Rosny Ainé est l’auteur de la célèbre Guerre du feu parfaitement mise en images par Jean-Jacques Annaud. Il y évoque ce qu’on nomme Les âges farouches de l’Humanité naissante. Deux ans après son édition, il aborde la fin de cette même Humanité agonisante. Entre les deux époques, plus de 100.000 ans se seraient passés…
La terre s’est transformée, et l’Homme l’a bien aidée pour cela. Les océans ont disparu, le paysage est devenu chaotique et désert. Quelques poches d’humanité survivent tant bien que mal auprès des rares sources encore existantes. Leur technologie très développée les retient encore de sombrer définitivement, mais la fin semble inévitable.
Targ, celui qu’on appelle le veilleur, veut encore y croire. C’est sans compter sur l’inéluctable. Une nouvelle forme de vie s’apprête à prendre la place des hommes, les ferromagnétaux, espèce en voie de développement et parfaitement adaptée à ce nouvel environnement.
Court et concis, ce texte écologique avant l’heure brosse un état des lieux désespérant où le retour en arrière n’est plus de mise. Malgré tout l’attachement qu’on peut éprouver pour ces derniers hommes, le lecteur ne peut qu’assister à cette accélération dramatique qui pousse l’Humanité vers la sortie.
Cette réflexion sur la finitude obligée des choses, cet inévitable passage de témoin d’un cycle à l’autre est magnifié par une écriture poétique où chaque mot semble compté à son juste poids et son propre sens. Le mode de vie de ces derniers hommes est bien anecdotique comparé à la rudesse de cette extrême noirceur. Les dernières palpitations d’une espèce en voie de disparition sont montrées avec pudeur et pourtant sans ménagement.
Ce beau texte éclaire de façon sublime ce que la biologie telle que nous la connaissons aujourd’hui sous forme d’espèces nombreuses et variées, doit à un équilibre précaire né d’une forme de hasard cosmique, équilibre si fragile qu’une seule espèce peut largement contribuer à rompre sans retour possible.
En lisant cet ouvrage, je n’ai pu m’empêcher également de faire le parallèle avec l’excellent roman de Jean-Pierre Andrevon intitulé Le Monde enfin, où il est question d’une pandémie ravageuse qui mettra fin à l’Humanité et signera le nouveau règne animal.
Rosny Ainé est à sa façon un précurseur de l’écologie moderne et son scénario pessimiste vient faire écho à la situation que nous vivons actuellement. Nos jours difficiles sous le règne de la Covid-19 ne sonneraient-ils pas comme un mauvais présage, un avertissement ?
Michelangelo 18/12/2020
Voici la fin crépusculaire du dernier homme sur Terre imaginée par Rosny Ainé :
La nuit venait. Le firmament montra ces feux charmants qu’avaient connus les yeux de trillions d’hommes. Il ne restait que deux yeux pour les contempler !… Targ dénombra ceux qu’il avait préférés aux autres, puis il vit encore se lever l’astre ruineux, l’astre troué, argentin et légendaire, vers lequel il leva ses mains tristes…
Il eut un dernier sanglot ; la mort entra dans son cœur et, se refusant à l’euthanasie, il sortit des ruines, il alla s’étendre dans l’oasis, parmi les ferromagnétaux.
Ensuite, humblement, quelques parcelles de la dernière vie humaine entrèrent dans la vie nouvelle.
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