Citations de Jacques Lacarrière (282)
Au sein de la pire détresse , ne renoncez pas au chant d'un seul oiseau.
"Cette région, me dit au matin de mon arrivée sur le causse un berger rencontré avant le hameau de Chaldas, les corbeaux, monsieur, ils la survolent sur le dos pour ne pas voir la misère de la terre."
Qu'apprend-t-on véritablement sur les routes? La marche peut être plaisir ou corvée, promenade ou déplacement forcé mais peut-elle être aussi moyen de connaissance, connaissance des autres s'entend, de ceux que l'on rencontre. Autrefois, cela ne faisait aucun doute.
Les feuilles sont l’espoir des racines…
Les feuilles sont l’espoir des racines
Les fleurs, celui des branches
Et le bourgeon, celui de la ramure
Pour nous, quelle sève à notre espoir ?
Le ramage est l’espoir de l’oiseau
Le clapotis, celui des eaux
Le chuchotement, celui des vents
Pour nous, quel chant à notre espoir ?
La rose est l’espoir de la tige
Le bleu, celui de l’océan
Et le vert, celui du printemps
Pour nous quelle couleur à notre espoir ?
Le miel est l’espoir de la ruche
Le vin est celui de la vigne
Et la miche est celui du blé
Pour nous, quelle saveur à notre espoir ?
La proie est l’espoir du rapace
Le venin, celui du serpent
Le butin, celui du pirate
Pour nous, quel destin à notre espoir ?
Le chronomètre
de Yannis Kondos
La nuit qui tourne en moi
fait remonter les noyés.
- La poitrine se ferme et cherche
à retenir ce qu'elle peut -
Vient le jour.
Mais quel jour -couvrant comme du coton
les arbres, sur une terre
suspendue à un fil, au bord
de la chute.
UNE LETTRE
Notre vie est désormais une lettre
porteuse d'un important message
dont l'expéditeur et le destinataire
se sont perdus parmi les vagues de réfugiés.
Pourtant la lettre va et vient
d'un bureau de poste à l'autre
sans que nul ne l'ouvre
sans que nul ne la jette
barrée toujours de la mention "urgent'"
avec les noms pâlis des deux côtés
que les postiers seuls prononcent
comme les savants dans les laboratoires
disent les noms d'espèces disparues.
Titos Patrikios
….Effleurer les digitales retrouvées. J'aime la belle couleur de leur corolle, leur taille élancée, leur campanile pourpre, en forme de doigt de gant, et cette tige pubescente, autrement dit couverte de poils fins. Je me penche vers la corolle séductrice, appât de mort, constellée d'étoiles d'or en ses profondeurs utérines. On se croirait au cœur d'une chapelle où bourdonne déjà le tocsin des insectes.
Je quitte toujours les cafés, les villages et le moindre hameau avec un sentiment de regret et d'insatisfaction. Curieusement, malgré les lenteurs, les imprévus de ce voyage, j'ai l'impression de tout traverser en vitesse, de ne rien voir véritablement ou plutôt de ne rien partager vraiment. Ces conversations, ces regards échangés avec les inconnus, pendant quelques instants, je voudrais qu'ils m'entraînent plus loin, qu'ils me lient à eux autrement, que je ne soit pas seulement celui qui passe. Mais cette seule idée est absurde ou démente. Comment pourrais-je vivre à moi seul la vie de tous, suivre le temps nécessaire l'existence de chacun d'eux, être moi- même et tous les autres en même temps ? Il me faudrait plusieurs vies ou plusieurs corps pour cela. Même si j'étais Géryon, ce géant à trois corps (et j'espère à trois âmes sinon à quoi bon se tripler ?) cela serait insuffisant. Partager la vie des autres, leurs travaux, leurs problèmes, côtoyer longuement chacun, sentir le temps de chaque village et ses saisons. rêve impossible. Il faudrait une vie entière pour traverser la France ainsi.
Cet été-là…
Cet été-là, je le passais sous une écorce de platane. Je le sais
aujourd'hui : je commençai par le plus difficile, par l'ombre et
les insectes. Mais lorsqu'on veut changer de vie, naître à un
autre monde, tergiverser ne sert à rien. Religions, philoso-
phies, livres, penseurs, idéologues ne proposaient à mes désirs
que de timides voyages dans les banlieues de l'être. Je voulais
autre chose, aussi les congédiai-je.
Je ne m'étendrai pas sur les raisons qui me firent choisir
une écorce pour lieu de ma métamorphose. Je n'indiquerai
qu'un détail : bien loin de me jeter sur le premier arbres venu,
je choisis un platane connu depuis longtemps.
Il se dressait à proximité de la Loire sur les bords d'un canal
où, enfant, j'allais jouer le jeudi. À l'automne, j'aimais soulever
ses écorces pour y découvrir tout un monde de bêtes endormies,
y sentir la fraîcheur de l'ombre et la sueur de l'arbre. Odeurs
comme des embruns de terre que je humais jusqu'au vertige…
p.9
Il m'est arrivé très souvent, dans les sites et ermitage retirés de n'avoir que du pain trempé dans le vin ou l'huile d'olive pour toute nourriture. Et je conserve encore dans la bouche ce goût d'humus et de paille, de réglisse et de terreau humide,le goût du pain d'Athos.
Souffler est un acte sérieux. Pousser, déplacer, condenser, disperser, rassembler, diriger des milliers de nuages, en foule, en fleuves ou en troupeaux implique chez le vent un désir pastoral, une vocation nomade. (p.63)
J’ai touché le duvet du sable…
J’ai touché le duvet du sable
et l’alcyon s’est mis à couver.
Cheveux longs et barbe fournie signifièrent partout vie ascétique, pureté de l’âme, appartenance à un monde nouveau.
Gains de la nuit
D'habitude le jour je rêvasse ou perds mon temps, je doute ou je m'incline, mais à la nuit tombée je cours de jardin en jardin et posant l'oreille sur l'écorce des arbres j'écoute l'antique sanglot.
Tàssos Livaditis
Je vis en marge, en dehors de tous les milieux littéraires que jamais je n'ai fréquentés, n'ayant aucun souci d'être à la mode, d'être dans, sur ou sous le vent et encore moins de laisser après moi une trace quelconque.
A PATMOS
Les années revenant
Aux prés de la rêverie
Une lumière montait des herbes
Et les syllabes douces
Des pas emplissaient l'air
Quel ravissement
Blanc pur léger
Oiseau de lumière, tu montais
D'un coup ton chant
Ton élan frappant le simandre
De la poitrine
Fit résonner l'oracle
Des pleurs
Et quand la main avide
Enfermait par sa pourriture
La bouche volubile
Dans l'après-pluie saisi
Tu apparus en arc-en-ciel
Pour unir la déserte
Patmos à l'aphonie
(...)
Dimitris Papaditsas
«Le Pont-Euxin contient les peuples les plus ignorants. Qu’on les prenne en groupe ou séparément, l’intelligence n’est pas leur fort, exception faite pour les Scythes et pour un homme du nom d’Anacharsis.»
"Maître, pourquoi t'adonnes-tu ainsi, nuit et jour, à la musique ?", il répondit : " Parce qu'elle est pour moi comme le grincement des portes du paradis. - Moi je n'aime pas les portes qui grincent" répliqua le disciple. A quoi Mawlânâ répondit : " Parce que tu les entends seulement quand elles se ferment. Moi je les entends quand elles s'ouvrent."
La Crète ses fromages secs, ses olives, ses fruits, ses bouillies d’épeautre, son pain noir, son vin rosé et d’autres saveurs que je découvris: les graines et l’huile de sésame, le fenouil séché au soleil, le basilic frais, le miel de résine
Quand les oreilles vous escopissent (démanger), sachez pour vérité et comme Évangile que si c'est la droite ce sera de bonnes nouvelles, et si c'est la senestre elles seront mauvaises.
Lorsque les pois ou les poireaux bouillent dans le pot qui est mis hors du feu, sachez alors qu'il n'y a nulle sorcière en la demeure