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Critiques de Marguerite Yourcenar (809)
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Mémoires d'Hadrien

Voilà mon premier livre de Marguerite Yourcenar... C'est simple : me voilà marquée à jamais !



Marguerite Yourcenar est le pseudonyme de Marguerite Cleenewerck de Crayencour, écrivaine française née en 1903 et décédée en 1983. En 1980, elle est la première femme élue à l'Académie française.



Mémoires d'Hadrien est publié en 1951. Il s'agit d'un roman historique, ou plutôt, une lettre autobiographique imaginaire qu'Hadrien, Empereur romain, adresse au futur Empereur Marc-Aurèle. Hadrien dresse ainsi le bilan de sa vie : sa formation militaire, son goût pour la chasse, son amour pour l'hellénisme, sa succession à Trajan, son mariage malheureux, son amour pour le jeune Antinoüs, etc. le règne d'Hadrien sera placé sous le signe de la PAIX. Il renonce aux guerres et aux conquêtes. Il souhaite avant tout harmoniser l'Empire, le tranquilliser, le pacifier.



J'ai appris énormément de choses avec ce bouquin. Je suis des cours d'Histoire de l'Art et je dois dire que j'ai pu faire de nombreux parallèles entre mes cours (et la période de la Rome Antique) et ce livre. Mais ce n'est pas tout ce que ce bouquin m'a apporté ! Il m'a littéralement subjuguée. J'ai eu le coup de foudre pour cette auteure et, depuis, je ne pense qu'à une chose, me procurer d'autres livres de Marguerite Yourcenar. L'écriture est splendide, le vocabulaire est merveilleux, tout est beau dans ce livre. Alors oui, il faut se creuser un peu la tête, oui, il faut parfois reposer le livre et faire quelques recherches, mais bon Dieu, que c'est bon ! Voilà une parfaite définition du plaisir de lire ! Quelle grande dame!

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Nouvelles orientales

Ce recueil de 10 Nouvelles Orientales s’était totalement échappé de mon souvenir à peine un an après l’avoir lu. Soucieux de ne pas avoir de critique sur mon Babelio de cette lecture pourtant récente, je viens de relire entièrement ce petit livre. Lorsque j’ai repris le recueil, il m’était impossible de me souvenir de la moindre nouvelle, pourtant à chaque nouvelle page tournée, toutes ces histoires me revenaient en tête, non pas comme une impression de « Déjà vu » mais comme une certitude, une évidence. Et cette fois avec un grand plaisir.



Le peintre Wang-Fô d’abord, qui transforme avec son pinceau l’horreur ou la platitude du monde en ravissement sur papier, à ce point qu’il trompe l’empereur, lui donnant l’illusion d’un monde parfait loin d’une réalité sordide. L’art ici transcende le réel. A tel point qu’il sauve littéralement le peintre et son disciple de la mort lorsqu’ils fuient à travers l’œuvre même, dans un bateau sur un fleuve qu’il a lui-même dessiné.



Dans l’homme qui a aimé les Néréides ou dans La chapelle aux hirondelles Marguerite Yourcenar nous fait faire connaissance avec des êtres mythologiques aux charmes mortels, chassées par les hommes et la religion. Une métaphore de la condition des femmes, dont les charmes sont suspects, profanes, destructeurs. S’ajoute avec Le lait de la mort le thème du sacrifice maternel, de la femme outragée, mortifiée, littéralement emmurée, restreinte à son unique fonction nourricière.



Un beau recueil de nouvelles venant d’ailleurs, d’une écriture poétique aux accents homériques d’une certaine violence mais où s’ajoute ici une forme de douceur toute féminine.



24 août 2012

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Mémoires d'Hadrien

Voici la vie d'un empereur romain qui m'a beaucoup surprise, celui-là, qui, à la quête de sagesse ou d'une certaine probité, ne sera pas du tout ce que nous savions des empereurs tyrans et sanguinaires mais sa seule lutte serait de ne pas se laisser broyer par le pouvoir...une lutte à laquelle sa personne sera confronter tout le long de son règne...
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Mémoires d'Hadrien

Une lecture tout à fait délicieuse ! Le style de Marguerite Yourcenar est limpide, esthétique, élaboré. Elle réussit le tour de force de nous rendre proche d'un empereur romain. Entre méditation philosophique et roman historique, ce portrait intérieur d'Hadrien nous transporte au coeur de la complexité humaine.





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L'Oeuvre au noir

Marguerite Yourcenar avait dit dans l'émission "Radioscopie" que lui avait consacré Jacques Chancel en 1979, qu'elle pensait que son livre le plus important était "L'Oeuvre au Noir". La relecture de l'histoire de Zénon, dont l'auteure précisait également qu'il était "son frère", est un bonheur peu comparable à d'autres ; Zénon médecin et chirurgien de la Renaissance, mais aussi philosophe, alchimiste et athée, est un homme au corps et à la pensée libres.

Splendeur de l'écriture, intelligence du propos, grande érudition sous jacente, la première femme académicienne nous offre là un récit extraordinaire ; elle est extrêmement douée pour recréer tout un monde autour de son personnage principal et nous faire ainsi entrer sans effort dans un XVIème siècle intéressant mais très violent.

Il y a des pages (beaucoup !) absolument magnifiques, en particulier lors des discussions entre Zénon et le prieur des Cordeliers de Bruges qu'il soigne, sur le mal que les hommes sont capables de faire aux autres hommes, sur la richesse de l'Eglise à un époque où les luthériens s'organisent, sur Dieu lui-même ; passionnants également les échanges entre Zénon et l'évêque chargé d'instruire son procès ; il est en effet accusé d'avoir embrassé la foi de Mahomet quand il était en Orient, d'être un agent secret, de n'être pas, surtout, un bon catholique et de blasphémer. Ce médecin philosophe a beaucoup voyagé puis est revenu à Bruges, sa ville d'origine ; c'est un révolté, tracassé de nombreuses questions existentielles comme la question de l'infinité des mondes, ou celle de l'éternité de l'âme.

Un livre indispensable, un très grand moment de lecture !
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Les yeux ouverts

C'est avec une grande émotion que je referme ce livre d'une grande intensité....

L'école ne m'avait pas fait aimer Yourcenar....

Suite à un échange avec un lecteur de babelio, j'ai eu envie de la lire, de découvrir ses pensées et une petite partie de sa riche existence. Ses entretiens introduisent parfaitement son Oeuvre et donnent envie de tout lire. Avoir Les Yeux ouverts, c'est regarder et penser le monde comme il est, se laisser surprendre par la vie sous toutes ses formes....et la RESPECTER.

Les Yeux ouverts ? Un très grand livre.
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Comment Wang-Fô fut sauvé

L'histoire de Wang-Fô illustre bien que l'art est un miroir trompeur de la réalité. Un conte oriental cruel et poétique.
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Nouvelles orientales

Entre contes et légendes, fables et mythes, les dix Nouvelles Orientales de Marguerite Yourcenar, perles sauvages d'une intense beauté, emportent leur lecteur, bercé par les eaux primitives ou balloté par les peurs ancestrales, au delà du réel pour mieux le diluer dans un inconscient collectif.

Fines touches picturales pour transmettre une autre perception de l'art à travers le récit de la vie du sage peintre chinois Wang-Fô, qui tel un magicien, suscite des émotions diverses allant de l'amitié fidèle de son disciple Ling à la cruauté de l'empereur "Dragon Céleste", et qui tel un dieu, accomplit des miracles pour donner naissance au réel à partir d'une image.

Emotions démesurées entre trahison, haine et horrible vengeance d'une bourrelle, contre lesquelles le mur du stoïque "héro serbe" Marko Kraliévitch force de la nature indomptable s'élève pour résister à tout. Et pourtant, quelques chapitres plus loin, ce même Marko trouvera son maître pour stopper sa propre violence.

Amour maternel infini de la femme emmurée continuant l'allaitement de son enfant. Mais "il y a mères et mères", n'est-ce pas?

Oubli impardonnable d'un vieux séducteur raffiné pour rappeler que l'amour ne se décline pas avec la même intensité.Et pourtant la douce et fidèle "Dame-du-village-qui-tombe" se devait d'être inoubliable!

Fantasmes tachés d'interdits, les Néréides nues, ces démones sensuelles font perdre parfois la tête au simple et au figuré.

Défenseur d'une pureté de l'âme, le moine Thérapion, exorciste bien intentionné vis à vis des "Maudites" n'outrepasse-t-il pas sa quête de bien en s'armant d'un crucifix et d'une truelle contre le pêché de chair.

Hypocrisie quand tu nous tiens! Cruel dilemme lorsque l'on est veuve d'un insipide époux assassiné par "Kostias le Rouge" et l'amante du meurtrier sanguinaire.

Le monde est imparfait. La déesse Kali, "Noire horrible et belle" courtisane en est la preuve vivante.

Ô Misère du monde! Pourquoi Dieu, au lieu de l'Univers ne s'est-il pas contenté de peindre de simples paysages? conclut Cornelius Berg le portraitiste devenu lucide au fil du temps.

Marguerite Yourcenar, femme de lettres française et américaine du XX° siècle, académicienne, poète, dramaturge, romancière, a toujours évoqué les problèmes du monde moderne à travers les mythes antiques.

Nouvelles Orientales, bien que d'un genre différent de ses autres écrits (car apparentées à des contes) sont pourtant d'actualité. Langage de l'Art pour dépasser le quotidien, stoïcisme face à la cruauté, abnégation, inégalité des sentiments, désir, fanatisme aveugle,hypocrisie, imperfections, rapport de forces, misère............le monde est un drôle de kaléidoscope vu à travers maux et mots.

Comment ne paspenser à Sept histoires qui reviennent de loin de Jean-Christophe Rufin, aux couleurs et parfums du monde, parfois fantastiques, qui portent le lecteur sur leurs ailes entre vie et mort et dont l'écriture limpide est empreinte de poésie?

Comment ne pas penser aux nouvelles de Jean-Marie-Gustave Le Clézio: Histoires du pied et autres fantaisies, leçons de vie et voyages initiatiques?

Car Nouvelles Orientales, telles des Fables de La Fontaine, sont porteuse de morale, celle de "la voyageuse qui sait marcher dans le ciel"....celle de l'élévation, du dépassement de soi et du bien.
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L'Oeuvre au noir

J'ai terminé il y a quelques jours la lecture des *Mémoires d'Hadrien* et l'envie me prend maintenant de faire une courte rétrospective sur cet autre monument littéraire, dans la limite de mes capacités, en espérant communiquer le goût que j'ai eu pour cette lecture.



En effet même si ces livres sont relativement accessibles en apparence il ne faut pas être très fin pour se rendre compte de l’extraordinaire érudition de l'écrivaine, de l'immense richesse de sa langue, et par conséquent de la difficulté qu'il peut y avoir à saisir la portée réelle de son oeuvre.

Marguerite Yourcenar a eu tôt l'idée d'écrire L'Oeuvre au noir, ou tout du moins un texte analogue; comme pour le cas des Mémoires d'Hadrien son travail de reconstitution, d’élaboration et d'écriture a duré plusieurs décennies. La mort conduit l'attelage, écrit en 1924, est la première esquisse du roman définitif, paru en 1968. Zénon, comme Hadrien, ont été en quelque sorte pour l'écrivaine les compagnons de toute une vie. La version que j'ai lu incluait des notes très intéressantes, compilées par l'écrivaine, et qui retraçait les étapes de l'écriture, j'aurais envie de dire du processus créatif qui a donné vie à Zénon et à toute la galerie des personnages hauts en couleur qui le côtoient dans le roman. Ce gigantesque effort de création aboutit à une sensation de "vrai" qui affleure à chaque page. Tout dans le livre, les événements, les personnages, leurs motivations, leurs actes et leurs croyances, paraît être véritablement tiré de cette époque de la Renaissance, à la sensibilité si différente de la notre.

Le roman se déroule justement dans une Europe en proie à des bouleversements profonds, politiques mais aussi spirituels; ceux que l'on désigne alors comme les huguenots achèvent de consommer leur rupture avec l'Eglise catholique, et une violence extrême, en lien, entre autres, avec les angoisses eschatologiques de ce temps, éclate aux quatre coins de l'Europe. Les déviances fleurissent, et avec elles leur lot d'horreurs; l'auteure nous introduit avec la révolte de Münster de 1534-1535, durant laquelle les anabaptistes millénaristes instaurent un régime de terreur et prônent un bouleversement total de la société en vue de la préparer au jour du Jugement Dernier. C'est aussi l'époque durant laquelle des individus comme Zénon, dangereusement libres vis-à-vis de leur temps, osent se poser une infinité de questions, touchant à la foi, aux mystères de la création.

Zénon est un alchimiste, médecin, ingénieur, érudit passionné, c'est un homme à l'intellect très développé qui part sur la route à 20 ans et voyage dans toute l'Europe en quête de connaissances. Enfant illégitime d'un prélat italien et de la fille d'un notable flamand, ce personnage se retrouve très tôt en porte-à-faux, à la croisée de plusieurs mondes; c'est un être singulier et solitaire, assoiffé de connaissances, un aventurier de l'esprit en somme.

Le roman se divise en trois parties qui sont autant de phases de la vie de cet homme; la vie errante, la vie immobile, la prison qui amène à une fin abrupte, en écho à la trilogie de l'âme, de l'esprit, du corps. L'âme, l'esprit, le corps, ce sont là les thèmes qui portent ce livre tout entier; Zénon, en aventurier, sonde son âme, teste les limites de son corps selon des démarches neuves, libéré des contingences de son temps. Il tente de percer les secrets de la matière et de la transmutation des minéraux, c'est pourquoi ils s'adonne à l'alchimie et cherche à aboutir au Grand oeuvre; l'oeuvre au noir est une étape, en effet, du processus qui doit aboutir à la création de la pierre philosophale.



Les personnages de Zénon et d'Hadrien diffèrent énormément l'un de l'autre, le premier traverse son siècle turbulent avec une relative passivité vis-à-vis des événements, c'est un homme en fuite, qui ne recherche que peu la compagnie des hommes et des femmes; pauvre, souvent traqué, il sert le genre humain d'une manière tout à fait différente de celle d'Hadrien, qui en tant qu'empereur régit le monde et a bien plus prise sur son temps. Zénon est un homme discipliné, maître de lui au sens le plus plein du terme. Trop différent en cette époque où règne l'irrationnel il attire l'attention, et il finit par s'attirer la suspicion, puis les foudres d'un Clergé déjà initié à la chasse aux comportements déviants. Il est cependant important de noter que l'on échappe à tout manichéisme, Zénon croise tour à tour des gens tantôt ouverts, tantôt bornés, quel que soit leur origine sociale et leur statut. Très loin d'être le récit d'un homme seul contre son époque, L'Oeuvre au noir est plutôt, entre autre aspects, le portrait d'une société, avec tout ce que cela amène de richesse et de complexité.



Je recommande ce livre à tous ceux qui aiment les belles lettres et l'histoire; Marguerite Yourcenar a réussi l'exploit, ici aussi, de retranscrire une époque dans toute sa richesse sans pour autant en sacrifier à la narration. C'est avec un très grand plaisir que j'ai parcouru ces pages, même si l'état actuel de mes connaissances ne m'a pas permis d'apprécier ce livre dans toute sa valeur.
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Mémoires d'Hadrien

Dans la culture populaire on fait surtout référence à Hadrien pour son mur en Grande-Bretagne (ex-Bretagne de l'empire romain). Dans les "Mémoires d'Hadrien" Marguerite Yourcenar nous rappelle et nous raconte que cet empereur romain est bien plus que ça. Homme de lettre, passionné par la philosophie grecque, c'était aussi un homme de paix, qui a toujours cherché, durant son règne, à pacifier les relations aux frontières tout autant que les relations entre les peuples de l'empire romain (en étant plus "juste" notamment).

Les "Mémoires d'Hadrien", sous la forme d'un monologue adressé à son successeur, nous ra-conte la vie de cet homme, ses combats militaires, politiques, sociaux et nous livre, avec une véracité plus ou moins historique, les réflexions d'Hadrien sur la Vie, la religion et sa vision du monde.
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Mishima ou La vision du vide

Tout le talent de Yourcenar au service de la compréhension de l'œuvre de Mishima ..



Comprendre et analyser Mishima .

Cerner son environnement politique .. esthétique et culturel .

C'est l'objectif de ce texte superbe et nuancé .



Mishima est l'auteur et le symbole de tous les paradoxes .

Nationaliste et traditionaliste tout en étant capable entre autre d'écrire un français littéraire en étant totalement acculturé au monde occidental .

Parcourir cet essai c'est découvrir intiment un homme qui a traversé une époque cruciale de l'histoire du japon contemporain .

Un auteur qui s'est alimenté à ces bouleversements pour nourrir son œuvre .

Un homme dérangeant qui met mal à l'aise tout lecteur attentif à son idéologie .

C'est pour cela il fallait tout l'humanisme ( et la rigueur ) de Yourcenar pour jeter du baume sur toute cette douleur ( aussi maîtrisée que tragique et rigide ) tout en donnant du sens au tragique.



Traditionaliste forcené et indécent ( sexualité et condition féminine ) à l'aune de sa propre famille politique .

Un suicide qui sidéra le japon contemporain .

Un texte très fin et très respectueux qui s'avère indispensable pour saisir les contradictions ,spasmes et tensions qui ont secoués la vie de cette homme autant qu'ils ont transformés le Japon .

Mishima est une véritable caisse de résonances et la vision du vide est de surcroît une magistrale analyse littéraire.

Une fenêtre sur le japon contemporain .. une fenêtre sur Mishima .. une fenêtre sur le japon de Mishima .

Un zoom dur des œuvres très parlantes et représentatives du sujet.

Sinon un texte utile pour saisir au vol des éléments essentiel sur le japon de Mishima .



Shinto de Bernard Mariller un document intelligent ainsi que très accessible et irremplaçable .

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Le Labyrinthe du monde, tome 2 : Archives d..

Archives du Nord est le deuxième volet de l’ouvrage autobiographique de Marguerite Yourcenar. Le premier mettait en place les personnages, surtout sa mère Fernande, ses tantes, sa grand-mère, bref, sa lignée maternelle. Celui-ci remonte dans le temps pour suivre les turpitudes de sa lignée paternelle. Très loin, parfois. Jusqu’au moyen âge où d’illustres aïeuls se sont démarqués particulièrement. Bon, c’est un grand mot. Disons au niveau local ou régional. Ces ancêtres m’étaient parfaitement inconnus. Ils n’ont pas été retenus par les ouvrages généraux. Toutefois, peut-être certains paraitront familiers à des gens intéressés par l’histoire de Lille, de la Flandres française et de la France.



Une des difficultés que j’ai rencontrées, en lisant cet ouvrage, c’était que les faits, que les personnages n’étaient pas présentés dans un ordre chronologique. Peut-être dans un désordre organisé? On passe des grands-parents Crayencour aux arrière-grands-parents, puis on fait un grand bond en arrière au moyen âge, on saute au XIXe siècle, on revient où l’on était l’instant d’avant pour plonger à la Renaissance et ensuite la Révolution française. Et ça continue ainsi. Ouf! Ça peut sembler difficile à suivre – et ça l’était un peu – mais on s’y fait. C’est qu’il ne faut pas tout retenir, ce serait passer à côté de l’essentiel. Le personnage principal est cette famille et, chacun des individus, un membre au même titre que les bras ou les jambes. Du moins, c’est ainsi que je l’ai perçu. Il faut suivre le mouvement (se laisser porter par lui) et ne pas s’arrêter à chaque individu, même si c’est ce que fait Yourcenar. À cet égard, la lecture de ces Archives du Nord me rappelle le Bréviaire de Saint-Orphée, écrit par Miklos Szentkuthy.



Ceci étant dit, Marguerite Yourcenar, en véritable esprit classique, ne déroge pas de son but et revient sur continuellement sur son thème, ses idées principales. C’est d’autant plus vrai que, dans la dernière partie du bouquin l’écriture ralentie et se fixe. D’abord sur Charles-Michel de Crayencour (et sa riche et rigide épouse Noémi Dufresne) puis enfin et surtout leur fils Michel. Le père de l’écrivaine. Son parcours, tant personnel que professionnel, ses voyages, son gout pour la liberté, les difficultés qu’il a rencontrées, les deuils qu’il a dû surmonter. Son premier mariage, duquel est issu un fils, puis sa rencontre et son deuxième mariage avec la Belge Fernande de Cartier de Marchienne. Puis la naissance de Marguerite. Il y a quelque chose de plus grand que nature dans la description sans concession de ce père tant aimé. Peut-être, justement, à cause de la tendresse que sa fille lui porte, peut-être aussi parce que c’est un personnage qui s’inscrit logiquement dans la lignée de cette famille hors normes.
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Les yeux ouverts

En refermant cet ouvrage, j'ai l'impression d'en avoir ingurgité d'innombrables. Les yeux ouverts, c'est une bourrasque de culture. C'est surtout une formidable leçon de sagesse.



Encore faut-il, en écrivant cela, bien prendre garde au choix des mots. Car le terme de leçon comporte une notion de contrainte dont Marguerite Yourcenar se serait, à n'en pas douter, défendue avec force de faire usage. Recommandations de sagesse serait plus approprié. Mais il est vrai que si je crains la réprobation quant à la sélection de mes tournures sémantiques, c'est que je me sais observé depuis le "système sympathique" de l'au-delà dont Marguerite Yourcenar fait désormais partie. M'encouragerait-elle à poursuivre cette contribution sur Babelio ? A n'en pas douter puisqu'il s'agit de parler des livres.



Marguerite Yourcenar nous a laissé au travers de cet ouvrage un recueil de confidences étonnamment copieux pour quelqu'un qui rechigne à parler de soi. J'ai pu y découvrir des facettes de sa personnalité insoupçonnées de ma part. Une lecture plus attentive de ses oeuvres aurait pu me les faire détecter, en particulier par l'entremise de ces deux héros les plus évoqués dans cet ouvrage, je veux parler de Zénon et Hadrien. L'érudition de l'académicienne m'avait certes un peu étourdi, aussi n'y avais-je pas décelé la militante écologiste, amoureuse de la nature, avocate de la cause animale et dénonciatrice de bien d'autres phénomènes et comportements blâmables de notre société moderne que le bon sens récuse. Mais tout cela ne participe-t-il pas finalement de la même sagesse : celle de préserver un monde qui nous a ouvert les bras en même temps que nous ouvrions les yeux. La lecture de cet ouvrage est un grand bénéfice quant à la connaissance de la personnalité, de la vie et de l'oeuvre de cette auteure sublime.



Mon ressenti d'un tel ouvrage, c'est une impression de grande solitude de son auteure. Une solitude certes entourée, mais solitude quand même. Comme celle que notre vie moderne peut engendrer en nous faisant méconnaître notre voisin de palier. Solitude de l'érudite dans un océan d'ignorance. Ne l'a-t-elle pas éprouvée lorsqu'elle enseignait aux étudiants américains, captifs de leur présent, d'un immédiat resserré sur des préoccupations matérielles, quand tout aspire à dépasser le temps. C'est aussi la solitude de la femme désintéressée, face à tant de cupidité. De celle-là même qui fait de l'homme un pourfendeur de son environnement. La solitude encore de celle qui embrasse toutes les religions sans discrimination, reprochant l'imposture de ceux qui se réclament "de ligne directe de Dieu". La solitude toujours de celle qui a conservé son âme d'enfant, se dit sans âge, quand trop d'esprits plaintifs inféodés à leur narcissisme ne font que déplorer la dégradation d'un corps qui subit les outrages du temps.



Mais la solitude est aussi une aubaine. Elle est propice à la contemplation, à la création. Elle permet à Marguerite Yourcenar de s'extraire de l'actualité, "cette couche superficielle des choses", et d'aimer "le passé comme un présent qui a survécu dans sa mémoire". Elle lui permet d'écouter les voix que le tumulte pourrait dissoudre dans la cacophonie ambiante. Les voix de ses propres héros, Zénon et Hadrien, et tous les autres qui ont trouvé au travers de ses ouvrages l'espace et le temps de faire entendre leur vibration. Ce sont ces voix qui lui dictent ce qu'elle couchera sur le papier. La solitude enfin autorise la communion avec ces écrivains innombrables qu'elle a étudiés plus qu'elle ne les aurait seulement lus.



Marguerite Yourcenar ne donne aucun droit à ses semblables. Ils ne savent que trop le mettre en avant. Elle ne leur parle que de devoirs. Au premier rang desquels le devoir d'amour, mais dans l'acception orientale de ce sentiment. Elle seule élève ce transport sensuel au niveau du sacré quand l'éducation chrétienne culpabilise et juge la sensualité grossière. Sa hauteur inspirée lui permet de désigner les calamités dont souffrent ceux de son temps et s'autorise à les mettre en garde : "On n'a pas le droit de combiner les maux de l'âge atomique avec la sauvagerie de l'âge de la pierre."



Avec son humilité légendaire et pour s'exonérer de tout mérite dont d'aucun pourrait la gratifier, Marguerite Yourcenar prend les devants. Elle s'affiche dans son rôle d'écrivain comme un "instrument à travers lequel des courants, des vibrations sont passés…Tout vient de plus loin et va plus loin que nous… tout nous dépasse et on se sent humble d'avoir été ainsi traversé et dépassé."



Et puis comme toute fin qui n'est pas la mort n'est que provisoire, Marguerite Yourcenar voudra clore ces entretiens retranscrits en évoquant cette échéance ultime et inéluctable. Elle seule restitue l'égalité que la naissance a désaccordée. L'état de vie n'étant qu'une parenthèse accidentelle, elle affirme vouloir disposer de sa pleine conscience au moment où la parenthèse se refermera pour ne rien rater de sa sortie. Fût-ce dans la douleur. Elle évoque alors ces mots qu'elle a mis dans la bouche de Zénon et fait en sorte qu'ils soient inscrits en épitaphe sur sa tombe : " Plaise à celui qui est peut-être de dilater le coeur de l'homme à la mesure de toute la vie."



Avec les ouvrages qu'elle nous a légués son esprit sublime plane ainsi encore au-dessus des nôtres, ses lecteurs, grandement moins inspirés, grandement moins instruits de l'héritage des penseurs et philosophes de tous temps. Mais n'est-ce pas le rôle des écrivains que « d'exprimer ce que d'autres ressentent sans pouvoir lui donner forme. »



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Mémoires d'Hadrien

Rarement j’aurais été autant ébloui par un roman. Dans une prose poétique à l’érudition éclatante, Marguerite Yourcenar incarne avec une crédibilité stupéfiante le grand empereur romain Hadrien livrant ses mémoires. Ce qui débute par une lettre de vieil homme, décrivant les affres de sa maladie au jeune Marc Aurèle, devient une voix vibrante et gravement humaine retraçant plus de soixante ans de vie dont deux décennies de règne. Lettré, rhétoricien, esthète, philosophe et poète, Hadrien est aussi amoureux de la culture hellénique en laquelle il voit un idéal de civilisation. Après une carrière militaire et sénatoriale fulgurante, il devient empereur à la mort de Trajan qui l’a adopté. Débute alors un règne où la politique expansionniste laisse place à une vision réorganisatrice et stabilisatrice de l’empire. Hadrien n’ignore pas que la civilisation romaine périra un jour, mais son ambition humaniste le pousse à la servir du mieux qu’il le peut pour en préserver l’éclat le plus longtemps possible, malgré les inéluctables transformations du cœur dans l’assimilation des marges.



Au travers du regard d’un pacifiste convaincu qui sut aussi se faire autoritaire et même despote, on décrypte le destin d’un empire en proie aux querelles intestines et aux menaces étrangères. Les quelques libertés prises par l’autrice servent l’histoire sans rien trahir de la rigueur documentaire et historique de l’ensemble. Malgré un souci d’exactitude vertigineux, le récit coule admirablement en un flot de pensée tantôt philosophe tantôt poétique qui parvient à faire surgir les éblouissements, les doutes, les convictions, les amours et les douleurs d’un homme contesté par certains mais élevé au rang de divinité par d’autres. En filigrane de la vie de l’empereur, nous est narrée la triste histoire d’Antinoüs son favori, jeune et beau Bithynien mort noyé à vingt ans dans le Nil, dans des conditions mystérieuses. Cette mort sera le drame d’Hadrien qui offrira à son préféré une relative immortalité en lui élevant des temples, des statues, une cité, et en frappant des monnaies à son effigie.



Une œuvre empreinte d’un souffle visionnaire et d’une grande poésie.
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Comment Wang-Fô fut sauvé

Comment Wang-Fô fut sauvé s'inspire d'un apologue taoïste de la vieille Chine. le texte figure dans son intégralité dans les Nouvelles orientales (1963) et il est disponible également en audio sur you tube. C'est une nouvelle philosophique qui propose une réflexion sur l'art mais aussi une illustration du détachement taoïste. La nouvelle est parfaite, magistralement construite, pleine de subtilité et d'ironie légère avec de sublimes images orientales en couleurs. Mais elle ne m'a pas émue. Je n'ai pas éprouvé d' empathie particulière pour le personnage de Weng-Fô artiste égoïste et fataliste, complètement décollé du monde réel. La narration est à son image froide et détachée du lecteur. Bon, Je crois que je ne suis décidément pas faite pour le tao ni pour l'écriture de Marguerite Yourcenar.

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Mémoires d'Hadrien

C'est la première fois que j'entrecoupe la lecture d'un livre de celles d'autres livres dans l'espoir de pouvoir le savourer plus longtemps. Avant d'être une rencontre avec Hadrien, Mémoires d'Hadrien a été pour moi une rencontre avec Marguerite Yourcenar dont le verbe n'a cessé de m’éblouir de page en page. Les pensées de l'empereur sont exprimées avec une telle profondeur qu'elles nous renvoient souvent aux propres vicissitudes de notre existence. Aucun aspect de l'existence n'est tu et tout est dit avec grâce. Les lignes dédiées à l'amour et à la mort sont de celles qui m'auront le plus durablement marquées.

Il est des livres qu'on ne doit pas oser avant d'avoir dépassé quarante ans disait M. Yourcenar à propos de l'écriture de ces Mémoires. Le conseil vaudrait-il également pour leur lecture? Rendez-vous dans dix ans Hadrien !

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Mémoires d'Hadrien

« Mémoires d'Hadrien » est un roman écrit à la première personne dans lequel l'empereur romain Hadrien (76-138) s'adresse au jeune Marc-Aurèle qu'il a désigné pour être son successeur. Il s'agit d'une longue lettre dans laquelle il raconte sa vie et son règne. Hadrien ne s'érige pas en modèle, pas plus qu'il ne prétend se substituer aux maîtres de Marc-Aurèle, mais il assure au futur empereur qu'il trouvera dans le récit de sa vie toutes les expériences propres à lui servir de réflexion dans ses propres actions.

Le personnage d'Hadrien n'est pas à proprement parler sympathique. Il a dû intriguer pour être désigné empereur par Trajan, il a assassiné, sans plaisir, mais autant que la raison d’État le lui intimait. Il a guerroyé et réprimé dans le sang les révoltes qui menaçaient l'Empire. Il décrit les limites de ses prédécesseurs pour mieux faire ressortir ses qualités, il collectionne les éphèbes au gré de ses voyages, qu'il traite comme des animaux de compagnie, y compris le très jeune Antinoüs à qui il vouera un amour fou.

Mais Hadrien est aussi un philhellène, qui trouve dans la grâce aérienne des Grecs de quoi compenser sa lourdeur italique. Amoureux des lettres, des arts et des philosophes, il s'oppose à Platon : il ne croit pas à la supériorité des idées sur le monde sensible. Hadrien est curieux de tout : il aime, hume, touche, caresse autant qu'il pense. Il désapprouve les monothéismes car ces religions ne souffrent pas d'autre Dieu que le leur, mais s'initie aux Mystères d’Éleusis et s'adonne au culte de Mithra. C'est parce qu'il ne croit pas au paradis et qu'il est résigné à entrer dans le « royaume des ombres » que son visage est prêt à accueillir chaque rayon du soleil.

Vous l'aurez deviné... Dans ce livre, vous ne vous gausserez pas bruyamment en vous tapant sur la cuisse ! Le comique troupier n'est pas de mise au royaume de Marguerite Yourcenar. Dans le premier chapitre passablement ardu, vous vous sentirez comme au pied d'une imposante muraille, mais franchissez-la hardiment, vous ne le regretterez pas.



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Mishima ou La vision du vide

La raison d'être de pareil ouvrage : Mishima ou La vision du vide ? Inutile de paraphraser Marguerite Yourcenar, laissons-la nous en faire la confidence à la page 81 - Editions folio : "Ce qui nous importe c'est de voir par quels cheminements le Mishima brillant, adulé, ou, ce qui revient au même, détesté pour ses provocations et ses succès, est devenu peu à peu l'homme déterminé à mourir".



L'intention de cet essai aurait pu être de faire l'apologie du talent de son sujet, Yukio Mishima, auteur japonais reconnu de la première moitié du vingtième siècle. Mais cette intention n'est qu'accessoire dans l'esprit de Marguerite Yourcenar. Des auteurs de talent l'histoire en compte plus d'un, fort heureusement. Des auteurs qui ont mis fin à leurs jours aussi. Ces derniers exercent forcément une forme de fascination qui incite à explorer leur motivation. On en tire souvent la conclusion d'une inspiration qui s'est brûlé les ailes aux confins du génie.



Le cas singulier de Mishima vient de la planification de longue date, le mûrissement, la préparation dans le moindre détail, plusieurs années avant, la mise en scène de l'acte fatal dans la plus pure tradition des Samouraïs japonais : le seppuku, forme rituelle de suicide par éventration, plus connu sous le nom de Hara-Kiri. Alors que telle pratique avait été interdite par les autorités japonaises un siècle plus tôt.



Et Marguerite Yourcenar de poursuivre dans la même chapitre : L'important est surtout de cerner le moment ou il a envisagé … son chef d'oeuvre."



Il y a donc dans cet acte morbide et spectaculaire une démarche spirituelle qui fascine et que cherche à décoder Marguerite Yourcenar. Elle se livre pour cela à une étude documentée de l'oeuvre de Mishima, auteur au talent reconnu de son vivant, et tente d'y détecter les prémices d'une justification, les étapes d'une montée en puissance. Avec l'outrecuidance de l'homo ignorantis que je suis, je n'en attendais pas moins d'elle, même si l'Everest d'érudition qui nous sépare – et c'est encore un euphémisme que de l'avouer – m'a rendu cette lecture parfois laborieuse. Non par son vocabulaire ou ses tournures syntaxiques qui restent abordables, Marguerite Yourcenar ne cherche jamais à jeter de la poudre aux yeux, mais par les références littéraires mises en oeuvre qui me renvoient au grand vide sidéral de ma culture comparée.



Il s'agissait donc bien là de faire la démonstration du fait que cette fin terrible était aussi rationnelle qu'inspirée dans l'esprit de son auteur et constituait en outre l'apothéose de son oeuvre. Son chef d'oeuvre. Elle laisse à la mère du supplicié par lui-même le soin de tirer la morale de cette fin tragique et sublime à la fois : "Ne le plaignez pas. Pour la première fois de sa vie il a fait ce qu'il désirait faire."



ll fallait bien tout le talent de la célèbre académicienne pour me convaincre de la logique de cette fin. Je n'ai pu que me ranger à ses arguments. Je poursuis mon ouverture à son talent en me délectant, dans la continuité de cet ouvrage singulier que je viens de refermer, du recueil des entretiens que l'illustre académicienne a accordés à Mathieu Galey et retranscrits dans Les Yeux ouverts. Édifiant, surtout de la part de d'une auteure si avare de confidences !

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L'Oeuvre au noir

« J'ai rêvé mes songes .Je ne les tiens pas pour autre chose que des songes. Je me suis gardé de faire de la vérité une idole préférant lui laisser son nom plus humble d'exactitude. »

Zénon, médecin, alchimiste, philosophe, supposé né en 1510 aurait eu 9 ans à l'époque où le vieux Léonard s'éteignait dans son exil d'Amboise, 31 ans au décès de Paracelse,33 à celui de Copernic.A l'époque de l'exécution de Dolet, Zénon aurait eu 36 ans et 43 à celle de Servet.

Contemporain à peu près exacte de l'anatomiste Vésale, du chirurgien Ambroise Paré, du botaniste Césalpin, du mathématicien et philosophe Jérôme Cardan.Il meurt 5 ans après la naissance de Galilée, un an après celle de Campanella. A l'époque de son suicide, Giordano Bruno destiné à mourir par le feu 31 ans plus tard, aurait eu à peu près 20 ans.

Incroyables pensées dans une effroyable nuit. Et pourtant le Cinquecento s'annonçait.

Politique, sciences, géographie, religion, économie, arts, littérature tout n'allait être que bouleversement. Nouvelle définition de nos limites. Le monde,l'homme. L'infiniment grand, l'infini petit. Le corps et l'esprit.

Hérésie, enfer et damnation. On brûlait encore, on pendait toujours , on torturait, écartelait, enchaînait. Les livres, les chats, les sorcières. On brûlait celle ou celui qui pensait librement, celle ou celui qui pensait autrement que la Loi religieuse. Raison d'état, raison de temple ou d'église, raison de frontière et de politique.

«  Il n'existe aucun accommodement durable entre ceux qui cherchent, pèsent, dissèquent, et s'honorent d'être capables de penser demain autrement qu'aujourd'hui, et ceux qui croient ou affirment croire, et obligent sous peine de mort leurs semblables à en faire autant. »

Aucun accommodement, aucun compromis, aucun arrangement.

L'oeuvre au noir est en terme d'alchimie la phase de séparation et de dissolution de la matière qui constituait la partie la plus difficile du Grand Oeuvre. Elle symbolisait également les épreuves de l'esprit se libérant des routines et des préjugés.

Oratio de hominis dignitate, Pic de La Mirandole

« Je ne t'ai donné ni visage, ni place qui te soit propre, ni aucun don qui te soit particulier, ô Adam, afin que ton visage, ta place, et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même. Nature enferme d'autres espèces en des lois par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les mains duquel je t'ai placé, tu te définisses toi-même. Je t'ai placé au milieu du monde, afin que tu puisses mieux contempler ce que contient le monde. Je ne t'ai fait ni céleste ni terrestre, mortel ou immortel, afin que de toi-même, librement, à la façon d'un bon peintre ou d'un sculpteur habile, tu achèves ta propre forme. »

Zénon choisissant la liberté de sa pensée quittera ce monde de sa propre volonté.

« Prépare toi à des luttes, Joseph Valet, je vois bien qu'elles ont déjà commencé. ».Le jeu des perles de verre, Hermann Hesse, extrait, 1943.



Astrid Shriqui Garain



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L'Oeuvre au noir

Lecture obligée dans le cadre du lycée, c'est avec une curiosité certaine que je me penchai sur cet ouvrage, cette dernière étant due au statut de l'auteur : en effet, Marguerite Yourcenar peut se targuer d'avoir été la première femme admise à l'Académie française.



Dès les premières pages, le style...académique, dira-t-on (!), de Marguerite se fait ressentir. Les allégories, métonymies, métaphores et autres figures de style sont nombreuses, mais toujours intelligemment placées, sans que cela ne plombe le texte. La plume est relevée, la langue précise et concise, littéraire; Yourcenar montre avec prestance l'étendue de sa connaissance de la langue française. le texte est également agrémenté de diverses citations latines, qui viennent s'ajouter à une masse articulée de références renvoyant à divers contes, légendes, récits, mais aussi à des événements réels de l'époque dans laquelle évoluent ses personnages.

L'Oeuvre au noir est un roman d'initiés, il pousse à la culture, et sans un sérieux bagage, l'on risque de laisser de côté de nombreuses subtilités sous-jacentes du roman ; ici est mis le doigt sur un autre aspect du style de Marguerite : un style que l'on dira elliptique, ou implicite. En effet, des nombreux événements ne sont pas clairement explicités ; des figures de style, ou des renvois à tel ou tel personnage mythique permettent de comprendre le sens exact des propos de Marguerite. Ainsi, le livre prend une dimension secrète, mystérieuse, et qui exige du lecteur une concentration sans faille.



Si l'on se tourne enfin vers le contenu narratif du roman, l'on fait connaissance avec la Flandre du XVIème siècle, où grondent les révoltes paysannes et la Réforme d'une part, mais aussi les conquêtes répétées de Charles Quint, Empereur du Saint-Empire romain germanique, mais aussi Roi d'Espagne, que tout dresse contre les Rois Très Chrétiens de France. Le roman dispose donc en arrière-plan d'un décor politique et historique, où se mêlent financiers, princes et bas-peuple.

Du côté des personnages, ce sera Zénon que l'on suivra, jeune bâtard de la sœur d'un riche banquier, engoncé très jeune dans les apprentissages de l'église, qu'il tourne rapidement en dérision face aux hypocrisies dont celle-ci fait preuve. La vraie passion de Zénon est la vérité, la connaissance pure ; après une recherche inassouvie dans les livres, il décide de se tourner vers la profession de médecin, qui lui permet d'approfondir ses connaissances du corps humain. Au-delà du simple aspect matériel, Zénon apprend les mathématiques, l'astronomie, l'alchimie. Ce livre narre sa réalisation alchimique, les évolutions notables du personnages, grand voyageur qui cessera pourtant ses périples pour se cacher dans son village natal.

Zénon est le personnage principal, mais l'auteur dresse également les portraits de son cousin, Henri-Maximilien, parti lui servir sous les drapeaux afin de recevoir gloire et argent, ou encore celui de sa jeune sœur Martha, tourmentée par sa lâcheté qui la tance et l'emprisonne, sans parler du prieur torturé par ses propres opinions qu'il voit trop souvent différer de son église bien-aimée.



Tableau magnifique et grandiose d'une époque riche et dense en événements, Marguerite Yourcenar dresse d'un coup de pinceau la vie d'un homme à la poursuite de la liberté et de la vérité, notions que l'on croit bien trop souvent posséder - à tort.



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