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Critiques de Michel Houellebecq (2565)
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Anéantir

Alors que Sérotonine, le précédent Michel Houellebecq, était particulièrement décevant – absence de vision, incapacité à comprendre l’époque, et complaintes fatigantes du mâle blanc occidental – Anéantir s’avère dense, ambitieux et complexe, même si le propos reste parfois difficile à saisir.



Le roman se déroule en 2027, à la veille des élections présidentielles, et débute comme un cyber thriller, particulièrement excitant, avec plein de bonnes idées – des images et des photos insérées dans le texte, une maîtrise des enjeux technologiques actuels –, avant de nous plonger dans le quotidien de Paul Raison – conseillé spécial de Bruno Juge, le ministre de l’Économie – et de sa famille.



L'anticipation permet moins de prédire le futur que de créer une réalité alternative où l'on peut étudier la société sous un autre angle, libéré des contingences de l'actualité – le Covid, Zemmour – et de la réalité du monde – la crise écologique, MeToo... Houellebecq ne cherche pas dans ce nouveau roman à être « un fin observateur de la société française » et encore moins de comprendre notre époque. On pourrait même dire qu’il évite volontairement la confrontation avec cette dernière pour suivre sereinement des personnages confrontés au vide de l’existence et à la mort.



La charge contre le capitalisme trouve ici son aboutissement. Après la défaite vient la résignation. Face à l’absurdité du monde moderne, il ne reste aux personnages qu’à se refermer sur eux-mêmes, en faisant du couple, de la famille et de la lecture, les seuls fondements, le seul refuge. En synthèse, il s’agit de remplacer l’individualisme économique par un individualisme social. Un individualisme intime même.



Comme souvent chez Houellebecq, les personnages, médiocres et lâches, tentent de trouver leur voie dans une époque cynique et une France gangrénée par le capitalisme. Ils sont successivement touchants et odieux, se livrent à des compromis gênants. Veule, Paul apprécie son beau-frère raciste, ne reproche pas à sa femme son absence d’engagement citoyen. Il se laisse porter. Au point de donner l’impression d’une complaisance avec la bêtise, celle de ses compatriotes et la sienne. Alors qu’il se revendique comme progressiste, Paul ponctue ses réflexions de « en particulier chez les femmes » et défend la supériorité du couple homosexuel. Sur la question des femmes, le roman réalise néanmoins un revirement stimulant en érigeant Prudence, la femme de Paul, âgée de cinquante ans, comme un modèle d’attractivité sexuelle – un pied de nez à Yann Moix et son incapacité « à aimer une femme de 50 ans ». Malheureusement, les femmes restent, volontairement ou involontairement, cantonnées à un rôle : celle qui nourrit, celle qui apaise, celle qui fait jouir, celle qui dicte dans l'ombre la conduite de l'homme.



Une fois de plus, il est difficile de savoir où Houellebecq veut en venir, s'il endosse les réflexions de ses personnages, s'il se moque d'eux ou s’il les observe froidement. On ne sait jamais où s’arrête la description froide et où commence la provocation volontaire. La vision passéiste et nihiliste de Houellebecq, poignante au moment de la lecture, par sa description du désabusement, continue d’agacer par sa défense du monde d'avant, celui d'avant les ravages du capitalisme, qui est aussi celui du règne du bon père de famille à qui tout était dû. Quelle est la part du penser et de l’instinctif ? Les scènes de rêves sont à l’image du livre. On ne peut pas déterminer si elles sont dénuées de sens, strictement guidées par l’instant de l’écriture, ou si elles sont méthodiquement élaborées recelant d’indices cachés.



Rien n’est univoque. Les seuls positionnements que l’on peut acter restent l’anticapitalisme et la lutte contre l’euthanasie – il est intéressant de noter que Houellebecq, qui fait preuve d’un pessimisme total, mise pourtant sur l’idée que les personnes en état végétatif vivent de manière apaisée, dans un quasi-rêve permanent.



Houellebecq défend l’idée que le « grand public » détient la raison politique et la vérité culturelle – idée qui se concrétise moins dans un éloge du populisme que dans une valorisation de la littérature de genre, polar et SF en tête. Le livre lui-même revendique ce souhait de toucher le plus grand nombre. Sa construction, son style et son propos en font probablement son roman le plus facile d’accès. Une approche cohérente avec sa croyance dans la nécessité de généraliser pour pouvoir théoriser. Anéantir est un livre à la fois consensuel – tout le monde se retrouvera dans certains passages – et détestable – chacun trouvera des phrases qui lui donneront envie de fermer le livre, à commencer par un discours dégueulasse sur les migrants d'un décideur politique.



Néanmoins, Anéantir est aussi le livre de l’apaisement. Les protagonistes ont peu d’occasions de faire le mal ou le bien, mais, et c’est nouveau, quand ils le peuvent ils sont plutôt enclins à faire le bien. La misanthropie originelle de l’auteur fait place à une bienveillance molle. Il y a comme une réconciliation avec l’existence. D’ailleurs, pour la première fois, un personnage religieux – Cécile, la sœur de Paul – n’est pas moqué, mais admiré pour son engagement.



C’est aussi et surtout un roman bourré de pistes de réflexions et de digressions passionnantes, sur la manière dont l’occident a rendu la mort et la maladie obscènes, sur la place de la fiction dans l’acceptation du quotidien, ou encore sur ce qu’il appelle « la vie sur le côté ».



Michel Houellebecq reste le grand écrivain de l'attraction / répulsion.
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Soumission

Mission:



- pondre la xième critique sur un livre déjà chroniqué par une foule de babelioteurs avisés



- pondre une critique sur un livre de Houellebecq- auteur clivant par excellence,Houellebecq le porno -grunge-à-la-triste -figure, Houellebecq le provocateur alcoolisé. le contraire absolu du gendre idéal.



- pondre une critique sur un livre paru le 7 janvier 2015 de sinistre mémoire

et qui, par un hasard malheureux, imagine une France de 2022 qui vient d'opter pour un islamisme soft - un repoussoir en forme de pis-aller devant

une Marine le Pen par trop identitaire.



Mission impossible?



Mission dépourvue de sens et vouée aux oubliettes, sous-mission, en quelque sorte?



Mission lâchement et bassement commerciale-ajouter quelques maigres points à un blason insigne que briguerait néanmoins ma notoire insignifiance. Commission, pour ainsi dire -petite? grosse? Les scatos apprécieront..



Mission qui signifierait mon admission à l'un des deux grands clans m'ouvrant ses bras tentants: le cercle très arrosé des houellebecquiens pur malte ou celui très dégoûté des vomisseurs de particules élémentaires du haut de leur plateforme, dernier retranchement de leur résistance à l'extension du domaine de la lutte? Admission, compromission! scanderaient les partisans d'une insoumission mélenchonienne et néanmoins onfresque...



Mission reportée aux calendes grecques faute de point de vue, faute d'inspiration? Recul pitoyable devant l'obstacle, procrastination...

Honteuse démission mais bienfaisante rémission?



Je vais quand même vous la torcher, cette mission:



C'est bien écrit, c'est inquiétant juste ce qu'il faut- vus de la Sorbonne les cataclysmes politiques ont toujours un petit air d'encanaillement d'intellos qui jouent à se faire peur sous la férule du doyen...



C'est plein de références culturelles délicieusement raffinées-Huysmans, Paulhan, Dominique Aury, La vierge de Rocamadour et le Christ de Grünewald- et aussi, heureusement, on n'est pas que des purs esprits, merde, de scènes de cul, de bouffe et de beuverie délicieusement triviales.



C'est empreint de pensées pascaliennes , de désespoir schopenhauérien et de défis nietzschéens.



Mais ce n'est qu'une fiction politique gentiment dystopique, mononucléarisée sur le microcosme parisien, tendance sorbonicole.



Pas la peine d'en chier un tank, si vous me passez cette expression très houellebecquienne.



Ni d'en faire un cas d'intermission.



Si? Ah bon...







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La carte et le territoire

C'était le 21 mars 1996, dans la salle d'un théâtre parisien renommé, nous n'étions pourtant que quelques happy few à découvrir le printemps d'un poète.

Il 'agissait de Michel Houellebecq qui, nonobstant ce public clairsemé, impeccablement, récitait une sélection de ses poèmes (Le sens du combat - Rester vivant - La poursuite du bonheur - Renaissance), à fin d'enregistrement pour France Culture.



J'avais découvert ce drôle de type deux années plus tôt, à la lecture d'un curieux livre : Extension du domaine de la lutte. J'y trouvais (enfin) un ton singulier, fait d'humour et de tristesse, de tendresse et de cynisme, un style léger, authentique, le talent de la simplicité, une sorte d'évidence qui induirait à dire, comme pour certaines oeuvres d'art contemporain : "c'est facile et sans avenir, je peux faire tout pareil."



A la réflexion, ce ton désabusé, ce regard sans complaisance posé sur la déréliction humaine m'auraient rappelé un autre écrivain rencontré en 1992 : Jean-Paul Dubois avec : Une Année sous silence, n'eût été le cynisme de l'un le disputant à l'ironie de l'autre.



Aujourd'hui, ces deux auteurs inconnus au bataillon des lecteurs d'alors sont célébrés et récompensés. Michel Houellebecq s'est offert quelques implants capillaires, son visage s'est étrangement émacié mais la cigarette demeure sa compagne. Tout comme Jed il est devenu riche et j'imagine qu'à ce jour, il n'aurait point de mal à remplir le Théâtre du Rond Point.



Tout de même, égoïstement, je me prends parfois à regretter l'intimité de cette soirée de printemps lorsque aucun Territoire ne figurait encore sur la Carte et avant, bien avant que l'écrivain n'ait été assassiné.
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Extension du domaine de la lutte

Malgré le genre particulier de ce roman, j'ai savouré des passages très bien écrits. Il y a bien sûr la désespérance notoire de Houellebecq, son mal être, les descriptions crues de sa misère sexuelle, mais il va bien plus loin que cela car il sait écrire. Il écrit bien même et son texte ne manque ni d'intelligence ni de références. J'avais beaucoup apprécié des poésies de l'auteur, moyennement savouré "Soumission", été déçue par "La possibilité d'une île", mais suis ici très agréablement surprise par cette "Extension du domaine de la lutte" qui explique toutes les difficultés qu'un individu peut avoir à trouver sa place dans la société. Dans le monde actuel de l'entreprise, mais aussi dans ses relations privées, en amitié ou en amour. Une réflexion intéressante mais très pessimiste de l'auteur sur la solitude, et des considérations sur la misère humaine individuelle et aussi l'inhumanité de notre monde contemporain. Un livre qui n'est pas qu'un ramassis de mots et de phrases, mais qui donne à réfléchir.
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Anéantir

Je n’ai pas essayé de le trouver autrement qu’en librairie car je voulais le posséder ; le livre c’est entendu. Pour moi c’est un bon cru. Ça tombe bien on est en Beaujolais. Saint-Amour, Juliénas, Moulin-à-vent. Des rouges que je n’aime pas, vieux et que je consomme rapidement de préférence, car ils sont fleuris. Houellebecq n’a pas d’âge en ce sens qu’il vieillit bien, d’ailleurs il a toujours cinq à dix ans de maturation tellement sa perspective est juste. On le voit bien ici, avec Bruno ministre du budget et Paul Raison aux finances. Prudence, la femme de Paul. Paul, le fils d’Edouard de la DGSI et Madeleine, sa compagne. Martin-Renaud, commissaire chef de la DGSI, ami d’Edouard. Nous sommes en 2027, période électorale. Le président (le nôtre, est très vieux et n’a de jeune que l’aspect) ne peut pas se représenter. Il a fait son temps. Paul a une sœur, Cécile, mariée à Hervé, et un frère Aurélien, restaurateur d’œuvres d’art, tapisseries du moyen-âge, Indi sa femme, leur fils, Godefroy… un brouillon ! Il y a deux passionnés d’informatique, Bastien Doutremont qui roule en Aston Martin DB11 et aime déchiffrer les graffitis du métro et Fred le geck, pour lui, les jeux vidéo. Puis, Delano Durand, Hacker, du genre qu’il vaut mieux recruter à son actif. Brian, un activiste. Sitbon-Nozières, normalien agrégé d’histoire, qui aime le paraître, addict aux costumes très, très, chics. Recruté par Martin-Renaud pour surveiller les publications extrémistes et appels à l’insurrection sur le net, en cette période d’attentats à répétition... Des Chefs de médecine, Martial le chirurgien, Lesage et Lebon. Bon, sage, et, tranchant. Ça démarre au quart de tour et ça ne s’arrête plus. C’est un conteur du réel qui me passionne et qui me donne à lire un roman contemporain qui fait l’actualité sans jamais me rebuter, au contraire. Si toutefois, je m’attriste, je ne puis que constater que mon sentiment naît d’une authentique représentation de la vie telle qu’elle m’est offerte. Soit, que le bonheur m’est donné en dépit de toute possession matérialiste et qu’il m’a été enlevé de même sans que je puisse intercéder de quelque façon. Je constate alors que tout ce qui m’entoure, de nature et naturel, participe d’une grandeur souvent ignorée.
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Sérotonine

Je retrouve le Houellebecq que j'aime, celui des premiers romans, celui de l'ironie mordante, du cynisme assumé et de la dépression (presque) jubilatoire. Le seul écrivain qui ose, le seul qui n'est pas dans le sens de la marche mais, au contraire, est encore capable de porter un regard lucide et salutaire sur notre époque décadente. Car il s'agit bien de décadence ici; des mœurs et par extension de la relation à l'autre.

C'est un livre qui parle de l'impossibilité d'être lié à autrui, de l'amour impossible entre les êtres, de la seule amitié qui traverse les décennies, celle qui lie le narrateur à un copain de promo, un aristocrate déchu.

Dire que ce roman a anticipé la crise des Gilets Jaunes est faux, on est dans une peinture sociologique, comme toujours avec Houellebecq mais les Gilets Jaunes... Ce n'est pas parce que 2% du roman est consacré à la déconfiture de l'agriculture française et à un soulèvement paysan que le narrateur laisse dans son rétroviseur qu'il faut en tirer de si hâtives et erronées conclusions.

Le narrateur pose un regard sans concession sur sa façon d'être au monde, son incapacité à faire semblant, en cela beaucoup d'entre nous s'y retrouveront, hommes et femmes. Comme toujours, l'auteur s'autorise (et il a raison) quelques formules parfaitement machistes par le biais de son narrateur.

Pour autant, il parle aussi d'amour. Ce roman est la fine analyse de ce qui fait que l'amour s'en va, hante, nourrit nos regrets et nos espoirs, nous gonfle d' une énergie salvatrice puis, lorsque l'hyper conscience de soi et des autres s'en mêle, plus rien n'est possible.

En cela, il s'agit d'un portrait universel de l'Homme d'aujourd'hui.

Peintre minutieux d'une époque, critique acerbe aux saillies jubilatoires, le narrateur m'a emportée avec lui, m'a secouée de rires car seul l'humour permet de survivre au deuil.
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Soumission

Au delà des polémiques et certes ce livre en soulève énormément , ce qui m'a frappée, c'est ce besoin de spiritualité qu'éprouve le héros.

Constatant que l'Europe a depuis longtemps amorcé sa phase de déclin, il s'interroge sur les origines de cette crise de valeurs que traverse l'Europe depuis longtemps.

Cette crise de conscience qui perturbe le héros narrateur est rendue d'autant plus difficile à gérer que le contexte politique que va connaître la France de cette année 2022 est particulièrement tendu: émeutes , affrontements raciaux et religieux. Une nouvelle majorité politique se dessine :

Mohammed Ben Abbes, islamique "modéré ", fonde une alliance avec l'UMP et le PS qui va permettre l'instauration d'une "nouvelle France ".

Une France où l'Islam sera une religion quasi officielle avec tout ce qui va avec : Education par des enseignants obligatoirement musulmans , place de la femme réduite dans la société, basculement de la construction européenne vers le Sud.

Le but est d'établir une entité qui rappellera l'empire romain d'Auguste.

La question qui va se poser est celle de la soumission ou non à cette nouvelle donne.

Si certains personnages s'accommodent très bien de la situation sans précédent, si les valeurs universellement reconnues qui ont fait la fierté de l'Europe sont si peu défendues, quel peut être notre avenir.

Vraie question que pose ce livre.

Le besoin de spiritualité que ressent le héros est très fort même s'il ne se sent pas prêt à se battre pour des idéaux quels qu'ils soient .

Notre avenir en tant qu'Européen, voilà la vraie question et qui se pose avec d'autant plus d'acuité en raison des événements tragiques que nous venons de vivre.
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Soumission

Soumise, moi ? Jamais !

À aucune idéologie, à aucun gourou, à aucune religion.

J'aime trop ma liberté, d'agir et de penser.

Je veux pouvoir manger ce que je veux, quand je veux. Lire ce qu'il me plaît. Dire ce que j'ai envie de dire.

Je veux pouvoir m'habiller comme je l'entends, aller nager à la piscine ou courir en toute liberté.

Soumise, moi ? Jamais !

Cette volonté farouche d'indépendance qui m'habite ne m'autorise pas pour autant à faire et dire n'importe quoi.

J'habite en France et de ce fait, je dois respecter les lois françaises. Si j'allais m'établir dans un autre pays, j'en respecterais les lois. Ce sont les conditions de la vie en société : chaque habitant a l'obligation de vivre selon les lois du pays dans lequel il réside.



L'islam est actuellement un grand sujet de crispation, on marche sur des oeufs lorsqu'on en parle.

L'une des raisons principales est qu'il y a une grande confusion.

Dans l'esprit de beaucoup, tout se mélange : musulmans et islam, musulmans et islamistes.

Or, une religion n'est pas assimilable à ses pratiquants, pas plus que les pratiquants ne le sont aux pratiquants extrémistes.



J'ai grandi à Marseille dans les années soixante. À cette époque-là, en France, on ne parlait pas d'islam ou du moins, on n'en parlait pas différemment des autres religions, contrairement à aujourd'hui.

Pourquoi ? Parce que les musulmans ne se comportaient pas différemment des autres.

Nombre de mes camarades de classe étaient musulmans, et je l'ignorais, tout comme j'ignorais la religion des autres petits copains d'école. Parce que je m'en fichais, et parce que cela ne faisait aucune différence. Aïcha ou Mohamed, tout comme Sylvie ou Frédéric, mangeaient du jambon à la cantine, et leurs mères n'étaient pas voilées. D'ailleurs, à Marseille, seules les vielles femmes du "quartier arabe" portaient le voile ; les jeunes pas du tout, certainement bien heureuses de la liberté qu'elles avaient en France de ne pas le faire.

Comment se fait-il, alors que toute une génération s'intégrait bien ou commençait à bien s'intégrer, que ses descendants se replient sur une pratique plus rigoriste de la religion ?

Pratique, qui, concernant l'islam, me pose un vrai problème en tant que féministe puisque les femmes y sont considérées comme inférieures et impures, le voile en étant la manifestation ostensible.

Petite parenthèse : s'intégrer ne veut pas dire abandonner ses croyances et ses coutumes, mais adopter la façon de vivre de son pays, tout en gardant son identité.

La raison de cette évolution, à première vue paradoxale, est simple. Certains pays dans lesquels un islam "dur" est pratiqué ne voient pas d'un bon oeil le fait que des populations musulmanes puissent s'intégrer dans des pays non musulmans. Cela leur est insupportable. Dès lors, ils mettent tout en oeuvre pour l'empêcher, notamment par l'envoi massif d'imams prêchant la "bonne" parole, chargés de remettre les croyants dans le "droit" chemin.

C'est ainsi qu'une communauté se retrouve instrumentalisée, à son insu, empêchée de s'intégrer, et pire, que des familles déjà bien intégrées font petit à petit marche arrière. Le mouvement est insidieux, mais les premiers effets font tâche d'huile et entraînent rapidement une grande partie de nos concitoyens musulmans.

À partir de là, tout s'enchaîne logiquement, et les revendications pleuvent, toujours plus nombreuses, empiétant toujours plus sur le domaine public, dans un pays devenu pourtant laïc après avoir longtemps subi le joug de la religion catholique : repas spéciaux, port de vêtements à caractère religieux, demande de créneaux réservés aux femmes dans les piscines, etc.

Je m'oppose et m'opposerai toujours farouchement à tout cela. Non pas par "islamophobie" (terme stupide s'il en est) mais pour deux raisons.

La première est que nous avons la chance d'être dans un pays laïc et que nous jouissons de fait d'une grande liberté que je tiens à préserver. La seconde est qu'en acceptant ces demandes nous ne rendons pas service aux musulmans... et surtout pas aux musulmanes.



J'ai des amis musulmans, et peux témoigner qu'ils sont les premiers à être vent debout contre tout cela parce qu'ils se rendent bien compte de la manoeuvre et qu'ils ont bien compris qui tirait les ficelles. Ils ne demandent qu'à vivre tranquillement en France, ne veulent pas de cet islam rigoriste, et ne veulent en aucun cas se voir imposer des pratiques religieuses que souvent ils ont fuies.

Pour les protéger, nous devons, collectivement, défendre notre laïcité bec et ongles.

Le résultat d'un récent sondage (février 2020) interpelle : 29% des musulmans de France pensent que la charia est plus importante que la loi de la République.(Référence mise en commentaire)



La liberté que nous avons en France n'a absolument pas cours dans grand nombre de pays dans le monde. Nous sommes privilégiés, mais hélas, beaucoup ne s'en rendent pas compte. Toutes les religions sont acceptées, mais leur pratique doit rester dans le domaine privé. Aucune religion, quelle qu'elle soit, ne doit dicter la conduite à tenir dans l'espace public et encore moins se substituer aux règles et aux lois.



Michel Houellebecq a écrit une fiction.

Son texte est intelligent, bien écrit et bien construit.

Il décrit une société privée de repères et de valeurs communes. Une société pas si fictionnelle que cela quand on pense qu'un Président a proclamé récemment que la culture française n'existait pas...

Dans Soumission, l'élection d'un Président du parti fictif de la "Fraternité Musulmane", loin de provoquer le chaos que l'on pourrait croire, amène plutôt une sorte d'apaisement, de soulagement.

Lui au moins a une vision claire de l'avenir qu'il veut pour le pays, laissons-nous guider ! Glissons-nous dans un certain confort, quitte à nous asseoir sur notre liberté de conscience, quitte à laisser les enfants se faire embrigader par une éducation nationale devenue islamiste et quitte à abandonner les femmes à leur triste sort d'êtres inférieurs.

Une fiction... oui...mais...

Je pense (et ce n'est que ma pensée, mon interprétation du roman) que Michel Houellebecq n'a pas écrit ce livre innocemment.

Son titre et son contenu sont en fait des appels à l'insoumission face à une religion qui grignote de plus en plus l'espace public et les lois de la République.

Une insoumission pour protéger notre société, notre laïcité, nous tous, et en particulier nos concitoyens musulmans.



"La Fraternité musulmane est un parti spécial, vous savez : beaucoup des enjeux politiques habituels les laissent à peu près indifférents ; et, surtout, ils ne placent pas l'économie au centre de tout. Pour eux l'essentiel c'est la démographie, et l'éducation ; la sous-population qui dispose du meilleur taux de reproduction, et qui parvient à imposer ses valeurs, triomphe ; à leurs yeux c'est aussi simple que ça, l'économie, la géopolitique même ne sont que de la poudre aux yeux : celui qui contrôle les enfants contrôle le futur, point final."

Oui, Soumission n'est qu'une fiction... pour l'instant.

Il faut être vigilant et ne rien céder pour que cela ne devienne pas une réalité.

N'oublions pas qu'Erdogan, président de la Turquie, a exhorté ses coreligionnaires en 2017 avec ces mots : «J'en appelle à mes frères et soeurs en Europe. Ne faites pas trois, mais cinq enfants, car vous êtes l'avenir de l'Europe.»

Et ça, ce n'est pas de la fiction.

Insoumission ? J'en suis !
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Soumission

Ce livre est dans ma PAL depuis le jour de sa parution, le 7 Janvier 2015.

7 Janvier 2015... première et dernière fois que je me suis effondrée, en larmes, devant une chaîne d'infos. On avait abattu sauvagement des dessinateurs pour le pouvoir subversif de leur trait, la liberté de leurs dessins... leur Liberté... ma Liberté... ma liberté de les aimer ou pas, de les lire ou pas... la Liberté.



Quelques jours plus tôt, s'écharpaient dans les médias les représentants de la nouvelle "élite intellectuelle" française, avachie dans son dogme, ancrée dans ses certitudes, braillant ses invectives, au sujet du dernier roman, encore sous presse, de Houellebecq. Certains ont même appelé à son interdiction de paraître.

Interdiction ? Mais qu'est-ce qu'il a, ce bouquin ? Mein Kampf, lui-même, n'a pas été frappé d'interdiction et n'a pas suscité une telle hystérie.

De là à en déduire qu'il est mieux admis de débattre sereinement sur un ouvrage portant sur l'extermination de millions de juifs que sur un roman-fiction traitant l'hypothèse de l'avènement d'un président musulman en France... il n'y a qu'un pas que je franchis sans sourciller.



Finalement, ce qui coince, c'est ce souci du politiquement correct, fléau de notre époque. Le politiquement correct et son lot de tabous. Là est le véritable danger contre lequel nous devrions tous lutter car il empêche toute discussion constructive, toute analyse intelligente, toute élévation du débat, toute réflexion sur les erreurs des uns comme des autres.

Je ne sais pour combien de temps encore mais, aujourd'hui, le sceau du tabou porte sur les mots "musulman" et "islam". Et la plupart des gens n'osent plus émettre ne serait-ce qu'un "oui, mais..." parce qu'ils ne veulent pas "passer pour..." et tiennent à "avoir l'air de..." gens biens, tolérants, ouverts, tout ça, tout ça...

Société du paraître où la pensée est, comme les visages, lissée par un maquillage plâtreux.



Dans une interview parue dans l'Obs du 8 Janvier 2015, Aude Lancelin demandait à Michel Houellebecq : "Comprenez-vous que certains redoutent l'effet délétère que pourrait avoir votre livre ?"

Sa réponse a été : "Non. Je capte une situation, c'est tout. Je parviens à capter parce que je n'ai pas d'a priori, je suis neutre. Je fais comme si le politiquement correct n'avait jamais existé. Je ne suis pas un intellectuel de centre-gauche, quoi (rires). Je n'ai rien d'autre à délivrer qu'une vision du monde ; mais je tiens à la délivrer."



Et à sa question : "Vous faites confiance à l'intelligence des gens, dites-moi..."

Houellebecq répond : "Je fais davantage confiance à l'intelligence de la masse qu'à celle des élites, en tout cas. Je suis tranquille : ce roman suscitera peut-être des polémiques chez ceux qui gagnent leur vie en polémiquant, mais sera perçu par le public comme un livre d'anticipation, sans rapport réel avec la vie."



Voilà. Tout est dit et bien dit.



Une dernière chose : j'ai attendu vingt-et-un mois que l'hystérie médiatique autour de ce livre soit totalement retombée pour l'ouvrir. Et, c'est par le concours d'un challenge-lecture entre copains que l'occasion m'en a été donnée.

Il me fallait valider le poste "dystopie" et j'ai considéré, non sans une certaine ironie, que Soumission était parfaitement approprié. Et j'implore Allah, Bouddha, Dieu et la Fée Clochette pour que ça ne reste que ça.



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Les particules élémentaires

Voilà bien un drôle de bouquin. Lors de l'exercice périlleux "Comparer nos lectures", presque personne n'est d'accord avec mes trois ***. Ca tombe bien, moi non plus! Je vous explique : l'histoire, je veux dire l'idée qui se cache derrière tout ca me plait beaucoup (**** - ******). La réalisation (style, passages soi-disant "érotiques", facilités diverses et variées...) me decoivent énormément (* - **). Et voilà le résultat : ***!!! Sans rire, pour un livre qui a eu tant de succès le bilan, 15 ans plus tard, est bien maigre. Mes notes sont (presque) toujours élastiques, celle-ci tendrait plutôt vers le 2/5. Bien qu'il y ait quantité de livres beaucoup plus intéressants que celui-ci, je préfère rester dans le neutre. A chacun de se faire son idée sur la question. Tant que l'on pas lu la chose, on passe pour un inculte. Une fois cette tâche accomplie, on peut s'écrier au génie ou se morfondre devant tant de médiocrité. Deux jugements extrêmes que ce roman somme toute assez banal n'a pas mérité.

Bonne lecture!
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Anéantir

La publication d’un roman de Michel Houellebecq est toujours un événement littéraire ; l’écrivain est une star, il a ses idolâtres et ses détracteurs. J’aime bien sa manière d’écrire, j’ai apprécié la plupart de ses romans et c’est assez naturellement que je me suis imposé de lire anéantir dès sa parution.



Les premiers chapitres sont accrocheurs, prometteurs. Les touches d’ironie décalées caractéristiques de Houellebecq transparaissent derrière le style simple, direct, à la fois classique et libre. Je me suis laissé docilement embarquer par la fiction, début 2027 – oui, dans cinq ans ! – à Paris, dans les cercles du pouvoir.



Là, on s’inquiète d’une mystérieuse organisation terroriste qui s’attaque au commerce mondial, tout en diffusant des messages composés de signes cabalistiques, auxquels les hackers les plus affûtés n’entravent que pouic. L’on prépare aussi les élections présidentielles, qui approchent. La Constitution ne permet pas au président en exercice – qui n’est pas nommé, mais ressemble à qui vous savez – de se représenter pour un troisième mandat, une option que ne rejetterait pourtant pas l’opinion publique. On subodore que le président pourrait faire élire un homme de paille, avec l’intention de revenir cinq ans plus tard pour deux mandats supplémentaires ; un scénario à la Poutine / Medvedev.



J’en ai eu l’eau à la bouche et je me suis préparé à suivre tout cela en compagnie de l’antihéros houellebecquien de service, l’homme apathique sans qualités, central dans chaque roman de l’auteur. Il est un peu monté en grade par rapport à ses prédécesseurs. Pensez : un énarque, haut fonctionnaire ! Paul Raison est le chef de cabinet (le chef, pas le directeur !) du ministre de l’Economie et des Finances, un certain Bruno Juge, que certains lecteurs identifient à Bruno Lemaire… une assimilation qui fonctionne assez bien. Pour corser le tout, j’apprends que le père de Paul était un agent très important des services secrets français. Voilà qui laissait augurer une histoire passionnante !



Un feuilleton en-dessous de mes espérances ! Je n’ai eu à me mettre sous la dent que le quotidien tristounet du presque quinquagénaire Paul Raison et de sa grise famille. Sortir de l’ENA n’empêche pas d’être un homme comme les autres, avec ses petites misères secrètes. A l’exception des deux dernières parties (sur sept), où la glissade progressive vers le néant, inattendue et glaçante, m’a littéralement tétanisé, j’ai lu les sept cents pages d’anéantir sans enthousiasme ni déplaisir. L’écriture est tellement habile, fluide, avec ici ou là un commentaire désabusé aussi pertinent qu’hilarant, que malgré la longueur du livre, je n’ai pas eu le sentiment de m’ennuyer.



Ai-je perdu mon temps ?… Pas autant que Paul et sa femme, qui ne se sont pas touchés pendant dix ans ! Ils s’y remettent, y prennent goût, baisent comme des fous… Malheureusement, c’est un peu tard ! Mais ils ont raison, ce serait bête de mourir idiot…



Il me reste des questions sans réponses. Quel est l’intérêt des nombreux et indéchiffrables rêves de Paul ? A quoi rime l’intervention clandestine d’un commando de gentils mercenaires d’extrême droite, juste pour sortir un père âgé et handicapé d’un établissement de soins et l’installer dans sa famille ?



Je lis dans la presse qu’anéantir est l’occasion pour Houellebecq d’exprimer sa foi catholique et ses convictions politiques très conservatrices. On évoque aussi le pessimisme de l’auteur et sa vision prémonitoire de l’effondrement de notre civilisation. Rien que cela ! Il y a pourtant eu pire dans l’histoire et il y a toujours pire de nos jours sur la planète. Le talent d’un romancier est de faire vivre des personnages de fiction ; ils ont leurs idées, leurs convictions, leur sensibilité ; ce sont les leurs. En tant que lecteur de romans, ça ne m’intéresse pas de savoir si ce sont aussi celles de l’auteur.



En conclusion, je me demande quand même si une forme de magie n’est pas en train de se dissiper. En d’autres termes, serai-je aussi prompt à lire le prochain Houellebecq ?


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Interventions 2020

Le premier sous-titre qui apparaît à l'ouverture du livre a la prétention de révéler à tout un chacun que Jacques Prévert aurait été un con !

Je vous le dis, ça part fort !

Et, je sens l'approche d'un profond désarroi du lecteur.

Le nouveau livre de Michel Houellebecq est un recueil d'interventions, composé, un peu comme ma confiture de ce matin, de 55% de recyclé et de 45 de nouvelles saveurs.

Il faut le préciser d'entrée de jeu : c'est un peu fastidieux à la lecture, décousu et fouillis, parfois de mauvaise foi et reposant souvent sur des assertions douteuses .

Mais de ce fatras d'idées mal ordonnées surgit, d'un paragraphe à l'autre, d'une ligne à une autre, quelques réflexions lumineuses et quelques vérités abruptement énoncées.

Et puis, c'est entremaillé d'humour, de dérision ...

On le sait Michel Houellebecq a la faculté d'être compris de manières diamétralement opposées.

Il peut choquer ou séduire, et peu importe en réalité, car toujours avec lui on sait que la conversation va être intéressante, parfais alambiquée et difficile à suivre, mais intéressante.

Car la provocation et la mauvaise foi, contrairement à ce que se répète notre époque, n'empêche pas la réflexion, et parfois même la pertinence.

Le contemporain, qu'il soit journaliste soucieux de la petite phrase ou critique littéraire inspiré, est souvent inattentif au fond du propos.

Et c'est là son moindre défaut !

Je tiens que Michel Houellebecq s'est trompé de siècle.

Il a tout d'un de ces hydropathes littéraires et décadents dont la fin du XIXème siècle avait le secret de fabrication.

Je tiens qu'il est un poète égaré dans le roman, perdu dans ses pensées et trop éloigné d'un XIXème que sa conception de la Littérature devrait finalement lui faire retrouver.

J'ai donc lu ce livre comme il me l'a conseillé, avec des arrêts, des mouvements inverses et des relectures.

J'ai pris un tas de notes, les ai raturées.

En ai refait d'autres à même la page.

J'ai balancé le bouquin à travers le salon, ai prophéré à voix haute quelques commentaires bien sentis dont je garderai le secret.

Quand je vous disais que la conversation promettait d'être intéressante.

Et qu'il ne fallait pas vendre la peau de l'ours avant d'avoir lu son livre !

Non décidément, Michel Houellebecq, même s'il affecte de ne pas comprendre ce qui ne va pas, non, Michel Houellebecq n'est pas un écrivain normal, pas aujourd'hui.

Il l'aurait été, hier, coquetant avec Huysmans, ferraillant avec Mirbeau ou Descaves.

Quoiqu'il en soit, la lecture de ce nouvel opus des interventions de Michel Houellebecq, -le quatrième et le dernier, nous dit-il-, est un moment de lecture dense qui provoque des questions, des réponses et autres réactions diverses et variées.

Peut-être est-ce cela finalement la Littérature ? ...



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Sérotonine

Avec Sérotonine, son septième roman, Houellebecq nous entraine une nouvelle fois dans un récit où le héros, bien sûr déprimé, ressasse sa vie amoureuse et professionnelle, évidemment boit trop et fume trop, et inévitablement fantasme sur les femmes… Cette fois, le narrateur, Florent-Claude Labrouste, 46 ans, employé du ministère de l'agriculture et dépressif, se donne pour objectif de «maintenir le désespoir à un niveau acceptable».



Les scènes de sexe en tout genre sont récurrentes chez Houellebecq ; ici les amateurs de pornographie sauvage et d'obscénités sont particulièrement gâtés : au royaume du glauque, partouzes, gang bang, zoophilie, pédophilie, aucun détail n'est épargné au lecteur sur la plus grande partie du livre. S'y ajoutent les provocations, les insultes, les mots crus qu'on retrouve fréquemment tout au long des 347 pages, les mots « chatte » « cul » et bien d'autres que je n'ose citer ici, mais des dizaines de fois chacun, c'est vite lassant, comme si c'était devenu l'unique sujet d'inspiration de l'écrivain. Déconnecté de tout sentiment, le sexe est plus un souvenir qu'un regret, continuellement piteux, on a le fantasme qu'on peut.



Houellebecq joue sans cesse sur la frontière entre réalité et fiction et se pastiche lui-même. Ses narrateurs apparaissent souvent comme des doubles de l'auteur. Comme dans chacun de ses romans, le texte comprend de nombreux clichés où se faufilent d'affligeantes platitudes : « J'avais bien compris, déjà à cette époque, que le monde social était une machine à détruire l'amour », il est vrai que dans l'enfer Houellebecquien, un peu de Cendrillon ne saurait faire de mal.



Comme il s'agit de Houellebecq il faut, paraît-il, chercher du génie. Je fouille encore mais je ne trouve pas et ne m'habitue pas à son univers de déclin nombriliste cynique et provocateur. Houellebecq s'amuse à décrire une société en perdition qu'il décrit avec beaucoup de désarroi existentiel et de cynisme dépressif. Il y a toujours les mêmes effets, les mêmes obsessions, les mêmes travers, les mêmes angoisses. Ses personnages sont toujours affligés du même mal, désabusés, divorcés, séparés, impuissants, de préférence obsédés sexuels, vivant dans la solitude et sont incapables de s'adapter au monde contemporain.

Le nom de Houellebecq est toutefois devenu une marque de fabrique, une garantie de succès ; quant à moi, ses descriptions de scènes de pédophilie, de zoophilie, et du sexe flasque du héros, ne me provoquent aucune douce émotion. Comment, vous n'avez pas encore le dernier sextoy Houellebecq ?
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Soumission

Laissons tomber les polémiques qui ont déjà commencé avant même que quiconque ait déjà lu la moindre ligne de Soumission. En ces temps douloureux et sensibles, le roman de Houellebecq tombe bien mal, sauf pour alimenter les discussions et les débats d'idée mais c'est davantage le personnage que l'auteur qui se trouve jugé. Et si on en revenait au livre ? Et si on parlait de sa valeur littéraire uniquement ? Un exercice de politique fiction lequel à partir de 2022 deviendra une uchronie, du moins c'est probable. Et ce n'est pas ce roman qui va changer notre société ou les mentalités. C'est un roman, pas un traité de sociologie. Islamophobe, Soumission ? Pas autant que Bayrouphobe ou surtout phallocrate. C'est ce dernier aspect qui s'avère le plus déplaisant. Houellebecq a toujours été misogyne mais les scènes de sexe qu'il nous inflige, et cette fois-ci l'auto-dérision ne fonctionne pas, sont non seulement répétitives mais d'un goût très douteux pour ne pas user de termes plus directs. Pour le reste, il y a énormément de choses intéressantes dans le roman, à commencer par cet hommage à Huysmans avec la comparaison de l'époque où celui-ci a vécu et celle du narrateur. C'est son humour très noir et nihiliste qui sauve Soumission qui n'est en aucun cas un pamphlet ou alors bien mou, car celui d'un type pessimiste, parfois lucide, parfois délirant quant il aborde la question du déclin de notre civilisation. Certains cherchent à trouver la part de sincérité et la part de provocation dans les écrits de Houellebecq. En oubliant qu'il n'est que romancier, pas penseur et encore moins prophète. La liberté d'expression lui permet d'écrire ce qu'il veut, notre liberté est celle de le lire ou pas. D'aimer ou de détester. Le reste n'est que littérature.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Plateforme

Michel est un petit homme médiocre et égoïste, fonctionnaire sans ambition ni dans sa vie professionnelle, ni dans sa vie personnelle. « Je ne suis pas bon, dans l'ensemble, ce n'est pas un des traits de mon caractère. L'humanitaire me dégoute, le sort des autres m'est en général indifférent, je n'ai même pas le souvenir d'avoir jamais éprouvé un quelconque sentiment de solidarité. »

Quand il touche un héritage à la mort de son père, il en profite pour s'offrir une escapade en Thaïlande. Le voyage organisé ne l'empêche pas profiter des salons de massages Thai et des jeunes femmes qui y officient. Méprisant, il fuit ses compagnons de voyage. Seule Valérie, dont il ne sait pas grand-chose, trouve grâce à ses yeux.

De retour à Paris, il croise de nouveau la jeune femme, qui poursuit une carrière brillante en tant que cadre marketing à Nouvelles Frontières. Ils habitent rapidement ensemble.

Le groupe international Aurore, de bien plus grande envergure que Nouvelles Frontières, débauche (embauche ?) bientôt la jeune femme, avec pour mission de faire remonter la fréquentation de certains clubs de voyages en perte de chiffres d'affaires. C'est ainsi que Valérie, avec l'aide de Michel, met en place le concept des Eldorador Aphrodite.



Houellebecq fait le tour de la petitesse humaine qui gravite autour de cette plateforme. Portrait au vitriol de la société de consommation, entre cynisme et provocation, il dépeint une société qui périclite, une société décadente, sans espoir d'évolution vers un monde meilleur. C'est l'humain qu'il met au cœur de cette fatalité, l'humain et sa recherche de satisfaction immédiate et gratuite. Dans ce livre, l'auteur semble suggérer que, quelque part, à un moment donné, un tournant a été pris par la société. Le retour en arrière, vers "le bon sauvage" est impossible, et la société, poussée par la consommation à outrance, se névrose, ce qu'il illustre par les difficultés sexuelles de ses contemporains. Voilà un constat plutôt triste mais pas dénué d'intérêt.

Pour enfoncer le clou sur la petitesse des hommes, Houellebecq cartographie et tend jusqu'à la provocation certains types de comportements courants, en première ligne de mire, les "élites marketing" et leur vision court-termiste, sans création de valeur, qui sortent des écoles prestigieuses ; la création du concept Eldorador Aphrodite est une vraie petite leçon qu'on croirait tout droit issue d'une leçon de marketing stratégique : le fameux couple produit-cible, identification de l'existant, de la concurrence, des forces et faiblesses de la proposition / de la marque, plan d'actions, etc… L'auteur égratigne aussi le vernis des bien-pensants, caricaturant à outrance des propos que chacun de nous a forcément entendu, un jour ou un autre, sur la prostitution (avec des propos quand même limite concernant l'âge desdits prostitués) ou les musulmans.



L'écriture de Houellebecq est agréable à lire. Le récit est raconté au je narratif, qui intègre, de façon un peu maladroite, des passages sur l'histoire de la Thaïlande, ou sur les personnages du récit, et des scènes de sexe plutôt crues. L’ensemble est à prendre au deuxième, voire au troisième degré.

Bref, une première incursion plutôt réussie pour moi dans l'univers de cet auteur encensé et controversé.



"Jusqu'au bout je resterai un enfant de l'Europe, du souci et de la honte ; je n'ai aucun message d'espérance à délivrer. Pour l'Occident je n'éprouve pas de haine, tout au plus un immense mépris. Je sais seulement que, tous autant que nous sommes, nous puons l'égoïsme, le masochisme et la mort. Nous avons créé un système dans lequel il est devenu simplement impossible de vivre ; et, de plus, nous continuons à l'exporter."

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La Possibilité d'une île

Rares sont les écrivains aussi "clivants" que Michel Houellebecq.

Génial visionnaire pour certains, vieux dégueulasse surcoté pour d'autres, on idolâtre ou on exècre.



Très bien, mais alors pourquoi cette note moyenne, mi-figue mi-raisin, pourquoi ces 3 étoiles plutôt tiédasses ? Ben tout simplement parce que jusqu'au bout, j'ai été incapable de me décider, incapable de choisir mon camp.

Emballé [youpi] par certains passages foutrement bien torchés et par certains points de vue carrément décapants sur notre monde à l'agonie, puis écoeuré [beurk] par le cynisme permanent et démesuré dont fait preuve Daniel, héros houellebecquien en (im)puissance, archétype du mâle blanc obsédé et dépressif...

Epaté [youpi] par la construction du roman et par ses thèmatiques originales et ambitieuses (l'anéantissement de notre société exsangue, le naufrage civilisationnel, la quête de la jeunesse éternelle et la mise au rebus des aînés, l'avènement par clonage d'une nouvelle espèce artificielle de néo-humains...), puis fatigué [beurk] de ce désenchantement tellement systématique qu'il en devient caricatural, et lassé de ces scènes de sexe gratuites et récurrentes...

Les montagnes russes, quoi. D'ailleurs, comme embarqué dans le plus endiablé des roller-costers, j'ai lu ces 500 pages à toute vitesse, et j'en suis ressorti un peu nauséeux. Plutôt content, mais pas pressé de repartir pour un tour.



Faut dire que Houellebecq sait y faire pour chahuter son lecteur, pour l'entraîner de force dans son univers désespéré, décadent, vulgaire et violent, en enchaînant les provocations et les prises de positions pour le moins contestables sur la nature fondamentalement malsaine, perverse et déviante de l'être humain. Pour lui c'est clair : "le seul fait d'exister est déjà un malheur". Quand je vous disais que c'était pas franchement l'éclate...



Cette fois, son héros Daniel_1 est un comique (si si, je vous jure !), dont l'humour polémique et grinçant cartonne.

Mais bien sûr Daniel_1 est malheureux (rappelez-vous, on est chez Houellebecq). Son dégoût de l'humanité n'a d'égal que son appétit sexuel insatiable ("pendant toute ma vie je ne m'étais intéressé qu'à ma bite ou à rien, maintenant ma bite était morte et j'étais en train de la suivre dans son funeste déclin, je n'avais que ce que je méritais". Voilà qui situe un peu le bonhomme...)

Par un concours de circonstances, il est aux premières loges pour assister à l'avènement d'une secte et de son prophète, présenté dans le meilleur des cas comme un hurluberlu soucoupiste, dans le pire comme le dangereux théoricien de doctrines flirtant avec l'eugénise et le nazisme.

Toujours est-il que la secte rencontre vite un immense succès, supplante les autres religions (que Houellebecq aime comme toujours à égratigner dans les grandes largeurs !), et que ses recherches sur le clonage finissent par aboutir : ainsi retrouvons-nous, plusieurs siècles plus tard, après la Pemière et la Seconde Diminution, après le Grand Assèchement, Daniel_22, Daniel_23 et quelques-un de leurs successeurs. Tous sont des copies conformes du Daniel-souche, à quelques améliorations génétiques près, qui évoluent dans une société nouvelle complètement virtuelle, désincarnée, dépourvue de passions et de contacts physiques...



D'un côté donc, le monde contemporain de Daniel_1, dépravé et glauquissime. De l'autre, d'étranges communautés de néo-humains, abstraites et glaciales, ou le rire et les larmes ont disparu.

Deux salles, deux ambiances.

Difficile de dire lequel de ces univers fait le plus froid dans le dos.

Difficile aussi d'imaginer contraste plus saisissant entre un si joli titre et un contenu si trash.

Difficile enfin d'écrire un roman plus sombre et plus désespérant, sans nulle part la moindre once d'optimisme. Seul Fox, le chien cloné qui accompagne chaque nouveau Daniel semble être animé d'un semblant de vie, puisqu'à la différence de ses maîtres "sa nature en elle-même inclut la possibilité du bonheur".



Une lecture compliquée, donc, idéale pour se préparer au suicide.
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Sérotonine

Pas de frein dans la descente, Florent Claude Labrouste descend à tombeau ouvert.



Celui que l'on appelle plus communément Florent dans le roman a cependant trouvé une potion presque magique qui l'empêche de sombrer définitivement dans la dépression: le Captorix. Un médicament efficace qui possède cependant des effets secondaires notoires que le récit ne manque pas de souligner.



Houellebecq est un décomposeur et son Florent est un peu la fleur qui pousse sur un immense tas de fumier. Florent a peut-être eu le chrysanthème comme totem chez les scouts.



En effet tout ce dont il parle se délite inévitablement: les relations avec les femmes, l'agriculture, la SNCF, Christine Angot, les fromages au lait cru, Laurent Baffie, les CSP + et ++ et leurs familles recomposées, Yves Simon, la religion chrétienne,etc. Les bons mots sur ses contemporains sont nombreux et souvent hilarants.

C'est un récit rythmé par les coups. Les coups de reins, les coups de feu et les coups de pub.



Pourtant passées les habituelles provocations, la question essentielle du roman tourne certainement autour du désir: peut-on vivre sans?



Le développement m'a semblé parfaitement maitrisé sauf peut-être la fin que je n'ai pas comprise ou pas voulu comprendre.

Houellebecq est sans doute un dépressif mais un joueur quand même et Serotonine m'a semblé finir sur un coup de bluff.

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La carte et le territoire

Jed Martin est un artiste parisien, photographe, puis peintre, qui a des problèmes avec son chauffe-eau. Il voit rarement son père qui habite une grande maison entourée d’un parc immense au Raincy, ils n’ont pas grand-chose à se dire. Il fait la connaissance d’Olga, une Russe belle à tomber, avec qui il passe quelque temps. Les choses vont plutôt bien tourner pour lui mais on n’a pas l’impression qu’il en soit très heureux. ● En attendant la parution d’Anéantir, le nouveau Houellebecq dont il est impossible de ne pas entendre parler tant la campagne de lancement est implacable, je me suis décidé à lire son Goncourt 2010 que je n’avais pas encore lu, la production de Houellebecq, dont j’ai beaucoup aimé notamment les deux premiers livres et Sérotonine, me paraissant très inégale. ● Cet opus se lit avec plaisir ; on ne s’ennuie pas un instant et le roman est original. ● La mise en scène de l’auteur par lui-même pourrait sembler prétentieuse mais elle est faite avec tant d’ironie qu’elle est plutôt amusante. ● La troisième partie, parodie de roman policier, se dévore, et me paraît la plus réussie, même si la toute fin, en forme d’utopie plus ou moins ironique, m’a déçu. ● Si je ne souscris pas à toutes les analyses sociologiques dont le roman est rempli comme à l’habitude de l’auteur, le désenchantement discret que son regard pose sur la vie notamment en Europe, notamment en France, est plutôt bienvenu. ● Bref, j’ai été plutôt étonné d’aimer autant ! ● J’aurais quand même des réserves sur le style ; j’ai lu des critiques disant que Houellebecq était un grand styliste ; pour moi c’est là qu’il pêche le plus, sa prose est bien plate.
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La Possibilité d'une île

Daniel et deux de ses clones nous livrent leur histoire au travers une sorte de journal. C'est d'un pessimisme excessif (d'un autre côté la conjoncture actuelle ne porte pas non plus a l'optimisme).

Un questionnement incessant sur les relations hommes-femmes, le sexe, le religieux, le sectaire...



Pour être foncièrement honnête je n'ai pas aimé du tout ce livre. Pas la forme , parce que l'écriture de Houllebecq est quand même très agréable. Mais au niveau du fond j'ai vraiment eu du mal. Ce sont des plaintes répétitives et ennuyeuses... et comme j'ai besoin de voir les choses positivement je pense que peut être je l'ai lu au mauvais moment.

D'un autre côté j'aurais du m'y attendre puisque ce livre a été primé (prix Interalliée en 2005) et que les livres primés (sauf rares exceptions) font un grand bide chez moi.

Je ne dis donc pas que je ne lirais plus cet auteur, je retenterais sur un autre roman... avec l'espoir que celui là me plaira
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Soumission

Je suis toujours agréablement surprise par les œuvres de ce provocateur aux obsessions récurrentes. Intelligent et cultivé, il amuse autant qu’il fait réfléchir en nous montrant ce à quoi nos non-choix résultant de notre individualité forcenée d’homme (ou de femme) occidental peuvent nous conduire. Car cette fable de Michel Houellebecq, qui met en scène l’arrivée au pouvoir en France d’un président musulman modéré, ne vise pas, comme certains l’ont écrit, à stigmatiser les musulmans ni à faire le jeu de l’extrême-droite, mais nous pousse à nous poser les bonnes questions. A nous d’y trouver les réponses appropriées, en toute connaissance de cause, uniquement guidés par notre idéal de liberté. Un message bien utile en ce lendemain d’élections qui ne chante pas.

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