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Citations de Line Papin (200)


Elle me tenait par le bras, tendrement, et me racontait diverses aventures rocambolesques et solaires. Tout me paraissait excessivement gai en sa présence. Même les pigeons, les piétons, les devantures des magasins, la forme des arbres me semblaient joyeux et drôles. Elle avait une voix éclatante, débordait d'énergie, faisait de grands gestes dans l'air, manquant parfois de frapper un passant par inadvertance.
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C'était moi ce livre : j'étais juste en face ; c'est à moi qu'il lisait, et les lignes regardées, c'était moi, c'étaient les lignes de mon corps ; son souffle si près, sur les pages, c'était moi qui le ressentais, sur moi qu'il se posait. Et il l'aimait, ce livre. Il lisait. Les mots, je ne m'en souviens plus, et les phrases je ne les ai jamais vues ; sa voix seule, je me la rappelle, et comme une flamme, elle me brûle, pus vive encore dans le halo vibrant de ce lit, de cette chambre, de ce pays.
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Personne n'a su. Ils ont cru que j'avais passé la nuit chez monsieur X à parler, à rire, à écouter. Personne n'a su que je l'avais suivi dans ces ruelles, sans parler, sans rire, sans écouter, sans voir même, aveuglément suivi, hypnotisée. Ils n'ont pas compris que j'étais rentrée avec cet éveil soudain en moi, sans que rien ne se soit produit pourtant, cet éveil provoqué par l'absence de son contact, à lui, lui... Je rêve de lui, je rêve de moi aussi. Je passe des journées entières à essayer de comprendre ce qu'il a déclenché, curieuse, je sais qu'il y a un abîme dans lequel je dois plonger, avec lui, que par lui seul je pourrais y plonger.
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Il y a des vallées, des monts, des landes qui s'étalent sous le vent, que les fleuves caressés suivent en ondulant, il y a des bois entiers qui flambent en automne pour mourir l'hiver ; il y a les lacs, les mers, les océans, les plans d'eau sous lesquels des monstres marins s'endorment ; il y a tous ces paysages, ces espaces que les souffles parcourent et, au-dessus, dans le ciel, immobile, il y a ton visage-lune sous les nuages mouvants.
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Ils ont sous leurs pieds le travail et son gain. Le bonheur est présent car le sol est généreux, les voisins sympathiques. C’est-à-dire, il sont tous dans la même situation, sans concurrence ni jalousie, tous pareillement soumis au ciel, au soleil, aux moussons, aux sécheresses… Ils sont les habitants d’une même terre, les fils d’une même mère, solidaires. Alors, ils vivent là, avec les plantes, les pluies, les familles, les bêtes et l’espoir.
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La mère refusait de lâcher une pièce, s’agaçait de la frivolité de sa fille, redoutait qu’elle ne tombe enceinte lors d’une de ses sorties nocturnes. Au village, c’était foutu après, une fille mère, personne n’en voudrait. Le proverbe traînait : les filles sont des bombes à retardement, un jour, sans crier gare, elles vous lâchent un môme dans la cabane, et c’est une bouche de plus à nourrir, une impossibilité…
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Tu étais entourée de ton père, ta mère, ton frère, tes amis aussi, puisqu’il y en avait toujours deux ou trois qui traînaient dans le salon. Tu étais entourée, oui. Au Vietnam, tu avais cinq familles : ta ville, tes parents, ta nourrice, tes grands-parents, tes amis.
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Cette liberté enfantine dans un lieu où rien ne peut vous arriver, cette chaleur, cette piscine, ces amis, ces animaux, cette errance, cet amour, ces rires : ils ont pu confondre cela avec le paradis.
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Je n’ai pas de rancœur, non, pas d’exigence contre ce qui nous est arrivé, mais j’ai de la peine, maman, tellement de peine. Pourquoi a-t-on dû partir et quitter tous ceux qui m’aimaient ? C’est la question que je pose, comme un soupir. J’ai de la peine, car ceux qui m’aimaient, je les aimais aussi. Pourquoi a-t-on dû couper, sous le pied de l’amour, toute l’herbe ?
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Traîner dans Paris ne m’amuse guère. La seule chose que je fais avec plaisir et sans me sentir observée ni jugée, c’est lire. Dans les romans que je dévore, dans les poésies que je récite, les personnages me laissent en paix. L’auteur me parle, raconte, je regarde, je suis, j’écoute.
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« L’histoire de l’homme, c’est l’histoire de sa lutte pour survivre, lutte contre la nature, contre les cataclysmes naturels, lutte aussi des hommes entre eux et lutte enfin de chacun contre la maladie et la mort. Cette lutte, l’embryon la mène dès la conception, et l’on sait aujourd’hui qu’une sélection naturelle s’opère, qui fait que bien des œufs fécondés n’ont qu’une brève existence. Cette puissance de la vie, je dirais même cette nécessité de survivre et d’assurer sa descendance, c’est celle qui fait que la procréation est au centre des préoccupations sociales sous-jacentes à toute pensée religieuse ou morale . »
Lutte, victoire, échec ou hasards… Je dois mon existence au hasard que ma mère soit née, dans son petit village vietnamien, qu’elle ait échappé aux bombes et aux balles de la guerre du Vietnam, qu’elle soit allée un jour dans ce magasin de photographies à Hanoï…
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La vie est belle, tout de même. Il fallait ajouter ces trois mots derrière. Crois un peu plus fort en la vie, crois en l’avenir, aie confiance, tu verras : Life is beautiful. J’entourais ce néon de phrases rassurantes et il prenait sens. Son rose qui me paraissait si cruel devenait finalement tendre. Bientôt, j’acceptai cette épreuve comme une manière de comprendre que la vie n’était ni obligatoire ni habituelle : elle était exceptionnelle et rare. Elle n’était pas donnée, acquise d’avance : elle restait fragile, incertaine, illusoire, biologique. Nous étions tous des miraculés – miraculés de l’échec, miraculés de la mort, miraculés de la matière inerte. C’était précieux.
Un ami a attiré mon attention sur le mot fausse couche. Il n’y a là rien de faux : c’était vrai, c’était arrivé. Une couche interrompue, peut-être, mais pas fausse. Je m’interroge d’ailleurs sur cette fameuse « règle des trois mois », selon laquelle il ne faudrait rien dire à personne de sa grossesse avant les trois mois de l’embryon. Cette règle, que se glissent les femmes entre elles, repose sur le fait, précisément, qu’un grand nombre de grossesses échouent avant trois mois. Il faudrait donc taire la grossesse, afin de ne pas annoncer un heureux événement.
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La tristesse d’une chambre vide, c’est quelque chose. Assez ironiquement – d’une ironie qui sera encore plus prononcée par la suite –, il y avait un néon dans cette chambre, un néon rose qui représentait des lettres, une phrase : Life is beautiful.
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Les paroles heureuses, les congratulations, les vœux dont on la couvrait quelques semaines plus tôt s’évaporent eux aussi. Personne ne dit rien, ensuite. On remarque que le ventre n’a pas grossi, qu’il n’y a pas de poussette, pas d’enfant. Alors, on n’ose rien dire. Que peut-on faire de mieux ? Par pudeur, par respect, par délicatesse, on passe ça sous silence.
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Cette certitude, cette joie, cette incertitude, cette attente, cette déconvenue, cette tristesse se mélangeaient encore en moi, tandis que la sage-femme me priait de passer dans la salle d’attente où le médecin viendrait me chercher. Quel médecin ? Celui qui me prescrirait les médicaments pour enlever les sacs de mon corps, les expulser, dit-elle.
À ce moment-là, et pas avant, je ressentis la violence de ce qui arrivait. Assise dans la salle d’attente, je n’avais aucune envie de voir ce médecin. Pourquoi attendais-je ce médecin ? J’étais venue pour une échographie, pour voir si mes zygotes avaient bien grandi. Je n’étais pas venue pour que l’on me prescrive des médicaments afin de les enlever !
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Nous n’avons pas de portées, nous les humains. Les portées sont des miracles qui se nomment jumeaux, triplés, quadruplés… Les jumeaux sont deux oiseaux sur une branche, deux chats sous un arbre, deux chiots qui jouent ensemble sur la plage, deux coccinelles dans les herbes hautes, deux fleurs qui partagent une même tige… Je voyais les jumeaux partout.
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Nous étions heureux. Cependant, le monde basculait : un virus inconnu se répandait à la vitesse de la lumière et tuait des millions de gens. Il fallait s’isoler au plus vite. Comme nous avions deux chats à la maison, mon médecin me conseilla de m’éloigner d’eux tant que je n’aurais pas fait la prise de sang confirmant que je n’étais pas à risque de toxoplasmose, maladie que les chats peuvent transmettre au fœtus via la mère. La meilleure solution, dans ce contexte de pandémie mondiale et de grossesse personnelle, nous sembla de partir à la campagne, loin du virus et loin des chats.
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J’allais me taire, puis je me dis : pourquoi se taire ? Par pudeur, oui, mais vais-je blesser quelqu’un ? Il n’y a personne à blâmer, ni à blesser. L’événement est passé. Qui ma pudeur va-t-elle protéger ? Cette retenue ne ferait qu’étouffer une histoire humaine, qui est elle-même devenue un bruit de couloir, un secret que l’on se glisse entre des portes battantes, un murmure d’une oreille à l’autre, un tabou que l’on découvre seulement quand il nous arrive, alors on se confie, discrètement… On se demande pourquoi on n’a pas su avant, pourquoi personne ne nous a rien dit ? Car nous voulons savoir, nous voulons comprendre. Annie Ernaux a écrit La Honte en 1997, et L’Événement juste après. Nous ne voulons plus avoir honte de l’événement.
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L’écriture ne sait pas mentir, ni cacher : elle agit comme une torche, jette sa lumière crue sur les zones d’ombre. Elle écrit malgré moi, elle n’écrit pas pour le public, elle écrit pour elle-même. Là, à cet endroit, elle s’exprime sans faux-semblants. Elle cherche la vérité, elle s’interroge. L’écriture se fiche de mes histoires personnelles, elle se fiche de mes pudeurs et de mes petites pâmoisons. Elle écrit, c’est tout. Elle accomplit sa mission. Elle ne se prive pas. Elle se demande comment écrire sur ce qui est le plus spécifique à la femme et qui, pourtant, est à l’origine de nous tous, humains. Venir au monde, mettre au monde, refuser de mettre au monde. Comment écrire sur le mystère de nos naissances, et de ceux qui ne sont pas nés ?
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J’allais me taire pour protéger un secret, un couple, une intimité. Sans doute était-ce là une raison respectable. J’allais ne pas écrire, car c’est une histoire privée. Privée de quoi ? C’est une histoire si privée, oui, qu’elle se prive de récit, de paroles. Certains pensent que c’est une histoire de femme, pourtant cette histoire s’écrit à deux, elle est l’histoire de notre naissance à tous. Je parle de la maternité, bien sûr, de la grossesse, et plus précisément de l’échec de celle-ci, interruption involontaire ou volontaire.
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