Citations de Marcel Conche (141)
J'hésite, cependant, à me dire athée, car le mot "Dieu" a peu à peu perdu, pour moi, toute signification. Il me paraît sans objet, et je ne crois pas qu'il y ait lieu de nier ce qui n'est rien.
Ces souffles que nous envoient la Montagne et la mer disent le côté généreux de la Nature : généreux seront les oliviers, l'huile sera d'une qualité rare.
Voulant tout avoir, il n'a véritablement rien, il perd sa vie sans cesse, car ce n'est pas vivre que toujours attendre.
Au reste, il [Montaigne] se reconnait un "privilège d'insensibilité" qu'il range parmi les meilleures qualités de sa nature. [...] Pour Montaigne, la souffrance, quelle qu'elle soit, est à fuir ; il y a assez de souffrance dans le monde, ne la multiplions pas.
Le « divertissement » est exactement ce que le philosophe refuse. Il ne peut éviter complètement de donner de soi aux activités qui le tirent hors de lui-même, mais il n’a de cesse de revenir à soi.
Un être tout-puissant, nous dit-on, aurait créé le monde à partir de rien. Bien que ce soit absurde, il faut le croire. Cela étant, on a beau voir la véritable puissance produisant sous nos yeux les aspects successifs du monde, cela ne signifie rien.
Pour la liberté, la foi est une prison. Elle est comme une abeille dans un bocal. Je parle en général, d'après les croyants que je connais.
Ce que je craindrais, ayant vécu dans la facilité de la vie matérielle, c’est que j’aie peine à imaginer la détresse de ceux qui ne sont pas assurés de leur pain quotidien et voient leurs enfants avoir faim. Je crains que j’eusse eu de la peine à imaginer le regard de ces enfants.
Il n'y a pas de vérité sans lumière.
C'est la liberté de l'artiste, du poète, du philosophe créateur. Avant que Rimbaud ne l'ait engendré, le Bateau ivre était absolument inanticipable.
La philosophie n'est lié à l'histoire. C'est pourquoi les philosophes qui sont le plus actuels, parce qu'ils ont le mieux résisté au temps, sont ceux qui sont moins lié à l'histoire. Héraclite est plus actuel que Descartes, car la croyances chrétienne que Descartes a voulu justifier philosophiquement est lié à l'histoire.
La vieillesse est épicurienne parce qu'elle n'a plus que faire d'exister dans la société. C'est alors le moment de goûter la vie, de goûter le fait d'être en vie comme un bien inestimable. (177)
Mieux vaut savoir que croire et je préfère ce dont je suis certain : l'âme, disons plutôt le "principe personnel", est dissous lorsque survient la mort. Je n'ai donc pas besoin de me préparer, pas plus que je n'ai besoin de de me préparer à m'endormir. L'être humain est un produit de la Nature, "condamné" à ne vivre qu'un temps. La mort n'est pas la sanction d'un péché originel mais est inscrite dans le cours naturel des choses. C'est pourquoi l'homme a le droit de vivre naturellement et de mourir naturellement. (148)
L’homme se sait inachevé. Cependant, la société est le lieu des formes fixes, et, par l’Etat et les institutions, exige de l’individu, sous la menace, l’aliénation à ces formes. De sorte que l’individu est sans cesse dépossédé de lui-même, de son essence créatrice. Les formes n’évoluent pas, ou n’évoluent guère.
Contempler la tourterelle, la pie, la grenouille, la mouche, c'est se placer, en mystique, devant le mystère de la vie, c'est éprouver, devant la tourterelle que l'on voit, et qui vit le monde en tourterelle d'une manière pour nous totalement inconnaissable... le sentiment du sacré.
Les oiseaux autour de la prison, les nuages qui passent, les plantes qui germent, vivent leur vie d'oiseaux, de météores ou de plantes, ne savent rien de la guerre, des querelles politiques, de la lutte révolutionnaire, affirment diversement la vie. "Il y a tant d'insouciance, une telle indifférence dans ces nuages qui s'en vont au loin" : l'aventure humaine, dans laquelle Rosa est, de toutes ses forces engagée, n'a, d'un point de vue cosmique, qu'une bien faible importance et, pour beaucoup d'êtres vivants, n'en a aucune. "Combien de royaumes nous ignorent !", s'exclamait Pascal. Pensée "décompressante", si l'on ose dire : pensée apaisante.
Il est bien clair que la définition 6 du premier livre de l’Éthique : "J'entends par Dieu [c'est-à-dire la Nature] un être absolument infini, c'est-à-dire une substance constituée par une infinité d'attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie", que cette définition, dis-je, quel que soit l'habillage scolastique, traduit une expérience foncière et irrécusable, quasi mystique, de la Nature comme infinie, "infiniment finie". L'expérience de la Nature chez Pascal, comme "sphère dont le centre est partout, la circonférence nulle part", c'est-à-dire comme ce qui défie toute géométrie, est une expérience métaphysique [...]
Pour trouver l'amour, il faut penser à la jeune fille, non à l'amour. Ce qui, comme Bastien, en présence de toute jeune fille nouvelle, se demandent : « est-ce celle-ci que j'aimerai?», ou qui multiplient leurs expériences en vue de l'amour, n'aiment jamais. C'est qu'une telle attitude implique un « vouloir-aimer » qui paralyse la naissance de l'amour. Car il est de la nature de l'amour de surprendre la volonté lorsque celle-ci s'y attend le moins.
« Je vais aimer celle-ci » : cela même fait fuir l'amour.
Le meilleur moyen de comprendre une personne et de se demander qui elle aime - mais c'est ce qui, généralement, est profondément caché.
Aimer, c'est vouloir créer ensemble. L'amour implique donc un renoncement à la volonté de puissance, laquelle a un caractère strictement individuel, étant volonté de création solitaire.