AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jules Barbey d`Aurevilly (287)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


L'Ensorcelée

Une histoire envoutante , une écriture poignante, Barbey nous tient au fil sans nous lâcher un seul instant jusqu'à la fin. C'est qu'il y a des lenteurs comme toujours avec ce siècle des naturalistes, en plus il y a cette bonne volonté de vouloir trop en dire sur les émotions. Et par ces désagréments, l'auteur nous sert une histoire d'amour aussi embarrassante, ou plutôt l'histoire d'un personnage étrange qui pénétré le cœurs des femmes même quand il perd sa beauté, et que sa tête ne devient que celle d'un monstre...les femmes, elles se meurent, elles se sentent ronger par ce sentiment qui les rend impuissantes...

Une plume, bien que vieille mais belle!
Commenter  J’apprécie          210
Les Diaboliques

Curieux catholique que ce Barbey, qui comme artiste, a compris que seuls le Diable et ses prestiges pouvaient faire de bonne littérature. Crimes parfaits, vices cachés, bonheurs superbement étrangers à toute morale, sont les sentiments et situations que l'on rencontre dans les nouvelles de ce recueil. Pour ne pas les déflorer, disons que Barbey reprend à Balzac l'art de la longue exposition, où narrateur (surtout le narrateur) et personnages sont bien campés avant d'agir, l'un en racontant et en faisant souvent l'étalage de sa verve et de son esprit, les autres pour jouer le drame muet ou secret de la passion. Du mal, l'auteur tire des effets littéraires magnifiques, suivant les leçons de son grand modèle Baudelaire. Avec Balzac et Baudelaire, on est sûr d'évoluer dans la bonne littérature.



Commenter  J’apprécie          210
Les Diaboliques

Dans Les Diaboliques, on plonge dans les abîmes de la conscience humaine, entre criminels irrécupérables et apparences parfaitement sauves. Les horreurs dépeintes y sont machiavéliques, leurs auteurs rarement confondus, et la vie continue sans encombre.

Vision assez noire de la bonne société du 19ème siècle, ces nouvelles sont assez agréables à lire cependant.
Commenter  J’apprécie          200
L'Ensorcelée

Après "Les Diaboliques" et avant "Une Vieille Maîtresse", "L'Ensorcelée" est probablement le roman le plus connu de Barbey. C'est en tous cas, au niveau de la construction narrative ainsi que pour l'utilisation du fantastique dans l'histoire, un roman pour ainsi dire parfait. S'ajoute à ces caractéristiques, et c'est la première fois, une dimensions historique, celle de la Chouannerie vendéenne, qui contribue à donner à cette "Ensorcelée" une épaisseur de trame qui nous confirme que l'écrivain s'est enfin trouvé et qui sait où il va.

Nous avons eu déjà l'occasion de le faire remarquer : Barbey d'Aurevilly est un conteur né. Il aime lorsque les récits s'enchâssent l'un dans l'autre, lorsqu'une voix succède à une autre, ce qui lui permet, comme dans "Une Vieille Maîtresse", de faire entendre au lecteur des points de vue différents, voire contradictoires, dans le but, non avoué mais évident, de l'inciter à trouver lui-même sa propre voie.

"L'Ensorcelée" débute ainsi par le récit d'un premier narrateur, en qui l'on discerne sans peine, même s'il s'efface pendant la plus grande partie du récit, le "maître du jeu" qui va bâtir en fait le roman et ordonner sa construction dans le sens voulu par l'auteur. Est-on obligé d'y voir Barbey ? Certainement moins qu'à l'habitude, le personnage n'ayant absolument pas les effets dandys qui sont propres à ses incarnations habituelles : Barbey n'intervient ici qu'à titre de créateur, un créateur hanté à l'époque par l'idée d'écrire plusieurs romans historiques à la Walter Scott, se déroulant au coeur de sa région natale, la Normandie. Nous sommes loin, très loin des salons parisiens et de leur élégante préciosité. L'écrivain va même jusqu'à utiliser ici toute une foule d'expressions pâtoisantes qui font d'ailleurs très "couleur locale" et comblent le lecteur tant elles sont toujours fort bien amenées.

A ce narrateur d'origine normande mais qui ne fait que passer dans son pays d'origine, se substitue très vite maître Louis Tainnebouy, riche fermier cotentinais avec qui il traverse de nuit une lande dotée d'une très mauvaise réputation (brigands et apparitions diverses, en gros), la lande de Lessay. C'est Tainnebouy qui, sa jument s'étant blessée au sabot, va, durant les heures de repos forcé qu'il passera sur la lande avec son compagnon, nous conter la mystérieuse histoire de l'abbé de la Croix-Jugan dont, pour son malheur, va tomber amoureuse Jeanne-Madelaine Le Hardouey, née de Feuardent - tout un programme. Pour son malheur disons-nous car la jeune femme est retrouvée un jour noyée dans un lavoir. Meurtre ou suicide ? On pencherait volontiers pour le dernier mais il y a à vrai dire tant de tensions, tant de bizarreries dans l'air ambiant, tant de commérages aussi sans oublier la foule de non-dits mais surtout de "trop-dits" et de sous-entendus, que le premier n'est peut-être pas à écarter tout-à-fait ...

Au lecteur de se faire son opinion. De même, lui faudra-t-il choisir entre le paranormal carrément malveillant et le pragmatisme le plus sûr de sa science s'il lui prend fantaisie de vouloir expliquer ces pâtres-bohémiens qui vont et viennent sur la lande, chassés de partout ou presque et maudissant solennellement à tour de bras quiconque leur porte tort - Madelaine, tout comme son époux, avait reçu cette malédiction - et surtout ce que Barbey voulut un temps donner comme titre à son roman, c'est-à-dire "la messe de l'Abbé de la Croix-Jugan", une messe spectrale, une messe qui célèbre plus la damnation d'une âme que sa rédemption, une messe qui se déroule dans un flamboiement rougeâtre des plus spectaculaires et à laquelle assista une nuit - troisième récit, celui-là indirect, qui apporte à "L'Ensorcelée" sa touche finale et somptueusement infernale - le malheureux Pierre Cloud, lequel avait été mêlé d'assez près à l'affaire des Le Hardouey.

Pierre Cloud, reconnaissons-le, ne s'endormait pas devant les bonnes chopines. Mais doit-on pour autant taxer ses dires de billevisées d'ivrogne ? ...

Barbey a passé tout son roman à nous préparer à cette fin. Il a fait monter crescendo en un premier temps le malaise simple, qui vous donne un petit frisson, mais sans plus, avant d'embrayer avec l'angoisse franche, qui vous glace les réflexes et le raisonnement, les deux marinant dans l'horreur, celle-là bien réelle (oh ! que c'est habile, cette réalité sauvage, impitoyable, gorgée de violence, qui a conduit un homme deux fois aux abîmes de la Mort avant de le ramener à la vie, changé à jamais - ou peut-être inchangé au contraire, ce qui se révèlerait bien pire ) puisqu'elle est due aux excès de la guerre civile, qui, en l'An VI de la République française, s'abat sur le destin de La Croix-Jugan, personnage aussi fascinant que rebutant. Non en raison de ses traits complètement défigurés mais plutôt parce qu'il semble que son âme - ou son esprit, là aussi, choisissez ce qui vous gêne le moins :evil: - ait été, dès le départ, marquée par le sceau du Mal. Un Mal au sens large, un Mal qu'on préfère ne pas avoir à définir, le Mal abstrait à l'état pur dont la puissance presse comme un citron quiconque se laisse séduire par lui avant de le rejeter en le vouant au suicide ... ou au crime. L'abbé de la Croix-Jugan, qui parle si peu, est en lui-même - et restera - un mystère car Barbey ne lui donne jamais l'occasion de nous exprimer son point de vue : le faire eût sans aucun doute privé le personnage des trois-quarts de, sinon de toute, son authenticité.

Fait exceptionnel, ce "Méchant" - le plus achevé de son auteur - qui tient pourtant du bon vieux mélodrame par bien des points dont son impassibilité de surhomme avant l'heure, ne nous paraît jamais outrancier ou incroyable, et certainement pas ridicule. Plus on s'enfonce dans le roman, plus La Croix-Jugan nous fait peur. Même si l'on ne sait absolument pas où il est allé ni ce qu'il a réellement fait ou pas, l'orgueil luciférien que nous lui découvrons, constante de son caractère jusque sous les baïonnettes des Bleus, nous assure qu'il est allé trop loin et qu'il a fait beaucoup trop. On a de lui l'image d'un être quasi mutique, plein de mépris et de hauteur, homme du monde encore quand il se retrouve parmi les aristocrates du temps jadis, mais c'est avant tout un "maudit" de très grande classe et l'un des meilleurs en ce genre qu'ait jamais produit la littérature française et même mondiale. Un maudit à la Barbey d'Aurevilly, c'est-à-dire un mélange de romantisme byronien et de matérialisme pur, un personnage qui, en bonne logique, ne devrait pas s'imposer avec une telle puissance au lecteur d'abord sans méfiance, puis de plus en plus hérissé et enfin sursautant à chaque bruit qu'il perçoit dans un coin de sa chambre. Oeuvre réaliste et cependant lyrique, roman historique et roman de terroir si l'on y tient, "L'Ensorcelée" est avant tout une époustouflante histoire de fantômes qui n'en sont pas et d'humains qui sont des fantômes. En cela réside toute l'insidieuse la magie de ce livre que je vous conseille de ne jamais lire après minuit. ;o)
Commenter  J’apprécie          190
Les Diaboliques

Six nouvelles émouvantes sur les diableries de la femme et aussi sur la puissance de la femme. La femme est décrite sous toutes les formes de l'extravagance de ses sentiments, comme quoi, quand la femme veut, elle peut... Dans un premier temps, tout en avouant que les trois premières nouvelles m'ont plus emballée que les trois dernières, je m'en suis prise à Barbey, pourquoi s'acharner tant sur les femmes? Puis c'est en lisant la quatrième nouvelle que je me suis rendue compte à quel point l'homme a grandement peur de succomber devant les charmes de la femme, surtout aux charmes entachés d'un peu de folie, il a peur de perdre la tête ...en ce sens que dans la nouvelle ''Le plus bel amour de Don Juan'' on voit l'homme se retrouver prisonnier en même temps de l'amour envers la maman et envers la fille, si bien que celle-ci tombe enceinte de l'amant de sa mère. L'homme est prêt à fermer les yeux sur un crime, comme quoi il est sous l'emprise du charme dans la nouvelle ''Le bonheur dans le crime''. Et dans ''Le rideau cramoisi'', l'homme se trouve attaché à une tragique séduction qui abimera à jamais sa vie, c'est aussi la nouvelle la plus touchante...

L'écriture est exquise, excellente, seulement c'est trop vieux! C'est vrai que j'aime les vieilleries, j'aime le XIXe Siècle, mais le grand problème ici, c'est que ce n'est pas un roman où l'attention est centrée sur une seule histoire, ce sont plutôt six histoires qui ont emprunté les mêmes voies, la démarche a été la même, ça devenait un peu lassant, narrateur-activité-rencontre-conteur, narrateur-activité-rencontre-conteur, narrateur-activité-rencontre-conteur. L'écriture se ballade d'abord dans tous les sens avant d'arriver au vif du sujet, bifurquant sur certains faits historiques, sur certaines personnalités de l'époque, de sorte que la transition entre deux nouvelles endort un peu, on aimerait souffler un peu en attendant que la flamme Barbey nous saisisse à nouveau!!!
Commenter  J’apprécie          180
Un prêtre marié

" L’essence de l’amour n’est-elle pas de souffrir pour l’objet aimé, plus qu’il ne peut souffrir et même quand il ne souffre pas ?…".



Ces quelques mots de l'auteur, majestueux par leur vérité, suffisent pour résumer en un éclair l'essence même de ce grand roman catholique. Car, si la religion et la figure du prêtre demeurent le thème central de ce récit, il est aussi, et surtout, question de ces épanchements du coeur qui nous poussent à la folie, à la déraison, à la souffrance même, pourvu que par elle nous puissions aimer et sauver l'être chéri.



Voici donc l'histoire de Jean Gourgues, dit Sombreval, prêtre défroqué et veuf, désormais athée et père d'une sublime Calixte. La jeune fille, dont le physique et la pâleur ne sont pas sans rappeler la Lasthénie déjà rencontrée dans Une histoire sans nom, se destine à une vie de Sainte martyre, rendue malade par le péché de son père, et prête à le racheter par le don de sa propre vie. Menant une vie solitaire rythmée par la prière et les nombreuses crises dont elle est victime, elle fait pourtant la rencontre du jeune Néel, qui en tombe éperdument amoureux.



Comment trouver les mots justes pour décrire une telle oeuvre ? L'écriture est d'une justesse remarquable, précieuse et terriblement sombre à la fois, frôlant le fantastique dans les remarquables descriptions du domaine, de l'étang entouré de saules et plongé dans un brouillard éternel, des apparitions de pauvres fantômes errants et damnés… Tout envoûte, jusque dans le personnage de Calixte que l'on croirait faite de marbre blanc, reflétant presque les portes du ciel, si sainte que Néel ira jusqu'à l'imaginer flottant sur la mer et couronnée, comme la Vierge, de brillantes étoiles !



Telle est l'histoire de trois amours fous qui jamais ne s'apaisent : celui de Sombreval pour sa fille, de Calixte pour son père et son Dieu, et de Néel pour sa bien-aimée. Trois amours enchaînés à l'existence d'un Créateur renié, drame où se mêlent repentir, pénitence, impiété, mensonges, prières, absolution, rêve, folie et violence.



Un chef d'oeuvre où chacun, en voulant sauver celui qu'il aime le plus, finira par se perdre lui-même, par perdre l'autre. "Ces plaisirs violents ont des fins violentes", comme le disait Shakespeare.



Et quelle puissance !











Commenter  J’apprécie          183
L'Ensorcelée

Voilà un bien étrange roman, tout à fait atypique. Je ne connais pas d'équivalent à Barbey d'Aurevilly.

L'Ensorcelée, c'est un récit fait dans la nuit à un voyageur qui traverse l'hostile lande de Lessay, dans le Cotentin. Une histoire où se côtoient fantastique et réel. Quand je parle de fantastique, il ne s'agit pas d'effets spéciaux, mais plutôt de la manière dont des croyances peuvent interférer sur le réel, car après tout, il y assez peu de choses inexplicables dans le cœur du récit.

Le récit s'articule autour de la personne d'un prêtre, ancien chouan défiguré par le fanatisme des hommes et de l'influence qu'il exerce sur une femme. Nous sommes en 1802-1804 dans le Cotentin, un Cotentin superstitieux en diable, paysan et normand…

Un beau roman d'un auteur trop oublié.

Commenter  J’apprécie          170
Une vieille maîtresse

Ryno de Marigny, libertin assumé (tout comme l'auteur), hésite entre la femme fatale, la coriace Vellini sa vieille maîtresse, si perfide et envoûtante qu'elle "faisait rêver jusqu'aux vieillards" et la jeune, belle et vertueuse Hermangarde de Polastron qu'il décide d'épouser.

Ces deux types féminins opposés peuvent sembler bien caricaturaux de nos jours mais le dilemme masculin reste intemporel.

Pour moi qui découvre bien tardivement Jules Barbey d'Aurevilly, je dirais que le point fort du roman réside dans le style époustouflant, dans l'art de la périphrase, dans le choix parfaitement maîtrisé du vocabulaire pour décrire les scènes les plus sujettes à scandale car scandale il y eut à la publication de cette histoire cruelle écrite dans une langue précieuse par un auteur qui se qualifie lui-même de libertin et chrétien.
Commenter  J’apprécie          171
Un prêtre marié

Préface, Chronologie, Notes & Variantes, Bibliographie : Jacques Petit



ISBN : Non Indiqué



Dès les premières pages, on se dit : "C'est du mélo classique et architypé ..." et celui qui ne connaît pas Barbey risque de refermer le tout sans autre forme de procès. Ce serait une erreur car, nous l'avons déjà mentionné ici et là, l'écrivain normand possède, tout comme Balzac mais en plus lyrique, l'art de se saisir d'une situation fondamentalement, intimement mélodramatique pour en faire, malgré les clichés imposés par l'usage, un vrai - et un bon - roman (ou en quelque chose qui y ressemble bougrement). study



Question clichés, on peut dire qu'"Un Prêtre Marié" démarre sur des chapeaux de roues : un prêtre, Sombreval, qui, au coeur de la Révolution française, perd une foi à vrai dire pas très vive et qui se marie ; l'enfant (une fille, pauvre petite créature) qui naît très légitimement aux yeux des hommes mais sur laquelle pèse la malédiction divine - la preuve : elle perd sa mère ; le prêtre défroqué qui, sa fille adulte et pour on ne sait trop quelle raison hormis, peut-être, le désir d'en imposer à ceux qui l'ont connu jadis, vient s'isoler dans un antique château, sur les lieux mêmes de sa jeunesse et le fils (très fier) d'un châtelain (un peu moins fier parce que plus âgé) qui, badaboum ! au premier regard, tombe amoureux éperdu de "la fille du prêtre" puisque tel est le surnom que les villageois donneront très vite à la malheureuse Calixte.



Et ça, ce n'est que pour le début. Barbey continue : il roule, il déroule, il empile, il entasse, il accumule ! Pour un peu, on croirait qu'il le fait exprès.



Bien que sachant impossible sa passion pour Calixte, le jeune aristocrate - Néel de Néhou, encore un nom qui fleure bon son mélo - ne cesse de leur rendre visite, à elle et à son père. Au passage et comme de bien entendu, il délaisse la jeune fille (de très bonne famille) que lui destinaient et son père, et les convenances, à savoir Melle Bernardine de Lieusaint - ça aussi, c'est un beau nom, ça ... Ce en quoi il a bien tort car, de toutes façons, comme il l'apprend par la suite, Calixte, pour expier les fautes de son père s'est faite carmélite sans rien lui en dire et, partant, toute vie "dans le siècle" lui est interdite. Il ne faudrait pas oublier les fréquentes crises de somnambulisme qui, depuis sa plus tendre enfance, accablent la malheureuse jeune fille et contre lesquelles son père, passionné de chimie et de logique, a essayé, mais en vain, tous les remèdes possibles et imaginables. Elles font beaucoup, soulignons-le, pour l'ambiance du récit. (Plus tard, Barbey ira jusqu'au bout du sujet avec son "Histoire Sans Nom.")



Mais attention ! Si Sombreval ne croit qu'en la Déesse Raison, Barbey, lui, n'oublie pas qu'il y a plaisir à manier le mystère et à suggérer l'incompréhensible et l'inexplicable. Outre ses descriptions, sublimes et hantées, de la campagne normande, il fournit au lecteur le personnage de la Malgaigne, mi-fileuse, mi-devineresse, qui a connu Sombreval au temps où il avait pris les ordres et qui, elle le proclame elle-même maintes fois avec une tranquille résignation, sait que "le prêtre marié" ne peut échapper à son destin. Grande et sèche, bienveillante et même miséricordieuse quoique sans illusions sur ce qui est écrit, la Malgaigne, qui court la campagne avec son bâton, à la recherche des plantes nécessaires à la confection de certains "charmes", fait irrésistiblement penser à une incarnation de la Fatalité - les Anciens n'appelaient-ils pas le Destin "Fatum" ? Une incarnation magistrale, il faut bien le reconnaître, une sorte de Clotte à la puissance mille - ceux qui ont lu "L'Ensorcelée" comprendront tout de suite.



C'est ainsi, par de petites touches qui font insensiblement monter la tension ou, au contraire, par l'apparition d'un seul bloc d'un personnage aussi réussi, aussi "vrai" que la Malgaigne - laquelle aurait pu rester ce qu'elle était au départ : la sorcière plus ou moins repentie qui rôde dans l'ombre du roman pseudo-gothique et romantique afin d'y ménager des zones d'ombre bienvenues - que Barbey prend son mélo initial à bras-le-corps pour le transformer, sans difficultés majeures apparentes, en ...



... en quoi, exactement ?



C'est là que l'on s'arrête et que l'on s'interroge. Chez Barbey, outre le mélo et le lyrisme, vous devez le plus souvent compter avec une base historique (le prototype de Sombreval a bel et bien existé mais eut, semble-t-il, une vie post-révolutionnaire beaucoup moins tourmentée), un réalisme détaillé (qui atteint à son sommet dans "Le Chevalier des Touches") et puis, et surtout, avec ce quelque chose d'absolument indéfinissable, qui n'appartient qu'à son génie mélancolique et sombre, écartelé à jamais entre la flamboyance, pleine de panache, de la Damnation et la gloire, radieuse mais fadement sereine, de la Sainteté. Le faible prononcé de l'écrivain pour la première - qu'il en ait eu conscience ou non - est justement ce qui, à quelques notables exceptions près - "L'Amour Impossible" et "Ce Qui Ne Meurt Pas" - contribue à métamorphoser son oeuvre en quelque chose d'unique, sur quoi on a le plus grand mal à apposer une étiquette. Du mélo pur, Barbey rabote avec détermination les arêtes exaspérées. Les conventions gnangnan propres au genre, il les tord dans tous les sens jusqu'à ne garder d'elles que leur inexorabilité. Les types outrés, trop beaux ou trop méchants pour être vrais, femmes ou hommes, qui s'y promènent, il les retourne comme il le ferait de vieux manteaux et les retaille, les recoupe, les façonne sur un patron nouveau, fait d'orgueil luciférien pour certains, de mysticisme éclatant pour d'autres et, dans quelques cas, disons pour les personnages ayant la charge de permettre au Destin de s'exprimer, d'énigme pure, de ténèbres aussi épaisses qu'indéfinissables où se mêlent, en une étreinte inextricable, le Bien et le Mal.



En un mot comme en cent, l'univers de Barbey d'Aurevilly est glauque, glauque, glauque. Il peut passer en un seul instant du chatoiement le plus moiré à l'obscurité la plus freudienne. Le définir à la fois comme terriblement vieillot, à l'image d'une France et d'une société depuis longtemps disparues, et tout aussi résolument moderne, d'une modernité agressive et sanglante, qui en redemande dans le fantasme et l'interdit, paraît chose impossible et même des plus stupides : c'est pourtant ce qu'il est. Et c'est peut-être ce qui explique pourquoi la critique de son temps l'a si mal compris et si peu considéré. Barbey dérangeait à plus d'un titre mais sa plus grande réussite, c'est de continuer, en plein XXIème siècle, à déranger le lecteur, à titiller ses plus mauvais instincts et sa soif de mystère, à le contraindre à se poser et à se reposer tant de questions et par dessus tout celles-ci : "Qu'est-ce que le Bien ? Qu'est-ce que le Mal ? Et pourquoi ?"



"Un Prêtre Marié" ne vous apportera pas la réponse, bien sûr. Mais si vous voulez tenter sa lecture, ne vous gênez surtout pas. ;o)





Commenter  J’apprécie          170
Les Diaboliques

Barbey d’Aurevilly est un auteur qui m’a tout d’abord attiré à cause de son nom. J’ai l’impression que même vers la fin du XIXe siècle, porter un nom pareil devait être quelque chose de rare. En tout cas, après lecture de sa biographie, ce nom correspondait bien au personnage, un dandy remarqué, nostalgique des temps bénis de l’aristocratie et fréquentant assidûment le grand monde de Paris. Pour découvrir son œuvre, la logique m’a porté sur "Les Diaboliques", recueil de nouvelles qui provoqua un vent de panique dans une France enserrée par l’ordre moral des débuts de la Troisième République de Mac-Mahon.

Un auteur atypique qui se faisait tirer les oreilles par les saintes-nitouches ne pouvait que me plaire.

Pourtant, la lecture de ce recueil de six nouvelles (plus de 300 pages au total) m’a donné un tout autre visage que celui d’un auteur révolté. Barbey d’Aurevilly se révèle être un vrai réactionnaire. Cette nostalgie des grandeurs de la noblesse française le poursuit dans chaque histoire, et cette insistance devient assez lourde lorsqu’on arrive à la fin du recueil. On a envie de lui répondre : "Oui Barbey ! on a compris ! les aristocrates sont vraiment des gens formidables, une race d’exception, distingués, fins, subtils, de vrais hommes quoi, parce que le reste, la populace, la roture, on ne peut pas appeler cela des humains, des singes peut-être mais pas des humains. Oui Barbey ! Finalement l’Inquisition avait du bon parce qu’elle faisait courber l’échine à tous ces culs terreux qui n’avaient pas vraiment le droit de vivre. On a compris Barbey, on a compris, arrête-toi !" Je grossis un peu les traits de sa pensée ? Que nenni ! "Les Diaboliques", c’est l’apologie de l’Ancien régime.

Le thème commun aux six récits est la présence du Mal, du Diable dans le réel. Et ce Diable, s’en prend surtout aux femmes, sortes de sphinx, de femmes fatales transformées en superbes nymphomanes, le bon stéréotype du fantasme masculin en quelque sorte. Les hommes se pliant (ou plutôt profitant) aux (des) exigences de ces lionnes en furie. Le choix des récits enchâssés donne de la véracité à ces histoires pourtant rocambolesques qui nous replongent en plein romantisme noir, du temps de Lord Byron ou Walter Scott, agrémenté d’une touche sadomasochiste façon marquis et, cela n’a rien à voir, d'une pointe de Balzac pour la qualité des descriptions et des peintures d’une ville de province (Valognes en Normandie). Enfin, comme les six nouvelles sont construites selon une structure commune, il est peut-être préférable de ne pas les lire d’un bloc, pour éviter l’effet de redondance.
Commenter  J’apprécie          171
Le bonheur dans le crime - La vengeance d'u..

Le bonheur dans le crime, une nouvelle de Jules Barbey d'Aurevilly délicieusement diabolique…



A Paris, au détour d’une promenade au Jardin des Plantes, le docteur Torty accompagné du narrateur, replonge dans ses souvenirs, ranimés par une rencontre furtive avec un couple des plus remarquables, de par leur beauté et l’amour manifeste qu’ils se portent mutuellement. Il entreprend alors de raconter à son compagnon du jour l’histoire du comte Serlon de Savigny et de son épouse HauteClaire Stassin.

Cette dernière, fille d’un maître d’armes reconnu, a pris la succession de ce dernier à son décès dans la région de V., en Normandie. Fine lame, elle enseigne son art et fait ainsi la rencontre du comte, devenant rapidement sa maîtresse. Celui-ci étant marié, la situation devient de plus en plus intenable pour les amoureux fusionnels. Ils élaborent alors un plan machiavélique pour pouvoir rester ensemble...et demeurer heureux.



La réflexion ou le questionnement qui sous-tend cette nouvelle et qui fit scandale à l’époque de sa parution est la suivante : peut-on savourer son bonheur en ayant commis le pire des crimes ? Le couple Savigny, dorénavant officiel, dévoile en effet son amour sans remords,et ce, en toute félicité ; au grand dam du docteur Torty qui n’ ignore point les détails les plus intimes de l’affaire, mais aussi en totale abstraction de la forte désapprobation de leur entourage.

L’amour, aussi puissant soit-il, peut-il justifier la transgression ultime ? Et que dire des contradicteurs, du docteur Torty lui-même, qui voit sa curiosité plus forte que tout à observer ce couple dans la progression de son histoire et dans son évolution vers l’indicible, sans réellement condamner ni surtout contrecarrer…Où se situe la « moralité » ?



Une longue nouvelle bien savoureuse...
Commenter  J’apprécie          160
Une histoire sans nom

Si les longues descriptions tant des lieux que des pensées vous assomment, passez votre chemin.

Mais si vous appréciez le long cheminement qui peut à peu envoute, n'hésitez pas.

Peu de personnages dans cette histoire sans nom, qui est celle d'un long tète à tète entre une mère et sa fille sous les yeux d'une servante dans des lieux eux même renfermés et comme hors du temps puisque les évènements (la Révolution ) ne fait que les effleurer.

C'est aussi l'histoire d'une lente plongée dans une maladie mentale que le docteur Jean Bernard a nommée d'après le nom de l'un des personnages : le syndrome de Lasthénie de Ferjol.

C'est aussi le récit des sentiments d'une mère fière de son nom et plus encore de celui de son défunt époux jusqu'à la cruauté.

Pour moi un grand plaisir de lecture. Pour vous ?
Commenter  J’apprécie          160
Les Diaboliques

Ces six nouvelles narrent des histoires de femmes tentatrices, d'hommes manipulés, de destins mis à sac à cause du sexe et des faiblesses qu'il génère...



Même si on se laisse embarquer dans certaines histoires, même si la plume de Barbey d'Aurevilly vaut clairement le détour, d'immenses digressions entravent la lecture. Les histoires sont toutes coulées dans le même moule, ce qui fait qu'au bout de trois nouvelles on sait pertinemment ce qui se passera, ou comment cela se passera, dans les autres.

Si certains récits sont haletants de suspense et ingénieux, je n'ai toutefois pas du tout accroché à l'idée maîtresse qui consiste à accuser la femme (la "diabolique") de tous les maux masculins. Si les hommes s'embarquent dans des affaires douteuses, n'est-ce pas plutôt parce qu'ils ne savent pas résister à l'attirance naturelle ? Les femmes qui se vengent ne le font-elles pas tout simplement pour dénoncer certains abus ? Au final, les femmes ne seraient pas soi-disant "diaboliques" si les hommes ne cherchaient pas le plaisir derrière chaque chair nue. Quelle hypocrisie que d'associer le Diable à la Femme quand l'Homme est lui-même coupable du pire ! Tout cela parce que la société catholique dirige le mode de pensée et crée le "péché de chair"...

Bref, je pourrais pérorer un moment sur le sujet alors j'arrête. M'est avis que pour avoir une bonne vue d'ensemble des critiques de Barbey d'Aurevilly, la lecture des trois premières nouvelles est amplement suffisante.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
Commenter  J’apprécie          160
Le chevalier des Touches

Magnifique roman de ce combat perdu d'avance que fut la Chouannerie.

J'avoue avoir été un peu agacé au début par ce besoin de Barbey de ramener ses histoires à des salons mondains. Mais assez vite, le récit prend des allures d'épopée et nous plonge dans cette époque d'honneur et de cruauté qui marqua la révolution française. Même si l'on connait les sympathies monarchistes de l'auteur, le sujet n'est pas politique. Il est profondément humain, fait de vies fracassées par l'histoire, où la violence et la grandeur se cachent parfois dans les détails. Il est aussi fait de ces paysages du Cotentin, verdoyants et sauvages.

Un grand roman.



Commenter  J’apprécie          150
Les Diaboliques

Barbey d’Aurevilly, ce fantasque et non moins génial dandy des Lettres françaises – voir son impeccable article consacré au Fleurs du Mal de Baudelaire pour s’en convaincre –, peut toujours se justifier dans une préface morale, il n’empêche qu’il a du goût pour ces Diaboliques femmes, souvent secondées par des hommes qui ne sauraient se contenter d’afficher leur faiblesse face au Beau sexe pour se dédouaner de leurs propres diableries. Quant à ceux qui se maintiendraient dans une lecture effarée, eh bien, je leur dédie cette phrase de la baronne de Mascranny : « Décidemment, vous avez un vilain genre d’imagination, ce soir. »



Cependant, nul ne saura contester le mystique de cette œuvre, où le Diable et le Ciel semblent se renvoyer la balle, d’accords au moins sur ce point : « Le mot diabolique ou divin, appliqué à l’intensité des jouissances, exprime la même chose, c’est-à-dire des sensations qui vont jusqu’au surnaturel. »



Et pourtant, Barbey ne dissimule pas plus ici qu’ailleurs son « amour pour les choses du catholicisme » ; il est juste joueur, voilà tout. Un jeu qui lui fait raconter toutefois les errances charnelles paroxystiques d’une Rosalba, par exemple, « singulière catin arrosée de pudeur par le Diable ». J’ai dit « joueur » ? Autant dire « voyeur », tout comme nous les lecteurs…



Ce qui est certain c’est que rien n’est tiède ici puisque règnent les sens : « C’était enivrant et dégrisant tout à la fois, mais c’était terrible ! » confesse ainsi le vicomte de Brassard au souvenir d’une jeune fille qui venait le rejoindre dans sa chambre au rideau cramoisi, tandis qu’il était hébergé sous le toit des parents de celle-ci.



Évidemment, si des hommes d’envergure s’immiscent çà et là dans les récits – dont le commandant Mesnilgrand n’est pas le moindre, qui « imposait, comme tous les hommes qui ne demandent plus rien à la vie » –, ce sont les femmes qui raflent la mise. Ces femmes que Barbey gratifie à l’occasion d’aphorismes de sa façon : « Les femmes, lâches individuellement, en troupe sont audacieuses. » Autre morceau de bravoure misogyne (mais Barbey écrit au beau milieu du XIXe siècle, alors gardons-nous de jugements anachroniques imbéciles qui maquillent si mal l’ignorance de ceux qui les émettent !) : « « Et elle était là-dessous d’une beauté pleine de réserve, et d’une noblesse d’yeux baissés, qui prouvait qu’elles font bien tout ce qu’elles veulent de leurs satanés corps, ces couleuvres de femelles, quand elles ont le plus petit intérêt à cela. »



Mais Barbey sait se rattraper et énoncer de ces vérités intangibles, aujourd’hui encore : « En thèse générale, on peut dire que tous les dîners d'hommes où ne préside pas l'harmonieux génie d'une maîtresse de maison, où ne plane pas l'influence apaisante d'une femme qui jette sa grâce, comme un caducée, entre les grosses vanités, les prétentions criantes, les colères sanguines et bêtes, même chez les gens d'esprit, des hommes attablés entre eux, sont presque toujours d'effroyables mêlées de personnalités, prêtes à finir toutes comme le festin des Lapithes et des Centaures, où il n'y avait peut-être pas de femmes non plus. »



Que dire, enfin, du personnage de la duchesse de Sierra-Leone qui se vautre volontiers, et malgré sa nature sublime, dans la fange pour mieux se venger de l’homme qui, par son orgueil cruel, l’y a plongée ? Une figure tragique et résumée dans cette phrase : « Les sentiments comme les miens ont leur folie, mais c’est leur folie qui fait le bonheur ! »



Dans ces pages, on sent aussi poindre la nostalgie d’un autre temps, comme à propos de tel salon où perdure l’art de la conversion « d’autrefois, la dernière gloire de l’esprit français, forcé d’émigrer devant les mœurs utilitaires et occupées de notre temps. » Et, de fait, rien n’est utilitaire dans le recueil de Barbey : la passion ne saurait d’ailleurs être matérialiste.



Mais Barbey n’est pas un auteur de romans policiers, et il n’est pas question pour lui de livrer tout le pourquoi du comment dans chacune de ses nouvelles. Au lecteur, parfois frustré par une chute abrupte, de se débrouiller avec son imagination…





(IMPORTANT : ne surtout pas lire les notes de la présente édition car son auteur – un certain Jacques Petit – croit judicieux d’y révéler des éléments de l’intrigue. Pour ce qui me concerne, je m’en suis rapidement abstenu et cela n’a gêné en rien ma lecture !)

Commenter  J’apprécie          153
Les Diaboliques

Quelle lourdeur ! Lourdeur dans le sens où l'auteur met un temps infini à en venir là où il veut nous amener. Des descriptions interminables, des parenthèses à n'en plus finir. Une lecture laborieuse. Même les histoires ne sauraient rattraper un ensemble confus.
Commenter  J’apprécie          140
Le bonheur dans le crime - La vengeance d'u..

Ah ça c'est ce que l'on peut appeler une belle histoire d'amour !

C'est complètement immoral et ce n'est pas par hasard que cette nouvelle est extraite du recueil "Les diaboliques" de Jules Barbey d'Aurevilly.

Il y a effectivement un petit diable qui se balade au-dessus des têtes dans "Le bonheur dans le crime".

C'est l'histoire d'un crime parfait chez les aristocrates, milieu dans lequel les valeurs mènent à préférer la mort au déshonneur. Et cela pour que l'amour d'un couple amoureux triomphe en dehors des conventions.

Malheureusement, on retrouve le principal défaut de Jules Barbey d'Aurevilly. Il est tellement misogyne que ça gâche le plaisir de lecture. Il est vraiment dommage de lire certains propos alors que j'ai apprécié l'intrigue, par exemple "toutes les filles que le diable avait mis sur son chemin" ou "Et elle était là-dessous d'une beauté pleine de réserve, et d'une noblesse d'yeux baissés, qui prouvait qu'elles font bien tout ce qu'elles veulent de leurs satanés corps, ces couleuvres de femelles, quand elles ont le plus petit intérêt à cela..."

Pour lui, il est bien évident que c'est la femme qui agit pour tuer sa rivale... couleuvres de femelles !

On pourrait en rire tellement c'est caricatural mais ce n'est pas vraiment drôle.





Challenge Coeur d'artichaut 2022

Challenge Riquiqui 2022

Challenge XIXème siècle 2022

Commenter  J’apprécie          130
L'Ensorcelée

Un sombre prêtre mystique aux pratiques déviantes, occultes, dont la solitude et l'impassibilité alimente la méfiance des locaux.

De sournois bergers nomades mi-sorciers frappant de malédiction tous ceux qui oseraient les mépriser.

Un village moyen dominé par les nouveaux-riches sans moeurs et d'anciennes familles nobles délaissées et pourrissant dans la résignation et la nostalgie...

Tout ceci se déroule en basse Normandie, près des Landes de Lessay, des contrées désertiques et brumeuses propices à l'imagination.



La révolution a déraciné et appauvri bien des familles nobles. Jeanne Feuardent, qui en fait partie, s'est mariée par nécessité financière à un vulgaire spéculateur immobilier, indûment enrichi par l'acquisition de biens de l'église juste après la révolution.



Blessée par cette mésalliance, elle n'est pas la seule à conserver une rancoeur contre la révolution.



Un sombre prêtre, ancien chef des Chouans (contre-révolutionnaires de Bretagne et Basse Normandie), auto-défiguré après un suicide raté en pleine fuite lors d'un combat pour abréger ses souffrances, est sauvé par miracle en pleine forêt par une âme charitable. Tandis qu'il est soigné, se repose, encore inanimé, cinq bleus (soldats républicains) se ruent vers le prêtre et lui arrachent les bandelettes-pansements qu'il avait sur la tête et lui fourent des braises ardentes sur sa chair encore vive.



Le prêtre ne mourut pas de cette effroyable torture et lorsqu'on rouvrit les églises, on le vit errer dans l'église enveloppé dans un capuchon noir.



Jeanne, qui, d'ordinaire est vive et téméraire, est prise par une fascination morbide et terrifiante pour ce prêtre. Obsédée désormais par lui, son cas est aggravé par un sort que lui jette un berger mystique et nomade qui voue une haine à tous ceux qui le méprise au point de les maudire.



Désirant fouiller les plus profondes énigmes du prêtre obscur, elle se rapproche de Clotilde, dit La Clotte, une ancienne courtisane de vieux châteaux féodaux entièrement disgraciée et répudiée par son époque contemporaine.

Celle-ci la met en garde à propos du passé sulfureux du prêtre tout en lui contant son combat héroïque sous l'égide des Chouans.

Le prêtre se souciait guère de ses fonctions et passait la plupart de son temps à fréquenter les salons de la haute noblesse, à se laisser désirer par des femmes sans jamais consentir à quoi que ce soit, les laissant souffrir pour lui...

En pleine révolution, son côté égocentrique et rebelle collait à merveille avec la stature d'un chef de contre-révolutionnaires... Hélas, toute résistance des Chouans était vouée à l'échec.



Effet du sortilège ou de sa propre admiration malsaine, Jeanne se laisse asservir par le prêtre. Ce dernier maintient de grandes ambitions occultes, il côtoie une comtesse et correspond avec de grandes familles nobles de la région. Jeanne lui sert d'ambassadrice dévouée.

On laisse sous-entendre dans le roman qu'il conspire en permanence pour restaurer la monarchie comme l'avaient voulu les Chouans, et cela bien après la "Chouannerie" période de guerre civile des Chouans. Cependant, une fois son dernier espoir avorté, il rejette Jeanne avec mépris et reprend son isolement taciturne.



Dévorée de passions et abîmée de honte, Jeanne se précipite au suicide.



Lors de son enterrement, la foule ensauvagée se venge sur la Clotte qui est lapidée et trainée dans la boue et qui décède dans une lente agonie. le petit peuple s'agite dans les rumeurs, fait le lien avec le prêtre, pense aussi au mari de Jeanne qui a disparu depuis de nombreuses semaines… Mais rien, ni même la Clotte tuée injustement par barbarie, ne pourra éclairer les raisons de ce suicide aux yeux des locaux.



Le mari de Jeanne a lui aussi été maudit par les bergers, il avait compris trop tard la malédiction de Jeanne, et, dans un mouvement de désespoir s'est évaporé dans les Landes où il préparera avec patience sa vengeance envers le prêtre.

Une bonne année plus tard, lors des fêtes de Pâques pour lesquelles le prêtre donne une cérémonie, il est fusillé par le mari de Jeanne qui prend aussitôt la fuite.



Alors que tout le monde pensait que le prêtre était définitivement mort, il semble réapparaitre lors de certaines messes nocturnes à minuit avec 9 sons de cloches qui lui est caractéristique. Seul dans l'église d'une clarté rouge, on peut l'apercevoir faire sa messe infernale, dans les tortures du désespoir et des invocations terribles à un Dieu irrité qui ne l'écoute pas...



C'est un roman qui nourrit l'imagination et qui laisse plein de suppositions. On explique peu finalement les raisons de l'affection de Jeanne pour ce prêtre, est-ce le simple coup du sortilège ? Ou est-ce l'admiration de Jeanne pour ce prêtre-soldat qui a tout bravé pour défendre sa cause, le retour à la stabilité de la monarchie, elle qui conserve également cette mélancolie des familles nobles avant la révolution ? On aurait aimé apprendre davantage sur la relation entre Jeanne et le prêtre où l'auteur donne peu de détails, peu de dialogues, avant ce suicide qui apparait un peu trop soudainement. Pareil pour la mari de Jeanne, qu'est-il devenu après avoir assassiné le prêtre après tant d'années de vagabondage ? Lui qui était si riche, si confortablement installé, qu'a t-il fait depuis ? Et puis cette conspiration du prêtre, en quoi cela consistait très exactement ? Quels étaient les moyens employés ? On doit deviner à peu près tout mais ce n'est pas désagréable.



C'est un peu au lecteur de compléter l'auteur. Il nous offre un luxe de détails sur chaque personnage, leur enfance, famille, moeurs… Puis c'est à nous d'éclairer le présent et l'avenir avec ce qu'il donne.

Commenter  J’apprécie          131
Le bonheur dans le crime - La vengeance d'u..

"Le bonheur dans le crime", est une nouvelle de Jules Barbey d'Aurevilly. C'est avec elle que je découvre cet auteur.

Elle me donne plutôt envie d'en découvrir plus. Elle m'a en effet, plu, en tous points ; je m'y suis plongé aisément, et avec plaisir ; le style d'écriture, est très plaisant ; je trouve que le début de la nouvelle, aiguise la curiosité, sur les deux personnages qu'il met en scène, qui sont introduits de manière très surprenante ; la fin, est plutôt réussie et interroge sur les conséquences d'un crime, sur les individus qui le commettent : ceux-ci se font-ils toujours poursuivre par leur crime ?... Est-ce qu'un meurtrier, se fait inévitablement poursuivre par les remords ?...

Le personnage d'Hauteclaire, est assez fascinant, très fort, mystérieux et impénétrable.

Barbey d'Aurevilly sait imposer un rythme, qui pourra sembler lent à certains, mais qui, pour moi, permet de faire progresser l'intrigue, comme il faut, en conservant ce côté mystérieux qui reste tout au long de l'intrigue et ces personnages impénétrables.

L'écriture est vraiment très belle, typique du XIXème siècle, avec ce langage qui semble aujourd'hui daté, mais qui, sous la plume des auteurs de ce temps, semble si naturel et est si beau et si approprié pour conter de beaux récits, comme cette nouvelle...

En bref, c'est une très belle nouvelle qui, pour ma part, m'a bien plu.
Commenter  J’apprécie          131
Le chevalier des Touches

Barbey d'Aurevilly est un romancier intéressant et très atypique, car il n'écrit, pour ainsi dire, que dans les marges. L'aventure du chevalier Des Touches, extraordinaire et romanesque, se passe pendant les dernières années de la Chouannerie normande, sous le Directoire, alors que tout est déjà fini. L'éclat de l'aventure, superbe, est donc totalement inutile au plan historique et politique : un baroud d'honneur. Mais cette aventure inutile est captée et racontée par le témoin muet, l'enfant, qui écoute l'évocation de cette gloire passée dans un salon de vieilles gens, aux temps où la Monarchie restaurée est déjà finie, juste avant que les derniers témoins ne disparaissent. Enfin, l'aventure inutile de Des Touches elle-même est éclipsée par la splendeur du verbe, de la verve, des narrateurs, plus longuement évoqués, plus pittoresques, presque plus intéressants et colorés, que le héros et l'histoire elle-même. En somme, ce roman concerne moins Des Touches que le récit qui en est fait, sauvé de l'oubli à quelques années de la mort de ses derniers témoins. Jamais on n'a écrit de roman plus pessimiste sur la fin des idéaux et le triomphe inéluctable d'un ordre nouveau détesté.
Commenter  J’apprécie          130




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jules Barbey d`Aurevilly Voir plus

Quiz Voir plus

Les titres des œuvres de Jules Barbey d'Aurevilly

Quel est le titre correct ?

Les Ensorcelés
Les Diaboliques
Les Maléfiques
Les Démoniaques

10 questions
46 lecteurs ont répondu
Thème : Jules Barbey d'AurevillyCréer un quiz sur cet auteur

{* *}