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3.54/5 (sur 279 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1967
Biographie :

Karin Serres est née en 1967, elle est autrice, metteuse en scène, décoratrice et traductrice de théâtre. Elle a écrit une soixantaine de pièces, pour moitié en direction du jeune public, souvent éditées, créées et traduites. Elle écrit aussi des pièces radiophoniques, des romans, des albums et des feuilletons.

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Entretien de Karin Serres avec Babelio : « Monde sans oiseaux »


Vous êtes auteur jeunesse et dramaturge. « Monde sans oiseaux » est votre premier roman pour adultes. Votre travail d`écriture a-t-il été très différent de celui de vos textes précédents ?

La vraie différence pour moi réside entre le théâtre et le roman, quel que soit l`âge des lecteurs. Au théâtre, d`autres intermédiaires dans le parcours du texte vers le public viendront enrichir ma fiction via sa création et je leur laisse sciemment de la place, ce qui donne une écriture aérée, fragmentaire, à compléter. Dans le roman, je dois tout écrire, c`est un trajet direct de la page aux lecteurs et lectrices, ce qui m`oblige à l`exact équilibre du tout. J`aime beaucoup écrire du théâtre mais je ne choisis pas la forme d`une histoire qui commence, elle s`impose d`elle-même. Et cette force parfois surprenante m`entraîne dans des écritures de forme différente, à des endroits différents dans ma relation littéraire avec le public. J`écris aussi des textes radiophoniques ou des chansons. Sauf commande précise, la question des âges ne se pose qu`après l`écriture. Mon idéal serait d`écrire des textes qui parleraient aux lecteurs de tous âges, à travers des lectures différentes, bien sûr, mais chaque lecture n`est-elle pas singulière ? Une fois mon texte achevé, pour savoir s`il est pour adultes ou plus large, je l`observe de l`extérieur et je me pose cette question : y a-t-il assez de portes d`entrée dans ce texte pour un enfant, pour un adolescent ? “Monde sans oiseaux” peut aussi parler à des adolescents, je crois.


Une « maman-montagne » aux « yeux bleu rivière gelée » … Votre prose est très poétique et également très pudique, sans envolées lyriques ni digressions superflues. Quelles sont vos influences en matière d`écriture ?

Ma plus grande influence vient d`auteurs japonais contemporains comme Yoko Ogawa, Aki Shimazaki,Kobo Abe, Kenji Miyazawa. Leur justesse, la précision de leurs évocations et leur sensorialité intense me touchent. Ce qui me fascine aussi, c`est la puissance invisible qui jaillit d`entre les pages pour vous saisir brutalement, comme chez William Faulkner, Francisco Coloane, Annie Proulx, Joseph Boyden ou certains auteurs de roman noir comme Ken Bruen ou James Lee Burke. Enfin, le troisième grand courant de mes influences, c`est une matière de la langue, charnelle, tendue et vivante, comme chez Antonio Lobo Antunes, Léonora Miano, Cormac McCarthy ou Jon Fosse. Je lis presque exclusivement des auteurs vivants. J`ai fini par admettre qu`une vie ne me suffira jamais à lire tout ce qui pourrait me toucher, mais j`essaie de réduire la hauteur de la montagne de romans de mes contemporains qui m`attendent.


Le lac autour duquel vit Petite Boite d`Os, votre héroïne, est entouré de glaciers, de montagnes et de neige. L`atmosphère arctique, le mode de vie scandinave, vous inspirent-t-ils particulièrement ?

Ce qui m`inspire toujours, c`est la relation entre un espace, les êtres vivants qui l`habitent et le temps. Nous habitons autant les espaces que nous sommes habités par eux. Nous sommes en interaction sensorielle permanente avec le monde. Tout le vivant est proche, qu`on soit humain, animal, végétal ou minéral. Tous, nous traversons le temps et sommes traversés par lui. Et vous avez raison, les univers nordiques, voire arctiques, reviennent souvent dans mon écriture. Les romans de Tarjei Vesaas m`ont beaucoup marquée, tout comme les récits de Jean Malaurie, mes origines norvégiennes ou mes voyages de travail en Suède. La part de non-dit vibrant, d`émotions retenues, de lutte contre la violence des éléments dans ces cultures est un formidable terrain de fiction. Et le froid réveille, s`il n`est pas trop extrême.


On apprend qu`il y a longtemps le Déluge a coupé le village du reste du monde pendant des mois, puis les oiseaux ont disparu. Joseph est le seul à s`être aventuré dans la tempête et à y avoir survécu. Ces éléments évoquent la Genèse, L`histoire biblique joue-t-elle un rôle dans votre récit ?

Ce qui est fascinant, lorsqu`on écrit de la fiction, c`est toute la part de ce monde imaginaire que notre cerveau connaît mieux que nous, avant nous. Je n`ai pas décidé en amont de ces références bibliques, elles se sont bâties au fur et à mesure de l`écriture. C`est comme si, chaque fois, un nouveau monde de fiction m`attendait, inconnu au départ. C`est à moi de l`arpenter en pensée pour le découvrir, d`y vivre mentalement pour pouvoir l`écrire. A l`inverse d`une construction rationnelle : une exploration perpétuelle. L`histoire biblique fait partie du “Monde sans oiseaux” à travers des éléments très concrets. Est-ce parce que Narcissus est pasteur, ou l`inverse ? Est-ce parce que face au cycle de la vie et de la mort, on cherche des modèles cohérents de notre monde, on tente de bâtir des systèmes ordonnés ? Et de quels mythes profonds cette histoire biblique elle-même se nourrit-elle ?


A la lecture de votre texte, on se laisse bercer par des éléments très doux mais il y a également des images effrayantes, comme ces cercueils ajourés dans lesquels on place les morts … Pourquoi ce va-et-vient constant entre tendresse et cruauté ?

Les cercueils immergés ne sont pas effayants pour moi. Ce rite étrange est une façon de cohabiter encore un peu avec les morts aimés. L`eau les sépare des vivants comme la terre des cimetières peut aussi le faire.Tendresse et cruauté, nous oscillons toute notre vie entre les deux. Au théâtre aussi, j`écris des tragi-comédies. L`humain est capable du meilleur comme du pire, dans une même vie, dans une seule journée. Nous sommes tous singuliers et singulières mais nous voulons vivre avec d`autres, sans renier pourtant ce que nous sommes et ressentons différemment. Nous comprenons si lentement le monde qui nous entoure, et notre vie est si courte, en regard de cette lenteur. Et pourtant, quelles infimes fulgurances quotidiennes.


La vie de Petite Boite d`Os s`organise autour d`un lac dont le fond est couvert de cercueils et dans lequel s`ébattent d`affectueux cochons amphibies. de l`autre côté du lac, une ville où l`on évite de se rendre. Pourquoi conserver autant de mystère sur cet univers ? Pouvez-vous nous en dire plus sur le monde dans lequel vit Petite Boite d`Os ?

J`ai écrit tout ce que je sais de ce monde, vraiment. Tout ce qui fait partie de cette histoire, en tout cas, et que j`ai entendu. Entendu et ressenti, pas vu : quand j`écris, je n`ai pas d`image, je n`ai que du son et des sensations. C`est ensuite aux lecteurs et aux lectrices de lire, chacun et chacune avec son propre monde intérieur en écho, de lire même parfois entre les lignes, d`aller regarder derrière l`écorce des arbres ou sous la peau de l`eau. L`autre jour, sur France-Culture, Alain Weinstein m`a demandé si les cochons étaient les âmes des morts immergés. Cette idée nouvelle pour moi m`a paru absolument juste et crédible. Chaque fois qu`une idée de ce genre surgit dans l`esprit d`un lecteur ou d`une lectrice, elle augmente les possibilités du monde que j`ai écrit. Il n`y a pas une seule réalité, mais une infinité de réalités possibles reliées les unes aux autres par l`objet-livre, dans toute la diversité des ressentis.


On qualifie votre texte d`inclassable, comment le définiriez-vous ?

C`est bon signe de ne pas pouvoir définir un livre, ou quoi que ce soit qui nous touche. Tout ne peut pas rentrer dans une boîte, un classeur ou recevoir une étiquette. Notre raison n`est pas plus importante que notre sensibilité ou notre intuition. Si je pouvais définir mon livre, je ne l`aurais pas écrit. Au contraire, c`est pour découvrir toute la complexité de son univers que j`y ai plongé.


Votre prochain ouvrage, jeunesse, théâtre ou roman ?

Je viens de terminer trois textes de théâtre qui seront créés entre octobre et novembre 2013 à Angers, Pau et Lisbonne : “Tag”, série noire et rock, sortira en octobre aux Editions Théâtrales, “A la renverse” et “L`abattoir invisible” sont en cours de lecture chez mes éditeurs préférés. Je travaille maintenant sur un chœur fantastique pour adolescents et sur deux nouveaux romans, l`un pour enfants, l`autre pour adultes que je ferai lire bien sûr à Brigitte Giraud, mon éditrice dans “La forêt”.


Découvrez "Monde sans oiseaux" de Karin Serres aux éditions Stock :


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Paysage sonore : "A la renverse" de Karin Serres. Lecture auditive et visuelle réalisée par mes élèves de 6è4 en 2014-2015 pour le projet théâtre Pièces à lire, Pièces à entendre, partenariat avec le TNT sur un petit extrait de la magnifique pièce de Karin Serres.


Citations et extraits (70) Voir plus Ajouter une citation
La peau du lac frémit, frise, se creuse comme une tôle ondulée puis explose en une immense vague qui asperge toutes les maisons du village sous le cri de ma mère qui me surplombe, petit corps gluant qui vient de ramper hors de sa nuit rouge pour atterrir sur le plancher au bout du cordon qui bat
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Au lieu de la craindre,
les petits moutons de son âge se moquaient d'elle :
Eh, loup, montre-nous comment tu hurles à la lune !
Dresse tes oreilles noires !
Montre tes dents pointues !
Lou, Lou, grande méchant Lou, attrape-nous !

Et ils ne voulaient toujours pas jouer avec elle.
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Mon père entre dans ma chambre, intrigué par ces larmes, tous les soirs, à heure fixe. [...] Subjuguée, je me tais, narines dilatées. Nos regards se croisent dans l'obscurité. Puis il s'en va, en faisant craquer ses chaussures. Et je ne sais pas encore dire "papa" pour le retenir, alors je joue avec mes doigts de pied qui, eux, ne me quittent jamais.
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Je déplie mes poumons fins comme des peaux de tomate, je vagis. Epuisée, ma mère glisse le long de la couette d'herbes sèches et tombe à mes côtés. Je la regarde à l'envers, maman-montagne-maman, pleine de son odeur.Tant de sensations nouvelles m'assaillent.
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Je ne les supporte plus, tous, leurs vies, nos vies ordonnées, régulières et policées. Je déteste notre joli village aux jolies maisons multicolores, bien droites et propres au-dessus de leur joli reflet. Je hais les jours qui se succèdent, toujours les mêmes. Le temps passe, je grandis, mon destin se dessine au-dessus de l’eau plate, planche après planche, pas après pas : mariage, enfants, promenade, vaisselle… et je n’en veux pas.
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Jour après jour, les yeux du cannibale se collent dans mon dos, ronds et froids, sur un chaque omoplate. Si incrustés qu'un jour ils traversent réellement la fenêtre, mon manteau, mon pull, et je les emporte au collège, pour la journée.Je les sens dans mon dos . De temps en temps je les frottent doucement contre mon dossier.
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Marguerite [à son frère] :
- "Grosse !" tu criais, et tu repartais en hurlant de rire et moi, en larmes derrière la porte de ma chambre claquée. Dix et cent fois par jour tu l'ouvrais, cette porte, tout à coup, moi en pleine dînette de poupées, moi sursautée, en plein Lego qui volaient, juste pour lâcher ce mot : "grosse !", toi hilare et moi, le monde s'écroulait comme ma maison de Lego, et tu repartais, toi, avec tes joues plaques rouge vif et ton rire ravageur, des fois même, rappelle-toi, tu en pleurais de rire, Ludo.
(p. 58)
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Petite maison face au lac. Cabane de planches au ras de l'eau. De l’intérieur, on voit le jour entre les planches, il dessine des lignes qui restent devant les yeux quand on regarde ailleurs, après. Du néon sans matière, du feu rayé sur les choses.
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On ne sait jamais, la dernière fois qu’on voit les gens qu’on aime, que ce sera la dernière fois.
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Il était une fois une jolie petite brebis qui s'appelait Lou.
Mais son prénom la rendait très malheureuse car tous les agneaux de son âge pensaient : "Lou comme un loup dévoreur d'agneaux ? Lou comme l'affreux grand méchant loup ?"
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— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie

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