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Critiques de Jules Barbey d`Aurevilly (287)
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L'Ensorcelée

L’Ensorcelée c’est d’abord un titre trompeur qui focalise l’attention sur un personnage, certes majeur : Jeanne de Feuardent – quelle trouvaille onomastique lorsqu’on connaît son destin ! –, épouse Le Hardouey. Or, le roman de Barbey d’Aurevilly s’attache autant, sinon plus dans un cas, à d’autres personnages, comme il appréhende plusieurs thèmes : l’Histoire, le fantastique, la foi, et même un peu celui des mœurs régionales, accentuant ce dernier en inondant son récit de patois normand. A moins que cet ensorcèlement ne relève que d’une passion déçue ?! Je ne saurais répondre…

L’histoire centrale nous est donc rapportée par le narrateur, d’après les dires d’un herbager du cru, puis ceux d’une aristocrate centenaire. Il la retranscrira, y mêlant ses impressions propres, pour en tirer finalement une tragédie locale aux accents universels. Sur la quatrième de couverture de l’édition Folio, une phrase en exergue résume bien l’intention de l’auteur : « J’ai tâché de faire du Shakespeare dans un fossé du Cotentin. »

Ça se passe dans une Normandie superstitieuse et reculée : La Manche – région natale de l’auteur –, et particulièrement autour d’une lande propice à tous les développements fantastiques : la lande de Lessay.

Au fait, L’Ensorcelée est-il un roman fantastique ? Oui, si l’on se réfère à quelques passages. Non, si l’on considère ce texte comme une tragédie, où planent les cadavres encore tièdes de la chouannerie – chère à l’auteur – et d’une société disparue, celle-ci incarnée par une antique courtisane, une vieille comtesse et surtout cet abbé de La Croix-Jugan, dont le destin écorché – le mot a son importance ! – atteste son attachement fanatique à l’Ancien Régime. Un abbé qui hante le récit comme un spectre.

Nous sommes donc à la fin du Consulat et au début de l’Empire, sur une terre éprouvée par ces combats entre Blancs royalistes et Bleus révolutionnaires. Les rancœurs sont encore vives et la vengeance demeure au creux du ventre.

Jeanne, femme entre deux mondes (à la fois roturière et aristocrate par le sang), l’ensorcelée du livre, résume ce déchirement d’une nation que l’épisode napoléonien, cherchant à pacifier le pays, ne parviendra pas à étouffer complètement. De là certaines scènes d’une atrocité inouïe. Je pense au lynchage d’une femme dans un cimetière, traînée ensuite comme une bête. La même femme qui racontera auparavant son humiliation de jadis : tondue en place publique. Une tradition qui perdurera, si vous voyez ce que je veux dire !

Mais au-delà de la sorcellerie des pâtres, de l’apparition d’un revenant dans une église, un an après sa mort, L’Ensorcelée est une œuvre profondément mystique, avec en filigrane la question de la rédemption. C’est aussi un crescendo dans le chaos des émotions et des croyances.

Lorsque Baudelaire parlait de « chef d’œuvre » à propos de ce livre, il ne se trompait pas.

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Le chevalier des Touches

Préface, Chronologie, Notes & Variantes, Bibliographie : Jacques Petit



ISBN : Non Indiqué



Pour certains, voici le chef-d'oeuvre de Barbey d'Aurevilly. Je me contenterai de dire que, à mes yeux, il s'agit simplement de l'un de ses chefs-d'oeuvre, au nombre desquels j'inclus sans sourciller "L'Ensorcelée", "Une Vieille Maîtresse" et "Une Histoire Sans Nom". Laissons "Les Diaboliques" à part puisque son statut de recueil de nouvelles le soumet à une inégalité dans les thèmes et dans les personnages dont sont souvent victimes les oeuvres du même genre. (Cela dit, trois au moins des "Diaboliques" sont de purs chefs-d'oeuvre de la nouvelle mais nous y reviendrons. )



Miracle littéraire, incompréhensible comme tous les miracles, "Le Chevalier des Touches" est un roman qu'on n'est pas près d'oublier. Pourtant, quand on le lit pour le première fois, on n'en a absolument pas conscience. Il y a là-dedans une atmosphère à nulle autre pareille qui vous transforme et vous conquiert. Est-ce dû au réalisme que Barbey honore ici de façon exceptionnelle tout en ne renonçant pas un instant à sa flamme habituelle ? Non. Certains trouveront même vite étouffant le réalisme des trois premiers chapitres. Alors, c'est peut-être le récit, basé sur des événements historiques réels puisque le personnage de Jacques Destouches a existé et que Barbey le rencontra en 1856 dans la maison pour malades mentaux du Bon-Sauveur, à Caen ? En toute franchise, si les scènes d'action où apparaît Des Touches (sans oublier sa vengeance) sont très bien menées, elles ne retiennent pas particulièrement : on les attend, certes et on serait déçu de ne pas y assister mais elles n'ont rien à voir avec cette fabuleuse, cette impeccable remontée dans le Temps que représente "Le Chevalier Des Touches."



Car c'est bien le miracle particulier à ce livre, qui déroutera sans nul doute plus d'un lecteur habitué à Barbey : on remonte le Temps sans s'en rendre compte, comme si l'on n'avait jamais fait que cela. Mieux : le Passé, ce XVIIIème siècle finissant dont nous avons déjà relevé maintes traces dans les oeuvres précédentes de l'écrivain normand, le Passé vient à nous, nous enveloppe avec le sourire, nous intègre avec douceur et nous fait devenir partie prenante de l'histoire qu'il nous conte. Et ceci, malgré la construction du livre : une suite de récits qui devraient, au contraire, nous ramener fréquemment au présent, en tous cas nous garantir de ne pas perdre intégralement de vue celui-ci. Avec cela, Barbey renonce cette fois-ci à mettre en avant la fibre fantastique qui, chez lui, est si prégnante : rien de bien mystérieux dans ce récit semi-historique, semi-romanesque, des faits et rien que des faits, qui provoquent, par leur évocation, les confessions et les réminiscences de ceux qui les vécurent. Ici, il n'y a pas d'ombre - sauf celle de Des Touches, aperçue dans les rues de Valognes au tout début du livre - il n'y a pas de diablerie, authentique ou supposée : tout est clair et ce n'est sûrement pas un hasard si Barbey a choisi, pour narratrice principale, cette ineffable Melle de Percy, qui ressemble et a toujours ressemblé à un grenadier, qui en a d'ailleurs retenu les jurons et qui se montra chouanne intrépide. Quand vous écoutez parler Melle de Percy, c'est un peu comme si vous lisiez les "Mémoires" de la duchesse de Montpensier : vous savez qu'une telle femme ne peut mentir et vous dit exclusivement la vérité. Et en plus, elle est là, devant vous, solidement plantée dans ses bottes, aussi présente que si le Temps - et la fiction pour Melle de Percy - ne créaient entre vous aucun abîme.



Cette ambiance, ah ! cette ambiance ! ... C'est indescriptible et c'est inimitable et Melle de Percy y est pour beaucoup car elle est l'âme de ce salon poussiéreux où nous introduit Barbey, un salon empli au début - du moins nous semble-t-il - d'automates vieillis qui, peu à peu, s'animent et ressuscitent toute leur jeunesse et toute la chouannerie normande jusqu'à ce que l'ultime réponse ait été donnée. Alors, en automates bien élevés qu'ils n'ont cessé d'être, un à un, ils retournent à leur trompeuse inertie. Mais ne soyez pas dupe : dès que vous ferez tourner à nouveau les pages, ils seront à nouveau tout prêts à vous faire revivre l'histoire du chevalier Des Touches - et leur histoire aussi.



Pour me résumer - ou plutôt pour essayer, comme d'habitude ;o) - prenez une bonne dose de Jean Ray (pour cette atmosphère, elle aussi inimitable, qu'il sait donner des salons de province), ajoutez deux ou trois filets d'un roman de cape et d'épée supérieurement enlevé (comme savaient les faire Dumas Père ou Féval) et, aussi inapproprié que cela puisse vous paraître, saupoudrez le tout de deux ou trois couplets des "Vieux" de Jacques Brel. Et surtout, pour ceux qui oseront aller jusqu'au bout , très important : n'oubliez pas d'ajouter une petite ombrelle à l'image du Tardis du Docteur Who. A ce moment - et à ce moment-là seulement - vous obtiendrez, grosso modo, un cocktail qui se rapprochera fort du "Chevalier Des Touches."



Non, je ne suis pas folle et, puisque l'on parle cocktails, je n'ai pas bu une seule goutte d'alcool. ;o) Je me contente de vous donner une (bien faible) idée de l'effet qu'a produit sur moi ce roman qui restera à mes yeux un incroyable moment de grâce littéraire : et la grâce, ça ne s'explique pas, ça se contente d'être là et c'est parfois un peu fou.



Bien sûr, certains d'entre vous resteront - ou sont déjà restés - insensibles au charme étrange de ce roman hors-normes. C'est sans doute que vous ne partagez pas les rêves qui hantaient Barbey d'Aurevilly, écrivain qu'on peut comparer à une sorte de somnambule ou de dormeur éveillé, tant son talent, si injustement méconnu de son vivant, est protéiforme, à la fois outrageusement "vieille France" et furieusement (comme on disait au temps de Molière) moderne, le tout dans une cohérence unique dont on se demande comment il y parvenait.



Mais le résultat est là et "Le Chevalier Des Touches" nous ouvre ses pages pour en témoigner, en gardien fidèle de la mémoire de Barbey d'Aurevilly. ;o)
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L'Ensorcelée

L'ensorcelée de Barbey d'Aurevilly mêle l'histoire et la fantastique. Le récit se situe en Normandie au milieu du XIX e siècle et se base sur la légende de l'abbé de la Croix-Jugan et des sorcelleries des pâtres de la lande.

L'abbé, à la fois prêtre et chouan, tente de se suicider à la fin de la guerre entre les royalistes et les bleus. Sauvée par une vieille femme, il en reste complètement défiguré et banni de l'Eglise.

Jeanne-Madeleine de Feuardent, de lignée noble fut contrainte d'épouser un paysan, Le Hardouey avec lequel elle vit heureuse à Blanchelande.

Sa rencontre avec l'abbé défiguré va bouleverser sa vie.

" Qu'est-ce que l'amour ? Et comment et pourquoi naît-il dans les âmes ?"

Est-ce le sort jeté par un berger au retour de l'église? Ou une façon de renouer avec son rang, alors que son amie, la vieille Clotte lui reproche sans cesse sa mésalliance ? Est-ce la troublante beauté défigurée de l'abbé ?

Toujours est-il que Jeanne est ensorcelée.

" C'était magnifique et c'était affreux." " Ce chêne humain, dévasté par les balles à la cime, avait toujours la forte beauté de son tronc."

Malheureusement, encore meurtri par la guerre des chouans, le village se déchaîne rapidement après la mort de Jeanne. Rancunes et légendes sèment le trouble dans l'esprit des foules. L'auteur nous laisse toutefois dans l'incertitude en fin de roman. Suicide ou meurtre, personne ne le saura mais la légende de l'abbé perdurera.

Comme toute œuvre classique, la lecture est difficile (en tout cas, pour moi). D'une part parce que tout est basé sur l'oralité. Le livre commence par la rencontre du narrateur avec un herbager, Maître Tainnebouy. Parcourant la lande en pleine nuit, ils doivent s'arrêter car le cheval de l'herbager commence à boiter. Lorsque résonne la cloche de Blanchelande, Tainnebouy, déjà inquiété par le sort des pâtres, ne peut que raconter l'histoire de Jeanne et de l'abbé. À l'intérieur de ce récit, s'insèrent aussi les "dieries" des paysans.

Vous l'avez compris, la seconde difficulté vient de l'utilisation du patois normand. Heureusement, il y a des notes explicatives en fin de livre.

Je lis très rarement des classiques et j'ai beaucoup aimé retrouver ce style très descriptif. L'auteur décrit les personnages sur plusieurs pages avec force de détails dans l'aspect et le caractère. Les personnages de l'abbé, de Jeanne ou de la Clotte sont sont très évocateurs. Les rencontres, notamment celle de Jeanne à l'église ou celle de La Clotte avec les villageois sont d'une grande force.

J'ai apprécié aussi cette ambiance fantastique où les êtres ne semblent plus maîtres de leurs pensées ou leurs actions, ce mystère qui demeure au-delà du dénouement.
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La Bague d'Annibal

Etrange récit, que cette bague d'Annibal, avec 150 chapitres répartis sur 70 pages. Nous sommes à mi chemin entre haikus et nouvelle.

C'est joliment écrit, mais le jeu amoureux des protagonistes m'a laissé plutôt de marbre. Méritait-il dans des portraits et de digressions? Si certains s'écoutent parler, il me semble que Barbey se plait à se lire écrire…
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Un prêtre marié

Un prêtre, Sombreval, rompt son sacerdoce pour se marier. Après la mort de sa femme, il retourne avec Calixte, sa fille souffreteuse, dans sa campagne natale. Au fin fond d’une Normandie rurale et inhospitalière l’ambiance est lourde dans le château dépouillé. Les prédictions du démon, les médisances des villageois et l’opprobre public transforment leur séjour en retraite assiégée… jusqu’à l’arrivée du fougueux Néel de Néhou paré de mille vertus qui s’éprend immédiatement de la belle et vertueuse Calixte.

Pour échapper à la malédiction et épargner sa fille tant aimée le renégat Sombreval, antihéros fier et courageux, va devoir faire preuve d’un insensé dévouement.



Voilà un résumé bien sec, bien peu barbeyaurevillienesque. La distance multiséculaire (2) a fait jaunir cette trop longue histoire kitsch en diable - tant pis pour l’anachronisme - et sa fin totalement hallucinée.

Partir pour la campagne profonde dans la Manche au début du 19ème siècle est un dépaysement hardi. J’ai chevauché, bien secouée, sur des chemins de perdition, franchissant les fondrières, les landes et les marais, « un terroir aux arômes concentrés » où les villageois « patoisent » sans filtre. L’ambiance est malsaine, mystérieuse. Elle infuse tout le roman dans un halo brumeux de superstitions.

Outre ses qualités de conteur Barbey d’Aurevilly possède une autre corde à son arc. Sa plume assassine fustige sans prendre de gants ceux qu’il désapprouve. Très incorrect probablement déjà à son époque il l’est plus encore de nos jours. Ses considérations malheureuses sur les serviteurs noirs de Sombreval, et ses affirmations péremptoires sur l’éducation et le mariage des filles seraient juste impossibles.

Pourquoi alors lire un tel ouvrage aujourd’hui ? L’abandon de la religion et le trop grand amour paternel sont au cœur du récit. A l’évidence, ou plutôt à la lecture, c’est irréaliste et peu convaincant. Alors, pourquoi ? Pour l’écriture, la vie campagnarde, la restitution d’une époque et au final pour bien mesurer l’écart avec certains contemporains, Flaubert ou Balzac pour n’en citer que deux.





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Les Diaboliques - Le Rideau cramoisi - Le B..

Romancier scandaleux en son temps (le long et très riche en littérature XIXe siècle) Jules Barbey d'Aurevilly vécut comme il écrivait : en "emmerdant" le bourgeois, le petit nobliau de province ou le dandy parisien. Ces contemporains le jugeaient pervers. Républicain sous le règne des ultra-royalistes qui encensaient Louis XVIII et Charles X, royaliste sous le règne du prince-président (puis empereur) Napoléon III, Barbey d'Aurevilly s'afficha comme furieusement clérical quand la République laïque revint au pouvoir.

Ce que j'aime chez ce noceur orgueilleux -qui se voulait aussi être un catholique intransigeant (qui "en même temps" écrivit "Un Prêtre marié")- c'est qu'il lança à la face du monde "Les Diaboliques", dont les nouvelles ne sont pas seulement immorales, mais surtout amorales. Et tout cela écrit dans un style à la précision admirable.

Lire, relire "Le Rideau cramoisi", mais surtout "Le Bonheur dans le crime" c'est assister à des morceaux de bravoure où le crime fait le bonheur du tueur (ou de l'empoisonneuse), sans aucun remord. "Le Bonheur dans le crime" est le portrait d'un homme et surtout d'une femme ( Hauteclaire Stassin, magnifique "maître d'armes" en pantalon moulant) totalement dégagés des préjugés de leur temps, pour qui rien, ni personne (et surtout pas l'épouse légitime, ou le médecin qui est le narrateur) ne doit faire obstacle à leur désir.




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Une vieille maîtresse

Une Vieille maitresse est un roman du dix-neuvième siècle, roman sentimental, roman de réflexion sur le couple et ses rapports dans la veine de Constant ou de Goethe.

Le texte est charmant, classique mais tout à fait dans le style du siècle.

J'ai beaucoup aimé l'évocation de la Bretagne, l'histoire faite de rebondissements avec une fin inattendue et des personnages traités avec beaucoup de profondeur et de sentimentalisme.

Une adaptation cinématographique a été faite par Catherine Breillat et elle reflète bien l'atmosphère sombre du roman,.

Un roman tout de même exigeant et complexe, à lire pour approfondir sa connaissance du mal du siècle.
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Les Diaboliques

Emballé par la lecture de "l'ensorcelée" il y a quelques semaines, je continue ma découverte de l'oeuvre de Jules Barbey d'Aurevilly.



Et c'est sur son fameux recueil de nouvelles intitulé "les diaboliques" que je me suis penché cette fois. Format qui n'est habituellement pas celui que j'affectionne le plus.



Paru en 1874, il entraîna l'inculpation de Barbey d'Aurevilly pour "délit d'outrage à la morale et aux bonne mœurs", comme ce fut le cas pour Flaubert et son "Madame Bovary".



On y trouve 6 nouvelles, de 30 à 40 pages (au format Quarto):



Le rideau cramoisi



Le plus bel amour de Don Juan



Le bonheur dans le crime



Le dessous de cartes d'une partie de whist



A un dîner d'athées



La vengeance d'une femme



J'ai lu ces 6 nouvelles dans l'ordre dans lequel elles sont présentées, nouvelles qui ont la particularité d'être toutes écrites (sauf la dernière) sous la forme de récits racontés par un narrateur à un ou plusieurs autres personnages.



Un jeune militaire épris de la fille de ses hôtes, un séducteur qui raconte l'amour le plus fou qu'il ait vécu, un couple étrange croisé dans un parc, voilà quelques uns des personnages que l'on va rencontrer.



Barbey d'Aurevilly, comme il est mentionné sur la 4ème de couverture, aime évoquer le passé : une France aristocratique, contre-révolutionnaire et donc favorable à la Restauration.



Habitués de Zola et de ses romans populaires dédiés à la bourgeoisie commerçante et aux ouvriers (le ventre de Paris, l'assommoir, Germinal, etc), le dépaysement sera total.



Ainsi c'est dans la ville de Valognes dans le Cotentin, cadre de chacune des nouvelles, un "Versailles normand", que l'auteur va nous parler d'amour, de passion, de "la femme", diabolique par les sentiments qu'elle ressent et qu'elle inspire.

Qu'elles s'appellent Hauteclaire ou Eulalie, Rosalba, Albertine, elles sont les héroïnes maudites d'histoires flamboyantes mais cruelles et tragiques.



En effet, comme je l'avais dit pour "l'ensorcelée", quelle écriture ! Je ne peux m'empêcher de vous en donner deux exemples tirés de "le dessous de cartes d'une partie de whist" (et ne révélant rien de l'intrigue):



"Il semblait qu'en se retirant de toute la surface du pays, envahi chaque jour par une bourgeoisie insolente, l'aristocratie se fût concentrée là, comme dans le fond d'un creuset, et y jetât, comme un rubis brûlé, le tenace éclat qui tient à la substance même de la pierre, et qui ne disparaîtra qu'avec elle."



"Ma puberté s'est embrasée à la réverbération ardente de ces belles et charmantes jeunesses qui savaient leur beauté inutile, qui sentaient que le flot de sang qui battait dans leurs cœurs et teignait d'incarnat leurs joues sérieuses, bouillonnait en vain."



Les ambiances sont rendues d'une façon prodigieuse. On se croirait perdu sur ces routes de campagne ou ces ruelles, noyées dans le brouillard et la pénombre ou au contraire, dans ces salons mondains.



Bref, cette nouvelle lecture est un choc et confirme l'impression éprouvée précédemment avec l'ensorcelée.



Bonne lecture !
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L'Ensorcelée

Barbey d'Aurevilly rend à nouveau hommage à la Normandie, avec ses paysans rusés et avides, ses bergers errants un peu sorciers, ses femmes de tête et d'action, mais aussi ses chouans qui ont combattu pour Dieu et le Roi. Les sympathies de l'auteur sont bien visibles. Le récit du supplice du prêtre est d'ailleurs assez horrible, même s'il précise que les brutes violentes et cruelles se trouvent dans chaque camp.

C'est ce prêtre qui est le personnage le plus fascinant du récit, pour sa malédiction, pour ses souffrances, mais surtout parce qu'il ne s'exprime pas. On ne connaît pas ses pensées, il nous reste mystérieux : est-il envouté ou maudit ? amoureux ou damné ?

Et c'est cette multiplicité d'interprétations qui est intéressante, puisqu'on peut voir à la fois du fantastique dans le décor tourmenté de la lande normande ou le pouvoir de fascination d'un homme charismatique. Le récit cadre où le Narrateur, incarnation de l'Auteur, intervient, n'était cependant pas nécessaire.
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Une histoire sans nom

Madame de Ferjol, veuve du baron, vit avec sa fille Lasthénie, dans les Cévennes où la topographie et le climat du village ne m'encourageraient guère à y séjourner ni même à y passer. En effet la nature telle qu'elle est décrite par son auteur ne semble être qu'humidité, suintement ; le village sis au fond de l'entonnoir (dixit l'auteur) paraît être un lieu duquel on a du mal à s'extirper tant le chemin qui mène vers la clarté semble très éloigné et inaccessible. C'est pourtant dans ce lieu qu'est venu prêcher le Père Riculf, capucin, prédicateur désigné pour le temps pascal. Hébergé chez Madame de Ferjol et sa fille, voilà qu'un beau matin, le capucin s'est échappé ! Et ceci la veille de Pâques.



Passé le temps de la stupéfaction, la vie suit son cours pour tous sauf pour Lasthénie qui semble avoir été affectée par ce départ et dont sa mère et Agathe, la bonne de la famille, n'ont aucune explication. Le temps passe et le médecin ne trouve aucune explication à fournir à la mère de la jeune fille.



Une nuit, alors que Mme de Ferjol se lève pour se rendre au chevet de sa fille, elle découvre l'origine du mal qui ronge son enfant.



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Ce livre est pour celles et ceux qui apprécient le passé-simple, le subjonctif imparfait, les descriptions longues mais non ennuyeuses, très imagées avec une pointe de sarcasme et dont le texte sait nous surprendre vers sa fin.



Vous comprendrez donc que je l'ai beaucoup apprécié.
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L'Amour impossible

"Il y a seulement de la malchance à n'être pas aimé. Il y a a du malheur à ne point aimer." écrivait Camus dans l'été. Voilà sans doute le thème principal de L'Amour Impossible, premier roman de Barbey d'Aurevilly.

Hélas, l'auteur traite ce thème avec une distance glaciale et moult descriptions psychologiques, clichés de son époque, qui rendent long ce court roman. On a du mal a rentrer dans ce triangle amoureux (ou pas amoureux), et tout autant dans ce tout Paris fermé de la Restauration, qui n'était en fait pas grand chose. Dans le cours du récit, Barbey fait allusion au plus célèbre verset de l'Ecclésiaste (Vanité des vanités, tout est vanité) : avait il conscience de la vertigineuse mise en abîme qu'il faisait ?

Alors bien sûr, lecture après lecture, je vois émerger un jeune auteur, et vais poursuivre, en espérant mieux.
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L'Ensorcelée

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Une histoire sans nom

Un jour un cinéaste audacieux adaptera cette histoire effroyable. On déconseillera aux spectateurs de la lire avant. La joie ou disons une certaine quiétude, s'y amenuise comme une peau de chagrin. Petit à petit. C'est cette descente interminable décrite avec brio (la maîtrise du temps est totale) qui fait de Barbey d'Aurevilly un formidable écrivain. Seul l’amour inconditionnel de la nourrice éclaire ce recit, le lecteur en est hélas plus conscient que l'héroïne anéantie. La fin réunira trop tard les deux âmes qui s'aimaient. Qui s'aimaient? Qui a péché?

Barbey règle ses comptes avec panache.
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L'Ensorcelée

Partez dans les landes normandes ! Prieurés abandonnés, ses cloches funestes, ses bergers errants et un peu sorciers. Partez sur les traces des chouans vendéens ! Rejoignez le prêtre maudit ! La fière Jeanne ensorcelée. La maudite Clothilde !



C’est d’un changement dans la vie de son auteur, que naît L’Ensorcelée. Barbey d’Aurevilly, prétendu démocrate jusqu’alors, revient à la foi catholique. Il décide de fuir le présent pour le passé, et de s’éloigner de la réalité. Il s’en retourne aux sources normandes et à ses origines. De là, germe le projet de l’écriture de chroniques normandes. La guerre des Chouans passionnant Barbey, ce dernier entreprend une peinture pittoresque de la Normandie et de son histoire.

Mon avis sur le livre :

J'ai découvert ce roman, lecture imposée par mon professeur de français, quand j'étais un 3ème. J'ai adoré le livre et j'ai enchaîné avec plusieurs autres de Barbey.

Je dois l'avouer la terrible histoire de Jeanne-Madeleine de Feuardent et de l'abbé de La Croix-Jugan, ancien chouan m'a ensorcelée et je ne peux que vous conseiller ce roman, qui est l'un de mes préférés. Amour, Histoire, fantastique... Et la beauté de l'écriture d'un des plus grands romanciers de la littérature française. Très grand poète aussi d'ailleurs...

Et ces phrases si savoureuses au détour d'une page : "Je sais qui c'est, ma chère dame, - dit Nônon Cocouan, avec cet air ineffable et particulier aux commères. Et ceci n'est point une injure, car les commères, après tout, sont les poétesses au petit pied qui aiment les récits, les secrets dévoilés, les exagérations mensongères, aliment éternel de toute poésie ; ce sont les matrones de l'invention humaine qui pétrissent, à leur manière, les réalités de l'Histoire."
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Une vieille maîtresse

Trois couleurs dominantes dans ce roman, blanc, noir, rouge, qui s'unissent dans le gris.

Le blanc de la virginité d'Hermangarde, de la pâleur de son teint, de ses dentelles de mariée, de la pureté de ses sentiments. Et comme un pressentiment, le blanc évoque Caroline, le fantôme d'une jeune fille qui a souffert par le désir des hommes et qui hante les dunes.

Le noir pour Vellini, noir de sa chevelure, noir de son teint d'étrangère espagnole, noir de son âme aussi peut-être, elle qui est souvent comparée à une sorcière. Ainsi est-elle aussi associée au rouge, le rouge flamboyant et provoquant de sa robe, à l'image de sa passion, rouge de son sang aussi qu'elle utilise comme un charme magique, rouge des flammes qui ont dévoré son enfant.

Entre ces deux femmes, Ryno serait le gris, lui qui ne sait pas se décider, qui ne sait pas s'il aime et qui il aime, lui, qui apparaît bien falot à côté de ces deux grands caractères, l'une par sa force sauvage et voluptueuse, l'autre par sa douceur fière et souffrante. Ces trois personnages se réunissent et se confrontent, s'aiment et se déchirent dans le gris de l'hiver normand, dans de très belles pages décrivant le Cotentin.

Si certains passages sont un peu longs, l'écriture de Barbey d'Aurevilly n'en reste pas moins très belle, suscitant des images fortes, des nuits sensuelles comme des tempêtes dans les âmes et dans les airs, faisant tour à tour rire du vieux libertin échappé des Liaisons dangereuses mais ayant vieilli, sourire devant la marquise restée jeune de coeur, ou s'émouvoir devant la grandeur d'Hermangarde - frisonner aussi devant une passion si violente et sauvage, si perverse aussi sûrement, que celle de Ryno et Vellini.
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Le Rideau cramoisi

"Le Rideau cramoisi" est une des nouvelles qui composent "Les Diaboliques" de Barbey d'Aurevilly. Ce recueil n'a donc rien à voir avec de la littérature à l'eau de rose, quoiqu'il y soit souvent question d'amour, mais d'amour vénéneux, voire mortel.

Dans le "Rideau cramoisi" un homme vieillissant narre à un compagnon de voyage un épisode plus qu'étrange dont il fut le protagoniste dans sa jeunesse, vers 1825.

Albertine, la fille (très belle) de ses logeurs le séduisit à table, au nez et à la barbe de ses parents, par une attitude à la fois glacée, distante, mais aussi équivoque.

Puis advint ce qu'il advint. Et la mort s'invita dans ce corps à corps.

"Crime abominable, sans fer, ni poison."



Un très beau film (moyen métrage en noir et blanc) d'Alexandre Astruc, très fidèle à cette nouvelle, a été tourné. La beauté qui envoûte le jeune homme est jouée par la toute jeune Anouk Aimée.




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Le chevalier des Touches

D'abord, ce roman n'est principalement ni historique, ni un roman d'aventures. En effet, même si le récit rapporté se déroule pendant la guerre de Vendée, on ne sait rien du contexte ou des motivations, des combats des personnages. Les Bleus sont réduits à des figurants, les Blancs à des combattants de l'ombre, du bocage plutôt. Ce n'est pas non plus principalement un roman d'aventures, même si on trouve bien des combats épiques, des sièges de prison et des expéditions impossibles.

Non, la principale force du texte tient dans la galerie de portraits des personnages, ceux qui écoutent le récit - les vieilles filles et les vieux nobles émigrés de retour, comme ceux qui font partie de ce récit - les Chouans et les femmes qui les assistent. J'ai été d'ailleurs particulièrement intéressée par le retournement des genres : le chevalier des Touches est une princesse de conte qu'il faut délivrer dans sa tour, lui qui est beau comme une femme. Au contraire, Percy est une femme laide, intrépide, qui combat comme un homme, et qui vient le délivrer.

Et la fin se termine sur le destin tragique d'Aimée, Vierge-Veuve, un surnom évocateur.
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Les Diaboliques

Rien à dire, ce dix-neuvième siècle contenait des auteurs au-x style-s épatant-s. Barbey en fait partie. Toutefois, je me suis assez ennuyé en lisant ces nouvelles, excepté à certains moments où il se passe enfin des choses au-delà des descriptions bien trop longues à mon goût. Mes contemporains ou mes cadets auront bien du mal à lire ceci, c'est trop long et lent et si il y a une certaine imagination, ils en auront déjà lu, vu, entendu du nettement plus puissant. Bref, cette oeuvre est historique, et a un intérêt et une place dans la littérature, toutefois je pense qu'elle n'a pas une puissance suffisante pour passionner les nouvelles générations... Contrairement aux Misérables de Hugo, par exemple...
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L'Amour impossible

Avec "Ce qui ne meurt pas", roman lui aussi de sa jeunesse mais qu'il retravailla dans son âge mûr, "L'Amour Impossible" est, en tous cas à mon sens, le moins bon des textes romanesques de Barbey. L'écrivain avait sous-titré son oeuvre "Chronique Parisienne" et, en définitive, c'est bien là que gît le problème.



"L'Amour Impossible" met en scène un dandy de vingt-sept ans, l'éternel dandy dont on sait combien il est cher au coeur de l'auteur, répondant ici au joli nom de marquis de Maulévrier (je vous épargne le prénom ) et par ailleurs amant irrésistible, aux pieds duquel s'abandonnent les plus belles femmes du monde. Pour l'instant, Maulévrier est celui de la ravissante Mme d'Anglure, laquelle, à l'heure où commence notre récit, s'est retirée à la campagne pour une raison qui, je vous l'avoue, m'échappe complètement. De toutes façons, ce n'est que provisoire : les deux amants doivent se retrouver très vite et leur romance prospérer. Seulement, Maulévrier, qui s'ennuie vite semble-t-il - l'ennui, attitude et même posture on ne peut plus caractéristique du dandy - s'impose peu à peu auprès de la marquise de Gesvres, amie de Mme d'Anglure et femme, cela s'entend, d'une grande beauté, dont le mari occupe un poste dans la diplomatie. Pour l'heure, M. de Gesvres est retenu à Pétersbourg et, soyons francs, sa conjointe n'en a pas grand chose à faire. Il faut bien dire que cette femme, toujours très belle malgré l'âge qui avance - elle a cinq ans de plus que Maulévrier - est réputée n'avoir jamais connu ni la passion du coeur, ni les plaisirs des sens. Une vraie gageure, on s'en doute, pour un dandy comme Maulévrier.



Une liaison débute, très particulière et très verbeuse - et croyez-moi, question verbosité, je suis une authentique spécialiste ! Hélas ! en dépit des prétentions de Maulévrier, elle est vouée à l'échec le plus lamentable car il est bien vrai que Mme de Gesvres ne ressent rien. Tout au plus un frémissement, par-ci, par-là mais toujours au-dessus de la ceinture même si jamais dans la région du coeur. Au-dessous de la ceinture, c'est pour ainsi dire le néant absolu et le beau dandy a beau s'entêter, rien n'y fait. Maulévrier s'obstine pourtant et, sans aucun égard pour une malheureuse qui, elle, l'aime éperdument et le désire tout autant, laisse tomber Mme d'Anglure ainsi qu'il le ferait d'une paire de gants défraîchie. La pauvre finira par en mourir de chagrin sans que son ancienne amie ni son ancien amant ne parvienne l'un ou l'autre à comprendre comment l'Amour, en certaines circonstances et chez certaines natures prédisposées, ça peut mener au tombeau.



Avec une amoralité aussi infâme que délicieuse, Mme d'Anglure est-elle à peine refroidie que le lecteur incrédule voit Mme de Gesvres et M. de Maulévrier s'en aller pour ainsi dire main dans la main ... acheter des gants, je crois, ou alors des rubans. Il n'y a plus rien de physique entre eux, encore moins d'amour mais disons qu'une sorte de sympathie s'est instaurée entre ces deux créatures à sang froid : elles se sont reconnues de la même espèce et cela leur suffit pour goûter à ce qu'il faut bien appeler le bonheur, un bonheur particulier et égoïste certes mais le bonheur tout de même.



L'analyse des relations entre les héros est très fine, pour ainsi dire brodée au petit point : on songe parfois à Proust au sommet de son art. Mais l'ensemble reste horriblement "parisien" et artificiel. Malgré tous les efforts de leur créateur, aucun membre du trio ne parvient à "décoller", à révéler une personnalité réelle et surtout crédible, à se détacher en pleine lumière. Au mieux, Gesvres et Maulévrier forment un couple de narcissiques monstrueux mais totalement dénués d'intérêt parce qu'ils le sont sans aucune méchanceté tandis que la pauvre d'Anglure fait plus figure d'une incroyable nunuche que d'une victime romantique. Telles quelles, ce sont de merveilleuses marionnettes, qui débitent le discours imposé par un Barbey perdu et comme obsédé par sa "chronique parisienne" mais qui, ce faisant, ne donnent pas un seul instant l'impression de songer vraiment à la signification de ce qu'elles racontent.



Pour les amateurs de Barbey, cet étrange triangle amoureux préfigure en fait celui qui hantera très vite le reste de l'oeuvre : deux femmes tourbillonnant autour d'un homme qui les aime et les repousse tour à tour. Simplement, l'écrivain n'en est qu'au tracé des silhouettes. Sa vision, lui qui l'aura si souvent tourmentée, écorchée, somptueuse, est ici aussi plate que la morne plaine de Waterloo chantée par Hugo - auteur dont Barbey incendiera un jour, et non sans raison, les pesants, indigestes et trop angéliques "Misérables". Et pour une fois, aucun soupçon de fantastique, rien de cette atmosphère inimitable qui signe tant de textes de Barbey, du plus modeste au plus achevé.



Mais un très bel exercice de style, c'est certain. A ne réserver cependant qu'aux inconditionnels. ;o)
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Le Cachet d'Onyx

Il est toujours émouvant - mais aussi ô combien instructif et encourageant - de lire les premiers textes d'un écrivain, surtout s'il a la réputation que parvint à se forger, à force d'un travail constant sur ses tendances au Romantisme le plus échevelé, Jules-Amédée Barbey d'Aurevilly.



De cette courte nouvelle qu'est "Le Cachet d'Onyx", on retient que la "patte" - ou plutôt la "griffe" - de Barbey est là, tout au fond, sous les excès d'un style ampoulé, alambiqué et pourtant survolté que le jeune auteur de vingt-trois ans a encore plus envie d'étaler que de maîtriser. Ce texte, Barbey y tient : c'est une sorte de revanche sur l'un des grands amours de sa vie, Louise du Méril, née Ango - la Maria de la nouvelle - et c'est, bien entendu, une histoire horrible - surtout pour l'époque - que l'écrivain ne se résoudra jamais à publier de son vivant. ;o)



Le thème est mondain, voire superficiel comme le seront encore "La Bague d'Annibal" et "L'Amour Impossible." Un jeune dandy, Auguste Dorsay, qui s'est peu à peu détaché de sa maîtresse, Hortense de ***, laquelle lui vouait pourtant un amour sincère, se laisse persuader par ses amis et compagnons de libertinage que la jeune femme a repris un amant. Et dans un contexte un peu abracadabrant - je n'ai pas encore compris comment il réussissait à s'introduire, de nuit, chez la malheureuse - soudain pris d'un accès de jalousie réellement perverse, Dorsay "marque" la jeune femme d'un cachet d'onyx passé au feu. Non sur l'épaule - on n'est pas dans le "Forfaiture" de Cecil B. de Mille Wink - mais en un endroit que Barbey ne nomme pas mais que tout lecteur connaissant un peu son Sade devine immédiatement.



En effet, plus que celle de Byron, l'influence du Divin Marquis est ici manifeste. Le lecteur qui a déjà tâté du Barbey ne s'en étonnera guère tant son génie, qui mêle étroitement le sexe, la jalousie et la passion à un fantastique souvent glauque - relisez "Le Rideau Cramoisi" ou encore "Le Bonheur dans le Crime" - aime les situations exacerbées, à la limite extrême d'un sadisme le plus souvent, il est vrai, intellectuel que physique.



A lire. Avec, d'ailleurs, déjà, cette délectation indicible que l'amateur goûte en parcourant les textes majeurs de Barbey d'Aurevilly.
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