de Rondeau devient ainsi Le baron perché. Titre du livre le baron perché peut se lire de deux manières au propre comme au figuré. Ne dit-on pas de quelqu'un qu'il est perché quand celui-ci débloque un peu voir beaucoup !



L'histoire du baron est racontée par son petit frère. Celui-ci va nous relater la vie de son grand frère Côme. Il est le relai des anecdotes elles-mêmes contées par son frère et donc soumises à des fluctuations de véracité.



La nature est au cœur du choix de vie de Côme, il fait littéralement corps avec elle.



On voit dans ce livre une critique de la société. Le baron perché n'a pas son pareil pour pointer ça et là les dysfonctionnements de la société. Le baron prends de la hauteur et invente une société nouvelle avec ces propres règles, il fait partie également ne nombreuses associations, de celles qu'il trouve utiles à la vie en société.



Une chose qu'il ne maîtrisera pas et pour laquelle être sur les arbres lui sera difficile, son amour pour Violette. Cette fillette et cette jeune femme lui donneront mille tourments mais également mille bonheurs. C'est l'amour en somme.



J'ai beaucoup aimé les descriptions de la nature tout en haut des arbres, j'ai aimé ce regard décalé sur la société et ses us et coutumes.



Le baron est certes fantasque mais il nous donne à apprendre, à nous élever. Il mets d'ailleurs dans ses arbres des bibliothèques et aime lire et aussi écrire.



Mon livre est parsemé de marque pages. Une lecture que j’appréhendais à tord, la classant dans les lectures "scolaires " !



Quant à vous n’hésitez pas,

perchez-vous avec le baron à la cime des arbres.

Et de là-haut j'en suis sure vous verrez plus loin.
Lien : http://imagimots.blogspot.fr..
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Le Vicomte pourfendu

Depuis son horrible blessure, acquise pendant la guerre avec les Turcs, le vicomte Médard de Terralba est animé d'une furie pourfendeuse. A son image, il coupe en deux tout ce qui croise infortunément son chemin. Par ce geste barbare, il fait oeuvre bienfaisante, estimant que la moitié restante est « mille fois plus profonde et précieuse que la partie perdue » (il prêche sans aucun doute pour sa paroisse).



Mais bientôt, certains témoignent avoir vu celui qui sème le mal partout agir avec bonté (le gentil avec sa morale contraignante n'est-il pas pire que le mauvais ?) – puis de nouveau revenir à ses anciens penchants. Dans cette confusion, la jeune bergère dont il est amoureux est la seule à avoir compris la double nature de Médard.



Le vicomte pourfendu, parabole ironique et jubilatoire, pointe la dualité de l'homme, celle qui le fait hésiter entre le bien et le mal. C'est dans la nature humaine d'être ambivalente, « un mélange de bonté et de méchanceté » comme le souligne si justement le facétieux et philosophe Italo Calvino.
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Le Vicomte pourfendu

Le vicomte Médard de Terralba prend part à une bataille contre les Turc et se retrouve coupé en deux par un boulet de canon. Ses deux moitiés continuent à vivre indépendamment, l’une semant la terreur dans le comté, l’autre faisant le bien. Un surprenant roman plein d’humour (noir) qui revêt des allures de conte philosophique. Me penchant sur la carrière d’Italo Calvino, je peux lire qu’il fut un écrivain réaliste, un fabuliste et un philosophe. A travers ce conte fantastique, il nous apporte une réflexion sur l’être humain, non pas une vision manichéiste qui voudrait que le bien existant chez l’homme vient du ciel et le mal des ténèbres les deux à l’origine d’un combat permanent, mais plutôt un constat : l’homme possède en lui le bien et le mal qui l’équilibrent, l’un n’allant pas sans l’autre : c’est ainsi que le « mauvais vicomte » dit « l’infortuné » récolte la haine des villageois pour sa méchanceté et son injustice, le « bon » créée des tensions (Il n’est pas si facile d’être la bonté même)

J’ai commencé par prendre beaucoup de plaisir lors de la lecture, d’abord parce qu’Italo Calvino manie l’humour noir en virtuose, ensuite parce que je me suis attachée aux personnages, enfin parce que je me suis bien demandée comment allait finir cette histoire qui m’a donné envie de lire encore d’autres œuvre de ce grand écrivain.


Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Les villes invisibles

Après le truculent Marcovaldo puis l'extravagant Cosmicomix, je suis reparti avec Italo Calvino dans l'intrigant et exigeant Les villes invisibles.

Elles sont cinquante-cinq, ces villes de rêves aux états multiples: Elles sont issues des rêves, des passions, du temps et de cent autres éléments qui signent leur singularité dans un atlas des mots que déroule l'auteur.

Chaque ville est une surprise pour le lecteur-voyageur, qui la quitte pour la suivante. Il y découvre, le lecteur, des fragments de ses songes obsédants et des bribes de ville qu'il connaît pour s'y être rendu en vrai ou y vivre, pourquoi pas.

Ce livre, atlas en prose, est une invitation à continuer le voyage, l'itinéraire, avec ses propres villes à soi... À être l'empereur de terres inconnues ou/et le voyageur sans relâche qui se pose un temps ou fait escale pour tenter de raconter, de dire le difficilement exprimable.

Et, qui de plus appropriés qu'un empereur de Chine et un marchand vénitien pour deviser, entre les villes, de ces autres villes!?.. Dialogues du soir, entre les soieries, fait d'objets, de mots et de parties d'échec.

Et je sais que lorsque je rêverai d'une ville familière ou fantasmée, elle sera au moins en partie de ces cinquante cinq villes que Italo Calvino m'aura dévoilé. Cela, c'est un cadeau inestimable de ce magicien des lettres italiennes.

Oserais-je dire, j'ose, que Les villes invisibles s'il n'est pas indispensable me paraît essentiel et que j'envie déjà ceux et celles qui ne l'ont pas encore lu.
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Palomar

Étrange personnage (avatar?) d'italo Clavino,

Que Monsieur Palomar, cousin pointilleux de certain Marcovaldo.

Monsieur Palomar observe, scrute, s'interroge et... se prend un peu les pieds dans le tapis.

Ses errances minutieuses dans le regard, embrassant un pré, un congrès d'étourneaux ou le mouvement des vagues ont je ne sais quoi d'obsédant, mais, en même temps, de tellement familier.

Qui ne se sent proche de Palomar lorsqu'il regarde le gorille albinos dans son enclos ou chausse une paire de pantoufles dépareillées?

Les constructions de Palomar s'effondrent et ses intuitions se diluent lorsqu'elles ne s' anéantissent pas... Comme une sorte de derisoire vertigineux.

Serait-ce-là notre humaine condition? Et monsieur Palomar peut-il envisager sa fin sereinement?

Livre grave et profond, parsemé d'un humour léger, Palomar m'emmenait

dans une promenade bizarre avec, quelque fois, mon double. Perturbant.
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Le Vicomte pourfendu

Ceci est un conte philosophique.

Gênes, XVIIIè siècle. Le narrateur est le neveu orphelin du vicomte Medardo qui est parti à la guerre contre les Turcs, une longue guerre qui oppose les Turcs à l'occident depuis la prise de Constantinople par les Turcs.

Sur le champ de bataille, Medardo est pourfendu en deux, de la tête à l’entrejambe.

A force de points de sutures, les médecins parviennent à guérir la partie droite du vicomte. Celui-ci revient sur un cheval et avec une béquille. Revenu dans son domaine de Terralba, à Gênes, il commet toutes les injustices possibles, et condamne beaucoup de ses sujets à la pendaison.

Les huguenots l'appellent « le Piètre ».

Mais la partie gauche du vicomte, abandonnée sur le champ de bataille, est récupérée et soignée avec des baumes par un ermite.

Lui aussi, équipé d'une béquille, revient sur une mule dans son domaine.

Il n'a pas encore rencontré le Piètre, mais fait de bonnes actions auprès de ses gens.



Que va t-il se passer quand les deux moitiés de vicomte vont immanquablement finir par se rencontrer ?



Ce conte, agréable à lire, me fait penser à Don Quichotte, mâtiné de l'ironie de Voltaire !

Il me fait aussi penser au superbe conte de Louis Stevenson : « Docteur Jekyll et Mister Hyde ».

« Tu n'savais pauvre de toi qu'il y avait du Mr Hyde en moi.

Je n'savais pas pauvre de moi qu'il y avait du Mr Hyde en toi. »

Le mariage de Pamela est une situation molièresque de quiproquo !



Mais ce conte pose surtout, et là je connais certains babeliotes que cela intéresse, le débat philosophique du bien contre le mal.

Les deux parties du vicomte souffrent, c'est le moins qu'on puisse dire, de cette blessure physique.

La souffrance...

Comment réagit-on à la souffrance ?

La souffrance, je pense, peut être une source du mal :

on se dit, inconsciemment : « Moi je souffre ; ce n'est pas juste que les autres ne souffrent pas aussi. »

C'est le raisonnement plus ou moins conscient du Piètre.

Mais d'un autre côté, comme l'a montré l'excellent Boris Cyrulnik avec son concept de résilience, l'homme blessé ( moralement ou physiquement ) peut considérer cette blessure comme un épreuve qui lui permet de « grandir ».

C'est le raisonnement pleinement conscient et réfléchi du Bon, la partie gauche du vicomte.

Et là, je pense aussi à un de mes films préférés : «  Le Bon, la Brute et le Truand ».



Sur le « bien » ou le « bon », on parler du « mieux ».

Je lisais la critique d'un babeliote sur un livre du philosophe Olivier Reboul.

Celui-ci parle du « mieux ».

Mais je soulève le problème des définitions des concepts :

le « mieux » lui-même est il une valeur universelle ?

Le mieux pour Thomas More concerne l'ensemble de la société ;

le mieux pour Henry VIII concerne son confort personnel, et la proposition de Thomas More l'incommode.

Le mieux pour Stefan Zweig est l'arrêt de la guerre ;

le mieux pour Adolf Hitler est la suprématie des Aryens.



Le ver est dans le fruit depuis la nuit des temps ; n'est pas un homme cardinal, ou un loup qui veut:)
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Le chevalier inexistant

"Agilulfe Edme Bertrandinet des Guildivernes et autres de Carpentras et Syra est, sans conteste, un soldat modèle ; mais tous le trouvent antipathique". Voici ce que consigne Soeur Théodora dans son manuscrit. Et lorsque Charlemagne passe ses troupes en revue, c'est avec stupeur qu'il découvre que l'armure est vide. Pourtant, ce preux chevalier semble bien exister puisqu'il combat, donne des ordres et veille à la discipline...

La nonne va ainsi mettre en scène des personnages fantasques, comme Gourdoulou, qui s'identifie à tout ce qu'il rencontre. Une scène est particulièrement cocasse : cet homme voit des canards. Il se jette alors à l'eau tout en poussant de tonitruants "coin coin" ! Bien entendu, il deviendra l'écuyer d'Agilulfe, formant ainsi son opposé.



Italo Calvino nous plonge, à travers la plume de Soeur Théodora, dans le monde médiéval. Cependant, s'il parodie avec brio les genres de l'époque, il n'en reste pas moins que sa réflexion va plus loin. Ainsi, il s'interroge sur l'identité à travers l'étroite imbrication de la fantaisie et du réalisme.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Ermite à Paris - Pages autobriographiques

Entrer dans l'intimité d'un auteur à l'œuvre complexe et intimidant qui suscite mon admiration depuis toujours, avec la surprise de découvrir que le "conteur fantastique" est un homme simple, les pieds sur terre, de surcroît, intelligent, lucide, humble et à l'humour espiègle, est une aventure formidable; une aventure aussi vécue avec Samuel Beckett ( ref.Beckett de James Knowlson), un autre génie littéraire.



Rassemblés par sa femme Esther Calvino, c'est un recueil de dix-sept textes déjà parus dans divers publications, d'un inédit -le "journal américain"- et d'un récit publié à Lugano à tirage limité -"Ermite à Paris"-.

Le "journal américain", tenu " à l'usage des amis", durant son séjour à NewYork et ses pérégrinations à travers divers États de novembre 1959 à mars 1960, sont les impressions d'un italien à la découverte du Nouveau Monde, mais aussi un témoignage intéressant sur les milieux littéraires, intellectuels, politiques de l'époque en général, où l'on croise beaucoup de noms familiers ,comme Malamud, Roth, Steiger Wallace, Arthur Miller....Tantôt avec une ingénuité feinte, saupoudrée d'humour, tantôt avec un esprit critique aiguisé, il nous rapporte des détails croustillants de ses observations de l'époque, dont l'apogée est une journée en Alabama (" C'est une journée que je n'oublierai pas tant que je vivrais. J'ai vu ce qu'est le racisme, le racisme de masse, accepté comme une des règles fondamentales de la société" p.143).



Dans les autres textes du recueil, dont la majorité des entretiens avec des journalistes italiens, Calvino nous livre d'autres époques de sa vie et façades de sa personnalité et de son univers d'écrivain.

Considéré disciple de Cesare Pavese , il doute de mériter ce titre ( " je me lance dans des chemins risqués, en essayant toujours de m'en sortir par une force " naturelle". Pavese, non; il n'existait pas une "nature" de poète pour lui: tout était une rigoureuse autoconstruction volontaire, il ne bougeait pas en littérature sans être sûr de ce qu'il faisait " p.157).

La lecture de Pinocchio à six ans et celle de l'Amérique de Kafka à vingt-trois ans seront les deux bouts de sa première formation décisif de sa vie d'écrivain , qu'il définit comme "aventure et solitude d'un individu perdu dans l'étendue du monde, allant vers une initiation et une construction intérieure". Plus tard,Edgar Allan Poe sera celui qui l'influencera le plus non seulement dans le domaine américain ,mais en un sens absolu, " parce qu'il s'agit d'un écrivain qui dans les limites du récit, sait tout faire.....un auteur aux possibilités illimitées".



Calvino nous parle aussi de sa jeunesse sous le fascisme et ses idées et activités politiques. Témoignages qui montrent une fois de plus que la cruauté et la bêtise humaines, la manipulation des masses sont de toutes les époques. L'histoire se répète, seul la forme change....le fond reste inchangé.



Issu d'une famille bourgeoise non conformiste originaire de Ligurie, née à Cuba et d'adoption turinois , Calvino est un homme de gauche dont douze années d'appartenance au Parti communiste italien qui se terminera en 1957, suite à l'entrée des chars russes à Budapest en 1956. Calvino, souffrant "d'une névrose géographique", sa quête d'un lieu idéal pour se sentir à l'aise et à sa place, se terminera apparemment à Paris. "La seule ville qui ne fut jamais étrangère à personne", lui permettra de réaliser un projet auquel il aspire depuis toujours : lire et travailler en solitaire.D'où le titre "Ermite à Paris", le texte donnant son titre au recueil.



Un livre que je conseille de lire, indépendamment du fait qu'on connaît ou pas Calvino, qu'on aime ou pas son oeuvre. Témoignage poignant d'un homme, d'un écrivain et d'une époque.





"Le rêve d'être invisible.....Quand je me trouve dans un lieu où je peux avoir l'illusion d'être invisible , je me sens très bien."

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Si par une nuit d'hiver un voyageur

JUBILATOIRE !



Jubilatoire et impossible à résumer (sur l'air de « bello e impossibile » de Gianna Nannini et sa voix rocailleuse).

Un livre dont j'aurais pu recopier des pages entières.

Un livre dense et léger à la fois. Un livre joyeux. Un livre inspirant.

Un livre qu'on débute un jour et qu'on ne termine jamais.

Un livre à plusieurs entrées. Un livre pour prendre du recul.

Un livre sur l'acte politique de la lecture et de l'écriture. Sur la sensualité de la lecture.

Un livre sur les livres, sur le travail d'écriture, sur le plaisir de la lecture, sur les lecteurs, sur les auteurs, sur le monde de l'édition et sur les liens entre ceux-ci.

Un livre qui contient peut-être tous les livres. Un méta-livre en quelque sorte.

Un livre que je relirai assurément.

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Quiz des sommets

"– Non, pour te le dire franchement, je ne trouve pas que ce soit si formidable, dit Hans Castorp. Où sont donc les glaciers et les cimes blanches et les géants de la montagne ? Ces machins ne sont tout de même pas bien haut, il me semble. – Si, ils sont haut, répondit Joachim. Tu vois presque partout la limite des arbres. Elle est même marquée avec une netteté particulièrement frappante, les pins s’arrêtent, et puis tout s’arrête, il n’y a plus rien, rien que des rochers, comme tu peux t’en rendre compte. De l’autre côté, là-bas, à droite de la Dent Noire, de cette corne là-haut, tu as même un glacier. Vois-tu encore le bleu ? Il n’est pas grand, mais c’est un glacier authentique, le glacier de la Scaletta. Piz Michel et le Tinzenhorn, dans le creux, tu ne peux pas les voir d’ici, restent également toute l’année sous la neige. – Sous la neige éternelle, dit Hans Castorp. – Oui, éternelle, si tu veux. Oui, tout ça est déjà assez haut, mais nous-mêmes, nous sommes affreusement haut. Songes-y. Seize cents mètres au-dessus du niveau de la mer. De sorte que les altitudes n’apparaissent plus beaucoup."

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