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Critiques de Jules Barbey d`Aurevilly (287)
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Léa



Voilà une nouvelle que Poe eût adorée, dans laquelle, osons le rapprochement jusqu'au bout, il eût reconnu (avec quelle délectation ! ) quelques uns de ses sinistres et bien-aimés paysages : la corruption minant le fruit si beau, si tentant, de l'intérieur même de sa beauté, la Mort, insensible, fauchant l'être chéri par la faute de celui-là même qui ne l'aime peut-être pas mais qui, à coup sûr, le désire, la fascination, brutale, impulsive, incontrôlable quoique non clairement exprimée, conventions obligent, envers la nécrophilie - et l'inceste fraternel - et enfin la chute vertigineuse, qui fixe les personnages, à jamais atterrés et tremblants devant le drame, dans ce jardin où le soleil vient de succomber sous les assauts sournois d'une nuit qui emporte tout.



Signalons que Barbey, même s'il fut déçu par l'accueil de la critique, reconnaissait à sa "Léa" quelque chose de "monstrueux". Sans doute avait-il une conscience exacte de tout ce que recelait de lui cette oeuvre de jeunesse qui, en dépit des arabesques du style, apparaît au lecteur contemporain, selon la formule consacrée, absolument "brute de décoffrage." Tout Barbey d'Aurevilly tient dans "Léa" et avant tout les innombrables contradictions de cet écrivain dandy, monarchiste et résolument, ardemment, fiévreusement catholique même si, à l'époque où il écrivit ce texte - dans les années 1833/35 - il n'avait pas encore effectué son éclatant retour au sein du giron de la Sainte Eglise Apostolique et Romaine. Dans "Léa" sulfurent aussi toutes les ténèbres de Barbey, ce Barbey qui ne pouvait croire en la puissance divine sans croire aussi à celle de l'Ange déchu et qui, après quelques années d'apprentissage, parviendra à les récupérer et à les transformer en un art exceptionnel de la suggestion fantastique, cette "patte" à la fois féline et grandiose dont il a marqué ses meilleures productions, dont "L'Ensorcelée" bien sûr, avec ses non-dits qui laissent la part belle à l'imagination du lecteur mais aussi des nouvelles comme ce joyau fabuleux et magnifiquement turpide intitulé, avec une désinvolte simplicité, "Les Dessous de Cartes d'Une Partie de Whist."



Le texte de "Léa" est bref, à dix-mille lieues des longueurs habituelles à l'écrivain, et fait preuve d'une assurance dans le trait et la détermination qui fait encore défaut au "Cachet d'Onyx". Quant à l'histoire, elle se résume assez facilement : un frère et une soeur grandissent auprès d'un orphelin que leur mère a recueilli ; les deux garçons croissent en force et en beauté, la fille seulement en beauté car un trouble cardiaque mine sa santé à partir de la puberté ; devenus adultes, les deux jeunes gens entament leur tour d'Europe, si commun à l'époque pour les rejetons de familles aisées, mais doivent revenir brusquement d'Italie, à l'appel de la mère qui voit sa fille dépérir de plus en plus. Et c'est là que se noue le drame : le fils adoptif se prend d'un désir violent - qu'il nomme "amour" - pour celle auprès de qui il a été élevé en quasi frère. Et, en dépit des mises en garde de la mère, qui se prive elle-même d'exprimer avec trop de vigueur son amour ou ses joies devant son enfant, l'ingrat se laisse dominer par son démon ...



La chute, d'une brutalité ciselée au souffre, coupe le souffle. On attendait bien quelque chose dans ce goût-là, mais tout de même ...



"Léa", de Jules Barbey d'Aurevilly : un texte rare, qu'il faut connaître. Ne vous laissez pas égarer par les invraisemblables prénoms dont l'écrivain, jusqu'au bout, affublera ses personnages, pas plus qu'aux méandres de la mise en situation : "Léa" a la même cruauté que la "Bérénice" de Poe - et croyez-moi, ce n'est pas peu dire. ;o)
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Une vieille maîtresse

Une fois de plus, Barbey explore un triangle amoureux. Ou comment les aventures d'hier peuvent entraver la liberté d'un homme, ses désirs, ses pensées. Et comment elles peuvent blesser l'être aimé.

Une vieille maîtresse a été composé sur plusieurs années, marquées par la conversion de Barbey au catholicisme. Le texte, remarquablement écrit s'en ressent. On songe au romantisme de Chateaubriand, à la comédie humaine de Balzac, dont on reconnait l'époque, et l'on voit venir Huysmans et Bernanos.

La seconde partie (la plus longue) m'a davantage séduit. Le décor du Cotentin, magnifiquement décrit donne de l'air à une œuvre qui étouffait dans les salons parisiens.

Une belle découverte!
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Le chevalier des Touches

Le chevalier des Touches (1864) est un roman historique de Jules Barbey d'Aurevilly inspiré de la vie du chouan et contre-révolutionnaire Jacques Destouches (1780-1858). Mademoiselle de Percy évoque l’expédition des Douze et la libération du chevalier des Touches par ses compagnons d’armes. Un récit plaisant où les deux héroïnes sont bien plus sympathiques et intéressantes que Des Touches.
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L'Ensorcelée

L’Ensorcelée ou La Messe de la Croix-Jugan (1852) est un roman de Jules Barbey d’Aurevilly. En Normandie, au lendemain de la Chouannerie. Madeleine le Hardouay, née de Feuardent, mésalliée à Thomas Le Hardouey, s'éprend de l’abbé de la Croix-Jugan qui a tenté de se suicider suite à l'échec de la cause chouanne. Un roman fantastique, à l'atmosphère sombre, très prenant.
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Le bonheur dans le crime - La vengeance d'u..

Librio publie à part l'une des meilleures Diaboliques de Barbey. C'est l'histoire (tellement rare) d'un crime parfait, à la perfection duquel l'orgueil de la victime contribue : c'est dire que, dans une perspective catholique, tout le monde est fautif et damné ici. Mais la perspective catholique n'est qu'une des clés de lecture du texte : la foi de Barbey ressemble plus à une posture littéraire, esthétique anti-moderne qu'à une réelle et profonde conversion, elle lui est un instrument de mesure et de satire des bêtises progressistes de son époque. Dans "Le Bonheur dans le crime", il les prend toutes à rebrousse-poil : le crime est impuni, le bonheur des héros est complet, ses héros féminins sont l'antithèse des rêveries morales de Michelet sur la Femme, et le bien ne triomphe pas du mal général et universel. En cela, Barbey fait en prose ce que Baudelaire, qu'il admirait, faisait en vers : montrer la beauté du mal, et tourner le dos avec mépris aux utopies du Bien, en quoi il demeure aussi choquant aujourd'hui.
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Les Diaboliques

Le titre choisi par l'auteur est plutôt éloquent, et il suffit de lire ces quelques mots de sa préface pour ôter au potentiel lecteur le moindre doute : qu'il s'attende à lire des histoires tragiques.



Et en effet, il y a de quoi - sous réserve de n'être pas totalement blasé - frissonner. Voyez plutôt : meurtre, mutilation, vengeance destructrice, profanation des restes d'un enfant, ... Tout ou presque y passe. Nos diaboliques (des femmes, bien évidemment) attirent, fascinent, et terrorisent à la fois. Cela pour plusieurs raisons. La première parce que ces personnages se caractérisent par leur excès. Monstrueuses, ces femmes ne sont que démesures : plongeant dans le crime jusqu'au coup, elles atteignent finalement une forme de sublime. Inquiétantes et insaisissables, ce sont des hyperboles ambulantes. La seconde car l'intrigue n'est jamais complètement expliquée : ainsi, chacune des six histoires comporte des zones d'ombre. Et chaque femme étant décrite par des témoins extérieurs, il est finalement impossible au lecteur comme au narrateur de comprendre véritablement le fin mot de l'histoire. Afin d'entretenir ce lourd mystère qui plane d'un bout à l'autre du recueil, Barbey d'Aurevilly se plaît à répéter (à chaque nouvelle, ce qui en deviendrait presque lassant) que la femme qu'il nous décrit est un sphinx : incompréhensible, lointaine, elle est un modèle d'impassibilité. Vivantes énigmes, ces femmes se caractérisent également par des étrangetés, des anomalies, des incompatibilités physiques. Rosalba est une "Messaline-Vierge" (est-ce possible ? Messaline est tout de même le modèle type de la courtisane) tandis qu'Hauteclaire se caractérise par sa force et sa maculinité. Le couple fusionnel qu'elle forme avec Savigny en va jusqu'à brouiller les déterminations sexuelles : "Chose étrange ! dans le rapprochement de ce beau couple, c'était la femme qui avait les muscles, et l'homme qui avait les nerfs !" Fascinantes et sublimes dans leur dépravation, les diaboliques apparaissent alors comme la preuve vivante qu'il existe quelque chose d'insaisissable qui nous échappe, et qui échappera toujours, malgré les progrès scientifiques ...




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Oeuvres romanesques complètes, tome 1

Ce volume un des œuvres de Barbey d'Aurevilly intègre des nouvelles et des romans parus entre 1830 et 1865.

Comme auteur, Barbey est une espèce à part. Admirateur de Balzac, c'est un fin chroniqueur du monde de son temps. Sa plume est généreuse, parfois un peu trop, mais elle donne un souffle inédit à son œuvre. Ennemi du réalisme et du naturalisme, Barbey est un symboliste avant l'heure. Et son itinéraire spirituel en fait l'ancêtre des Huysmans, Bloy ou Bernanos.

A propos de spiritualité, ce volume de la Pléiade montre l'évolution de l'auteur. Dandy et athée lors de l'écriture de ses premières œuvres, il est alors l'auteur d'un monde assez décadent de la haute société parisienne et de ses salons. J'avoue d'ailleurs avoir eu un peu de mal à apprécier les quatre premiers textes (Le cachet d'onyx - Léa - L'amour impossible - La bague d'Annibal). C'est en écrivant Une vieille maitresse qu'il se convertit au catholicisme. Le roman est d'ailleurs marqué, entre sa première et sa deuxième partie, par une double rupture : l'irruption des paysages sauvages du Cotentin et de la Basse Normandie qui donne un souffle incroyable aux œuvres de Barbey, et celle de la question de la foi et de l'invisible qui leur donne un profondeur et une tonalité très particulières.

Ainsi, si L'ensorcelée et Le chevalier des touches sont des romans brefs qui touchent par leur étrange beauté, Une vieille maitresse et Un prêtre marié sont des œuvres majeures de la littérature spirituelle, qui annoncent des auteurs comme Dostoïevski et Bernanos, lesquels dépasseront Barbey, il est vrai, par leur puissance littéraire et spirituelle.
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Les Diaboliques

Les Diaboliques/Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889)

C’est toujours un plaisir de relire un écrivain comme Barbey d’Aurevilly qui vous raconte des histoires incroyables dans un style merveilleux qui s’illustre en de belles phrases bien construites de mots bien choisis.

La première des six nouvelles intitulée « Le rideau cramoisi » met en scène le vicomte de Brassard, un dandy de la cinquantaine, capitaine à la retraite qui voyage avec le narrateur. Un homme porté sur les femmes ce vicomte :

« Je lui ai connu sept maîtresses, en pied, à la fois, à ce bon bragard du XIX é siècle. Il les intitulait poétiquement les sept cordes de sa lyre. »

Alors qu’il a dix sept ans, jeune soldat pensionnaire chez des bourgeois, apparaît à table un beau soir Alberte leur fille, dix sept ans également, telle l’infante du tableau de Velasquez, calme, réservée et impassible.

Et notre jeune militaire va connaître son premier galon d’aventure, une aventure peu ordinaire qui va mettre à l’épreuve son audace et son impudeur. La toute jeune et belle Alberte va le mener par le bout du nez à tel point que bien que sachant que les femmes nous font tous plus ou moins valeter, il n’imaginait pas une telle histoire :

« Elle me tenait éveillé cette Alberte d’enfer, qui me l’avait allumé dans les veines, puis qui s’était éloignée comme l’incendiaire qui ne se retourne pas … J’avais l’expérience des spasmes voluptueux d’Alberte, et quand ils la prenaient, ils n’interrompaient pas mes caresses… »

À noter que cette nouvelle est autobiographique et que le vicomte n’est autre que Barbey d’Aurevilly lui-même.

Dans la seconde nouvelle, « Le plus bel amour de Don Juan », une ténébreuse adolescente se rêve enceinte de l’amant de sa mère dont elle est secrètement amoureuse.

« …ces jeunesses vert tendre, ces petites demoiselles qui sentent la tartelette et qui, par la tournure, ne sont encore que des épluchettes, mais tous étés splendides et savoureux, plantureux automnes, épanouissements et plénitudes, seins éblouissants battant leur plein majestueux au bord découvert des corsages, et sous les camées de l’épaule nue, des bras de tout galbe… ». Quel style !

Le meilleur régal du Diable, c’est l’innocence !

Dans la nouvelle intitulée « Le bonheur dans le crime », Hauteclaire la bretteuse empoisonne l’épouse de son amant avant de goûter avec lui le bonheur parfait dépourvu de tout remords.

Dans « À un dîner d’athées », l’auteur nous convie en l’hôtel particulier de M. de Mesnilgrand où se déroule tous les vendredis des dîners pas très catholiques, c’est le moins que l’on puisse dire : au cours de ces repas, « on mariait fastueusement le poisson à la viande, pour que la loi d’abstinence et de la mortification prescrite par l’Église fût mieux transgressée.

Cela assaisonnait le dîner du vieux M. de Mesnilgrand et de ses satanés convives de faire gras les jours maigres, et, par-dessus leur gras, de faire un maigre délicieux. Un vrai maigre de cardinal !»

Des odalisques et des femmes telle que Rosalba, l’épouse du sieur Ydow, fréquentent et animent ces soirées, une femme dont on peut dire sans risque de se tromper « qu’il y a plus loin à son premier amant que de son premier à son dixième » !

« C’était sûrement le Diable qui dans un accès de folie avait créé Rosalba, pour se faire plaisir, du Diable, de fricasser, l’une après l’autre, la volupté dans la pudeur et la pudeur dans la volupté, et de pimenter, avec un condiment céleste, le ragoût infernal des jouissances qu’une femme puisse donner à des hommes mortels…On était toujours au début avec elle, même après le dénouement ! Elle fût sortie d’une orgie de bacchantes, comme pâmée, à demi-morte, on retrouvait la vierge confuse, avec la grâce toujours fraiche de ses troubles et le charme auroral de ses rougeurs… »

Jusqu’au jour où Ydow, son époux, ouvre les yeux et se vautre dans l’abjection et la bourbe avec Rosalba dans un scène plutôt gore.

La dernière nouvelle de ce recueil, « La vengeance d’une femme » met en scène une femme de noble ascendance italienne qui mariée par convention à un grand d’Espagne, le duc de Sierra Leone, va connaître le plus platonique des amours avec un certain don Esteban.

Mais après maintes péripéties, la duchesse finira par vengeance à l’encontre de son mari qui se débarrassera horriblement de don Esteban, dans les bas-fonds de Paris où en qualité de duchesse elle offrira inexorablement aux hommes son corps magnifique. Pour le déshonneur.

« Les Diaboliques », publiés en 1874, content six histoires de femmes pécheresses, animées de passions inavouables ou adultérines pouvant aller jusqu’au crime au cours de saturnales d’un autre temps.

Les six histoires sont basées sur des faits vrais.

L’auteur fut cependant accusé d’outrages aux bonnes mœurs. C’est Gambetta qui plaida la cause de Barbey d’Aurevilly auprès du gouvernement et l’affaire fut étouffée.

Auteur d’un style somptueux et luxuriant , Barbey d’Aurevilly ne peut résister à se fourvoyer dans de nombreuses digressions et allusions à la mythologie ou des personnages peu connus qui alourdissent le propos.







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Les Diaboliques

Un préambule averti du procès intenté pour outrage à la morale publique, mais ce qui est accepté, toléré, à bien changé depuis 1874...

Ai-je été choquée? non. Ai-je été intriguée, gênée, déstabilisée par les nouvelles? oui, parfois.

Qu'est-ce que j'en retiens? Une sensation mal définie de malaise, de quelque chose qui ne s'emboite pas correctement.

Les nouvelles sont censées tourner autour de femmes, diaboliques, ou en tout cas loin d'être pures, mais elles sont parfois juste des femmes amoureuses, des femmes accusées, des enfants amoureuses... Les hommes y sont aussi coupables, souvent plus qu'elles, mais la parole leur appartient. L'Histoire est écrite, dit-on, par les vainqueurs. Au final, c'est ce que j'en conclus: les femmes sont dépossédées de leur parole, elle n'est, au mieux, que racontée par des hommes à des hommes.

Toujours un homme raconte à un autre, ou plusieurs (sauf lorsque Don Juan raconte à des femmes), une histoire où une femme est un des protagonistes principaux de ces contes licencieux, pervers, torturés.
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Les Diaboliques

Un beau titre, qui a pu inspirer la belle chanson de Juliette "Le diable est une femme".

Car oui, les "diaboliques", ce sont d'abord des diablesses, des femmes vouées à l'enfer pour leurs pêchés, bien plus que les sept péchés capitaux d'ailleurs. Oui, il y a de la luxure autour d'un Don Juan moderne entouré de douze apôtres féminins dans un repas qui reproduit la Cène - mais c'est un souper fin dans un boudoir, de quoi satisfaire la gourmandise. Les relations entre mère et fille sont placées sous le signe de la colère dans deux histoires différentes, lorsqu'elles s'aperçoivent qu'elles aiment le même homme. Et la vengeance, qui est le nom d'un récit, n'est-ce pas une forme suprême de colère ? Il y a de l'envie et de la jalousie, quand une femme, Hauteclaire, assassine l'épouse de son amant pour pouvoir l'épouser au grand jour, pleine d'orgueil de sa beauté, plus fière qu'une panthère. Alberte, elle, ne fait-elle pas preuve de paresse en prenant pour amant le locataire de ses parents ?

Et il y a aussi du blasphème, entre impiété, vol, adultère, infanticide, assassinat... Mais pour que ces femmes soient coupables, c'est qu'il y a un homme dans l'histoire. Chaque récit commence d'ailleurs paradoxalement par le portrait d'un homme, souvent d'un homme fort, homme à femme et soudard, ou cynique et impie. Les diaboliques, ce sont donc aussi les hommes pour qui les femmes se rendent coupables.

Quelques récits marquants avec des portraits féminins de femmes qui aiment, désirent, cherchent leur plaisir. Des images marquantes assez glaçantes même.
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Une vieille maîtresse

Barbey d'Aurevilly, très marqué par sa Normandie natale (la Manche) a eu surtout pour modèles Byron et Balzac. "Une vieille maîtresse" est un roman en partie autobiographique qui repose sur l'opposition de deux personnages féminins, l'un angélique, l'autre satanique; Ce roman provoque un scandale en 1851.

Comme toujours chez Barbey d'Aurevilly, l'obsession fascinatrice du mal, les pulsions et les passions poussées à leur paroxysme, l'opacité de l'être, la description d'états psychiques étranges, côtoyant le satanisme, une atmosphère empreinte de surnaturel.

On se laisse prendre par la magie suggestive...
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Un prêtre marié

Un homme, Sombreval, a été ordonné prêtre dans le Cotentin quelque temps avant la révolution. Envoyé à Paris, il y perd la foi, découvre la chimie et la science, se marie, perd sa femme qui lui laisse une fille Calixte.

Le roman commence lorsque Sombreval, inquiet pour la santé de sa fille revient dans le Cotentin. Nous sommes entre 1805 et 1810. La paix religieuse est revenue, mais les habitants n'ont pas oubliés l'ancien curé et le rejet local est immédiat. Dans ce recoin de la Basse-Normandie se joue en outre un double drame : Sombreval aime follement sa fille qui aime autant Dieu qu'il n'y croit pas ; dans le même temps, Néel, un gentilhomme du coin, tombe éperdument amoureux de l'inaccessible Calixte.

Un prêtre marié est un grand roman, écrit avec une très belle plume. Les mœurs de ces temps tragiques sont rendus comme aurait pu le faire Balzac, même si j'ai retrouvé les défauts qui m'agacent un peu chez Barbey : un excès de circonlocutions, et un symbolisme un peu excessif.

Sans doute faut-il aussi pour apprécier la grandeur du roman avoir le sens du sacré et celui du péché. Un prêtre marié est le roman d'un auteur catholique, qui croit au mal et à la grâce et en fait des acteurs de son récit.



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Le chevalier des Touches

C’est un roman de grand style que ce Chevalier Des Touches, écrit par le dandy du Cotentin, Jules Barbey d’Aurevilly…

À l’heure de l’encensement, presque sans restriction, des grandeurs révolutionnaires – tandis que la République n’est toujours pas fichue de reconnaître le génocide vendéen, car génocide il y eut ! –, voici un texte dissonant qui raconte l’autre camp, à savoir celui de la Chouannerie ; à ne pas confondre avec la révolte des Vendéens.

Ce roman, parfaitement ciselé, raconte en apparence une aventure contre-révolutionnaire et, plus en profondeur, une tragédie amoureuse comme l’Histoire en conçoit trop souvent, hélas…

Au moment où il débute, le récit présente des « gens du passé, rassemblés dans [un] petit salon à l’air antique, et qui parlaient entre eux de leur jeunesse évanouie et des nobles choses qu’ils avaient vues mourir. » Et, à l’occasion d’une apparition fantomatique de ce passé, ces gens se souviennent ; particulièrement Percy, femme au physique qu’elle s’est toujours reconnu ingrat mais dont la vaillance et le noble cœur l’élèvent au-dessus des considérations plastiques.

Récit à la fois mélancolique et cruel – voir l’épisode d’Avranches et surtout celui de la vengeance, laquelle change « un riant et calme Moulin bleu en un effrayant moulin rouge » – qui raconte, pour une grande part, l’expédition de sauvetage d’un chouan unique en son genre : le chevalier Des touches, « homme de guerre indifférent à tout ce qui n’était pas la guerre et farouches ambitions », inspiré de Jacques Destouches de La Fresnay. Être fantastique et ténébreux, il est de ces figures qu’affectionne l’auteur (lire, par exemple L’Ensorcelée).



Par la voix de ses protagonistes, Barbey en profite pour écorner les derniers Bourbons et leur ingratitude ; Bourbons qui, au moment de la publication du roman, sous le Second Empire, ne sont plus qu’un souvenir.

Parmi les autres personnages se trouve la figure pure et idéalement romantique – avec tout ce que cela comprend de drames – d’Aimée de Spens, devenue une « pauvre magnifique beauté perdue, qui n’entend même pas ce que je dis d’elle, ce soir, au coin de cette cheminée, et qui n’aura été dans toute sa vie que le solitaire plaisir de Dieu ! » Murée dans le silence, elle s’était arrêtée dans le temps lointain où son amour lui fut arraché.

Mais oublions l’intrigue – qu’il appartiendra à chacun de connaître en la lisant –et penchons-nous sur ces phrases qu’on pourrait extraire du récit pour en faire des maximes, dont celle-ci : « La foi sincère a souvent de ces familiarités avec Dieu, que des sots prennent pour des irrévérences ridicules, et des âmes de laquais ou de philosophes pour de l’orgueil. »

Et cette autre qui, en peu de mots, agencés avec un génie littéraire indéniable, dit tellement : « Si mademoiselle Aimée avait été brune, pas de doute que déjà, sur ces nobles tempes qu’elle aimait à découvrir, quoique ce ne fût pas la mode alors comme aujourd’hui, on eût pu voir germer ces premières fleurs du cimetière, comme on dit des premiers cheveux blancs que le Temps, dans de cruels essais, nous attache au front brin à brin, en attendant que le diadème mortuaire qu’il tresse à nos têtes condamnées soit achevé ! »

Quand l’art d’écrire atteint ces hauteurs, nous ne pouvons que nous incliner…







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Les Diaboliques

Un recueil de six nouvelles cohérent. Elles se passent toutes dans la France postrévolutionnaire, sous l'Empire ou la Restauration, et surtout elles sont faites sur le même modèle, avec un sujet très précis. Chaque fois, on commence par faire la connaissance d'un narrateur (ça prend un peu de temps), plus ou moins libertin ou athée, qui va raconter une histoire sur une femme ou une fille. Ce modèle est le plus commode pour le propos de Barbey d'Aurevilly, puisqu'il cherche à montrer le côté mystérieux de ces femmes dont jamais on ne pénètre la psyché. Il les compare à des félins, pas de gentilles petites chattes mais des sphinx, des pumas, des panthères, des chasseuses.

Maintenant, il y a un problème : c'est la préface de l'auteur et le titre de l'ouvrage. Il faut d'abord rappeler que ce livre a été publié en 1874, c'est-à-dire une quinzaine d'années seulement après Madame Bovary qui avait été accusé d'outrage aux bonnes moeurs (incroyable pudeur de l'époque ! et c'est précisément cette hypocrite pudeur qui est visée dans ce livre) et Barbey d'Aurevilly va allègrement plus loin que Flaubert. Alors peut-être a-t-il voulu se prémunir d'éventuelles attaques en plaçant inopportunément son recueil dans le domaine de la morale, alors qu'il est amoral et cherche avant tout à révéler une vérité.

La vérité, il me semble, c'est que Barbey d'Aurevilly avait comme sujet le désir féminin, qui peut parfois se révéler destructeur et horrible, comme le désir masculin, mais avec la particularité d'être souvent nié. Et donc les femmes de ce recueil font avec, c'est-à-dire qu'elles se dissimulent, soit dans la plus froide hypocrisie, soit dans une paradoxale pudeur, toujours avec une impérieuse passion cachée. Ce ne sont pas des histoires libertines mais pas dévotes non plus, elles se trouvent entre les deux, là où les opposés, le bien et le mal, s'attirent.

Bref, il écrit une chose très belle : « Il en est également de la musique et de la vie. Ce qui fait l'expression de l'une et de l'autre, ce sont les silences bien plus que les accords. » Il possédait un grand sens de la formule et on ressent son plaisir d'écrire, de manier les expressions, de créer des métaphores audacieuses, avec une « culture Ancien-Régime » qu'il est préférable de connaître un petit peu si l'on veut comprendre toutes les allusions ; et tout le dégoût que lui inspiraient les mésalliances (mêlé à la fascination des passions amoureuses), car c'est aussi l'histoire de la décadence de l'ancienne noblesse française.
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L'Ensorcelée

Je viens aujourd’hui vous présenter un petit roman tout juste achevé pour les cours et pour lequel j’ai eu un immense coup de cœur : L’Ensorcelée de Jules Barbey d’Aurevilly. Un livre « obligatoire » pour lequel j’ai de l’affection, ce n’était pas arrivé depuis très longtemps, donc j’en parle.



Pour commencer, petite leçon de culture générale ! Jules Barbey d’Aurevilly est un auteur français d’origine normande et du XIXème siècle. C’est un très grand monsieur qui a écrit des romans, des nouvelles, des essais, de la poésie, des articles de journaux, des critiques, et des textes polémiques qui a beaucoup marqué son siècle, bien que l’on en parle au final assez peu aujourd’hui.



L’Ensorcelée est son deuxième roman, publié tout d’abord en 1851 sous forme de feuilleton dans le journal, sous le titre La Messe de l’abbé de la Croix-Jugan, puis en 1852 sous le titre de L’Ensorcelée. C’est un roman assez court, environ 270 pages dans l’édition que j’ai sous la main, et qui se lit très facilement. Le langage soutenu, qui peut rebuter quand on n’est pas habitué à la littérature classique, n’est en aucun cas un obstacle pour comprendre l’histoire.



Pendant qu’on y est, parlons donc du scénario de cette oeuvre. L’abbé de la Croix-Jougan est un ancien Chouan, un soldat royaliste à qui est arrivé une mésaventure assez horrible, que vous découvrirez en lisant le roman, et qui a tenté de se suicider, ce qui est rappelons le un des crimes les plus graves lorsque l’on est catholique. Quelques années plus tard, l’ancien moine réapparaît à l’ouverture des églises, où il est en pénitence. Il n’a pas le droit d’officier tant qu’il n’a pas « payé » la dette qu’il a envers Dieu. C’est dans l’église de Blanchelande que cet abbé mystérieux va rencontrer Jeanne Le Hardouey, une jeune femme noble qui va soudainement être « ensorcelée » à la vue de ce prêtre et qui va connaître un destin tragique. L’abbé en serait-il le responsable ?



J’espère que ce court résumé vous aura donné envie de lire, parce que je n’ai fait qu’effleurer le livre. Il y a tellement de choses improbables qui se passent à l’intérieur que même un résumé serait incapable de tout décrire. On ne s’ennuie jamais. Juste au moment où vous êtes en train de vous dire « tiens, on a rien eu depuis un moment », PAF, action ! L’ambiance mi-policière, mi-merveilleuse du récit, avec notamment la présence de la lande de Lessay, donne une ambiance inédite au roman, que je vous avoue n’avoir trouvé nul part ailleurs. Le monsieur qui a écrit ce livre est un génie.



Ce qui m’a tant plu dans ce livre, c’est aussi et avant tout les personnages. Ils sont extrêmement attachants, et chacun a sa place. Il n’y en a pas un seul en trop, ils sont tous importants pour l’intrigue et on ressent le besoin de suivre chacun d’eux de près. J’ai d’ailleurs eu un énorme coup de cœur pour l’Abbé de la Croix-Jugan, un personnage bien développé comme je les aime et dont on peut facilement suivre l’évolution.



Je ne peux que vous conseiller de lire ce livre. Il n’est pas du tout comme tous les livres que l’on peut trouver au XIXème siècle, il a quelque chose en plus d’indéchiffrable. Et oui, on pourrait même dire que j’ai été ensorcelée par ce roman. C’est la vérité. Allez le lire !
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Une vieille maîtresse

Critique d' Une vieille Maîtresse, de Barbey d'Aurevilly, par Aunould de Liedekerke, dans son livre "Talon rouge, Barbey d'Aurevilly : le dandy absolu".



En 1851, la même année que "Les Prophètes du passé", paraissait "Une vieille maîtresse", ce roman inspiré par la passion tumultueuse de Barbey d'Aurevilly avec la Vellini. Difficile d'imaginer deux livres aussi dissemblables et, en apparence au moins, contradictoires. Les Prophètes sont le manifeste d'un héraut du sabre et du goupillon. Une vieille maîtresse, un récit d'une sensibilité byronnienne et où l'on sent à chaque instant comme "un parfum de péché". Dans La Presse, Théophile Gautier fera à son ami l'honneur de le comparer au grand Balzac, disparu l'année précédente. En même temps que l'écrivain, Gautier saluait le dandy : "C'est l'oeuvre d'un homme qui sait la vie et d'un artiste dédaigneux, conduisant la langue avec la facilité méprisante d'un écuyer consommé. Espérons qu'il trouvera assez de gourmets d'intelligence pour en savourer la délicatesse. "

Livre "dangereux", roman très libre, d'aucuns diront scabreux, Une vieille maîtresse fit quelque bruit dans les salons. On s'interrogea, on jasa. "Jamais peut-être, dira Bloy, un écrivain n'avait mis une si forte moutarde au nez de la curiosité parisienne."

(...)

En 1865, à l'occasion de la réédition de son roman, d'Aurevilly avait pourtant pris soin de lui donner une préface, texte qu'il avait depuis longtemps médité, et qui renvoyait dos à dos philistins, bigots et libres penseurs, "tous les pédants de la moralité bête qui ne veulent pas qu'on touche bravement aux choses du coeur." (...)

Seul ou presque, dans le concert des invectives et des pudeurs outragées, une voix se fit entendre, qui saluait tout à la fois le catholique et le dandy, l'inquisiteur du siècle et le contempteur du matérialisme, l'apologiste de Lord Byron et de Joseph de Maître, ce solitaire irréductible, irréductiblement partisan de "l'exception". Baudelaire avait apprécié Une vieille maîtresse, "une oeuvre rare, comme il s'en publie peu aujourd'hui."
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Oeuvres romanesques complètes, tome 1

N°331– Mars 2009

QUELQUES MOTS sur Jules BARBEY d'AUREVILLY [1808-1889].



La récente diffusion par France 2 de la série « Contes et nouvelles du XIX° siècle » nous replonge dans cette époque flamboyante à travers les œuvres d'Eugène LABICHE, de Guy de MAUPASSANT, Honoré de BALZAC ... Cela nous prouve que le Service Public peut aussi avoir une action culturelle, ce dont personnellement je n'ai jamais douté.



Je veux saluer cette initiative mais aussi la mise en lumière d'un écrivain un peu oublié qu'est Jules Barbey d'Aurevilly, auteur notamment des «Les Diabolique s» dont est extrait la nouvelle « Le bonheur dans le crime » diffusée sur France 2.



C'est que le personnage est original et paradoxale à plus d'un titre.

De racines normandes, la famille Barbey accède à la noblesse vers le milieu de XVIII° par l'acquisition d'une charge. La Révolution l'éprouvera durement et elle vivra dans l'espoir du retour de la monarchie. Ainsi, l'enfance de Jules se déroulera dans une ambiance conservatrice, entre une mère attentive et un père un peu austère. Quand il poursuit ses études au collège de Valogne, Jules loge chez un oncle à l'esprit libéral, docteur en médecine mais aussi franc-maçon, ce qui contribue à l'émancipation de son neveu. Ce personnage se retrouvera dans son œuvre. De même, d'autres membres de sa parentèle contribueront à son éveil intellectuel et à sa future vocation d'écrivain. Il commence à publier des vers, mais le succès n'est guère au rendez-vous. Son admission dans un collège parisien contribue largement à lui inculquer des idées opposées à celles de sa famille, il devient républicain et entame des études de droit.



En littérature, c'est l'époque du romantisme, il rencontre Hugo, mais ses tentatives littéraires sont vouées à l'échec tout comme ses amours. Pourtant, c'est de ce mouvement littéraire dont il s'inspirera dans ses premières œuvres. Lord Byron aura notamment une influence marquante sur ses premières années. La vie parisienne l'enivre, il rompt avec sa famille et mène dans la capitale la vie insouciante d'un dandy, ce qui lui vaut le surnom de « Sardanapale d'Aurevilly ». A cette époque il commence une étude sur Brummel qui parait en 1845 mais qui ne reçoit qu'un succès d'estime. Son dandysme est original en ce qu'il ne se cantonne pas à l'habit mais, au contraire, se décline dans des nuances intellectuelles toutes personnelles et originales. Brillant causeur, il multiplie les conquêtes féminines, ce qui ne sera pas sans influence sur son œuvre littéraire future [« la vieille maîtresse » qui fera scandale lors de sa parution]. Pour le moment, elle n'est guère couronnée de succès même s'il est également un intellectuel, collaborateur de divers journaux. Cela lui ouvre les portes des salons et des cercles littéraires et il revient quelque peu dans le cercle royaliste et catholique.



Il se met à voyager dans le centre de la France, se rapproche de son frère qui est devenu prêtre, ce qui l'amène sur les chemins de la conversion. Il devient rédacteur en chef de «  la revue du monde catholique », mais la révolution de 1848 le perturbe quelque peu et il semble, passagèrement, épouser la cause des mouvements ouvriers, puis abandonne les salons parisiens pour sa Normandie natale où il peaufine son œuvre littéraire. Il s'y mêle catholicisme, monachisme et pages sensuelles et passionnées. Dans le même temps, il travaille à la rédaction de « un prêtre marié », ce qui ne l'empêche pas de renouer avec la pratique religieuse.



Pourtant, ses démons journalistiques ne sont pas morts et il est engagé dans un journal, bonapartiste, celui-là, mais en qualité de critique littéraire. Il y restera 10 ans et s'attaquera aux « Contemplations » de Victor Hugo, réhabilitera Balzac, révélera Stendhal, défendra Baudelaire, combattra Leconte de Lisle et Zola, Sainte-Beuve, Gautier...

Il se révélera un polémiste attentif et de qualité, témoin et parfois contempteur de la vie littéraire de son temps, talentueux et courageux en tout cas, attaquant même l'Académie Française et gardant une fibre anti-républicaine.



Son œuvre (Les Diaboliques) scandalise, il poursuit sa démarche créatrice, ce qui lui vaut le surnom de « connétable des Lettres », et se consacre aux femmes de Lettres. Jusqu'à sa mort il continuera de publier des nouvelles, parfois remaniées. En tant qu'écrivain, il reste marqué par le goût de la provocation mais reste profondément marqué par le catholicisme (principe de l'opposition du bien et du mal, présence du personnage du prêtre...), le classicisme, mais aussi par la peinture de la vie provinciale normande et l'évocation des paysages, notamment dans ses nouvelles.

Polémiste ou écrivain, il a lui-même inspiré des personnages de romans et s'est attiré par ses critiques, sympathie ou inimitiés.

Je ne partage pas, assurément, toutes ses idées, mais j'apprécie qu'il n'ait pas suscité de l'indifférence.



L'adaptation télévisuelle d'une de ses nouvelles sera peut-être l'occasion de redécouvrir cet homme de Lettres qui fit partie intégrante des écrivains de son temps et qui l'illumina.





 Hervé GAUTIER – Mars 2009.http://hervegautier.e-monsite.com 

















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Les Dames Baroques

J'ai profité de l'évènement Un mois, une maison, un achat organisé par Vision Livre pour lire Les Dames baroques, l'une des anthologies des éditions du Riez, maison mise à l'honneur en septembre.

Il y a à peine quelques années, je n'étais vraiment pas attirée par les recueils de nouvelles, n'appréciant pas ce format trop court et dans lequel je n'arrivais pas à me plonger. Aujourd'hui, je me suis rendue compte qu'écrire un texte bref mais complet est un exercice difficile et qu'il permet de découvrir rapidement de nouvelles plumes et donc de nouveaux talents.



Autour du thème de la femme, Les Dames baroques propose 20 nouvelles de 20 auteurs différents. Et il y en a pour tous les goûts. Je mentirais en disant que je les ai toutes adorées mais aucune ne m'a véritablement déçue. J'ai noté quelques faiblesses (notamment de style) sur une ou deux d'entre elles, mais dans l'ensemble, j'ai été conquise et suis ravie d'avoir découvert quelques nouveaux auteurs que je ne manquerai pas de suivre, dès que l'occasion se présentera.



Femmes fortes ou persécutées, humaines, déesses, sorcières ou créatures mythologiques, princesses ou esclaves, femmes d'hier ou d'aujourd'hui... autant de personnalités qui prennent vie sous la plume de nos 20 auteurs. Je ne reviendrai pas sur chacun des textes car ce serait trop long - et j'avoue que je serais bien incapable de vous résumer certaines histoires - mais sur les 8 qui ont retenu mon attention, 4 sortant encore plus du lot.



Avec Lapidaire, Karim Berrouka nous offre un joli conte oriental où l'héroïne, une princesse faite de pierres précieuses, cherche l'Amour avec un grand A, celui qui se moque des apparences et de l'or. Un schéma classique mais une belle sensibilité qui fait la différence.

Classique, c'est aussi le cas du Baiser de la sorcière de Armand Cabasson qui met en scène une sorcière condamnée au bûcher. La chute n'est pas très surprenante mais l'ensemble reste efficace. J'ai aimé la narration et l'alternance des paragraphes, tantôt rédigés à la première personne, tantôt offrant un flash-back.

Plus modernes, avec une touche de suspense et de thriller à la Thilliez (notamment pour la deuxième nouvelle), Jusqu'au bout de la vérité de Cyril Carau et Isabella de Sophie Goasguen offrent des chutes particulièrement surprenantes. Du rythme et de la tension au creux de ces pages, j'ai été happée par ces histoires !

On retourne au Moyen Age et au fin' amor avec Serments, Eternels serments d'amour de Léonor Lara où les codes du genre sont respectés. Un chevalier épris d'une Belle Dame sans merci qui lui fait tourner la tête. Absence de l'être aimé, attente de son retour, soupirs et combats chevaleresques. J'ai adoré retrouver l'amour courtois et la rencontre avec une femme éthérée grâce à cette nouvelle.

On reste dans le passé avec le conte proposé par Madame d'Aulnoy. Animaux qui parlent et héros qui doit surmonter quelques épreuves sont au programme de ce conte qui m'a très agréablement rappelé les histoires de mon enfance. Un charme désuet imprègne La Belle aux cheveux d'or et je suis heureuse de l'avoir enfin découvert !

Beaucoup plus sombre, Les Crocs de la Basilicate de Elie Darco est, me semble-t-il, la plus longue nouvelle de l'anthologie et une de mes préférées. L'héroïne est ici une servante maltraitée (du fait d'un handicap physique) qui est au service d'un alchimiste un peu fou. Entre deux expériences sur des vampires et des goules, la pauvre jeune femme doit nourrir les monstres et nettoyer les tâches de sang quand le pire est arrivé. Une ambiance de cachot et d'ésotérisme se cache entre ces pages...

Enfin, j'ai envie de mettre en avant la nouvelle de Sophie Dabat, baptisée L'Essor. On y fait la rencontre de deux peuples ennemis qui s'affrontent sans cesse... jusqu'à la chute qui apporte une grosse révélation. J'ai vraiment beaucoup aimé l'émotion qui se dégage de ce conflit où la haine de l'autre fait des dégâts irréparables. J'y ai également trouvé une certaine animalité, comme un retour aux sources des plus anciennes légendes et de la mythologie. Mais par dessus tout, ce qui m'a fait m'arrêter sur ce texte en particulier, c'est l'univers créé par l'auteure. En quelques pages seulement, Sophie Dabat nous happe complètement et nous plonge dans son histoire... et ça fonctionne super bien. C'est maîtrisé et très riche malgré la brièveté de la nouvelle. Et c'est la seule nouvelle qui m'a donné l'impression qu'on pouvait aller plus loin et écrire d'autres choses (un roman !) dans cet univers. Bravo.



J'aurais pu vous parler brièvement d'autres textes mais je préfère m'arrêter là car même s'ils m'ont plu et fait passer d'assez bons moments dans l'ensemble, ils ne m'ont pas assez marquée. Quant à la nouvelle de Sire Cédric - très certainement le nom le plus connu de la liste aujourd'hui, en tout cas du côté des auteurs contemporains - baptisée Succube, si je l'ai trouvé pertinente quant à son thème (le succube, d'où son titre), je n'ai pas été particulièrement fan du sujet. Comme vous pouvez vous en douter, on suit les aventures sexuelles d'un succube (une femme) et de sa proie... sur plusieurs pages. Pas mal écrit, mais ce n'est pas le genre "d'intrigue" qui me passionne.



Vous pouvez le constater, les nouvelles de cette anthologie sont très variées, aussi bien dans le fond que dans la forme ; nul doute que vous y trouviez votre bonheur. Je félicite Estelle Valls de Gomis - l'anthologiste - qui a réussi à rassembler 20 textes de bonne qualité. Difficile de tout aimer dans un recueil, mais pour le coup, il y a peu d'histoires (peut-être deux) qui n'ont pas fait mouche... on peut donc parler de réussite !
Lien : http://bazardelalitterature...
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Les Diaboliques

[Livre audio lu par Gabrièle Valensi - Sélection de 2 nouvelles "La vengeance d'une femme", "Le plus bel amour de Don Juan"]



J’avais une image de ce livre complètement faussée dans la tête. Une image à la « Liaisons dangereuses » : lit, lettres et amants complices. C’est drôle, parfois, les constructions mentales qu’on se fait à propos d’un classique dont l’évocation nous effleure souvent mais qu’on ne lit jamais.



Donc ici, une histoire d’honneur, de vengeance, du lourd, du sanglant, du glauque, de la « fange ». Une écriture précieuse, un rien ampoulée. Un vieux monde poussiéreux. Heureusement que la lectrice – Gabrièle Valensi – a de la rondeur dans la voix, insuffle une chaleur humaine dans cet univers décadent et volontairement sulfureux.



Barbey d’Aurevilly m’ennuie.
Lien : http://versautrechose.fr/blo..
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Les Diaboliques

Ce recueil de six nouvelles qui parut en 1874 est entièrement consacré au Mal que Jules Barbey d'Aurevilly s'obstina à observer, selon le mot de Léon Bloy, "par un trou d'aiguille". Ces six nouvelles étonnent d'abord par l'art de la narration : des personnages profonds, un rythme lent qui épouse un vocabulaire riche et pourtant simple, une vive accélération à la fin de la nouvelle avant le dénouement final. Par petites touches, Barbey d'Aurevilly dresse le portrait d'une société française encore très hiérarchisée, marquée durablement par l'ère napoléonienne, dans laquelle s'est immiscé un enfer devenu quotidien.

Le Mal est multiple et s'insinue dans tous les pores de chaque personne : depuis le jeune militaire qui craint que l'on découvre la mort de sa jeune maîtresse en pleins ébats jusqu'à la fillette qui accuse un homme superbe de lui avoir fait un enfant. Il y a aussi des histoires affreuses dont des contextes terribles, des jalousies et des vengeances, immédiates ou longues, des histoires de cœurs qui saignent et de cœur que l'on tranche. C'est le blasphème, la débauche, la violence physique, l'immoralité : un Mal dont Barbey d'Aurevilly veut se prémunir puisqu'il n'apporte que la mort.
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