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Critiques de Jules Barbey d`Aurevilly (287)
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Le bonheur dans le crime - La vengeance d'u..

Le Jardin des Plantes, une panthère noire dans sa cage et, devant elle, de l’autre côté des barreaux, un couple d'amoureux un peu androgynes et diaboliquement assortis. Deux observateurs, de loin, regardent la scène...



La femme, toute en noir, svelte, souple - féline !- frappe de son gant le mufle de la bête fauve...qui réagit, furieuse, et le lui arrache. Échange de regards, duel de sauvageries. « Panthère contre panthère ».



Un des observateurs, médecin, raconte alors à l’autre l’histoire ce couple fascinant et hors norme, qu’il a reconnu et fréquenté. Ce sont deux assassins impunis, deux grands fauves solaires et noirs lâchés dans la ville. Deux amants soudés par la passion et le crime. Et insolemment heureux.



Le Bonheur dans le crime est un bijou, -oui, un vrai « diamant noir »- sans conteste la plus belle nouvelle des Diaboliques- qui installe son pouvoir de captation dès les premières lignes.



La langue est belle, ciselée, choisie, pleine de ces élégances un peu décadentes qui font la marque des dandys comme Barbey.



Les personnages sont magnifiques, amoraux, agis par la violence de leur passion, aimantés invinciblement l’un par l’autre, mus par un désir qu’aiguillonne d’abord le feu de la joute dans la salle d’escrime -Hauteclaire Stassin est fille d’un maître d’escrime et joue du fleuret comme un homme- et bientôt le plaisir même de la transgression, le goût de la provocation et du scandale.



Rien ne les arrête : ni la décence, ni la limite imposée par l’époque à leur sexe ou à leur état- elle est femme et roturière, lui est noble et marié- ni la morale, ni la religion , ni la maladie, ni la mort…Ni le regard des pauvres mortels insipides qu’ils toisent du haut de leur amour.



Ni celui, vert et or, de la panthère noire du Jardin des Plantes…



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Le bonheur dans le crime - La vengeance d'u..

Le Bonheur est dans le crime est l'une des sept nouvelles du recueil Les Diaboliques (1874) qui valut à son auteur d'être accusé « d'outrage à la morale publique et aux bonnes moeurs ». Barbey qui est un catholique fervent affirme dans sa préface qu'il offre ses Diaboliques pour susciter l'horreur de leur comportement, et faire ainsi ,dit-il, une oeuvre chrétienne.

Cette nouvelle en particulier contient une histoire parfaitement immorale résumée dans le titre. Les deux criminels en effet n'éprouvent aucun remords et se moquent bien de l'opinion des autres. « C'est par cet air-là [de bonheur absolu] qu'ils ont toujours répondu victorieusement à tout, à l'abandon, aux mauvais propos, aux mépris de l'opinion indignée » Celui qui raconte leur histoire, c'est le Docteur Torty. Il fait part de sa stupefaction au narrateur qu'il a rencontré au Jardin des plantes. le couple d'assassins est devant eux, face à la cage de la panthère noire. « ces deux êtres, immuablement beaux, malgré le temps, immuablement heureux malgré leur crime, puissants, passionnés, absorbés en eux, passant aussi superbement dans la vie que dans ce jardin ».Torty est un dandy, athée, cynique, qui prend plaisir à raconter cette histoire diabolique au narrateur anonyme tout en s'en offusquant. C' est un personnage bien ambigu, témoin, voyeur et non dénonciateur. Quant au couple criminel, je vous laisse le plaisir diabolique de le découvrir, pervers que vous êtes...
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Une histoire sans nom

Le nom et l'innommé, voire l'innommable : Une Histoire sans nom gravite autour de ces deux pôles.



Le nom d'abord.



Celui de Ferjol : c'est le nom de famille de la belle Jacqueline. Enlevée par amour, veuve inconsolable d'un mari trop aimé, elle continue d'adorer la mémoire de son mari tout en expiant sa faute dans une dévotion fervente , un catholicisme exalté qui semble puiser son austérité dans ces Cévennes réformistes où elle s'est réfugiée. Une fille est née de cet amour exclusif mais Jacqueline de Ferjol n'ose aimer son enfant ouvertement : son amour maternel est masqué et contraint. Retenu, prisonnier…et bientôt emprisonnant comme une geôle de fer.



Ferjol.



La fille, Lasthénie de Ferjol, est fragile et timide. Elle non plus n'ose aimer sa mère, ni lui parler. Elle la craint . Elle s'étiole à ses côtés, petite chose pâle, maladive et blonde . Asthénique comme son prénom.



Une autre femme, aux côtés de la geôlière et de sa victime : une servante, une femme du peuple, une normande exilée dans les Cévennes qui rêve de retrouver son Cotentin natal- elle le retrouvera, mais pour le pire- pleine de bon sens et de méfiance paysanne, croyant aux sortilèges, aux enchantements, aux diableries. Tendre à ces deux femmes murées dans leur silence et incapables de se dire leur amour - et, avec elles deux , bonne comme son nom : Agathe.



Quatrième nom : le frère Riculf, le capucin satanique- le Moine de Lewis n'est pas loin ! ce nom-là est une sorte de borborygme barbare , d'éructation malfaisante, de vomissure d'exorcisme…Riculf passe dans l'histoire de ces solitudes féminines et les bouleverse à jamais.



Par lui, viendra l'innommé.



Incroyable Barbey d'Aurevilly, qui frise toujours le scandale- un moine violeur, quand même !- et tutoie le fantastique sans trancher nettement entre l'explication rationnelle – et hérétique- et l'explication irrationnelle – et magique !



Malgré les éléments rationnels, peu à peu explicites, restent toujours quelques mystères inexpliqués, inexplicables…sans nom eux aussi .



Tel ce chapelet abandonné par le capucin au château de Ferjol, lourd comme une chaîne de bagnard et dont les grains semblent, au toucher , porter un sort aux conséquences funestes…



Tel ce pèlerinage de la dernière chance tenté par la bonne Agathe dans son Cotentin retrouvé, au retour duquel elle croise une lune maléfique qui la suit entre les arbres et éclaire soudain, en travers de sa route, un cercueil que la superstition lui commande de renverser – mais il est inexplicablement lourd- et lui interdit d'enjamber – ce serait présage de mort !- , la forçant à faire un détour dans les bois. Agathe se retourne un peu plus loin : plus de cercueil sous la blême lueur lunaire !



Brrr….



Pour ces passages angoissants, pour l'analyse formidablement juste de cet amour mère-fille sans mots qui devient une haine sans nom, pour la sombre silhouette du moine criminel, pour les paysages hantés du Cotentin , pour ceux étouffants des Cévennes- Barbey avoue y avoir souffert de claustrophobie comme jamais- Une Histoire sans nom mérite qu'on s'y plonge.



Âpre voyage mais plaisir…sans nom !





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Les Diaboliques

En couverture de cette édition folio : « Tilla Durieux en Circé », détail du tableau peint en 1912 par Franz von Stuck, peintre symboliste allemand traitant des sujets classiques de façon non conventionnelle, ici un portrait d'une actrice célèbre de l'époque. La référence à Circé, personnage mythologique ambiguë, femme et magicienne, constitue un bon choix d'illustration pour ces femmes diaboliques présentes dans chaque nouvelle.



Mais revenons-en au texte. J'ai vraiment été subjugué par le talent de conteur allié à la finesse d'écriture, on a là un véritable orfèvre du genre de la nouvelle. Mais cela se mérite, il faut déguster lentement, patienter avec la promesse que ce sera encore meilleur ensuite. Lire le rideau cramoisi ou le bonheur est dans le crime – deux nouvelles remarquables – en s'imprégnant de l'atmosphère voulue par le conteur est une expérience rare et un véritable délice !



Le rideau Cramoisi : le mystère des lieux clos est savamment utilisé : la petite fenêtre au rideau cramoisi où a logé le vicomte de Brassard dans sa jeunesse, la diligence en réparation à un relais de poste la nuit avec ses deux voyageurs dont l'un est Brassard, tardant à raconter une histoire non révélée à quiconque auparavant. le sujet : un jeune officier – le vicomte de Brassard – est hébergé chez un couple de bourgeois à Valognes. Leur fille Alberte est au centre du récit. Soumise à l'inaction d'un milieu clos, c'est elle qui prend l'initiative d'une liaison cachée allant jusqu'à traverser, la nuit, tel un fantôme, la chambre de ses parents pour rejoindre son amant… La chute arrive tout à la fin et elle est diabolique !



Le Plus Bel Amour de Don Juan : j'avoue m'être un peu perdu dans le labyrinthe des phrases… Pour cette nouvelle, la magie du conteur n'a pas fonctionné pour moi, ce qui s'est reproduit pour le Dessous de cartes d'une partie de whist, autre histoire d'inceste. Passons vite à celles qui m'ont jeté tout vif dans les griffes de ce diable de conteur nommé Barbey d'Aurevilly.



Le Bonheur dans le crime : chef-d'oeuvre ! Cette histoire de Hauteclaire, fille d'un maître d'escrime, est absolument géniale et peut-être lue à différents niveaux… Que de phrases à double sens ! Cette femme, mystérieuse, belle et puissante, organise l'assassinat de la femme de son amant (tous deux aristocrates d'excellente réputation cela va sans dire...) et vivra heureuse avec celui qui deviendra ensuite son mari : l'honneur des hautes familles et leur valeurs confrontés à l'exact opposé, une licence, un libertinage entièrement dévoué à l'amour, sans aucun frein. Entre les deux, notre auteur semble bien choisir la deuxième proposition, au moins en littérature ! Comme une oscillation entre l'ancien monde qui tarde à disparaître (on est à la Restauration) et un nouveau monde, républicain, plus permissif – pour les femmes aussi –, avec ses valeurs marchandes liées à l'intérêt individuel, rebattant les classes sociales. A lire absolument ! Je n'avais que trop tardé à découvrir cette histoire là.



A un dîner d'athées : Une nouvelle plus longue gardant un rythme soutenu tout du long. On a le temps de s'installer et de profiter des digressions multiples du conteur et de l'autoportrait qu'on devine :



La vengeance d'une femme : une aristocrate, la duchesse de Sierra Leone, pour se venger de son mari, se jette dans la prostitution pour le déshonorer lorsque le scandale éclatera. La nouvelle la plus violente, la plus destructrice du recueil.



Mon avis agacé : J'ai retrouvé beaucoup des stéréotypes qu'on peut attendre d'un écrivain conservateur, royaliste et catholique, avec des femmes décrites comme manipulatrices, et des hommes qui succombent (les pauvres !), ces hommes qui n'ont qu'une vraie et saine passion : faire la guerre (évidemment !). Cette atrocité là, véritable et absolue, est acceptée de Dieu mais le commerce des femmes, non alors, quelle abomination ! Hypocrisie qui est comme une seconde peau à la religion chez certaines âmes humaines. Ma modeste impression de lecteur serait de dire qu'on a là un homme tiraillé entre ses origines familiales pétries de convenances idéologiques, et un culte de la littérature inconciliable avec ces choix.



Mon avis admiratif : En même temps Barbey d'Aurevilly semble dire le contraire de tout cela par le talent qu'il déploie pour décrire la beauté des femmes par exemple, une véritable fascination. L'amour qu'il voit dans certains couples est magnifié avec Hauteclaire et son amant Serlon dans le bonheur dans le crime (appelé par leurs prénoms, le comte Serlon de Savigny perdant son titre aristocratique dans l'amour véritable), avec la duchesse d'Arcos de Sierra-Leone et son malheureux amant Esteban (frémissez bonnes gens à son triste sort) dans La vengeance d'une femme, aussi avec Rosalba et Mesnilgrand dans A un dîner d'athées. L'auteur, un provocateur de génie, ne se prend pas lui-même au sérieux et n'assume aucune responsabilité directe, il rapporte ce qu'il a entendu, ce n'est pas lui qui est à l'origine des abominations racistes, antisémites présentes ici ou là. Même le dandy chez lui est ambiguë car largement passé de mode à cette époque.



Qui est réellement Jules Barbey d'Aurevilly ? le mystère très présent dans ses fictions s'applique à l'auteur lui-même : torturé, aux oeuvres assez sombres, antimoderne... Né en 1808 en Normandie, il est souvent décrit comme solitaire et malheureux, aspirant à l'élitisme... mais sans le sou ; royaliste et catholique… rejeté par ceux-ci car trop diabolique ; désirant ardemment la célébrité mais très souvent rejeté par ses pairs ; séducteur … se décrivant comme laid ; timide trouvant dans la littérature un outil à sa (dé)mesure afin d'exprimer ses fantasmes de puissance. Un nostalgique de l'ancien régime qui met en scène la libération de la femme, exécration de façade et fascination démesurée à la fois, se flagellant d'avoir cette attirance…



Il reste une oeuvre inclassable dont on a pu dire qu'elle annonçait Dostoïevski, un maître de l'écriture de nouvelles dont il serait vraiment dommage de faire l'impasse. L'avez-vous lu ? Apprécié ?

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Chronique complète, avec composition personnelle de la couverture du livre et cette Circé magnifique, sur Bibliofeel. Lien direct ci-dessous...
Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
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Le bonheur dans le crime - La vengeance d'u..

Je voudrais commencer ce petit avis par une déclaration.

Une déclaration d'amour à la langue française.



J'aime son vocabulaire riche qui permet de s'exprimer de façon précise et avec tellement de nuances ; j'aime ses noms, ses verbes, ses adjectifs qui, bien utilisés, permettent de construire à l'infini des phrases enchanteresses.

J'aime ses conjugaisons, ses modes et ses temps qui nous offrent une incroyable palette : non, le subjonctif n'est pas ringard, même à l'imparfait ; non, le passé simple n'est pas un temps inutile !

Les différentes formes verbales me réjouissent par leur sonorité et leur beauté.



Ce petit préambule pour dire que j'ai adoré la langue que Barbey d'Aurevilly a utilisée pour raconter son histoire.

On savait écrire au dix-neuvième siècle. Mazette, quel plaisir de lecture !



L'histoire semble a priori peu originale : un couple d'amants et une épouse encombrante. Une personne de trop.

Sur ce sujet usé jusqu'à la corde, l'auteur a pourtant réussi à faire du nouveau. Il adjoint au trio un médecin narrateur qui se retrouve moralement impliqué, et...

Et, rien du tout !

Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais tout vous dévoiler, non ?

En tout cas, Barbey d'Aurevilly a tellement bien réussi que son texte a choqué à l'époque de sa parution par l'immoralité des personnages et la complaisance de l'auteur.



"Dans ce temps délicieux, quand on raconte une histoire vraie, c’est à croire que le Diable a dicté..." peut-on lire en exergue.

Si vous voulez vous lancer, vous voilà prévenus : cette nouvelle est réellement diabolique !

Mais elle est divinement bien écrite. Alors, plus d'hésitations : vous y trouverez peut-être votre bonheur... même sans crime.
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Le bonheur dans le crime - La vengeance d'u..

Comme c'est agréable de retrouver cette langue magnifique du XIXe siècle ! Un vrai régal de mots rares, de tournures désuètes, de subjonctifs.... le tout sur une histoire tellement moderne qu'elle a dû choquer à l'époque !

Un couple heureux, qui s'aime toujours après tant d'années de vie commune. Et caché, un secret, un meurtre...

Difficile de trop dévoiler l'intrigue de cette nouvelle qui a un côté cynique ou diabolique. Un vrai régal !

Je découvrais Barbey dAurevilly avec ce texte. Je pense bien continuer la découverte de son oeuvre !
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Une vieille maîtresse

Ryno de Marigny , séducteur et libertin, est sur le point d’épouser la belle Hermangarde de Polastron. Mise en garde par sa meilleure amie, la grand-mère et tutrice de cette dernière, la marquise de Flers sonde l’âme du beau Ryno. Qui lui avoue une passion ancienne pour une sombre espagnole, Vellini, passion qui a duré dix ans mais qui est selon lui terminée. Car il est sincèrement épris d’Hermangarde qui personnifie la beauté, la grâce, la pureté, mais également une certaine rigidité d’une classe malmenée par la Révolution…



Vellini, qui n’est pas belle mais d’une sensualité brûlante est à la fois diabolique et profondément humaine. Libre mais possessive, possédée par l’unique loi de la passion amoureuse, elle mène à la mort ses rivales, liée par le sang avec son amant qu’elle n’aime plus. Rien ne peut dompter l’amour, surtout pas le mariage…



Pour échapper à la tentation de son ancienne maitresse, Ryno accepte d’emmener sa jeune femme en Normandie. Ils y passeront six mois de bonheur, sous le regard bienveillant de la marquise, avant l’arrivée de l’hiver…La vieille dame partie, ils se retrouvent seuls jusqu’au jour où Ryno va croiser le regard de braise de Vellini dans un sentier désert…Là où rodent les fantômes des âmes perdues. Et il n’y résistera pas.



Barbey nous peint alors une de ces scènes terribles dont il a le secret qui détruira définitivement la vie amoureuse des jeunes mariés…



La jeune Hermangarde trouvera dans la religion le courage de continuer et la force de renoncer à tout lien charnel avec son mari, tout pardon étant impossible. Ce dernier n’en sera que plus encouragé à reprendre sa fatale liaison…De retour à Paris, les langues vont bon train et les paris perdus ou gagnés. Est-ce Dieu ou le Diable le vainqueur ?



L’amour, la mort, la force du désir, l’impitoyable loi de la passion inscrite au plus profond des corps, on se plonge avec délices dans la violence de ces relations qui débordent les chemins étroits de la société à l’image d’une mer déchainée. Et ce qui nous frappe c’est l’étonnante modernité de ce roman qui touche le cœur de l’homme. Et qui n’a pas pris une ride. A redécouvrir.

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Le Rideau cramoisi

Récemment installé à Saint Sauveur le Vicomte, il m’a paru indispensable d’aller chercher les célébrités locales. Je ne parle pas des frères Rouland, Jean-Paul et Jacques qui sévirent à la télévision dans les années (19)60 à (19)80, non, mais plutôt d’un personnage beaucoup moins connu. Je veux parler de Jules Barbey d’Aurevilly, un inconnu du Lagarde & Michard XIX ème siècle… Mais pas de Saint Sauveur le Vicomte où se trouve un musée à son nom, et un bar restaurant, « Le rideau cramoisi »…

Impossible de passer à côté. Du restaurant et du livre…



Une diligence. Deux hommes voyagent quand celle-ci casse une roue et contraint les voyageurs, un officier et le narrateur à patienter pendant la réparation. Comble du hasard, la diligence s’est immobilisée devant un immeuble dont la fenêtre éclairée dans la nuit est parée d’un rideau cramoisi.

Une situation qui invite l’officier aux confidences. N’a-t-il pas occupé cette chambre, il avait dix-sept ans et venait de sortir de l’Ecole Militaire. Il y rencontrera Alberte, la fille de ses logeurs ; discrète, voire effacée.



C’est fou comme l’ambiance de cette nouvelle, extraite des « Diaboliques » me rappelle celle de « Boule de suif », de Maupassant, son contemporain qui ne l’aimait guerre.

Une première lecture de Barbey d’Aurevilly qui engage à poursuivre la découverte d’un auteur solidement implanté dans le Cotentin.

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Le Rideau cramoisi

Ce récit s'apparente à ceux De Maupassant. Bien rythmé, d'un style irréprochable, alliant prosaïsme et fantastique et dont la brièveté agit sur le lecteur avec la fulgurance d'un orage, avec son cortège d'attente curieuse, d'appréhension, de peur et enfin de soulagement quand les éléments s'apaisent d'eux-mêmes.



Le narrateur voyage en malle-poste en compagnie d'un officier à la double réputation de héros et de dandy, l'un de ces hommes qu'on admire ou qu'on haït, ou les deux à la fois. En tout cas, l'un de ces personnages dont on soupçonne que leur vie ne fut qu'une succession de batailles, de défis, de bonnes fortunes et... de mystères. Alors que leur malle est immobilisée de nuit dans une petite ville de province et qu'on est allé tirer du lit un charron pour réparer l'avarie, les deux hommes portent involontairement leur regard vers une fenêtre obturée d'un rideau cramoisi. Pour l'officier, cette vue est un choc et lui rappelle quel fut le premier drame de son existence, un drame où se mêlent l'amour et la mort.



Le mystère prend ainsi forme sous la plume alerte de Barbey d'Aurevilly qui, c'est palpable, cherche à surprendre son lecteur et à faire émerger le sensationnel d'une situation banale. J'ai vraiment eu l'impression de me replonger dans "La peur et autres contes" de l'ami Guy ; au final, un moment de lecture agréable mais pas inoubliable.





Challenge Petit Bac 2016 - 2017

Challenge XIXème siècle 2017

Challenge MULTI-DÉFIS 2017
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Le chevalier des Touches

Il n’y a pas de bonnes histoires : il n’y a que de bons conteurs ! L’histoire du chevalier Des Touches ne serait qu’un épisode sanglant et mouvementé de la Chouannerie cotentinoise sans son conteur exceptionnel.



Ou plutôt sa conteuse, si l’on peut affecter ce féminin à quelqu’un qui , de son propre aveu, n’ a jamais été femme « que sur les fonts de (son) baptême, et qui, hors de là, ne (fut) toute (sa) vie qu'un assez brave laideron, dont la laideur n'avait pas plus de sexe que la beauté du chevalier Des Touches n'en avait! » .



Barbe-Petronille de Percy, dite « le major » entreprend de conter l’histoire épique et violente du chevalier Des Touches, que l’on croyait mort, et dont on vient de croiser l’inquiétante silhouette dans le village, une nuit de veillée où elle reçoit dans son salon aristocratique retrouvé tout décati après l’Emigration, ses vieux amis – son frère l’abbé de Percy, le baron de Fierdrap, féru de chasse, deux antiques jumelles pâlottes et discrètes , les demoiselles Touffedelys- tout un programme !- et la très sourde et encore belle Aimée de Spens, héroïne, bien malgré elle, de cette histoire pleine de sang et de fureur.



Comme Aimée n’entend rien et fait benoîtement sa tapisserie au petit point, la conteuse et son public s’adonnent sans retenue aux charmes du récit et de ses interruptions –digressions, toujours hautes en couleurs !



Tout le plaisir de la lecture est dans cette atmosphère de veillée, son parler d’autrefois, volontiers gaillard, plein de couleur locale- celle du Cotentin de Barbey !



Un enfant traîne aussi dans les parages : c’est Barbey, justement, qui, des années après ce récit inoubliable mais incomplet- clos sur son mystère- lui apportera la dernière touche..(la dernière touche de Des Touches, il fallait y penser) , et elle est rouge comme le sang, cette touche, rouge comme le moulin sanglant, rouge comme les fleurs de l'asile d'aliénés et rouge comme la pudeur quand on la risque héroïquement !



Mais je n’en dirai pas plus : enfoncez-vous dans la bergère, là, près du feu qui chauffe, et écoutez Barbe-Pétronille aux prénoms pleins de mâles frémissements, mais femme pourtant, ex Chouanne de choc, ex major sur le front royaliste , vous raconter avec sa verve flamboyante et sans mâcher ses mots, l’histoire d’un chouan trop beau, trop féminin, surnommé la Guêpe, guerrier sans peur et sans pitié, grand chevaucheur de vagues, ravitaillant en armes venues d’Angleterre le maquis royaliste de la Chouannerie cotentinoise, qui fut pris par les Bleus, délivré par les siens au prix d’un grand massacre et sauvé in extremis par une femme…



Une histoire aux couleurs de cette République honnie par Barbey d’Aurevilly : blanc comme la fleur de lys , comme la virginité, blanc comme les habits de blatiers- vareuses blanches et larges chapeaux blancs dits « couvertures à cuve » , tout saupoudrés de poussière de farine- dont se travestissent les Douze, corps d’élite des Chouans dans leur opération contre la prison de Des Touches ; bleu comme l’habit de ces soldats républicains détestés, bleu comme leur moulin; rouge comme ce même moulin après l’expiation de son crime, rouge comme les joues de la belle Aimée - quand elle entendait encore, et qu’on prononçait devant elle le nom du Chevalier Des Touches…







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Les Diaboliques

Je lis pour découvrir des ambiances, des cercles que je ne connaîtrai jamais. La littérature est un véhicule tout terrain / tout airain qui parcourt les prairies vallonnées des histoires infinies. Elle nous permet d'observer à distance, à l'abri derrière les fils de phrases barbelés, une faune plus ou moins sauvage, antique ou contemporaine, réelle ou fictive.



Les diaboliques de Jules Barbey d'Aurevilly est un recueil de 6 nouvelles dont la forme oratoire restituent des conversations. Il y est fait état d'êtres singuliers, hommes, femmes ou couples qui ont croisé la vie d'un narrateur et que ce dernier essaie de décrire à son auditoire dans toutes leurs singularités.



Que cela soit à un compagnon de voyage dans un carrosse cahotant ou devant une assistance d'hommes faits, anciens militaires, prêtres defroqués et notables de chef-lieux, autour d'une longue tablée ; les méandres sont celles de ces discussions que l'on suit au fil de leurs rebondissements et méplats.



Le premier titre pressenti pour ces nouvelles qu'il commença à faire paraître dans le journal "La Mode" en 1850 était d'ailleurs Ricochets de conversations.





Le style est enlevé, plein de cette salive qui graisse une langue bien pendue.

Cette dernière sent bien son XIXème siècle et laisse transparaître les effluves de la décomposition. L'odeur âcre mais entêtante d'un monde qui meurt mais veut rester debout. Une aristocratie provinciale balayée par la Révolution et qui n'arrive plus à regarder L Histoire qui se repaît de sa lente agonie. Quelque chose de foutu et de désespéré qui m'a flatté l'oeil.



D'aurevilly voit ce microcosme d'un oeil attendri. Il loue ces nobles qui font honneur à leur rang en endurant le destin qui les frappe de manière stoïque et grandiose. Car ici peu ou pas de roturiers. Partout des titres de noblesses qui traînent derrière eux - comme des cadavres gonflés de cavaliers empêtrés dans leurs étriers - les restes de ces noms de familles dont la renommée s'est perdue dans la poussière des temps.



D'Aurevilly sort de ce creuset dont il s'est extrait dans sa jeunesse parisienne, banni volontaire parti pour la bamboche (à gauche la débauche) et ses frasques. Il y reviendra quelques années plus tard, ruiné et repenti dans un mouvement rétrograde typique de beaucoup de biographies. Chrétien fervent qui voit à nouveau la Vierge, lui qui n'en croisait plus guère. (à droite la vie droite...mmh mmh)



Les récits sont inégaux, allant de "bien" à "captivant". En conteur rusé, Barbey nous assomme dès le seuil avec le rideau cramoisi au rebondissement inattendu et dont je me souviendrai longtemps. Son symbolisme iconique moiré d'érotisme morbide est un fer rougi sur le front du lecteur indolent.



Il nous finit par une botte de sa composition, fidèle à son titre honorifique de Connétable des lettres : la vengeance d'une femme. Ne vous laissez pas avoir par son titre à l'air de téléfilm de M6 du dimanche 15h. Son côté scandaleux fonctionne encore sur le lecteur du XXIème siècle que je suis et qui en a pourtant vu et lu des vertes et des pas bien mûres.



Seul le dernier amour de Don Juan fut une dépressurisation. Un ennui modéré qui m'a d'autant plus fait apprécié la suite et le précédent. Là encore, une tactique ? Un instinct d'auteur qui place là, à dessein, son enfant qu'il sait le plus moche pour nous faire nous extasier sur le reste de sa progéniture ?



Allons bon !!!



"Les dessous de cartes d'une partie de Whist" mais surtout le superbe "Le bonheur dans le crime" et "À un dîner d'athées" sont bien là pour raviver le feu du récit.





Il y a des fulgurances. Des traits brillants qui fendent l'air jusqu'aujourd'hui. On sent le Barbey salonnard - pour ne pas dire salopard - qui devait jouter dans ces lieux et créer la sensation de son verbe haut et grandiloquent. Il y a dû avoir des blessé(e)s. Des egos décapités gisant sur les tapis persans de ces cercles ouatés de mondanités mesquines et concentriques.



On sent la lame acérée. Celle d'un critique abhorré de ses ennemis littéraires qu'il éreintait dans les journaux et qui fut sa principale activité à son grand dam. Zola, Hugo, ont pris le tarif. Ils ne se sont pas fait prier, ces mécréants, pour lui rendre la monnaie des pièces qu'il leur taillait.



Allez pour la plaisir et parce que j'adore ces duels (eh non Booba, tu n'as rien inventé), un petit panier garni qui vous donnera, je l'espère, envie de découvrir le tireur d'élite caché derrière ces balles pas perdues du tout :



Sur L'Assommoir de Zola, en effet il a sorti le maillet : "M. Émile Zola, l'auteur de L'Assommoir, cet Hercule souillé qui remue le fumier d'Augias et qui y ajoute !… M. Émile Zola croit qu'on peut être un grand artiste en fange comme on est un grand artiste en marbre. Sa spécialité, à lui, c'est la fange. Il croit qu'il peut y avoir très bien un Michel-Ange de la crotte…" (ce n'est qu'un extrait, un échantillon) Je vous laisse trouver la réponse de Zola, tout en précision et en conclusion rationnelle. Ce n'est pas moins violent mais à fleuret moucheté.



Sur l'homme qui rit d'Hugo : "Victor Hugo s'est mis à pointiller les choses les plus vastes : la mer, les espaces, le Léviathan, les montagnes, comme le pendu de son livre, dont il fait voir, par un enragement de description mêlé à une étourderie supérieure, jusqu'aux poils de barbe, du haut de sa potence et dans la plus épouvantable nuit. Entassement puéril des plus petites chiures de mouches"



Mais revenons à nos sublimes et dangereux animaux de papier.





Ces diaboliques sont souvent des femmes. On ne niera pas une misogynie assumée de l'auteur. Pourtant, ce sont ces personnages féminins qui marquent mon esprit. Leur démesure, leur mystère, leur passion. Ce sont elles qui flottent encore entre mes yeux. Barbey leur a donné une savane où leurs pelages peuvent luire sous la lune pleine de leurs tragédies. J'avoue que les personnages masculins sont moins intéressants, quand ils ne sont pas carrément vides comme un frigo au retour des vacances. Comme quoi, on peut être une cruche avec une paire de...euh une belle paire d'anses.





Et merci Barbey pour ce choix de noms effervescents qui ont ajouté à mon plaisir. Que je les aime ces noms que les auteurs trouvent à propos et qui en disent tant dans leurs sonorités sur l'homme ou la femme qui les portent en sautoir !!



Jugez donc : le vicomte de Brassard, le comte Jules-Amédée-Hector de Ravila de Ravilès (encore un Jules-Amèdée, décidément...le prénom à la mode du 19ème. Barbey se faufile dans ses habits à n'en pas douter), le docteur Torty, Delphine de Cantor, le comte Serlon de Savigny, Sophie de Revistal, Marmor de Karkoël (rhaaa ce nom...), Hermine Tremblay de Stasseville, le chevalier de Mesnilgrand, Travers de Mautravers, l'abbé Reniant (le bien nommé), commandant Sélune dit "le Balafré", le major Idow, La Rosalba, dite "La Pudica", Robert de Tressignies, Don Esteban marquis de Vasconcelos, Don Christoval d'Arcos, duc de Sierra Leone y otros ducados et Sanzia Florinda Concepcion de Turre Cremata, duchesse d'Arcos de Sierra Leone. Pour finir, ma préférée la vénéneuse et envoûtante Haute-Claire Stassin.



J'ai vraiment goûté cette impression impudique d'observer à la jumelle de superbes fauves. de loin et dans le calme clair de ma lecture.



Ces nouvelles sont matinées de quelques notes de fantastique (le rideau cramoisi) voire d'un romantisme gothique où le glauque et la mort ne sont pas absents. J'ai souvent pensé à un Edgar Poe dans les ambiances et dans l'effraction brutale de l'horreur dans le calme plat du réel.



Il a frôlé le procès pour outrages aux bonnes moeurs le filou. Incompréhensible, ce chrétien affirmé qui plonge son lecteur dans la fange, la mort, l'adultère, la prostitution, le vice le plus complet ?



La réponse d'Aurevilly est dans cet envers de médaille. L'Enfer, le sublime dans le mal c'est le Paradis en creux. Pour être épouvanté, il faut bien avoir une idée de Dieu ? Il n'y a blasphème que si il il y a croyance. Les Diaboliques sont donc un avertissement aux bons catholiques.



Bien joué l'artiste.



Je vais donc continuer à lire ce Barbey qu'Hugo appelait excellemment "Bardé d'or vieilli". A tort selon moi même si la formule est géniale. Je languis de lire ses critiques qui doivent être un champ de tir à la mesure de son extravagance.



Le personnage est détonnant. "Contrasté" dit-on dans les milieux universitaires pour ne pas dire "carrément chiant" pour ses ennemis littéraires. le contraire d'un homme à système qui n'a suivi que son goût et ses détestations. Paradoxal et donc de ce fait intéressant.



Barbé doré, vil lit.
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Une histoire sans nom

Un chef d'oeuvre de noirceur ! Ainsi fut ma première pensée à peine entamée la lecture de ce livre, pour ne plus me quitter tout au long de la découverte de ce récit saisissant.



Il serait malaisé de décrire avec quelle finesse et quel réalisme l'auteur, catholique à la vie décousue, nous entraine dans cette histoire cruelle de péché, sur fond d'une complexe relation mère-fille.



L'écriture perle de désespoir, de tristesse, d'isolement, à l'image de la vie monotone menée par Mme de Ferjol, veuve, et sa jeune fille Lasthénie. Comme elles seraient prisonnières d'un cloître, elles le sont de cette petite bourgade, sombre monde renfermé sur lui-même, muraille de hautes montagnes où le ciel s'immisce à peine par une petite lucarne, parfois bleue, bien souvent grise de nuages. Un désert pour le coeur.



Et voici qu'arrive le Père Riculf, de passage pour le Carême, moine capucin étrange prêchant fiévreusement sur l'Enfer dans l'austère Église du village, dominant la foule de sa chaire, tel un fantôme. Lourd de secrets, insaisissable et effrayant, il laisse son empreinte ténébreuse sur les pages de ce récit et dans le coeur des deux femmes qui l'accueilleront.

Et, lorsqu'il disparait brutalement, Lasthénie, brin de muguet aux yeux couleur de saule, commence peu à peu à se faner…



Ces quelques mots de l'auteur suffisent : «Les plus grandes séductions peut-être que l’histoire des passions pourrait raconter ont été accomplies par des voyageurs qui n’ont fait que passer et dont cela fut la seule puissance.»



C'est ici un récit hors du commun, une histoire terriblement noire et envoûtante, celle de l'apparition soudaine d'un capucin qui ne laissera derrière lui que l'Enfer et la désolation. L'écriture est superbe, l'environnement décrit avec beaucoup de minutie, et cette atmosphère pesante, empoisonnée… Comme enfermés dans cette histoire, nous découvrons peu à peu l'intense attraction des mots, la spirale de désolation et de malheur qui ronge le coeur des personnages.



Une véritable plongée dans l'obscurité !











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Un prêtre marié

Dans les années troublées qui ont suivi la Révolution française, Jean Sombreval, ordonné prêtre, quitte son village normand pour aller perdre son âme à Paris. Et il la perd doublement. Non seulement il renonce à sa foi pour se consacrer à la Science, mais il commet le péché suprême en se mariant. Au-delà même du péché de chair, c'est Dieu lui-même qu'il assassine.

Sur le point d'accoucher, sa malheureuse épouse apprend l'horrible vérité et meurt en mettant au monde une enfant marquée par cette effroyable naissance. Calixte, une jeune fille sainte mais perpétuellement souffrante, atteinte d'une maladie des nerfs que Sombreval met toute son énergie et sa science à vouloir guérir. Mais seule la grâce divine le pourrait…



De retour dans son pays natal, il va s'installer en solitaire avec sa fille dans une propriété abandonnée car maudite depuis des années. Malgré le charme angélique de la jeune fille, les pires médisances vont vite courir sur le prêtre marié et sa fille…considérés par les villageois comme des créatures diaboliques.

Seul un jeune homme, Néel, fils du vicomte de Néhou, va braver l'opprobre général et se languir d'amour pour la belle Calixte qui s'est donnée à Dieu pour racheter la conduite de son père. Situation sans issue d'autant que la santé fragile de la jeune fille épuise son système nerveux dans des crises de plus en plus violentes.



La Malgaigne, vieille femme un peu sorcière des temps jadis leur a prédit à tous une destinée tragique. Et Barbey nous emmène jusqu'au bout de sa malédiction, l'enfant sacrifiée au péché du père qui s'abimera à son tour dans une mort violente et l'amant désespéré partira offrir sa jeune vie sur les champs de bataille napoléoniens.

Ce très beau roman est assez central dans l'oeuvre de Barbey d'Aurevilly car il éclaire sa vision du monde et de la vie humaine. Si sa description de la passion paternelle est très moderne, il reste attaché à une conception traditionnelle et religieuse de la place de l'homme dans l'univers, menacé par le châtiment divin s'il prétend s'en éloigner. Mais par la magie de sa puissance d'écriture et sa description des caractères humains, on reste sous le charme.

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L'Ensorcelée

Par une nuit sans lune du début de l'automne, deux hommes cheminent à cheval à travers la sauvage et aride lande normande de Lessey. Forcés de s'arrêter car une jument se met à boiter, il leur semble alors entendre les neufs coups de cloche d'une église dans les profondeurs des ténèbres. Maitre Tainebouy y reconnait celle de Blanchelande et entreprend de conter à son compagnon l'histoire de son étrange abbé de la Croix Jugan dont s'était éprise d'une fatale passion Jeanne Le Hardouay, née de Feuardent, déchue par son mariage au rang de roturière. Le décors est dressé.



Comment cet ancien chouan, ce prêtre à la gueule cassée par ses propres balles, cet être orgueilleux et impassible, entièrement voué au service de deux causes, Dieu et la monarchie, a t-il pu inspirer un tel amour ? Amour profondément tragique que nous narre Barbey d'Aurevilly avec cette puissance d'écriture et ce don de raconter ces histoires terrifiantes qui nous tiennent en haleine jusqu'à la fin. Rien n'arrête la cruauté des hommes, leur faiblesse face à la destinée et aux forces qui les dépassent, leur désir de vengeance, leur croyance dans les sortilèges dont l'amour fait parti, étroitement lié à la mort. D'où le terme d'ensorcellement dont est victime Jeanne plus que coupable.



L'auteur nous plonge à nouveau dans un récit où le romantisme s'allie au fantastique, au plaisir des légendes murmurées au coin du feu, sur le fond réel de la terrible guerre des Chouans qui se sont opposé jusqu'au bout à la République, laissant des traces profondes dans les esprits, et nous peint des personnages en proie à des tourments qui évoquent les flammes de l'enfer...Tout en gardant cette fraicheur et cette actualité qui font que nous frémissons encore aujourd'hui à ces faits d'un autre temps...Ensorcelant !
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Les Diaboliques

Je n'ai d'abord connu de Barbey d'Aurevilly qu'un nom qui fleure bon son XIXème ( siècle hein, pas arrondissement, pour les parisiens qui me lisent). J'aurais eu du mal à le situer, poète, romancier, même peintre qui sait...



Et puis, ses Diaboliques se sont imposées à moi à deux reprises : pendant la lecture de l'Homme aux gants de toile de Jean de Varende, où l'auteur invente même une septième Diabolique et l'insère dans le roman; quelques jours plus tard, dans une émission de radio, où l'oeuvre est évoquée et encensée comme une lecture majeure. En littérature comme en amour, les signes sont essentiels, et je les ai donc suivi.



Ce qui frappe tout d'abord, c'est le style, recherché, intelligent, raffiné. J'ai lu notamment qu'il compte de nombreux héritiers dans la littérature française... dont Proust, qui n'est pas le moindre. Ce style s'enrobe d'un ton ironique, volontiers provocateur. L'auteur a beau chercher à se justifier dans son avant-propos en donnant un soi-disant objectif moral à ses histoires, le lecteur n'est pas dupe. On sent dans ses mots un plaisir immense à choquer, à trouver la tournure qui saura aller piquer au vif son époque. J'ai parfois eu l'impression de me retrouver devant un chroniqueur télévisé caustique dont le but est avant tout de faire le buzz. Et quand on regarde la biographie de l'animal, on découvre qu'il a surtout été connu comme critique littéraire avec notamment des mots très durs contre Flaubert ou Zola. On apprend aussi qu'il a théorisé le dandysme avant Baudelaire, et qu'est-ce qu'un dandy sinon un mondain volontiers dédaigneux de ses contemporains.



Il faut également parler de l'image de la femme qu'il renvoie. Dans son avant-propos, il reconnait que le titre de son livre pourrait très bien convenir aux femmes qu'il décrit. Même s'il promet d'écrire en contrepoint un recueil pour glorifier les femmes sages et de l'appeler les Célestes, il ironise immédiatement sur le fait qu'il aura peut-être du mal à en trouver... Il se fait sans doute le reflet du machisme de son époque, mais cherche surtout à faire rire son lectorat masculin, par des blagues de connivence virile.



Les aventures sexuelles sont le coeur de ses récits, même s'il prend beaucoup de précautions littéraires (il répugne ainsi à utiliser le mot putain dans La vengeance d'une femme, préférant utiliser la périphrase "Elle se rima elle-même en tain, comme un crocheteur qui l'aurait insultée"). Mais c'est sans doute dans ses moqueries de l'aristocratie et de la religion qu'il aura le plus choqué son époque. La nouvelle A un dîner d'athées lui permet ainsi toutes les plaisanteries anti cléricales possibles, tout en se plaçant lui-même d'un point de vue extérieur et critique qui sauve les apparences. Il utilise d'ailleurs à chaque fois le biais de l'anecdote racontée par un tiers, ce qui lui permet de mettre à distance le propos, grâce au "On m'a dit que" et en même temps, de renforcer la vraisemblance de chaque récit, car il précise régulièrement qu'il a changé les noms mais que tout est vrai.



On pourrait penser que ce sarcasme en continu tout au long des six nouvelles serait à force lassant... mais l'expérience est finalement assez réjouissante, le ton moderne alors que Zola lui reprochait d'avoir deux ou trois siècles de retard. L'éclairage donné sur son siècle est original et c'est ce que relève Proust qui va surtout y chercher le monde unique révélé par l'artiste. Les signes étaient donc postés là pour me faire découvrir une vraie voix de son temps, que je projette de découvrir via un roman pour voir si son ironie trouve sa place dans une forme plus longue.



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Une histoire sans nom

Drame horrible issu des mœurs et de la bigoterie de la fin du XVIIIe début du XIXe siècle dont la plume inspirée, légère et riche de Jules Barbey d'Aurevilly retraduit l’ambiance à la perfection. En version audio, la voix de Mr Christophe Ménager offre un plaisir supplémentaire et nous fait vibrer et frémir le long de ces 13 chapitres où le suspense va crescendo et la noirceur s’amplifie. Une relation mère-fille étouffante, sans espoir ni issue dans un monde sans lumière.

Je vous invite à découvrir cette histoire sans nom et bien d’autres : http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/barbey-daurevilly-jules-amedee-une-histoire-sans-nom.html

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Un prêtre marié

On dit toujours" Jamais deux sans trois" ..j'ai donc enquillé avec une délectation anticipée, mon 3ème Barbey des vacances... mauvaise pioche! c'était pas le bon numéro!



Je me suis rasée comme jamais, je me suis noyée dans les bondieuseries, je me suis égarée dans les (saints) lieux communs ..



Un vrai chemin de croix pour athée relativement tolérante... prête à toutes les pénitences, les excommunications et les génuflexions pour communier un tant soit peu avec un de ses auteurs favoris!



J'ai pourtant été jusqu'au bout de ce pensum, avec une ténacité dont je ne me croyais pas capable...mais beaucoup de soupirs exaspérés et de diversions...



Voyons l'histoire: Sombreval, un prêtre marié, bientôt veuf et père d'une pâle et chaste enfant, achève de se damner en essayant , par des recherches scientifiques -oh le vilain mot!- menées avec acharnement devant ses cornues d'alchimiste et ses fourneaux infernaux , de la sauver d'une étrange maladie nerveuse- un peu de somnambulisme, pas mal d'épilepsie, une pincée de catalepsie, et pour finir un bon tétanos des familles-



Alors que la cause de ce mal terrible est, vous l'avez deviné, ...sa propre apostasie! La pure enfant, prénommée Calixte, porte en effet au front les stigmates du péché de son père: une croix rouge et boursouflée que l'on cache pudiquement sous un bandeau écarlate...



Elle se meurt pour qu'il revienne à Dieu. Il s'enferre pour la sauver.



Un troisième larron, Néel de Néhou- pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?- un jeune noble, une sorte de chevalier normand un peu slave-il faut avoir du sang slave pour se jeter corps et âme dans un pareil marigot- se dévoue à la belle par amour, mais elle n'aime que Dieu...et son papa qui en est le double inverse!



Un même sort funeste pèse sur tous les trois.



Nous sommes en terre de Cotentin, où les Rompus reviennent à la brune, où les marais ont d'étranges fantômes, et le vent de sinistres complaintes.. Le Cotentin, presque une île...



Et c'est là que le charme agit, malgré la niaiserie sulpicienne du propos,malgré la simplification caricaturale de ce trio héroïque: sans la magie des paysages cotentinais, sur lesquels passent les saisons -été étouffant, automne alangui, hiver brumeux et perfide-, sans le magnifique personnage de La grande Malgaigne, normande Clôtho, fileuse de sorts et de morts violentes, sans la présence, çà et là, de ces aphorismes triomphalement réactionnaires qui font frissonner d'horreur et d'aise la vieille perverse gauchiste que je suis, je crois que je n'aurais pas supporté ce Barbey de trop !
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Le Rideau cramoisi

Deux hommes se rencontrent lors d'un voyage en diligence et se mettent à parler. Le vicomte de Brassard, homme d'âge mur et à la stature imposante, fort d'une carrière militaire reconnue, raconte une histoire incroyable alors que l’équipage est en panne devant un immeuble. Cela se passe alors qu’il avait dix-sept ans.

Ça commence comme un banal récit. Puis la fenêtre, à laquelle est suspendu ce rideau cramoisi, s'ouvre vers... l’horreur ! Le vicomte en cauchemarde encore c’est certain : deux têtes de méduses surgissent de la porte grinçante alors que…

J'ai eu l'impression de lire un thriller, avec une part de fantastique, dans la toute dernière partie de l'histoire, un vrai un feu d'artifice. La montée crescendo de l'angoisse que vit ce jeune homme à partir du moment où il rencontre Alberte, la fille des bourgeois chez qui il loge, est incroyablement drôle. C'est raconté en utilisant beaucoup de termes militaires, avec le langage du XIX, qui fait des parallèles entre la campagne d'une armée et cette offensive que mène ce jeune homme pour obtenir un regard, un mot, un billet doux de cette Alberte. Mais voilà Alberte, n'est pas telle que ce godelureau se l'était imaginé ! Hardie et belle mais si imperturbable et froide.

Ah.. ! Impassible et impossible Alberte !
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Le chevalier des Touches

Ce pourrait être une pièce de théâtre classique. On y trouve effectivement l'unité de temps, une soirée, l'unité de lieu, un salon et l'unité d'action, le récit des aventures du vendéen des Touches.

Dans les dernières années de la Restauration, comme l'incipit le déclare, quelques vieux royalistes se réunissent ainsi qu'à l'accoutumée pour passer la soirée. Mais l'arrivée de l'un des participants, l'abbé, oriente la discussion. Il déclare avoir croisé l'espace d'un instant Le chevalier des Touches que tout le monde croit mort. Commence alors le récit par Mademoiselle Barbe de Percy, vieille demoiselle qui n'a pas hésité à participer activement à la chouannerie, de l'histoire de ce chevalier.

Ce chevalier, nommé en réalité Destouches, en un seul mot, a réellement existé. Il faisait office de messager entre Granville et Jersey. Il fut arrêté, condamné à mort, délivré et se cacha plusieurs mois. Il repartit à Jersey mais devint fou. Estimé guéri, il fut relâché avant de finir sa vie à l'asile du Bon Sauveur à Caen, où Barbey d'Aurevilly l'a rencontré. Mais l'écrivain l'a largement magnifié tant au physique, qu'au moral et s'est librement inspiré de la réalité.

Le roman vaut, à mon avis surtout pour la peinture des personnages et l'atmosphère fin de règne que Barbey d'Aurevilly crée. On sent presque le feu de bois, la poussière retenue dans de lourds rideaux et des tapis. Son style régulièrement agrémenté d'expressions locales a pour moi beaucoup de charme.



Challenge 19ème siècle 2015



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Les Diaboliques

Six nouvelles diaboliques et donc pas très catholiques. Ce qui a valu à son auteur un procès pour immoralité en 1874. Pourtant fervent catholique, Barbey, c'est vrai, se lâche souvent dans ces nouvelles afin, dit-il, de "terroriser le vice". Il semble alors se complaire dans la description de personnages aux moeurs pas très délicates.

Je trouve qu'il y parvient très bien avec un suspense hitchcockien.



Le rideau cramoisi

Un jeune soldat est hébergé dans une chambre chez un vieux couple. Leur fille arrive un soir et sa vie bascule.



Le plus bel amour de Don Juan

A 50 ans, Don Juan retrouve 12 anciennes maîtresses lors d'une soirée et leur raconte son plus bel amour.



Le bonheur dans le crime

Hauteclaire est belle et donne des leçons d'escrime. Le comte de Savigny, bien que fraîchement marié, ne manque pas de venir l'admirer jusqu'à ce qu'elle disparaisse.



La vengeance d'une femme

Robert de Tressignies se promène tard un soir et rencontre une prostituée.



Bien que je ne sois pas parvenu à lire "Le dessous de cartes" et "A un dîner d'athées" parce qu'elles m'ennuyaient, les 4 nouvelles citées plus haut sortent du lot et méritent le coup d'oeil.
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