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Critiques de Michel Houellebecq (2564)
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Anéantir

Au fond, avant de commencer Anéantir, il faudrait ne rien avoir lu de Houellebecq auparavant et partir à l'abordage sans préjugés, vierge de tout sentiment sur l'auteur. Mais en même temps, ce livre plutôt "soft" n'existerait pas sans ses antécédents littéraires et, plus largement, l'image qu'il renvoie, plutôt "hard." Anéantir a beau être un roman plus apaisé et moins radical que ses prédécesseurs, il n'en restera pas moins familier, par certaines obsessions très personnelles, à ses lecteurs fidèles. Ce que l'on retient au fil de la lecture, c'est l'incroyable richesse narrative du roman, qui commence comme un thriller et se termine sur des notes philosophiques. Certes, il y est question d'attentats mystérieux et d'une campagne électorale se déroulant en 2027, et les deux sujets sont passionnants pendant une grosse moitié du livre, mais ensuite, Houellebecq les laisse carrément tomber et finit par recentrer son propos autour de son personnage principal, Paul, et accessoirement sur les membres de sa famille. Le héros, un peu mou et passif, conseiller spécial du Ministre de l’Économie, a pour principale qualité la lucidité mais c'est un peu normal puisque c'est Houellebecq qui s'exprime à travers lui. Les portraits de chacun des protagonistes, y compris ceux qui n'ont qu'une importance relative, sont un pur délice, croqués en quelques phrases, souvent assassines et drôles mais pas si méchantes que cela, en définitive, comme si l'auteur distillait son venin en le mélangeant à une certaine bienveillance voire tendresse (sic). Attention tout de même, sur certains sujets -le capitalisme, la religion, le sort réservé par la société aux personnes âgées- l'écrivain furieux reprend le dessus mais cela ne dure qu'un temps. Quant au désir de choquer, il est encore là mais ne se manifeste qu'incidemment, même si les scènes crues ne sont pas absentes, loin de là. Il y a à boire et à manger dans le roman, du beau et du bizarre (les rêves récurrents) mais surtout des pages entières à déguster (les conversations dans la famille de Paul) et des moments d'une infinie cocasserie mais aussi de douceur mélancolique vers la fin de l'ouvrage. Ce qui ressort du livre, en fin de compte, c'est que ce monde est absurde et que la vie humaine ne l'est pas moins mais que ce n'est pas une raison pour galvauder cette dernière, dans la mesure des moyens de chacun. Ce n'est peut-être pas très révolutionnaire ni profond comme conclusion, c'est entendu, mais le livre de Houellebecq, que l'on aime ou pas le personnage, a dans sa densité quelque chose de balzacien, ni plus, ni moins. Houellebecq est un expert du marketing comme le montre le lancement du roman mais pour une fois que le produit est à la hauteur des espérances ...
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Sérotonine

Je suis venue, j'ai lu et tout est dans l'Q!



Beaucoup de Q, même un peu de zoophilie et de pédophilie. de la provocation? Mais pour provoquer quoi? Est-ce que ça fait bander le lecteur?



Contrairement à plusieurs Babeliotes, je n'ai pas ri. Différence de cul-ture ? C'est vrai qu'un beau suicide, c'est toujours drôle… (ou à tout le moins ridi-cul-e…)



Bien sûr, impossible pour moi de m'identifier au héros. N'étant pas un homme français désespéré, je ne comprends sûrement pas tous les enjeux. J'ai même failli sourire en pensant aux producteurs laitiers québécois qui ont protesté contre les accords de libre-échange qui permettent davantage d'importation de fromages… français!



Et avec la valeur des bite-coins s'effondre, la société aura peut-être besoin d'avaler sa pilule…

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Anéantir

Je ne suis pas une familière de l’oeuvre de Houellebecq. J’ai lu Les particules élémentaires il y a plus de dix ans. Je me souviens avoir été impressionnée par le ton irrévérencieux de l’auteur et par sa capacité à insérer l’histoire intime des personnages au sein d’une histoire plus vaste, sociétale, scientifique, questionnant les grands enjeux contemporains. J’avais été également séduite par sa vision désenchantée, voire franchement désespérée du monde. Mais, pour une raison que je ne m’explique pas très bien moi-même, je n’ai pas poursuivi plus avant l’exploration de son oeuvre. Peut-être aussi que le personnage m’énervait, ainsi que le battage médiatique auquel il semblait se prêter volontiers. Et puis, j’avais été un peu rebutée par son style, que je jugeais assez plat.

Je viens d’achever la lecture d’Anéantir, et je suis subjuguée. Et si je continue à penser que Houellebecq n’est pas un grand styliste de la langue, je suis tentée de dire : « ce n’est pas bien grave. » Son immense talent réside ailleurs. Dans son aptitude véritablement inouïe à entremêler les fils d’une histoire complexe et profuse sur plus de sept cent pages (quel souffle!) sans jamais égarer son lecteur. Car, et c’est là une chose qui m’a frappée tout le long de cette fascinante lecture, l’auteur a profondément à coeur de se faire comprendre et ne perd jamais de vue son lecteur. Un auteur ayant sa vision du monde, un auteur capable d’élaborer une pensée autonome, souvent originale, parfois iconoclaste, très argumentée et minutieusement documentée, ce n’est pas fréquent. C’est même assez rare. Houellebecq est incontestablement un tel auteur, et de surcroît, il parvient à nous transmettre sa vision via un roman qui jamais ne s’égare dans de pesantes explications, via un roman qui ouvre de passionnantes pistes de réflexions tout en nous emportant dans une intrigue digne d’un excellent thriller et en nous emmenant à la rencontre de personnages incroyablement vivants et humains. Du grand art.



Dès l’incipit, le ton est posé :

« Certains lundis de la toute fin novembre, ou du début de décembre, surtout lorsqu’on est célibataire, on a la sensation d’être dans le couloir de la mort ».

Et dès les premières pages, une intrigue forte se noue autour d’événements récents aussi mystérieux que terrifiants : des messages incompréhensibles accompagnant des vidéos dont l’une simule avec un réalisme saisissant la décapitation de l’actuel ministre de l’économie et des finances, Bruno Juge, inondent la Toile. La mise en place de l’intrigue, après quelques détours, nous mène au personnage principal et double de l’auteur, Paul Raison, ainsi qu’aux deux personnages qui jouent un rôle majeur dans son existence : sa femme Prudence, et Bruno Juge. Bruno est l’unique ami de Paul et son supérieur hiérarchique direct. Loyal et fidèle, il répond toujours présent quand Paul a besoin de lui. Il est, pour quelques mois encore, ministre de l’économie et des finances au sein du gouvernement d’un Président qui achève son deuxième mandat. Nous sommes dans les toutes dernières semaines de l’année 2026, la bataille pour les présidentielles de 2027 va bientôt commencer…

Nous quittons provisoirement Bercy et l’Histoire en marche pour le Beaujolais. L’histoire intime et familiale fait brutalement irruption dans la vie de Paul, requis au chevet de son père. Celui-ci vient d’être victime d’un AVC, et c’est l’occasion pour l’auteur d’introduire l’une des thématiques majeures du livre, la trilogie : vieillesse, fin de vie, mort.

Si la vieillesse correspond indubitablement à une lente et inexorable déchéance ponctuée d’ennuis médicaux, elle peut, parfois, dans le cas assez rare où l’amour perdure au sein du couple « ne pas être tout à fait malheureuse. » La fin de vie est traitée du point de vue de diverses situations et de divers personnages et elle est tout sauf monolithique : certains, comme Edouard Raison, le père de Paul, même terriblement diminués, sont animés d’une volonté de vivre indestructible, tandis que d’autres, pourtant bien plus jeunes mais gravement malades, refusent des interventions lourdes et invalidantes, diminuant ainsi leur chance de survie. Dans les deux cas, le devoir de la société et des proches est de savoir entendre leur désir et d’y répondre le mieux possible. Quant à la mort, si elle s’apparente presque à coup sûr au néant, il reste que sa perspective toute proche peut rendre à l’homme moderne ce qu’il a perdu : la connexion au monde qui l’entoure, la capacité à jouir de l’instant présent.

« L’immense forêt qui s’étendait devant eux n’était pas immobile, une brise légère faisait onduler les feuilles, et ce très léger mouvement était encore plus apaisant que ne l’aurait été une immobilité parfaite, la forêt semblait animée d’une respiration calme, (…) elle était la vie dans son essence, la vie paisible, ignorante des combats et des douleurs. Elle n’évoquait pas l’éternité, ce n’était pas la question, mais lorsqu’on se perdait dans sa contemplation la mort paraissait beaucoup moins importante. »



Le bref premier séjour de Paul dans le Beaujolais où son père est hospitalisé fournit également à l’auteur l’occasion de nous présenter deux personnages magnifiques : sa soeur Cécile et Madeleine, la compagne d’Edouard Raison. Cécile et Madeleine incarnent chacune à leur manière un sentiment, la compassion, considérée par Houellebcq comme « source de toute morale ». Elle est, dans le roman, presque exclusivement endossée par les femmes. Certes, Paul Raison est lui-même traversé à au moins deux reprises par un sentiment analogue : « En pensant à la vie brisée de Madeleine, il fut envahi par un flot de compassion si violent qu’il dut se détourner pour s’empêcher de pleurer », ou encore : « Paul fut envahi par une vague de compassion affreuse, crucifiante, mêlée de culpabilité parce que lui non plus n’avait rien fait pour l’aider, il faillit s’effondrer mais il se reprit ». Seulement, contrairement à Cécile et à Madeleine, Paul ne sait que faire de la compassion, elle manque le submerger et il la chasse aussitôt. Cécile et Madeleine ne sont pas submergées, elles ne subissent pas la violence de leurs émotions, elles ont la capacité de transformer en actes leur compassion. Et si elles y parviennent si aisément, c’est parce que leur dévouement a un solide soubassement : l’amour. La foi et l’amour de Dieu pour Cécile, l’amour d’Edouard pour Madeleine, auquel elle voue une reconnaissance infinie.

L’amour est l’autre grand thème qui irrigue tout le roman. Il est essentiellement porté par les femmes, et il est la seule chose qui permet aux hommes d’échapper à l’absurdité de l’existence. Il est même, dans certains cas, la dernière chose qui les relie à la vie. À cet égard, alors que j’ai lu nombre de romans s’attachant à la description décourageante du délitement du couple, je ne me souviens pas en avoir lu qui, à l’instar de celui-ci, nous narrent la recomposition lente et délicate d’un couple défait. L’amour patiemment retissé entre deux personnages qui n’ont plus aucun rapport sexuel depuis dix ans, qui vivent au sein de leur appartement une forme de cohabitation vaguement belliqueuse est l’une des grandes surprises de ce livre. Ce miracle tient à un fil ténu, c’est ce qui le rend si émouvant et si beau, on pressent qu’il aurait tout aussi bien pu ne jamais avoir lieu, laissant à jamais les deux personnages à leur solitude écrasante. Mais il a lieu.

« Des moments ont lieu ou n’ont pas lieu, la vie des personnes s’en trouve modifiée et parfois détruite, et que peut‑on en dire ? Que peut‑on y faire ? De toute évidence, rien. »

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Anéantir

Paul travaille à Bercy à la direction du budget. Il partage un magnifique appartement avec sa femme Prudence mais ils font chambre – et repas - à part. Ils ne se sont d’ailleurs plus croisés depuis des mois. Ils n’ont pas d’enfants. Il apprend par la DGSI qu’une cyberattaque menace le gouvernement. Son père, ancien membre de la DGSI vient d’avoir un AVC et est dans le coma. Son ami Bruno, ministre des finances, lui-même au bord du divorce, se prépare à la nouvelle campagne présidentielle, celle de 2027, dans cette ambiance morose. Un ancien présentateur de télé est candidat à la place du président sortant. Une manœuvre purement politicienne.



Paul se rend dans le Beaujolais, là où vit son père dans la grande demeure familiale. Sa mère est morte il y a quelques années ; son père s’est remarié avec Madeleine, son aide-ménagère. Elle est effondrée. Il retrouve sa sœur Cécile, très croyante et son mari Hervé, au chômage depuis peu. Ils viennent du Nord, région économiquement sinistrée. Son autre frère, Aurélien, a épousé une harpie, journaliste ratée, qui le méprise. Ils ont eu un fils par PMA qui n’est pas son enfant biologique. Un gamin odieux, fruit d’une époque nihiliste qui sacralise l’enfant et considère les anciens comme d’inutiles fardeaux. Le père, Edouard est à l’hôpital et bientôt transféré dans une unité EVR-EPR pour patient en état végétatif. Occasion de retrouvailles familiales douloureuses et tourmentées par quelques règlements de comptes…



L’enquête va se poursuivre, Paul se réconcilier avec Prudence mais de nouveaux drames vont venir alourdir le tableau, déjà bien pessimiste, d’un pays au bord de l’effondrement et de personnage pris dans cette morosité absolue. Les femmes s’en sortent un peu mieux, grâce à l’amour, la religion, les sagesses anciennes, le dévouement…Edouard, vieillard dépendant, sera arraché à un système de santé qui le condamne, ses fils auront moins de chance. Mais la roue tourne, l’homme sans Dieu est condamné au néant d’un monde devenu absurde. C’est parfaitement pessimiste, c’est du Houellebecq mais si souvent juste, écrit avec beaucoup d’humour et finalement une grande tendresse pour ses personnages –quelques-uns mis à part. A déguster sans modération.

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Anéantir

Aucune majuscule sur la première de couverture, histoire de contrebalancer le chic de cette édition de choc. M. Houellebecq s'offre sa petite édition personnelle de la Pléiade, ses anciens titres prendront bientôt le même chemin, le sens du marketing peut rimer avec talent ceci dit!

Ce roman foisonnant touche à tout notre univers actuel, la vie, l'amour, le travail, le terrorisme,la politique ,l'écologie et j'en passe, le tout pimenté des obsessions houellebecquiennes et je dirais "heureusement".

Cette histoire" touche à tout"est racontée par Paul, le proche d'un ministre qui s'appelle Bruno, ça ne s'invente pas et nous sommes en 2027, le Président a fait 2 mandats, espère louer l'Elysée à un pitre de télévision pour mieux s'y réinstaller 5 ans plus tard, en se méfiant quand même des aspirations de Bruno.

L'auteur

a ses têtes comme on dit, et c'est toujours amusant surtout si on pense la même chose.

La maladie, la médecine, la haute technologie ont une grande part de réflexion dans ce roman, son attention pour les personnes âgées, seules ou malades est touchante.

Bien sûr, les couples qui vont mal, le sexe, sont toujours présents, et tant d'autres sujets qui démontrent ,fatalistes, que ce monde est au bord du chaos.

Je relève une phrase qui résume l'idéologie qui commence à s'imposer aussi en France :

"Beaucoup de gens aujourd'hui étaient devenus très cons:c'était un phénomène contemporain frappant, indiscutable ." du pur Houellebecq.

Ce qui a changé peut-être un peu sa vision du monde c'est que seul en Irlande avec son chien et un ciel tourmenté , était plus rude que maintenant, marié et peut-être heureux.

Quant aux rêves racontés plusieurs fois, peut-être a t-il consulté un oniromancien et que ces pages sont précieuses pour le roman , je ne sais.

Pas une once d'ennui pendant la lecture de ces 700p.

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La Possibilité d'une île

Personnage mystérieux, clivant, polémique sur bien des sujets, Michel Houellebecq ne peut laisser le lecteur ou le simple quidam indifférent. Avec "La Possibilité d"une île", il s'agissait en ce qui me concerne de la première rencontre avec cet auteur. Il est assurément clair et certain que l'on ne ressort aucunement indemne après avoir entrepris la lecture de ce livre, tant le style abordé par l'auteur est cru, sinon trash et cash !

Avec ce roman aux allures d'anticipation car il est question de clonage humain et de résurgence de personnes sous des numéros, au terme de leur courte existence, Houellebecq dresse une satire de la société mais livre également une réflexion sur la force de l'amour et des relations hommes-femmes.



A vrai dire, je ressors particulièrement floué par le récit de Daniel, un antihéros richissime (qui n'est autre que l'auteur) dans son histoire et son parcours et ses relations. Que l'on aime ou pas Michel Houellebecq, ce dernier a toutefois le talent d'être un vrai visionnaire du futur qui se dessine avec la création d'un être nouveau et la quête de l'immortalité.



Pour ma part, j'ai abandonné la lecture au bout de 200 pages car je n'ai pas du tout accroché à l'histoire et au propos de l'auteur qui dés les premières pages balance (et semble s'amuser avec ...) de manière crue sur ses jeux sexuels, ses préférences et autres perversions du genre ... Assez glauque pour ma part et sentiment de malaise permanent ...
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Sérotonine

Cela commence comme dans un rêve. Deux filles superbes et brunes descendent de voiture, je regarde leurs sourires dans ma combinaison bleue de garagiste, un short moulant, une mini-jupe mini, ce parfum d'ivresse, de jasmin et de chatte humide. Je fond pour un sourire, et craque pour leurs culs croquants. Terriblement bandant cet effet qu'elles me font sur une route ensoleillée de l'Andalousie, dans la province d'Almeria. J'ai chaud, même dans les rêves, dès qu'il y a du soleil, je sue à grosses gouttes de plaisir de voir ces courbes danser autour de moi, comme un morceau de glace dans un verre de mojito, ces seins qui dansent le hula hoop sous mes yeux prêts à gicler des larmes de bonheur et de jouissance. Pour parfaire la tableau idyllique de cette scène, la radio diffuse un extrait de « Ummagumma », le plus grand album rock de l'histoire du rock et de tous les temps. Cela en devient presque trop pour moi, l'éjaculation est déjà au bord du drame quand je pose ma main au bord de leurs fentes sans défense et ouvertes à mes propositions.



C'est à ce moment-là que je me réveille, me demandant ce que je fais dans cette putain de vie qui n'en finit pas. J'avale ma salive, amère, en même temps que mon comprimé blanc et ovale. Le café coule, ploc-ploc, au goutte-à-goutte dans la cafetière. Noir, un demi-sucre pour accompagner ma triste destinée dans un monde où la biochimie s'est substituée à mon plaisir. Mon taux de sérotonine (c'est fou comme ce mot me renvoie à mes cours de biochimie de M. Pelmont) sanguin croit en même temps que la ferme virilité de mon membre décroit. Point final d'une vie.



« Après avoir fouillé dans ses rayonnages une à deux minutes, il ressortit Ummagumma. « Le disque à la vache, c'est de circonstance... » commenta-t-il avant de poser l'aiguille au début de Grantchester Meadows. C'était extraordinaire ; je n'avais jamais entendu, ni même soupçonné l'existence d'un son pareil ; chaque chant d'oiseau, chaque clapotis de la rivière était parfaitement défini, les graves étaient tendus, les aigus d'une pureté incroyable. »



[J'en profite pour faire un petit aparté, qui a tout de même son importance majeure dans cette histoire : Michel si tu m'écoutes – ou me lis en l’occurrence – si Grantchester Meadows fait bien partie de l'album Ummagumma, ce dernier n'est pas le disque à la vache, le disque à la vache, cette vache qui se prénomme Lulubelle III, une normande qui me regarde de son air désabusé face au pauvre type que je suis, est Atom Heart Mother, l'autre plus grand album rock de l'histoire du rock et de tous les temps.]



Lorsque lâchent les émois du cœur, enfouis sous une couche de poussière, la vie perd de sa signifiance et par delà l'envie. Un comprimé salvateur qui maintient la vie d'une putain de vie qui ressemble plus à l'échec de soi. Encore un matin, me dis-je, enfilant un caleçon aux couleurs bariolées, grimpant dans une voiture d'occasion, se dirigeant vers le centre Leclerc, là où la vie est moins chère, encore que je ne suis plus sûr de la justesse de l'enseigne, se dirigeant vers le rayon spirituel, celui qui accompagne ce genre de vie, du Calvados au Génépi, ce sont les régions profondes de la France qui sondent l'âme en perdition de cet être mi-zombi mi-homme, et encore c'est donné beaucoup d'importance à cette version de l'homme. Bref, je sors du magasin, pour faire le plein d'essence, m'en asperge la couenne, craque une allumette, illumination posthume d'une vie.



Mais avant, je ferme les yeux, une musique intérieure intervient pour inonder mon âme d'une puissante nostalgie d'un autre temps, une musique qui parle d'amitié et de silence entre deux ou trois types, qui se parlent en silence, autour d'une bouteille de bière, de deux même, ou d'une bouteille de gin, pas de suze pour moi, t'as pas un fond de schweppes qui traîne, Ian Paice, Roger Glover, John Lord, Richie Blackmore et Ian Gillan, une musique envoûtante bandante, hypnotique nique nique, des cymbales qui me cognent l'âme en peine, « Child in Time » la plus grande chanson rock de l'histoire du rock et de tous les temps. Elle passe en boucle dans ma tête triste, pourtant à l'intérieur des milliers d'étoiles s'illuminent, un feu d'artifice explosif qui éclaire la voie vers un néant sans nom, une lumière qui m'emmène loin de ce monde, des frissons m'emportent, je n'ose plus ouvrir les yeux, la bite molle après l'éjaculation sublime que me procure un telle beauté, symphonie du mouvement et des courbes, qui me renvoie à chaque fois au premier chapitre de cette histoire, celle de cette femme callipyge aux jambes caramélisées par le soleil d'Andalousie, avant que je perde l'adhérence à ce monde et de suivre la vacuité des jours, un commencement sans fin, comme ce titre de roman d'une rime en -ine.
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Sérotonine

Titre : Sérotonine

Auteur : Michel Houellebecq

Année : 2019

Editeur : Flammarion

Résumé : Florent-Claude est ingénieur agronome. Dépressif, il ne peut vivre sans Captorix, un puissant antidépresseur. La sérotonine, hormone du bonheur contenue dans son traitement, annihile sa libido mais lui permet de garder un semblant de vie sociale. Inexorablement, Florent-Claude glisse vers l'abime.

Mon humble avis : La sérotonine est l'hormone du bonheur. Quiconque connait l'oeuvre et la personnalité de Michel Houellebecq reconnaîtra l'ironie et la causticité d'un tel titre pour un roman dont les sujets principaux sont le désespoir, les regrets et le mal de vivre. Houellebecq est évidemment un cas à part dans la littérature française, certains le détestent, le considèrent comme un poseur suffisant et manipulateur. D'autres, dont je fais partie, le voit comme un grand auteur, un visionnaire, un homme attachant libéré du politiquement correct. L'un de nos seuls grands écrivains dont les oeuvres passeront à la postérité. C'est vous dire à quel point j'attendais la sortie de ce bouquin avec impatience, c'est vous dire comme ma déception et ma frustration furent grandes. Mais je m'explique. Je garde un souvenir ému de la lecture des particules élémentaires et de l'extension du domaine de la lutte, deux romans atypiques, féroces et drôles. Je découvrais alors un auteur brillantissime, un des rares écrivains avec une vraie vision du monde, une vision certes désespérée, nihiliste à l'excès, mais une vision originale et subversive. Et puis vinrent les romans suivants, bien qu'encore une fois brillants, j'eus l'impression d'une redite, d'un souffle altéré et c'est, encore une fois le cas avec le dernier texte de Houellebecq. L'auteur, natif de La Réunion, creuse encore une fois la même veine et c'est avec plaisir que je retrouvais son double, le narrateur désespéré, l'homme au bord du précipice. Evidemment l'écriture est toujours aussi incisive, certaines saillies sont à mourir de rire mais d'autres paraissent gratuites et tombent à plat, comme un pastiche de lui-même. Evidemment il force le trait, son double flirte avec le racisme, la misogynie, l'homophobie et les scènes de sexe et même de zoophilie sont là pour choquer le bourgeois. Malheureusement ces scènes ne servent pas le propos comme c'était le cas dans ses premiers romans, et même si la chair a toujours été triste chez Houellebecq, ici elle est carrément glauque, dégueulasse. Mais ce qui est omniprésent dans ce roman c'est le romantisme forcené de l'auteur, ce romantisme cru qui fait du narrateur un homme désespéré, un homme pour qui l'amour est la quête absolue, un homme pour qui l'impossibilité d'aimer est un écueil insurmontable, une obsession morbide. Rarement un de ses romans n'a été traversé d'un tel désir d'aimer, d'une telle humanité contrariée. Alors ce n'est surement pas le meilleur Houellebecq, ce n'est surement pas le plus original mais sérotonine est un texte où, une fois de plus, l'auteur à le génie de saisir l'air du temps, de plonger sa plume dans les plaies de la société française et il est, à ma connaissance, le seul à le faire avec autant d'acuité. Pour cela et pour la description exceptionnelle d'une civilisation en crise, pour la mélancolie brute qu'il dégage, il faut lire Michel Houellebecq. Définitivement.

J'achète ? : Ai-je vraiment besoin d'en rajouter ? 
Lien : https://francksbooks.wordpre..
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Sérotonine

Rendez-vous attendu, rendez-vous acheté, rendez-vous dévoré, mais rendez-vous manqué. Pas bien grave, je m’en remettrai, mais ça m’agace quand même… Parce que Houellebecq généralement, j’adhère et j’en redemande. Mais là, j’ai vite senti que ça ne fonctionnait pas comme d’habitude.



J’ai suivi Florent-Claude de Paris à la Normandie, la profonde, l’authentique ; j’ai suivi Florent-Claude de Yuzu à Camille, la seule, l’espoir ; j’ai suivi Florent-Claude de Monsanto à la DRAF, l’ennui, le néant ; j’ai suivi Florent-Claude de Mercure en Appart Hotel, les fumeurs et les non-fumeurs ; mais peu à peu, je décrochai, sans doute victime à mon tour des effets du petit comprimé blanc, celui qui transforme la vie en une succession de formalités, et qui peut transformer les lectures en une succession de croissantes distanciations.



Et pourtant, tout Houellebecq y est : cette langue travaillée autant que chahutée, allongeant démesurément les phrases et s’arrangeant avec la ponctuation, souvent drôle. Un texte traversé de fulgurances qui à elles seules valent le détour, que ce soit pour évoquer des instantanés nostalgiques de jeunesse, le dégoût des hollandais, les détails techniques d’un fusil Steyr Mannlicher ou l’apport de la box SFR et de son bouquet au XXIe siècle. Et bien sûr les femmes, le sexe, les putes, la pédophilie et tutti quanti. Et enfin la littérature qui affleure de temps à autre, pour un coup de griffe à Angot, ou un coup de cœur à Conan Doyle.



Mais j’ai trouvé le Houellebecq contempteur de son époque moins inspiré que d’habitude, même si j’entends dans les radios que Sérotonine est une œuvre visionnaire ayant décrit avant l’heure le ras-le-bol ambiant et la désespérante sensation d’absence de sens et d’avenir qui pousse aujourd’hui tant de monde dans la rue, quand ce n’est pas au suicide. Au travers de ses constats pessimistes et fatalistes, ses regards sur le monde agricole, la désertification territoriale, les centres commerciaux, la résignation individuelle et collective et j’en passe, me sont souvent apparus datés et son raisonnement parfois inachevé. Sommes-nous finalement devenus aussi résignés qu’il nous dépeints ?



« Plus j’essaie de faire les choses correctement, moins j’arrive à m’en sortir ». C’est pas faux, Michel…
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La carte et le territoire

Ça ressemble un peu à Ainsi parlait Zarathoustra. En fait, vraiment très peu, mais de l'un comme de l'autre je me suis demandé si c'était du lard ou du cochon (toute prescription alimentaire d'origine religieuse mise à part). J'ai abandonné dans ma jeunesse le livre de Nietzsche, parce que j'avais en permanence l'impression que c'était de l'ironie, qu'il fallait penser le contraire de ce disait Zarathoustra, et je trouvais ça insupportablement inconfortable. Mais je le relirai.

En revanche, je ne relirai pas La Carte et le Territoire, que j'ai trouvé lisible, mais sans intérêt. Mais revenons à lard ou cochon. Où est le bec se moque-t-il de son personnage créateur génial ou nous demande-t-il d'admirer ses lubies prétendument artistiques ? Quand il se moque de l'intelligentsia parisienne, est-ce en vieux réac ou en juge suprême qui foudroie les hypocrites pour mieux aimer les justes ? Le Michel Houellebecq dont le roman fait un éloge permanent est-il l'auteur du livre ou un personnage de fiction ? Pense-t-il tout le bien qu'il dit peut-être de lui-même ? Veut-il que nous le plaignions de sa profonde et permanente dépression ? Globalement a-t-il écrit au premier degré un livre calibré pour recevoir son prix Goncourt (un vrai défi de mon point de vue, tant je n'avais pas aimé les deux premiers livres de lui que j'avais lus), ou s'est-il moqué du monde au point que le jury de chez Drouant, mort de rire, le désigne clown de l'année ?



Ben voilà, c'est ce qui me reste de ma lecture quelques mois plus tard, et j'ai dit que je n'avais pas envie de relire, même pour tenter une critique qui se tienne. J'ajoute quelques trucs en vrac, comme disait mon maître Gotlib :

Scène de crime la plus ignoble que j'aie lue, décrite avec une complaisance houellebecquienne.

Vision de science-fiction d'un monde hyper-sécurisé que j'ai vite oublié, ne m'a pas paru pisser loin.

Grand avantage : existe en édition de poche, pas ruineuse.
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Sérotonine

Donner son avis sur un roman de Michel Houellebecq est assimilable à la traversée d'un champ de mines. "Sérotonine" étant ma première expérience de l'auteur, l'exercice me semble encore plus périlleux, d'autant que je m'étais bien gardée, avant de débuter ma lecture, de me renseigner sur l'auteur, au-delà de ce que l'opinion publique avait pu laisser de traces dans mon esprit. Je ne voulais pas que des préjugés influencent ma perception.



Il est question d'hormones dans ce roman, comme son titre l'indique. La quête du bonheur est sans doute le fil rouge d'un récit cash, trash et provocateur jusqu'aux limites du racolage. Par son attitude et son œuvre, Michel Houellebecq me donne l'impression de se mettre dans la peau d'un Serge Gainsbourg littéraire, reproduisant certains codes, notamment ceux liés à la consommation de nicotine et de sexe (car oui, j'ai bien l'impression que le sexe est une chose qui se consomme pour Michel Houellebecq).



Par là, la prose est crue et directe, destinée à faire mouche et à provoquer des émotions extrêmes chez le lecteur : indignation, colère, stupeur, écœurement mais aussi rire et approbation. C'est dans ce melting-pot émotionnel que l'auteur développe le parcours de son personnage qui, pour échapper à une vie très insatisfaisante, va volontairement se porter disparu pour vivre quasi anonymement à l'hôtel. Avec une grande maîtrise de l'ironie et du cynisme, associée à un vrai talent narratif et à un style plutôt remarquable, Michel Houellebecq va également explorer des thèmes qui lui sont chers : économie, politique, mondialisation.



J'ai été partagée pendant ma lecture, surtout dérangée par la crudité gratuite du verbe, mais j'ai vraiment adhéré au fond, ou plus exactement à la volonté de traiter ce fond. Certaines scènes, notamment une scène de zoophilie, une autre de pédophilie et une dernière de suicide, ont été à la limite du supportable de par leur violence et leur impudeur, mais elles ont été insuffisantes à dégrader mon appréciation globale de cette première rencontre avec un auteur aussi controversé.





Challenge ENTRE DEUX 2023

Challenge SOLIDAIRE 2023
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Soumission

Prof de fac avec Huysmans comme étendard, le héros de « Soumission ». François, bien que n’aimant pas spécialement le mysticisme de l’auteur de la « Cathédrale » et de « En route », n’aimant rien, d’ailleurs, pas même sa meilleure copine, une de ses étudiantes, il n’a rien, mais rien à lui dire et quand elle le quitte, il se reproche de ne pas lui avoir proposé de le sucer, ça aurait gagné du temps, mais non, même pas ça.



Il appelle ça ses problèmes de plomberie. Et, bien entendu, il dévie le problème et ne peut bander devant les « chairs flétries » de ses étudiantes, les unes après les autres. Il lui faut de la chair fraiche, à ce vieux grincheux qui essayerait sans complexe la petite fille de Blanche Neige ou bien un site porno, ou bien un site d’escorts. Comme Huysmans, qui n’a pas eu une vie érotique éclatante et surtout pas amoureux : « l’amour, chez l’homme n’est rien d’autre que la reconnaissance pour le plaisir donné. »



Soumission ? A Dieu, à Allah ?comme on l’a beaucoup dit ? je crois que surtout, c’est de la soumission des femmes dont il s’agit. Dès le début du roman, fort bien écrit d’ailleurs, François émet des doutes sur l’opportunité du vote des femmes, de leurs études, de leur travail. Les femmes qui travaillent rentrent chez elles épuisées, s’habillent en jogging, oubliant complètement les fanfreluches sexys que les femmes arabes exhibent, une fois leur djellabas enlevées. Les unes ont une journée dans les pattes, les autres, non.

Soumission dont l’exemple est donné par l’histoire d’O,

C’est plié : lorsque le parti Front musulman , d’obédience mesurée, gagne les élections, et prend en 2022 les premières mesures pour donner aux femmes des allocations familiales telles qu’elles n’ont plus à travailler ( de toute façon, elles ne pourraient plus, leur éducation s’arrêtant à 12 ans) , pour rétablir la polygamie, pour demander aux enseignants de la Sorbonne, financée par l’Arabie saoudite, de se convertir à l’islam, ou de démissionner, François démissionne, puis, devant les promesses d’avoir plusieurs épouses ( ce qui lui rappelle le duo du site d’escorts), et la promesse qu’une marieuse choisirait pour lui, puisque les étudiantes vêtues de longues burkas ne peuvent éveiller le désir, il reste dans sa vision de la vie et visite l’islam.

Sa conversion est à l’évidence liée à la promesse de la livraison prochaine d’une, deux ou même trois jeunes, très jeunes, l’une faisant la cuisine, les autres s’occupant des problèmes de plomberie du sieur professeur. Les femmes musulmanes sont dévouées et soumises, (dit –il) et pour donner du plaisir au fond ça suffit. Comme Huysmans, le manque d’attachement à la politique, au monde, le fait choisir cette voie sans passion, sans conviction, sans réflexion profonde, et, comme grincheux, de toute façon…..

Malheureusement, la sortie du livre le 7 janvier 2015 sera le jour de la fusillade de Charlie Hebdo.

En fait, Houellebecq qui se revendique irresponsable, car, dit il , il n’est pas un intellectuel ( on s’en serait aperçu, qualifiant Nietzche de « vieille pétasse !!), imagine plutôt une pacification de la France qui advient avec le premier président de la République musulman ( plus de chômage, les femmes ne travaillant plus, plus d’échauffourées dans les cités, réprimées comme il se doit.).

De toute façon, les attentats de Charlie Hebdo ont mis fin à la promotion du livre, l’auteur lui même se mettant à l’écart des possibles polémiques.

Reste que le dégoût qu’a Houellebecq de l’humanité, son corrélatif mépris des femmes juste bonnes à se soumettre, son ton grinçant et sa laideur repoussante, rend le livre Soumission assez désagréable, bien que rempli de remarques sur notre monde et assez ironique.

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Soumission

Je ne connaissais que les poèmes de Michel Houellebecq et étais je dois l'avouer un peu prévenue contre cet auteur assez scandaleux. Avec son grand battage médiatique "Soumission" apparaissait comme un roman sulfureux et révolutionnaire. Il n'en est rien dans les faits, et cette révolution politique dans une France de 2022 fait l'effet d'un pétard mouillé. L'Islam et l'élection d'un président de la république musulman à la tête de la France, ne sont que des parenthèses, des chapitres du livre qui tourne bien plus je trouve autour de la littérature et du travail du narrateur consacré à l'auteur Huysmans. Je reste assez indifférente à cette histoire politique que je juge peu crédible. Les médias ont beaucoup trop parlé de ce livre qui est en fait un non-évènement. Livre qui se lit, la fin est sans surprise compte-tenu des évènements et de l'apathie qui semble s'être abattue sur le pays, après l'arrivée au pouvoir d'un parti musulman. Ce roman n'est qu'une fable qui ne mérite pas toute la publicité qui lui a été faite. Pas de réelle déception, mais pas d'engouement non plus, d'où ma note moyenne.
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Soumission

Pourquoi ce livre a suscité un tel tapage médiatique avant sa sortie ???



Tous ces commentaires " venimeux " écrits par des gens qui n'ont souvent pas lu ce livre sont intolérables.

J'ai beaucoup aimé ce roman écrit dans un style parfait, dans lequel nous retrouvons l'excellent Houellebecq, ironique, provocateur, doté d'un sens de l'observation incomparable.

Il nous embarque avec douceur et délicatesse dans cette histoire un peu troublante en n'ayant aucun manque de respect à toute croyance.



Bravo ! Monsieur Houellebecq pour cette belle fiction qui n'est peut être pas si loin de la réalité.
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La Possibilité d'une île

J'ai mis un temps fou à me mettre à Houellebecq. Et je ne le regrette par car je n'étais pas prête. Mais là j'ai su vraiment l'apprécier. Houellebecq est quand même très fort, n'endéplaise à ses détracteurs, parce qu'il construit super bien son roman, il connait les ficelles pour faire un bon roman de science-fiction mais il ne fait pas que ça, c'est quelque chose de très contemporain, avec un véritable travail littéraire par la présentation de ses chapitres, la narration... Bref il est fort! Et puis c'est drôle, c'est pas cucul la praline. En ce qui me concerne j'ai été rapidement happée par l'intrigue, j'avais envie de savoir ce qui arriverait au personnage principal et j'avais plus du tout envie de m'arrêter.

En plus, voilà encore un livre qui réussi à être autre chose que juste un passe-temps parce que quand on le referme on ne peut pas ne pas avoir une sensation étrange, un peu inconfortable... Mais c'est ça qui est bon!
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Anéantir

Alors personne n'arrivera à me faire croire:.

- Que "Où est le bec?" est le Balzac du XXIe.

- Qu'il a quelque chose à dire.

- Que c'est un écrivain. C'est à peine un écrivant.

J'ai lu, je me suis em... comme un rat mort. Je n'en lirai plus. Jamais. A quoi bon se tartiner des kilomètres de platitudes affligeantes, de banalités politico-sociologico-masturbo-bito-philosophiques qui ne valent pas tripette?

Seul intérêt de ce livre: il peut aider à surélever les meubles en cas d'inondation!

Et c'est aussi un excellent baromètre de la connerie ambiante. On bat des records.
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Anéantir

Le tout dernier Houellebecq est arrivé et il est excellent, je l’ai dévoré en une journée complète. On comment l’ouvrage par un mystérieux croquis que Bastien Doutremont voit dans le métro parisien, son passe-temps pour les graffitis le caractérise bien, Bastien est aussi un contractuel de la DGSI, personnage atypique et original, je reconnais bien là l’auteur. L’intrigue est excellente, je me suis laissé porté par le récit, l’écriture à bien évoluée depuis Extension du domaine de la lutte, mais toujours avec cette mélancolie qui prédomine chez cet auteur. Il digresse moins et ça me plaît, je ne me perds pas en le lisant.

Dans ce pavé de 735 pages quand même, je ne lui trouve rien à jeter, tout le texte et le sous-texte est à garder. Michel (vous permettez que je vous appel Michel ?) sait parfaitement où il va est ça se ressent dès les premières lignes. Il faut que je vous parle de Fred aussi, le génie de l’informatique, très au courant de ce qui se fait et loin des clichés de l’hacker à capuche que l’on croise trop souvent dans les romans. Au final on a deux types banals, comme souvent chez Michel Houellebecq, qui se retrouve dans une aventure pas banale, là aussi comme toujours, et on les suit avec plaisir.

Ce que j’aime chez cet auteur c’est son authenticité, qui se retrouve dans ses personnages, il ne cherche pas à nous convaincre de quoi que ce soit, il n’est pas là pour nous offrir une morale, c’est à nous de nous débrouiller avec ce qu’il nous donne et j’aime ça.

Côté rythme les chapitres courts aident pas mal à enchaîner les pages, c’est d’ailleurs à cause de ça que je l’ai déjà terminé, mais le rythme du récit, lui, il prend son temps, il développe ses personnages, l’ambiance, nous fait nous poser des tonnes de questions auxquelles on n’aura pas forcément toutes les réponses mais encore une fois, il faut être débrouillard avec Michel.



Avec tout ça j’en oublierais presque de parler de l’intrigue, l’auteur fait dans l’original dans sa façon de traiter les nouvelles technologies, les trois vidéos qu’étudient nos deux comparses sont bluffantes par leur réalisme, on progresse à bonne vitesse dans l’intrigue mais ne soyez pas trop pressé, il y a anguille sous roche et il vaut mieux être bien armé pour la suite. Franchement je suis fan de ce genre d’histoire, du grand Houellebecq.



Je pourrais en parler pendant des heures mais je trouve ma critique déjà trop longue alors pour résumer, on a des personnages excellents, une intrigue qui avance à bon rythme, une vision originale de la technologie et de ses travers, les détails très précis me font toujours autant sourire, c’est très bien documenté aussi. Michel Houellebecq nous offre son meilleur cru pour l’année 2022.

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Les particules élémentaires

Drôle mais profond, cynique mais pertinent, désespérant mais éclairant, ce roman ne laisse pas indifférent. Ma lecture terminée, j'ai parcouru de nombreuses critiques, les positives et les négatives et je choisis, sans hésiter, le camp des pour.

Que lui reproche-t-on ? Tout, je cite, du plus stupide au plus respectable : « juste un livre qui pue des pieds… consternant… INFECTE. MISOGYNE, RACISTE, ISLAMOPHOBE, SEXISTE, HOMOPHOBE etc. etc. » C'est vrai qu'en majuscules, on se fait toujours mieux entendre, surtout quand on a des choses pertinentes à dire. Poursuivons : «Je n'ai senti qu'au bout de quelques jours de lecture les réactions neuronales qu'a eues ce roman sur mon faible esprit, à savoir : tristesse, déprime, lassitude, ras-le-bol, agacement…

Oui, certaines écritures, certains personnages ont le don de nous gâcher l'existence. Ils vont mal, très mal… c'est bien triste. » « L'autre point négatif c'est le sexe… les remarques sur la société pourraient être intéressantes mais elles sont noyées dans cet excès de sexe, de violence. Aucune empathie pour les personnages masculins, les personnages féminins ne sont pas non plus épargnés…un roman à ne pas lire si vous êtes dans une phase un peu noire de votre vie, à ne pas lire si vous approchez la quarantaine, à lire si vous avez envie de découvrir une vision noire de notre société. »



Moi, j'ai passé un excellent moment et voici pourquoi :

J'ai aimé la dérision qui entoure le personnage de Bruno, espèce de Jean-Claude Dusse, champion incontesté de la poursuite de « l'ouverture » et de l'éjaculation précoce. Derrière ces passages drôles, il y en a d'autres qui le sont moins (les satanistes), mais qu'y voir sinon la dénonciation de cette société consumériste qui a fait de la jouissance l'alpha et l'omega de nos vies ? Trop de sexe, ont dit certains. Ils ont certainement raison, je comprends que cela puisse lasser, « Cachez ce sein que je ne saurais voir » mais en réalité, dans nos sociétés, dans nos vies, le sexe, ses fantasmes et son industrie règnent… Douze pour cent de tous les sites web sont des sites pornographiques. Il y a 4.2 millions de sites Web pornographiques… 420 millions de pages web pornographiques et 68 millions de requêtes quotidiennes pour des sites pornographiques via les outils de recherche internet. C'est-à-dire 25% de toutes les requêtes de recherche Internet.

L'industrie de la pornographie sur le Web a rapporté 97 milliards en 2006. https://www.psycho-ressources.com/bibli/stats-pornographie.html

Trop pessimiste, trop noir, disent les autres : moi, j'ai beaucoup souri et j'avoue une crise de fou rire à la lecture du passage de l'atelier d'écriture (les pages 109 à 118 de la version poche sont à lire si vous hésitez à cause du côté triste, noir et morbide que certains mettent en avant). Je confesse également avoir fait mon miel du sort réservé aux « 68tards », aux hippies et autres « newageards », dépeints sans ménagement comme ce « hippie plus âgé, aux longs cheveux gris, à la barbiche également grise, au fin visage de chèvre intelligente… ». Ce n'est pas bien de se moquer, je sais, mais oui, ça me plait et ça me réjouit. Woody Allen n'est pas loin.

D'autres disent que c'est une vision noire de notre société à ne pas lire si vous approchez de la quarantaine. Ma quarantaine légèrement dépassée depuis peu (un bon moment ? une éternité ?), je m'y suis pourtant risqué et n'ai pas encore constaté de séquelles post-traumatiques. Sur la forme, ils n'ont pas tort, mais peut-on reprocher à un auteur de permettre à ses lecteurs (personne n'étant obligé, n'est-ce-pas, enfin pour l'instant, de lire) d'ouvrir les yeux sur le monde dans lequel ils vivent. Nous avons là une brillante étude sociologique des bouleversements intervenus à la fin des années soixante (libération sexuelle, télévision, publicité, chute des idéologies et des religions) débouchant sur la fabrication insidieuse d'un nouvel Homme Nouveau. Lorsqu'on connait le résultat des précédentes tentatives (Stalinisme, Nazisme, Castrisme, Khmers rouges, Califat), on peut, bien sûr, apprécier le côté indolore (à coups de publicité, de propagande, de diabolisation et de déconstruction) de ce nouvel essai. Mais doit-on toujours se mettre la tête dans le sable comme l'autruche ou trouver, comme la grenouille baignant dans une casserole sur le feu, que la température du bain est idéale?

Et terminons-en avec les contempteurs à mantras … « INFECTE. MISOGYNE, RACISTE, ISLAMOPHOBE, SEXISTE, HOMOPHOBE etc. etc. » à l'aide d'une citation, une seule, que je dédis à ma grand-mère :

« Cette femme avait eu une enfance atroce, avec les travaux de la ferme dès l'âge de sept ans, au milieu de semi-brutes alcooliques. Son adolescence avait été trop brève pour qu'elle en garde un réel souvenir. Après la mort de son mari elle avait travaillé en usine tout en élevant ses quatre enfants; en plein hiver, elle avait été chercher de l'eau dans la cour pour la toilette de la famille. A plus de soixante ans, depuis peu en retraite, elle avait accepté de s'occuper à nouveau d'un enfant jeune, le fils de son fils. Lui non plus n'avait manqué de rien - ni de vêtements propres, ni de bons repas le dimanche midi, ni d'amour. Un examen un tant soit peu exhaustif de l'humanité doit nécessairement prendre en compte ce type de phénomènes. de tels êtres humains, historiquement, ont existé. Des êtres humains qui travaillaient toute leur vie, et qui travaillaient dur, uniquement par dévouement et par amour; qui donnaient littéralement leur vie aux autres dans un esprit de dévouement et d'amour; qui n'avaient cependant nullement l'impression de se sacrifier; qui n'envisageaient en réalité d'autre manière de vivre que de donner leur vie aux autres dans un esprit de dévouement et d'amour. En pratique, ces êtres humains étaient généralement des femmes. »

Est-ce vraiment trop difficile de comprendre que ce que l'auteur regrette le plus de la civilisation qui disparaît c'est l'Amour ? J'admets que ce livre soit dérangeant et effrayant pour beaucoup. Ce n'est pas pour rien que nous sommes de grands consommateurs de tranquillisants, de drogues plus ou moins dures (combien de consommateurs se soucient des ravages que provoque ce trafic dans les pays de production ?) et d'arrêts maladie de convenance. Comment expliquer autrement le succès de politiciens surgis de nulle part promettant le beurre « et en même temps » l'argent du beurre ? Cette nouvelle civilisation a besoin de consommateurs, or un consommateur inquiet ne consomme pas, il épargne pour les temps difficiles. Alors le système médiatique fournit les lunettes roses et le consommateur ne veut pas qu'on lui parle de choses qui dérangent. La poussière, sous le tapis !

Nous sommes, la plupart du temps bien malgré nous, « En Marche ». Personne ne se demande vraiment dans quelle direction. Houellebecq nous l'indique, ce n'est pas rassurant mais seuls des hommes inquiets pourraient avoir l'audace de faire machine arrière.

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Les particules élémentaires

Une petite bouffée d'optimisme version Houellebecq pour commencer ?

"Dans les cimetières du monde entier, les humains récemment décédés continuèrent à pourrir dans leurs tombes, à se transformer peu à peu en squelette." Page 244 édition Folio.

Le ton est donné. Bonne lecture à vous.



Mais, hauts les coeurs, il faut rebondir comme on dit de nos jours. Regonfler les troupes et tenter avec notre sémillant auteur frigorifié d'identifier quels remèdes peuvent être prescrits contre l'angoisse de la mort. Puisqu'il s'agit encore et toujours de cela. On n'en connaissait traditionnellement que deux : la religion et la philosophie. Michel Houellebecq nous en fera-t-il découvrir d'autres ?



La première a prévu tous les scénarios pour expliquer à la créature intelligente d'où elle vient et où elle va. Lui garantissant en prime l'éternité. Le problème c'est que sa version de l'éternité passe par le trépas. Mais son service communication est très efficace. La conviction c'est son rayon, la félicité est à la clé. Malgré cela on imagine bien qu'il puisse subsister quelques sceptiques. Les indécrottables athées et autres agnostiques pour qui la religion n'est d'aucun secours puisque force est de constater que les preuves font défaut. Même s'ils reconnaissent avec Houellebecq que le monde ne saurait être sans religion. Il n'en reste pas moins qu'il y a de la concurrence sur le créneau et qu'en pareille circonstance la démarche commerciale pour appâter le chaland aura pu se faire à grands coups de bûcher, lapidation et autre autodafé. Celles qui prônent l'amour de son prochain, les trois grandes monothéistes se revendiquant du Livre, ont des pratiques concurrentielles agressives et ne sont en effet pas tendres avec les brebis égarées. En observateur éclairé, Michel Houellebecq serait plus porté vers une ferveur alternative réputée plus douce : le bouddhisme. Elle est peut être de nature à apaiser le pénitent mais à toutefois des chances de rebuter le jouisseur des temps modernes pour qui le bol de riz gluant est un tantinet frugal.



La philosophie, dont Montaigne nous ressasse qu'elle est recette pour apprendre à mourir, serait donc aussi un remède, non contre la mort, mais contre l'angoisse qui va avec. Là aussi, depuis que l'écriture a laissé des traces de leurs travaux, on constate que les précepteurs en la matière sont légion. Mais force est de convenir que les chemins de l'apprentissage sont obscurs et tortueux et on va bien l'avouer peu accessibles à la multitude ignorante. Toutes les théories en "isme" cheminant parfois aux confins du mystique, en se gardant bien de franchir la ligne, concoctées et relayées par ce qu'il convient bien d'appeler des penseurs à nous convaincre de l'absurdité de la vie, condescendent fort peu à la vulgarisation et ont de fortes chances de laisser sur le bord du chemin beaucoup d'âmes en peine avec leur lot d'angoisse sur les bras.



Quelle échappatoire alors à ces remèdes qui ont, il faut en convenir un fort taux d'échecs ? Houellebecq nous en propose deux autres : le sexe et la science.

Sexothérapie donc pour le premier. Discipline qui pour le coup ne traiterait pas des maladies sexuelles, mais soulagerait de l'angoisse de la mort par le sexe. Cette thérapie présente toutefois l'inconvénient de nécessiter d'une part l'intervention d'un ou plusieurs partenaires consentants de préférence, identiquement angoissés ou non. Sauf à tomber dans le satanisme pervers dont Houellebecq nous offre de bonnes tranches dans son ouvrage. Thérapie qui a en sa défaveur le grand inconvénient de perdre en efficacité au moment où on en a le plus besoin puisque les capacités à se distraire de la mort par le sexe s'amenuisent au fur et à mesure qu'on s'en approche (de la mort, pas du sexe). C'est une hantise chez notre auteur à la prose sans allégorie. le grand travers de cette pratique étant que les praticiens les plus efficaces, les corps jeunes, se désintéressent des patients les plus à la demande, les corps sur le déclin. Au final, ça tourne à l'obsession chez ces derniers et a de grande chance de les conduire vers des établissements spécialisés pour calmer les fiévreux. C'est ce qui arrive à Bruno, l'un des deux protagonistes des Particules élémentaires. Il faut dire qu'il avait des circonstances atténuantes, à rechercher comme souvent dans une enfance quelque peu violentée.



Reste la science. Elle nous a jusqu'alors pas habitués à être le remède ultime. Mais avec un soupçon d'anticipation, nous arrivons en des temps où l'espoir pointe à l'horizon. Michel, le frère de Bruno, fonde beaucoup d'espoir dans cette voie. En particulier dans ce qu'elle serait à même d'identifier les causes du vieillissement et d'en venir à bout. Philosophie, religion, sexe, tout cela le laisse de marbre. A force de mettre les spirales d'ADN en algorithmes, il s'est auto auréolé du nimbe de clarté qui témoigne de la jonction des deux infinis. Il en arrive à imaginer une forme d'idéal dans lequel la sexualité serait déconnectée de la procréation. Pas de risque d'encombrement par une progéniture rebelle ou par trop dissipée. Et cerise sur le gâteau, excusez du peu, l'être nouveau serait doté de cellules de Krauze, - dont on nous dit qu'elles sont les récepteurs sensibles des organes sexuels tant masculins que féminins - sur l'ensemble de la surface de la peau. Autrement dit notre corps ne serait plus qu'orgasme au moindre effleurement, de la moindre poignée de main du matin par exemple. Elle ne serait pas belle la vie ?



Science sans jouissance n'est que ruine de l'homme. A moins que l'homme ait une âme, ce qui reste à prouver, et une relation avec le monde ce qui semble séparer Houellebecq de Pantagruel.

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Sérotonine

Michel Houellebecq est un romancier réaliste, plus proche, par l'acuité de l'observation et les effets de réel, d'un Balzac que d'un Zola, trop empêtré dans sa morale. L'effet de réel est puissant dans ce nouveau roman : les marques, les noms propres, les paysages urbains ou même naturels, la présence de la vie quotidienne, ont une grande force. Evidemment, décrire le réel sans recourir à l'idéologie déplaît aux lecteurs et aux critiques politiquement corrects. Il faut pour les progressistes que le roman détourne l'attention de la réalité au profit du nombril de l'auteur-e, ou qu'il donne de cette réalité une version idéalisée, à savoir débarrassée de toute vraisemblance. Le roman réaliste a toujours partie liée avec le mal et avec la critique de ce qui est. Le roman kitsch, lui, maquille la vérité et étale les bons sentiments, comme on le voit sur ce site.





Le réalisme se trouve aussi dans le récit des échecs amoureux du narrateur, dont la lecture m'a été assez pénible à cause du choix de la première personne, des vulgarismes de langue et de style qu'elle implique, et du ton -- très houellebecquien -- désabusé de la narration, qui n'est pas à la hauteur du détachement et de l'ironie des précédents ouvrages. L'homme vieillissant qu'est le narrateur se détache progressivement du marché du désir, survit à la mort de son désir amoureux, meurt intérieurement en regardant les autres vivre. Avec un sens aigu de l'air du temps, l'auteur sait capter à merveille la morosité des années que nous vivons et l'exprimer adéquatement. L'action, la lutte contre l'inévitable, sont frappées de nullité ; l'ami du narrateur qui prend les armes en défense des agriculteurs assassinés par Bruxelles, part en guerre contre un adversaire invisible, intangible, absent mais écrasant : l'inévitable loi ultra-libérale qui dévore les hommes et les nations, la main invisible qui tient le couteau du Marché. Littéralement, il n'y a personne sur qui tirer, à part soi-même.





Au passage, Houellebecq fait le portrait d'une sorte d'hommes qui existent vraiment, et que l'on pourrait appeler les Croyants. Ces fonctionnaires ou employés de grandes entreprises, littéralement, croient au Marché comme on croit en Dieu, et l'auteur dit drôlement qu'ils se feraient tuer pour le respect de la libre entreprise. Son personnage a justement "perdu la foi". Le personnel bruxellois et notre actuel gouvernement sont ici représentés dans la satire littéraire : ils ne sont pas moins pénétrés d'idéologie religieuse à la tête de leurs Commissions ou gouvernements occidentaux, que des tueurs musulmans dans leur califat ou des tueurs communistes dans leur goulag paradis socialiste.





Comme toujours, avec un sens presque magique de l'actualité, le romancier donne sa version anticipée de la révolte des Gilets Jaunes avant même qu'elle n'éclate : révolte contre une Nécessité sans visage, un destructeur inévitable qui agit partout et n'est trouvable nulle part. Houellebecq avait écrit un roman sur l'islamisation qui parut en même temps que les massacres de Juifs à l'Hyper Cacher et de dessinateurs de Charlie Hebdo, un autre, un peu avant, "Plateforme", dont le dénouement est encore un attentat musulman en Asie, qui préfigurait la réelle tuerie survenue un an après dans un quartier chaud à Bali. Ce sens surnaturel de l'actualité se retrouve dans le détail même du texte, et ce n'est pas le moindre mérite du roman que d'avoir une fonction de sismographe du présent.
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