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Citations de Marcel Aymé (465)


Jules Haudouin se montrait presque aussi soucieux de la pureté de ses mains que de ses regards. Quand il caressait sa femme, ses mains n'avaient jamais de ces attentions qui obligent les natures rebelles ou un peu lentes à s'émouvoir. Ses attouchements n'étaient qu'une enquête nécessaire, car Mme Haudouin ignorait tout de l'hygiène intime, et il fallait l'occasion d'un accouchement pour qu'elle consentît à porter le savon plus haut que la jarretière.
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-Je veux deux mille francs, nom de Dieu! Jamblier! Jamblier! deux mille francs! Jamblier!
-Je voudrais pas être indiscret, dit Martin au silence qui suivit. Mais si vous avez besoin de quelqu'un pour lui rentrer son compliment dans la gueule...
-Jamblier! hurla de nouveau Grandgil.
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-Bourlinguer un cochon du boulevard de l'Hôpital à la rue Caulaincourt, s'enfoncer au pas de chasseur toute la traversée de Paris en plein noir, huit kilomètres au raccourci avec la montée de Montmartre en finale, et partout les flics, les poulets, les Fritz, pour gagner six cents francs, vous appelez ça profiter?
-Je vous donne quatre cents francs.
-À ce prix-là, cherchez des clochards. Nous, on est des hommes
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Non seulement l'avenir de la révolution mondiale lui était indifférent, mais il y pensait avec lassitude. Peu lui importait de vivre dans le meilleur des mondes s'il y était malheureux. Sa mauvaise humeur l'inclinait à croire que la justice sociale ne serait jamais qu'une satisfaction de l'esprit, ne guérissant ni la pauvreté, ni les rhumatismes, ni les chagrins d'amour, ni rien de ce qui rend la vie parfois si lourde à traîner.
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Pendant que mes enfants meurent de faim, pour ces cochons-là, c’est des œufs à vingt francs la pièce, viande à tous les repas, beurre à quatre cents francs, poulets, jambons à s’en faire éclater le gilet. Et les habits, et les souliers, et les chapeaux, leur manque rien, soyez tranquilles. Les riches, ils mangent plus qu’avant guerre, ils se forcent même à manger, peur d’en laisser aux malheureux. J’invente pas. Hier, j’ai entendu chez l’épicier deux femmes harnachées, pardon, fourrures, bijoux et pékinois, elles disaient que les gens, de peur de manquer, ils mangeaient le double d’autrefois. « C’est comme ça chez nous », elles disaient. Parlez-moi des riches. Tous assassins, tueurs d’enfants, voilà ce que c’est. Marchez, la guerre, ça durera pas toujours. Quand les Allemands ils partiront, on aura des comptes à régler. Tous ceux qui auront la gueule fraîche et le ventre sur la ceinture, on aura deux mots à leur dire. Pour chacun de mes gosses qu’ils m’auront assassiné, il m’en faudra dix. À coups de galoche dans la gueule, que je les tuerai, et je mettrai du temps, je veux qu’ils souffrent. Les cochons, ils ont le ventre plein quand ils viennent nous causer honneur, loyauté et tout le tremblement. Moi, l’honneur, on en recausera quand mes enfants n’auront plus faim.
Dans la nouvelle, En attendant
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Un instant, il essaie de ne plus sentir sa souffrance pour voir quel effet ça lui fait de savoir qu'il va mourir.
Eh bien voilà ! C'est pénible de s'en aller quand il y a tant à boire par le monde.
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Tant il est vrai que l'opinion de nos meilleurs amis ne compte plus dès qu'elle va à l'encontre de nos caprices.
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Louise voyait de mauvais œil que son garçon descendît jusqu’à une créature aussi chétive. À la rigueur et en le regrettant, car ces choses-là ne sont ni propres ni honnêtes, elle admettait qu’il la culbutât au revers du fossé, mais elle aurait souhaité qu’il le fît avec le mépris qu’on doit à l’abjection. Pour Louise qui accordait plus d’importance aux familles qu’aux individus, Belette était d’abord la fille des Beulet, tribu de pouilleux, fainéants et chapardeurs (...)
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Soyez bon, vous serez toujours faible.
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A plat ventre dans le pré, Delphine et Marinette étudiaient leur géographie dans le même livre, et il y avait un canard qui allongeait le cou entre leurs deux têtes pour regarder les cartes et les images. C’était un joli canard. Il avait la tête et le col bleus, le jabot couleur de rouille et les ailes rayées bleu et blanc. Comme il ne savait pas lire, les petites lui expliquaient les images et lui parlaient des pays dont le nom était marqué sur les cartes.
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Derrière la vipère apparut une fille jeune, d’un corps robuste, d’une démarche fière. Vêtue d’une robe de lin blanc arrêtée au bas du genou, elle allait pieds nus et bras nus, la taille cambrée, à grand pas. Son profil bronzé avait un relief et une beauté un peu mâles. Sur ses cheveux très noirs relevés en couronne, était posé une double torsade en argent, figurant un mince serpent dont la tête, dressée, tenait en sa mâchoire une grosse pierre ovale, d’un rouge limpide. D'après les portraits qu’on lui en avait tracés et qu’il avait crus jusqu'alors de fantaisie, Arsène reconnut la Vouivre. (…) En passant devant Arsène, la Vouivre tourna la tête et le regarda avec une indifférence qui le troubla. Ses yeux verts, d’un éclat minéral, avaient non seulement la couleur des yeux de chat, mais aussi le regard, qui se pose sur l’homme comme sur un objet en se refusant à rien échanger.

249 - [Folio, n° 167, p. 10]
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Au village de Claquebue naquit un jour une jument verte, non pas de ce vert pisseux qui accompagne la décrépitude chez les carnes de poil blanc, mais d'un joli vert de jade. En voyant apparaître la bête, Jules Haudouin n'en croyait ni ses yeux ni les yeux de sa femme.
- Ce n'est pas possible, disait-il, j'aurais trop de chance.
Cultivateur et maquignon, Haudouin n'avait jamais été récompensé d'être rusé, menteur et grippe-sou. Ses vaches crevaient par deux à la fois, ses cochons par six, et son grain germait dans les sacs. Il était à peine plus heureux avec ses enfants et, pour en garder trois, il avait fallu en faire six. Mais les enfants, c'était moins gênant. Il pleurait un bon coup le jour de l'enterrement, tordait son mouchoir en rentrant et le mettait à sécher sur le fil. Dans le courant de l'année, à force de sauter sa femme, il arrivait toujours bien à lui en faire un autre....
(premières lignes du premier chapitre)
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Voyez-vous, maître, le grand ennemi de la France, c'est la culture générale qui poétise et dramatise l'univers en nous dérobant la réalité.[...] Nous, les professeurs de collège, nous avons beau avoir l'esprit faussé par les humanités, nous sommes à même de nous rendre compte à quel point notre rôle est néfaste. Ainsi notre métier de malfaiteurs publics ne nous intéresse-t-il plus. Les problèmes qu'il propose ne sont jamais les vrais problèmes. Sachant que l'avenir ne peut germer que dans les têtes dures et obtuses des garçons à lourdes mâchoires, nous voyons avec tristesse des collégiens mordre à nos boniments sur le grand siècle ou l'emploi du subjonctif. Il serait pourtant si facile de les désabuser et d'en faire des brutes efficaces !
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Est-ce que toute cette vie, cette opulence, n'ont pas été façonnés par l'homme, par ses mains, par son esprit? Ah! Les hommes sont quand même épatants, Archambaud! Dire que tout ce que vous voyez là et plus loin sur des milliers de kilomètres, les blés, les avoines, les arbres, les alignements, les perspectives et jusqu'aux touffes d'herbe, c'est l'homme, ses pensées, son cœur, ses bonnes mains! On vient nous parler de la poésie de la nature. Quelle blague! Il n'y a que la poésie de l'homme et il est lui-même toute la poésie. (p.153)
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« L’honneur, il l’a dans les dents comme du caramel. »
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Marcel Aymé
Etre heureux, ce n'est pas bon signe, c'est que le malheur a manqué le coche, il arrivera par le suivant.
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Dans le matin noir, ils marchaient d’un pas déjà fatigué par l’effort à donner, avec l’espoir obscur de quelque messie au signe évident qui apparaîtrait sous le réverbère du bout de la rue pour leur dire : « Retournez dans vos lits, au chaud ; vous n’avez plus besoin de travailler, je vous donnerai du pain et du vin et vos femmes seront belles quand il faudra. »

Mais les messies ne se montraient jamais d’aussi bonne heure et, lorsqu’ils annonçaient un nouveau commencement, penchés sur une sonnette et une carafe d’eau, ils ne savaient pas la rigueur des matins qui arrachent les hommes au creux douillet d’un matelas. Ces messies n’étaient rien que des hommes qui savaient beaucoup de choses.
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On se mit à parler politique. A travers les propos, la révolution apparaissait comme un film "d'une beauté formidable", dans une atmosphère de rut et de poète maudit, mais aussi comme une romance tiède, morale et attendrissante.p.58
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- J'ai dit ce qu'auraient dit cent mille personnes à ma place. Qu'en présence de certaines situations, il faut adopter certaine attitude et lui rester fidèle. C'est une question de dignité.
- Mais toi, personnellement, tu t'en fous ? Il y a deux ans, c'était juste avant mai 1940, tu me disais que l'honneur de la France, tu t'en torchais la raie des fesses.
- Oui, je l'ai dit et je le redirai probablement après la guerre. Pour l'instant, je vénère ma patrie et je suis férocement jaloux de son honneur. Ça te chiffonne ?
- Mais non, répondit Lolivier. Tu papillonnes avec tant de grâce que forces mon admiration....
(extrait du chapitre VIII)
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On devrait pouvoir dire à propos de la littérature ce que la déclaration des droits a dit de la liberté de l'individu. Quoi de plus simple et plus logique ?
"La liberté de la littérature finit où commence celle des autres activités humaines."
- Ce serait une définition bien vague, dis-je. Si la littérature devait s'insérer entre les autres activités humaines, j'ai idée qu'elle serait plutôt à l'étroit. Son rôle deviendrait bien effacé.
- Pourquoi donc ? Elle serait l'huile qui graisserait les rouages de la machine sociale. Elle aurait là un rôle plus estimable, du reste beaucoup plus difficile à tenir, que celui de la nébuleuse divinité qu'elle s'est assignée depuis cent cinquante ans. Il y faudrait au moins autant de talent et de génie et, à coup sûr un sens plus profond et plus complet de l'humain..
Je crois aussi que l'art n'aurait rien à y perdre. Mais je vous concède que ma définition n'est pas tout à fait au point. Disons plutôt : "la liberté de la littérature finit où commence celle des autres activités de l'esprit." Voilà qui n'est pas mal...
(extrait du chapitre VII)
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