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Critiques de Marguerite Yourcenar (809)
Nouvelles orientales

Le style magistral de Yourcenar opère dans chacune des ces nouvelles/fables/contes présentées en miroir dans le recueil et qui nous font voyager depuis la Chine lointaine jusqu'aux champs de tulipes de la Hollande de la Renaissance, en passant par l'Inde mystérieuse et les tumultueux Balkans. Ses mots nous transportent comme sur les eaux d'une rivière qui doit sûrement être un affluent du Styx et au cours de laquelle des vies magiques se déroulent et s'achèvent en se noyant dans la nostalgie de ce qu'elles ont été.
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L'Oeuvre au noir

La première tentation, lorsqu'il s'agit d'évoquer L'œuvre au noir de Marguerite Yourcenar, serait de comparer ce roman aux Mémoires d'Hadrien. Et, sans en lister les ressemblances et les dissemblances, il convient cependant d'observer que, dans un cas comme dans l'autre, la romancière a cherché à explorer une époque et les méandres de l'esprit des hommes qui y vécurent. Naturellement, on objectera qu'Hadrien exista vraiment, et qu'il fut, parmi ses pairs, l'un des hommes les plus puissants, tandis que Zénon n'exista point réellement - ou du moins nous n'en possédons pas la moindre trace, ce qui permet seulement d'assurer de notre ignorance à son sujet - et qu'il est a la fois au service des puissants et menacé par eux. Lecture exigeante et roman d'une grande densité intellectuelle, L'œuvre au noir met au centre de sa narration une réflexion sur la vérité et la liberté, toutes deux recherchées par un homme qui vit dans un siècle plein de contradictions. Le 16ème siècle est tant celui de l'humanisme que des querelles religieuses, héritier du Moyen Âge et annonciateur de l'époque des Lumières.



Zénon, le personnage principal du roman, est un homme du seizième siècle, originaire de la partie catholique des Pays-Bas espagnols, soit la Belgique actuelle. Issu d'une relation passagère entre un jeune prince italien et de la fille de riches marchands, il est confié très tôt à l'éducation du chanoine Campanus, lequel éveille sa curiosité intellectuelle. Ses prédispositions en font un élève remarquable, et il suit le cursus ordinaire des étudiants, à Louvain puis à Montpellier notamment. Sa vie, ensuite, est faite de voyages à travers l'Europe, l'Afrique du Nord et jusqu'en Perse, où il met son art de la médecine et celui de son ingénierie technique au service des princes : le roi de Pologne, celui de Suède, les raïs de Berbérie ... Zénon est aussi alchimiste, profession qu'il faut comprendre non pas seulement au regard de la recherche du gain, mais comme la quête d'un savoir absolu qui met à jour le fonctionnement de toutes choses sur Terre. Homme recherché pour son art, il est aussi persécuté pour ses opinions, qu'il professe dans des livres publiés entre autres par Étienne Dolet, ce qui lui vaut souvent de fuir et de vivre dans des conditions sûrement indignes de celles auxquelles il aurait pu prétendre dans telle ou telle cour d'Europe. Revenant finalement à Bruges, il exerce, au sein d'un couvent, la médecine sur les populations pauvres de Flandre. Rattrapé par le tribunal ecclésiastique, il refuse de faire amende honorable et, dans un ultime effort, choisit de manière définitive la liberté.



Zénon vit dans un siècle, on l'a dit, de contradictions, lequel est merveilleusement rendu par Marguerite Yourcenar. En cela, son roman fait œuvre de reconstitution historique minutieuse, laquelle ne sert pas tant pour elle-même que pour donner un cadre à Zénon. Le mot est important. Cadre, c'est-à-dire bords, c'est-à-dire limites. Ce monde qui s'ouvre à l'humanisme, donc qui fait de l'homme le centre de l'univers, l'homme remplaçant ainsi Dieu, reste un monde bordé par mil six cents ans de croyances et de superstitions. Le retour aux écrits de l'Antiquité ainsi que les lents mais fondamentaux progrès en termes de connaissances relatifs à l'homme et à son univers doivent s'accommoder des dogmes de la religion, laquelle est universelle, et s'applique en conséquences à tous, partout et en tous temps. Ce monde demeure également éminemment violent : la France et l'Espagne s'affrontent en Flandre et en Italie ; l'empire ottoman perce jusqu'en Europe centrale et en Méditerranée ; la Réforme protestante fait s'embraser l'Europe du Nord, à commencer par le saint empire romain germanique. La guerre, mais aussi les châtiments corporels ou la torture font partie des choses normales de ce monde. Zénon, s'il redoute la torture à Bruges, ne s'étonne pas qu'elle puisse lui être appliquée. De la même façon, son cousin, Henri-Maximilien Ligre choisit le métier des armes qu'il exerce principalement en Italie, laquelle fournit son ordinaire, et ne l'empêche pas, à ses heures perdues, de se faire poète. Autour de Zénon vit une profusion de personnages, qui font ce seizième siècle. Les Ligre, dont Zénon est un bâtard, sont de riches marchands flamands qui ont fait fortune dans le tissu. Ils soutiennent financièrement le pouvoir monarchique espagnol dans sa politique militaire et culturelle et, peu à peu, en guise de paiement, obtiennent titres et honneurs. Campanus ou encore le prieur des Cordeliers de Bruges sont des clercs de leur temps : attachés à la foi chrétienne, ils sont au fait des débats théologiques qui agitent, dès les années 1520, le monde chrétien. Les Pays-Bas espagnols sont particulièrement touchés par la Réforme, puisque les thèses de Luther ou Calvin imprègnent fortement les provinces du nord, dont seront issues quelques doctrines, dont celle des anabaptistes qui enflamma la ville de Münster sous l'égide de Jean de Leyde. Le personnage de Simon Adriansen, qui épouse la mère de Zénon, est l'un de ces épris de Dieu, qui relisent le message des Évangiles en y voyant l'importance de la sobriété et de l'humilité, et qui condamnent les usages somptuaires de l'Eglise catholique, mais pas seulement : les riches intérieurs bourgeois les dégoûtent tout autant. Il est aussi de personnages, comme Henri-Maximilien Ligre, qui ne s'embarrassent pas des hésitations de leur temps. Seule comptent la guerre et le bénéfice qu'on en tire, et les rivalités entre thèses luthériennes, calvinistes et celles du concile de Trente, n'importent absolument pas ; seul comptera peut-être, au moment de la mort, qu'un Dieu existe pour pardonner les fautes commises.



De ce monde cadré par les croyances et les disputes, Zénon tente de s'extraire par la quête de vérité. Cette vérité doit être comprise comme métaphysique, c'est-à-dire comme recherche des causes de l'univers ; cela inclut Dieu, et peut ne pas l'inclure, ou, en tout cas, cette quête, avoue Zénon, Lui est supérieure. La quête de Zénon est celle d'un humaniste empirique, qui expérimente et observe le monde qui l'entoure, depuis les corps humains qu'il dissecte jusqu'aux plantes et insectes qui habitent le monde, jusqu'aux jeux de lumière qui excitent son œil. L'homme, à travers Zénon, a la prétention de comprendre un monde créé par Dieu, et donc de se mettre à la hauteur du divin. Là est la véritable œuvre au noir relative au titre : la séparation des corps composant la matière, la conscientisation de toutes les entraves intellectuelles et cognitives entrant dans un processus de réflexion donné, et cela dans le but d'obtenir, comme à travers le passage d'un liquide dans un athanor, une vérité pure, absolue, inattaquable. Dans cette quête neuve qui se départit des oripeaux de la superstition, de l'astrologie et des croyances, Zénon cherche à déterminer les mécanismes les plus fins du vivant pour comprendre le Grand Tout, qui régit jusqu'au mystère des étoiles et des planètes. Les grands auteurs antiques, tel Galien, s'ils peuvent servir un temps de guide, doivent, selon Zénon, être délaissés car eux aussi ont eu leurs lubies, leurs égarements.



Cette vérité doit être comprise exclusivement comme une vérité métaphysique. En ce sens, elle se moque bien des conventions sociales ou religieuses diverses. Zénon, toutefois, n'est pas sans contradictions, ce qui est logique, puisque lui-même a conscience des barreaux cognitifs qui le tiennent enfermé dans une prison mentale, certes vaste. Zénon, homme de son siècle, ne va pas jusqu'à renier Dieu, qui figure le Tout qui englobe ce monde ; de la même façon, il revendique son identité sociale, c'est-à-dire son nom, lorsqu'il est arrêté à Bruges, abandonnant le nom d'emprunt de Sébastien Théus qu'il avait jusqu'alors adopté. En bien des points, Zénon se révèle pleinement être un homme de son siècle, enfermé en lui mais y trouvant les moyens de sa liberté. Liberté du corps, qui s'exprime à travers les voyages, mais aussi à travers le rapport au corps d'autrui. Si Zénon s'attache physiquement à des hommes ou des femmes, son propre départ ou la mort de ses amants (ainsi Aleï) semblent lui laisser une liberté de mouvement salutaire pour lui. Liberté de l'esprit, aussi, qui explore toutes les possibilités intellectuelles que lui offre la vie ici-bas. C'est cette exigence de liberté qui oblige, pour le dire ainsi, Zénon à faire le choix de la mort dans sa cellule a Bruges. La mort choisie est préférable au reniement de soi et de ce qui fut sa vie, et l'individu, par ce geste, affirme son pouvoir absolu sur lui-même : Zénon, en tant qu'homme, se substitue pleinement à Dieu. A travers la liberté, c'est l'individu que Zénon célèbre.
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Nouvelles orientales

J'ai lu ce recueil dans le cadre de challenges ABC. Les années précédentes, cela a déjà été l'occasion de découvrir M. Yourcenar. Mais j'avoue que cette fois, je n'ai pas été conquise. Ces nouvelles qui s'apparentes à des contes et légendes (existants et revus pour certains) tournent autour de la mort. Et même s'elles sont empreinte d'une certaine poésie, je n'ai su les apprécier.

Je lirai peut-être plus tard.
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Nouvelles orientales

Une plume enchanteresse et raffinée, des contes élégants et sombres…



Je me rappelle avoir dû lire ce livre au lycée, l’avoir emprunté à la bibliothèque et avoir eu un véritable coup de coeur. Très vite après l’avoir rendu j’ai voulu l’acheter pour l’avoir toujours avec moi, à une époque où je n’achetais aucun livre. C’est dire l’effet qu’il m’a fait ! J’avais eu un véritable coup de foudre pour « La veuve Aphrodissia » au point où j’y faisais parfois référence dans mes propres écrits.



Il y a quelques jours j’ai décidé d’enfin le relire, ce dont je m’était abstenu depuis que je l’avais acheté il y a tant d’années, par peur de déchanter et de salir mes souvenirs. Et bien je ne le regrette pas une seconde, mon amour pour cette oeuvre s’en est même retrouvé grandit ! Il s'agit de ces oeuvres qui ont marqué mon parcours artistique, qui imprègnent !



Qui plus est, chaque nouvelle est réellement courte : juste ce qu’il faut pour s’y plonger sans s’y noyer. Le voyage prend rapidement fin, mais chacune de ses étapes est pleine de souvenirs et d’émerveillements.

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Écrit dans un jardin

Voici un petit format pour cette édition tirée seulement à 500 exemplaires dont il faut couper les feuillets.

Marguerite Yourcenar s’attache aux quatre éléments dont l’arbre réunit les forces et les « faiblesses ».

Une tranquillité de la conscience imprègne ces quelques pages qui se révoltent devant la lâcheté de tuer un arbre.

Ce titre appartient à ma liste « Titres d’ordre végétal » et si vous aimez ce thème, venez feuilleter ma page http://anne.vacquant.free.fr/av/index.php/2021/03/29/projets-ecrits-en-cours/. J’écris un essai (participatif et gratuit) sur les œuvres lues.
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Mémoires d'Hadrien

J'ai une pile à lire qui dépasse l'entendement mais je suis tombée par hasard sur la critique d'un lecteur difficile à plaire qui qualifiait ce livre de chef d'œuvre. En me renseignant, j'ai même découvert qu'il fait partie des 100 meilleurs romans au monde. Comme j'adore l'antiquité et que je ne connaissais absolument rien de l'empereur Hadrien (si ce n'est qu'il est un grand voyageur), j'ai craqué et me le suis acheté.



Que dire... J'ai eu beaucoup de mal à le lire et à le terminer. Le roman est écrit sous forme de lettre qu'Hadrien rédige sur son lit de mort à son fils adoptif et successeur Marc Aurèle. Il lui décrit sa vie et lui explique combien il se sent responsable de la beauté du monde (quelque part c'était le cas à cette époque...). Toute l'histoire est donc narrée sous forme d'une longue lettre à la première personne du singulier et pour moi ça s'apparente à un long monologue/discours qui, certes est intéressant, mais dur à suivre et durant lequel on ne peut s'empêcher d'être distrait.



C'est aussi parce que parfois j'ai eu l'impression que c'etait l'auteure et non pas Hadrien qui écrivait (pour le ton parfois employé) et aussi car il y avait un nombre incalculable de noms de personnages, de villes et de pays dans leur forme antique qui s'enchaînaient parfois sans trop d'explication et je me sentais obligée d'aller me renseigner toutes les 30 secondes sur Wikipedia pour ne pas me perdre... Et quand je suis déconnectée de l'histoire et que je sors de ma bulle, c'est difficile d'y retourner...



Cependant, j'ai tout de même appris des faits intéressants. J'ai beaucoup aimé apprendre de cet empereur et j'admire le travail colossal de l'auteure, Marguerite Yourcenar, qui a récolté des dizaines de sources très difficiles à obtenir et parfois à vérifier pour écrire cette lettre qui tient la route (d'ailleurs sa démarche est décrite en seconde partie du livre). Simplement, ça m'aurait été plus agréable sous forme de roman (avec des dialogues et compagnie), mais ça reste un avis personnel et je salue l'originalité de ce choix.
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Un homme obscur

"Nathanaël regarda l'eau lourde. Depuis que ce canal avait été creusé, on avait dû y jeter bien des choses, des déchets de nourriture, des fœtus, des charognes d'animaux, peut-être un ou deux cadavres. Il pensa à ce trou qui était Rien ou Dieu."



Roman bref, récit sec, Un homme obscur se présente comme une réplique mezza voce de L'Œuvre au noir. Après son Zénon enténébré, Marguerite Yourcenar façonne un Nathanaël bistré, aux contours détrempés. A un siècle d'écart, en Hollande cette fois (le clair-obscur d'un Rembrandt vieil ivoire avec les joues rubicondes d'un Hals), l'auteur dessine le parcours d'un homme sans relief particulier. Les hasards de l'existence le transformeront tour à tour en marin, en correcteur chez un scrupuleux éditeur, en domestique puis en gardien d'îlot et le mèneront de la Jamaïque à l'île des Monts-Déserts, des bras d'une pâle phtisique à ceux d'un Juive rouée.



Cet "homme obscur" aura été jusqu'au bout de lui-même et de ce qu'il lui était accordé d'être : un destin sans flammes, certes, mais digne. L'estime que porte l'écrivain à sa pâle créature nous la fait aimer : Nathanaël laisse glisser un regard lucide sur le monde, hors de toute doctrine, sans jargon ni prêche. Celui d'un honnête homme.



Le style est accompli, le talent probe mais le pouls ne s'emballe guère. Pour un héros si discret, j'aurais aimé une écriture moins limpide.



Une belle matinée -sorte d'apostille à Un homme obscur-, en augurant une vie d'artiste au jeune Lazare (fils naturel de Nathanaël et, par son prénom, symbole de toutes les victoires sur l'obscurité), se conclut sur une naissance au monde, là où, si souvent chez Yourcenar, la mort conduit l'attelage.



En effeuillant la Marguerite... Je l'aime, un peu...
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L'Oeuvre au noir

J'achève la relecture de ce livre si beau presque à l'instant, et si l'on peut être fasciné par la maîtrise historique ou philosophique, par le style, etc. etc., ce que je retiens avant tout et qui me bouleverse dans toute son oeuvre, c'est le sens, profondément généreux.

Un amour de la vie, de la condition humaine, mais qui n'est pas aveugle comme l'est notre culture "humaniste" (au sens le plus large du terme mais qui pour le coup n'est pas si étranger aux hommes de lettre et d'esprit de la Renaissance) aux limites et aux faiblesses humaines et qui ne cède rien à l'orgueil humain de se croire plus que ce que l'on est.

Ce qu'il y a de merveilleux dans l'Oeuvre au noir, c'est cette apparente contradiction entre une vision de l'Homme divinisé, aux capacités intellectuelles infinies, l'absolue dignité de la condition humaine - à ce titre le personnage de Zénon et ses capacités intellectuelles impressionnantes ainsi que le choix de l'époque, qui dans notre généalogie de la pensée est connue pour avoir mis en avant cette conception divine de l'humain sont très parlants - et la vision a priori exactement inverse de l'insignifiance humaine relativement à l'immensité du cosmos, et qui fait de l'expérience humaine une expérience, singulière certes, mais parmi d'autres, notamment l'expérience animale. Mais de contradiction il n'y a point, et M. Yourcenar navigue avec grâce sur cette ligne de crête subtile, qui nous fait contempler à la fois notre grandeur et notre insignifiance.

On ne ressort pas indemne de lectures portant un tel message, et qui nous communiquent, par le truchement d'un personnage presque fait personne, tant elle a passé d'années à apprendre à le connaître avant d'oser le rendre à l'écrit, l'émerveillement de l'aventure humaine. Un émerveillement égal pour l'infiniment grand et l'infiniment petit ; pour les "prunes" comme elle le dit dans ses notes (citant Les nourritures terrestres de Gide), ou mieux encore, dans le texte lui-même, pour la matière fécale, comme pour le sentiment de transcendance ou le Grand Oeuvre.

Le sage ne néglige rien. Zénon est un être "presque sage" selon la grande sage des Monts-Déserts, avec son habituelle mesure et son art de la retenue. Je ne partage pas ces qualités, et j'ai envie de dire que Zénon est un être admirablement sage.
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Denier du rêve

Rome, an XI du fascisme. Roulant de main en main, une pièce de dix lires -le denier du titre- est le témoin que se passent une dizaine de protagonistes dans leur course aux rêves. Qu'ils soient époux, amants, parents, complices ou clients cette poignée d'Italiens s'offre à bon compte un fantasme de pacotille ou une issue de secours : du plaisir, un mensonge, un vœu, une bonne conscience voire la mort. Un liard d'espoir dans une ville éternelle sous influence. Fort de son pouvoir quasi impérial, Mussolini étend en effet sur le pays l'ombre de son profil prognathe et carnassier.



Yourcenar, curieusement brutale et charnelle, sonde les cœurs, fouille les histoires, pénètre les replis de chaque conscience avec maestria. Qu'elle éveille un vieux peintre échiné, une fleuriste avare, une actrice autolâtre, une prostituée cancéreuse ou une vieille fille brisée, l'écrivain le fait avec une férocité délicate. Les tranches de vie qu'elle leur prête sont des ébauches de romans dont on aurait aimé feuilleté les pages.



Sa tendresse, l'auteur l'accorde surtout à un quartet de partisans. Carlo Stevo, écrivain martyr de la liberté dont le fantôme hante ceux qui l'ont aimé, Massimo le traître bourrelé de remords, Alessandro, fasciste par opportunisme et surtout Marcella, terroriste lasse dont l'attentat programmé résonne comme un suicide. Leur parcours de sang et de larmes éclabousse les ruelles mordorées de Rome.



Chaque phrase de ce denier est trébuchée avec application : dans cette pesée des âmes, Yourcenar, en orfèvre affermie, invoque la culture classique, les mythes et les dieux sans négliger la douloureuse condition humaine. Son écriture stylisée et limpide brasille de lueurs ineffables.



En effeuillant la Marguerite... Je l'aime, un peu, beaucoup...
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Nouvelles orientales

Il y a des auteurs qui font me font peur, des monuments que je ne pense pas être capable d'affronter, des classiques qu'il faudrait pourtant caresser. Marguerite Yourcenar en faisait partie. Il était grand temps que je m'y attelle et commencer par un recueil de nouvelles m'a permis d'aborder son écriture (magnifique de douceur) plus rassérénée.

J'ai beaucoup aimé ces nouvelles s'apparentant à des fables et légendes orientales, mettant en scène des mythes anciens.

Ne faites pas comme moi, ne vous laissez pas intimider par le génie de ces auteurs.

( Préférence pour la nouvelle Notre-Dame-des-Hirondelles )
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L'Oeuvre au noir

L'oeuvre au noir de

En audio pour 90% et 10% sur papier j'ai pu comparer les deux lectures. A cause du style je n'aurais jamais pu lire ce roman de mes yeux ; un très beau style mais très lourd à lire car très moyenâgeux et pourtant très léger à l'oreille par sa belle musique, un style à écouter.

Le propos est passionnant : les pérégrinations d'un homme libre dans l'Europe du XVI siècle, en Belgique principalement et à Bruges précisément qui à cette époque était espagnole et sous le joug de l'inquisition et de Philippe II. Alchimiste, médecin, astrologue, athée à l'oral comme à l'écrit, philosophe et homme de conviction capable de mourir pour ne pas renier ses idées.

Cette bruxelloise qui a bien rempli le siècle dernier est un monstre d'intelligence qui m'a permis d'entrevoir un autre monde de l'écriture dont je ne soupçonnais même pas l'existence.

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L'Oeuvre au noir

Il y a des livres avec lesquels nous avons des histoires particulières et qui gardent une place toute particulière dans notre bibliothèque intime.

L'Oeuvre au noir en fait partie et occupe les toutes premières places dans cette bibliothèque intime.

Je n'ai pas de formation littéraire et n'ai pas eu la chance d'une initiation précoce aux trésors de la littérature ; mais je suis un lecteur passionné depuis de très nombreuses années et les livres font partie de mon hygiène de vie.

Je suis passionné par les essais, la sociologie, les sciences, les religions, biographies, romans historiques … Des lectures parfois exigeantes, et L'Oeuvre noir cochait de nombreuses cases de mes centres d'intérêts.

Je me suis donc plongé avec confiance et envie dans sa lecture, et qu'elle fut ma surprise d'avoir à abandonner à deux reprises mon chemin avec Zenon, le personnage principal, avant les 100 premières pages !!!

Je reconnais humblement que le niveau érudition, la richesse du vocabulaire, les rappels de faits historiques, les nombreux personnages d'importance de cet œuvre étaient autant d'obstacles très difficiles à gravir.

Mais je restais intimement convaincu que cet océan littéraire me réservait un immense moment de plaisir de lecteur et que voyager avec Zénon serait très enrichissant.

J'ai donc relevé le défi que me proposait Marguerite Yourcenar, et je le en suis très reconnaissant.

Une lecture attentive des événements et faits historiques importants du XVI siècle, une recherche de critiques et analyses littéraires éclairées, le visionnage et l'écoute d’interviews de Marguerite Yourcenar (merci YouTube) permirent de m'élever au niveau initial d'exigence demandé par l'auteur.

Après plusieurs semaines, je repris la lecture du début et ce fut littéralement un enchantement de partager avec Zénon son parcours de vie. La qualité de l'écriture est extraordinaire, le nombre de nouveaux mots découvert est impressionnant et surtout l'histoire est captivante, enrichissante et émouvante. C'est un témoignage vibrant et un très bel hommage à tous les Zénon de l'histoire.

Ce livre à une place privilégiée dans ma bibliothèque et sa présence est un rappel permanent à ce que peut être les plaisirs infinis de la lecture.

J'espère vivement ne pas avoir été maladroit dans cette première critique et vous souhaite à tous du plaisir et de la passion dans vos lectures pour 2020. 

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Mémoires d'Hadrien

Qu'il est délicat d'oser prendre la plume après Marguerite Yourcenar, même pour simplement dire l'éblouissement que fut la lecture des mémoires d'Hadrien... Et comme on aimerait que nos dirigeants lisent, relisent et tirent les leçons de cette vie faite œuvre.
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Le coup de grâce

Folio propose dans sa collection à seulement 2 euro ce livre de Marguerite Yourcenar "Le Coup de Grâce". Il est très court, 122 pages seulement, mais d'une profondeur et d'une beauté qui font de cet ouvrage sur le mal d'aimer un véritable chef d'œuvre à mon sens. L'écriture de Yourcenar sur les sentiments développés lors d'une passion amoureuse y est d'une précision incroyable. J'ai lu ce livre en une seule nuit tant l'histoire m'a prise. Impossible de lâcher ce livre une fois que vous l'aurez débuté. L'histoire se passe en 1919, dans les pays Baltes ravagés par la guerre, la révolution et le désespoir, trois jeunes gens, Éric, Conrad et Sophie, jouent au jeu dangereux de l'amour. Attirance, rejet, faux-semblants, conflits, mensonges et érotisme les pousseront aux confins de la folie. C'est une histoire sublime et profondément bouleversante que nous donnent à lire Yourcenar. Je ne vous dévoile rien de l'intrigue pour ne pas vous gâcher le plaisir de la fin du livre, mais je ne peux que vous conseiller la lecture de cet ouvrage petit par sa taille mais immense par le talent et la richesse peu commune qu'il contient.
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Nouvelles orientales

Assommant



Tout au long de ce court ouvrage, j'ai été surpris par la lourdeur du style. J'ai trouvé l'écriture très pénible. Pourtant je ne suis pas adepte du tout des livres "faciles à lire". Peut être n'ai-je pas encore assez lu pour pouvoir apprécier ce style.



Je n'ai pas aimé le style mais il ne m'a pas laissé totalement indifférent. Ce qui n'est pas le cas du fond. Des contes pas très originaux. C'était semble-t-il voulu, soit, mais le vouloir n'enlève en rien le problème.



J'ai lu les différentes critiques mais cela ne m'a pas permis de déceler quelconque intérêt dans cet ouvrage. Il arrive parfois que l'on passe à côté de choses formidables. C'est sans doutes le cas pour moi tant je trouve cette lecture inutile mais les critiques ne m'auront pas permis de pallier à ce manque.



Douze années plus tôt; je n'ai pas saisi la chance de découvrir ce livre qui était au programme de seconde. Je n'avais ni lu les nouvelles ni écouté l'enseignante qui en parlait. Douze années après, bien qu'étant beaucoup plus à l'aise avec ce genre d'ouvrage, c'est encore un acte manqué.
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Mémoires d'Hadrien

Un pur régal. Une langue française de toute beauté. De la dentelle de mots et un voyage dans cette antiquité devenue incroyablement proche de nous.

Une superbe histoire et des lignes exceptionnelles sur l'Amour.
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Comment Wang-Fô fut sauvé

"Comment Wang-Fô fut sauvé" est le texte le plus célèbre issu du recueil "Nouvelles orientales" de Marguerite Yourcenar, paru en 1936.

Je ne sais pas pourquoi on parle de nouvelle car il s'agit plutôt d'un conte fantastique avec une très jolie fin que j'ai beaucoup aimé. Pourtant, je trouve que le texte n'est pas très bien construit. D'abord parce que, pour moi, le personnage principal n'est pas Wang-Fô mais son disciple Ling. La premiere partie du conte raconte son histoire.

Ling est un modeste peintre qui va abandonné sa famille pour devenir le disciple de Wang-Fô, vieux peintre dont les peintures sont plus vraies que nature, grâce à qui il a une perception neuve de ce qu'il y a autour de lui. Il va vendre ses biens pour suivre le maître sur les routes du royaume de Han.p

Wang-Fô, qui était craint et vénéré, et Ling, totalement soumis, vagabondent. Il donne les tableaux à qui les apprécie ou les échange contre de la nourriture jusqu'au jour où l'empereur les fait arrêter par l'armée pour punir Wang-Fô. Ce prince a passé toute son enfance à regarder les tableaux du maître et lorsqu'il a été en contact avec la réalité, le monde lui a paru bien moins beau. Ling qui essaie de défendre son maître va être décapité froidement.

Heureusement, le fantastique va prendre le dessus à ce moment de l'histoire et je pense que le conte aurait pu s'appeler "Comment Ling fut sauvé".

Sans raconter la fin, je me demande si Marguerite Yourcenar veut dire que l'image du monde doit rester un rêve ? Je ne sais pas mais elle ne cherche pas forcément une morale.



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Comment Wang-Fô fut sauvé

Cette petite nouvelle orientale permet d'appréhender l'écriture limpide et belle de Marguerite Yourcenar pleine de poésie. Cette amitié entre un vieil homme poète-peintre qui transfigure la vie pour en extraire la beauté et un jeune homme curieux et admiratif est mise à mal par la cupidité, le pouvoir. Mais même la mort est ici un passage vers un monde inventé par le peintre où les deux hommes sont réunis et sereins laissant l'empereur dans la bassesse de son monde triste et morne. Belle entrée en matière pour découvrir l'auteur des Mémoires d'Hadrien.
Lien : http://blogs.crdp-limousin.f..
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Nouvelles orientales

« Nouvelles orientales » Marguerite Yourcenar (Gallimard, 150 petites pages)

Une dizaine de fables, de contes orientaux ; on se laisse porter par la poésie, par les parfums d’un orient multiforme mais toujours dépaysant, entre Chine immémoriale, Grèce de toujours et Balkans d’à peine hier. L’amour est parfois plus fort que toutes les réalités, la sensualité a raison des pires atrocités (qu’il est beau ce sourire de Marco). Le mensonge et l’adultère, la femme prisonnière de sa maternité, l’appel des sens qui rend fou, Marguerite Yourcenar nous propose dans ce périple en Orient(s) un voyage au cœur des passions humaines de toujours, teinté d’onirisme, dans une langue épurée, ciselée, émouvante. C’est beau comme du Marguerite Yourcenar, c’est sûr, on pourra le relire dans trente ans, avec le même émerveillement.

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Nouvelles orientales

Ce recueil de nouvelles contient des récits proches des types contes et légendes.

J'avais vu ce livre conseillé à une personne en dépression qui n'arrivait plus à lire dans le livre "Bouquiner : Autobiobibliographie" d'Annie François et c'est une des raisons de ma déception: la plus part des nouvelles sont tristes, dures, en tout cas ce n'est pas ce que je conseillerai à quelqu'un qui va mal, qui déprime.

Les nouvelles traitent de différents sujets, sont de longueur très variables, la plupart sont tristes.

Je n'ai rien à reprocher à ce livre mais je n'ai pas accroché non plus.
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