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Critiques de Nathacha Appanah (1035)
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Tropique de la violence

Tropique de la Violence, c'est un bout de terre, une Ile Française, Mayotte, où la jeunesse se livre à elle même, dans le désordre, le chimique et les trafics.



Les kwassas kwassas (des embarcations de fortune) déversent chaque jour plusieurs dizaines de clandestins sans le sou sur ses plages de rêve. la plupart de ces migrants échouent à Gaza, l’immense bidonville qui a poussé à la lisière de Mamoudzou, la plus grande ville de l’île.



« Ce pays ressemble à une poussière incandescente et je sais qu'il suffira d'un rien pour qu'il s'embrase. »p11



Nathacha Appanah à travers le destin de deux ados, nous fait ressentir, les violences et la dérive insulaire à Mayotte, Bruce ce gamin de 15 ans est le roi autoproclamé de Gaza, et fait régner la terreur.

Moïse bébé clandestin est confié par sa mère à Marie.



Le roman n'est pas dénué d'une intrigue, tel un fil conducteur, le livre s'ouvre sur l’impossibilité pour Marie d'enfanter, puis sur l'adoption de Moïse. C'est une suite douce et maternelle qui permet à Moïse de grandir, Mo au regard si étrange avec un œil vert.



La confrontation de Mo avec les autres gamins insinue alors le drame, sa mère blanche, sa naissance, le racket, son désir de savoir, la mort de sa mère, puis la perte de son chien Bosco va faire basculer le bon élève dans la violence.



Ce livre d'une force déchirante est porté par les mots de Marie, de Bruce, de Moïse, d'Olivier le flic et de Stéphane l'humanitaire.



La singularité de ce livre, est d'avoir tout dit, de la misère avec une brosse à dent, tout dit de la violence à travers un combat, tout dit de l'impasse de la peur qui devient nuée ardente.



Le style de Natacha Appanah a la pureté du ciel de Mayotte, une résonnasse aérienne entre les mots et les cris des oiseaux, il a l'odeur des noms et des phrases qui donnent mal au cœur, comme un bateau ivre qui ne sait plus où aller, ballotté par des remous venus d'ailleurs.



Roman âpre et bouleversant, la chair de poule, les frissons dans la chaleur écumante font de ce livre un récit qui ne sait plus s'éteindre, un vrai coup de grisou.







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La mémoire délavée

"La mémoire délavée" est un magnifique album de famille proposée par Natacha Appanah dont les figures principales sont le grand-père et la grand-mère de l’auteure. Elle plonge dans ses souvenirs et ce travail intime qui débute par des réminiscences se transforme peu à peu en une évocation de plus en plus précise d’une jeunesse mauricienne avec une double éducation, celle moderne de ses parents et celle traditionnelle de ses grands-parents. Ce « roman » familial sera l’occasion pour quelques lecteurs de découvrir un point important mais méconnu de l’histoire coloniale, celui de l’engagisme. Au milieu du XIX° siècle, lorsque l’esclavage est progressivement aboli, l’économie coloniale, notamment l’agriculture et plus particulièrement la canne qui produit le sucre, le carburant de l’économie, doit compenser la baisse drastique de la main-d’œuvre. Les décideurs d’alors mettent en place des contrats de travail qui sont proposés à des ouvriers des pays pauvres. La péninsule Indienne qui est déjà un réservoir démographique important fournira 85% de ce « prolétariat » à qui l’on fera miroiter des opportunités d’enrichissement. Les capitalistes contemporains dénoncés pour leur action prédatrice peuvent s’enorgueillir de puiser leur ADN dans cette exploitation éhontée de la misère. La communauté historienne est unanime à considérer que les conditions de vie de ces engagés et de leurs familles n’étaient guère plus enviables que celles des esclaves, à une différence notable : le statut d’homme libre. L’engagisme concerna 1 million 500 personnes dont un tiers vers Maurice. 120 000 travailleurs partirent aussi vers la Réunion et quelques dizaines de milliers vers la Guadeloupe et la Martinique. L’objet de ce livre n’est pourtant pas d’engager un débat mémoriel sur la responsabilité des empires et de leurs descendants. Natacha Appanah s’interroge sur les héritages culturels au sens large, sur les persistances de comportements liés à ce statut d’engagé, sur les conditions de ce déracinement sur les différentes générations. Qu’est-ce que l’on perpétue ? Qu’est-ce que l’on transforme ? Les réflexions de l’auteure, probablement étayées par une importante recherche documentaire ne bascule jamais dans la thèse historique mais s’efforce de maintenir le plus vivant possible le récit de cette transmission familiale. Les passages émouvants se succèdent mais l’espièglerie se niche parfois dans certaines anecdotes. L’écriture cristalline de ce court ouvrage ainsi que l’apport judicieux de photos de famille ou de documents aidant à la compréhension de cet essai, contribuent à l’émotion ressentie. Dans le débat actuel sur l’immigration, ce livre est un élément supplémentaire qui devrait permettre d’éviter les erreurs du passé. La circulation des populations qui cherchent ailleurs des conditions de vie meilleures n’est pas un phénomène contemporain, elle est inévitable et surtout légitime. La vraie question n’est pas de savoir si nous devons ou non accueillir ces femmes et ses hommes mais comment le faire. La mémoire délavée est un vibrant hommage à ces migrants d’hier. Parmi ceux d’aujourd’hui se trouvent sans doute des grands-parents des Natacha Appanah du XXIIème siècle.
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La mémoire délavée

Le livre s’ouvre fort joliment sur un vol d’étourneaux dans le ciel, formant un ballet qui change sans cesse, comme s’ils communiquaient entre eux, peut-être ma mémoire d’une précédente migration. Recherchent-ils la même chose que les hommes sur le chemin des migrations ?



Ce vol d’étourneaux, comme une phrase dans l’esprit, déclenche une réflexion à l’auteure sur ses lointains ancêtres : ses trisaïeuls et leur fils, coolies qui ont quitté leur Inde natale à la recherche d’une vie meilleure. Débarqués à Port-Louis, capitale de l’île Maurice, en 1872, ils sont aussitôt déshumanisés : on leur attribue un numéro 358444, 358445 et 358448 et leur nouvelle vie commence.



"La déshumanisation immédiate due provoque l’attribution d’un numéro à un être humain ne l’échappe pas. C’est un couperet qui marque l’avant et l’après ; c’est une marque au fer rouge qu’on applique, brûlante et grésillante".



On va suivre la famille sur plusieurs générations, au rythme des naissances, mariages, modification du statut, etc. Nathacha Appanah, est née elle-même sur l’île et y a vécu jusqu’à l’âge de six ans.



J’ai beaucoup aimé ce récit, qui nous raconte la dureté de l’exil, la langue que l’on perd en même que l’identité, le dur travail dans les champs de canne à sucre, la dureté des colons. Elle évoque aussi le silence, les anciens parlent peu du pays et de la culture qu’ils ont dû abandonner derrière eux. Peu à peu les souvenirs s’éloignent pour aboutir à ce que Nathacha Appanah appelle fort joliment « la mémoire délavée » et qu’elle tente de restaurer par l’écriture.



J’ai particulièrement aimé les grands-parents de l’auteure, leur opiniâtreté, leur volonté d’avancer, sans courber le dos, ce qui leur vaudra un exil dans un autre village, en particulier la grand-mère qui refuse de déclarer la poliomyélite de son fils, car cela entraînerait une stigmatisation, le soignant avec des plantes, selon sa médecine traditionnelle.



Nathacha Appanah a illustré son récit, avec des photographies, en noir et blanc, de Port-Louis, des bateaux, de la famille.



L’auteure nous raconte l’intime, avec pudeur et poésie, sans qu’on se sente voyeur, on partage son histoire, on imagine la terre de Maurice, les odeurs, et il est difficile, très difficile même de partager son ressenti, tant l’auteure nous donne l’impression que ces lignes sont une longue confidence entre elle et nous.



Je connais un peu l’histoire de l’île Maurice, grâce aux écrits d’un de mes auteurs préférés : J.M.G. Le Clézio, via l’irruption brutale des colons, d’extermination des dodos, mais je ne connaissais pas cet épisode de l’engagement au cours duquel, les coolies sont venus remplacer les esclaves noirs.



J’ai eu beaucoup de plaisir à retrouver la plume de l’auteure que j’ai découverte avec « Tropique de la violence » que j’ai beaucoup aimé.
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Rien ne t'appartient

Un roman sensible et bouleversant, voilà ce que vient de nous offrir Nathacha Appanah avec son tout dernier roman Rien ne t’appartient.



Une femme, sans âge ou presque pourrait- on penser au début, vraiment oui, on s’interroge sur qui elle, d’où elle vient et si surtout elle a bien toute sa tête. Tara semble vivre dans deux mondes, l’un réel bien compliqué à surmonter et l’autre habité de visions, de présences et de souvenirs.



Ce qui est certain c’est qu’elle est plongée dans une détresse terrible, une douleur née de la perte d’Emmanuel, celui qu’elle a aimé comme elle sait aimer : » J’essaie de m’accrocher à Emmanuel, lui seul pouvait me maintenir debout, me garder intacte et préservée ma vie d’avant, mais il n’existe plus. »



« Avec le départ d’Emmanuel, Tara s’en est allée aussi. »



C’est alors l’arrivée un soir, d’ Eli, le fils d’Emmanuel, pour le quel elle s’est imaginée être un fardeau qui va l’a faire réagir.



Mais avant de se présenter au médecin à l’hôpital le lendemain matin, que lui même a prévenu, la nuit va être longue. A l’hôpital » je serai obligée de vivre, et de me soumettre à la remontée de l’oubli, à la résurgence de cette mémoire que j’ai étouffée. Je serai obligée de raconter la vérité à Eli et cela m’est insupportable. »



C’est dans la noirceur de cette nuit trop longue que Tara va nous dévoiler d’où elle est venue un jour .



Rien ne t’appartient est un roman sur l’enfance, et plus précisément, comme le souligne l’auteure, sur ces filles gâchées, comme il en existe dans chaque pays du globe.



Il y a eut l’avant, cette enfance insouciante, » une vie délicieuse, douce, virevoltante et singulière avant que des hommes arrivent et changent le destin de cette famille. »



Une histoire qui tient en haleine qui vous arrache le cœur sur des réalités existantes, bouleversant des destinées aussi vierges que libres…



Libre c’est ce qu’elle croyait être cette enfant, née dans une famille où semble t-il tout pouvait être possible.
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Le ciel par-dessus le toit

Que j’aime l’écriture de Natacha Appanah !

Elle a l’art de mettre de la douceur et de la poésie dans des situations bien noires.

Phénix, ex Eliette, a deux enfants.

Loup, son fils, doux et spécial, est en prison pour avoir fait 700 kilomètres sans permis avec la voiture de sa mère.

Il voulait rejoindre sa sœur Paloma, partie de la maison depuis dix ans.

Chaque personnage a un parcours difficile et traumatisant..

L’empathie du lecteur est en marche.

Malgré ces vies éprouvantes, ce n’est pas une lecture négative.

C’est le troisième roman de Natacha Appanah que je lis.

Il y est toujours question d’adolescences difficiles traitées avec tact et délicatesse.

Les histoires et les personnages y sont à chaque fois complètement différents, et c’est toujours très beau.

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Le ciel par-dessus le toit

Lorsque l'on revient vers un auteur, c'est bon signe. Et le retour , sans être magistral, a été de bonne facture.

Une histoire noire, bien noire. Celle d'une fille qui n’accepte pas l'instrumentalisation que ses parents font d'elle et qui se rebelle à l’extrême. Celle d'une fille qui décidera d'élever différemment ses enfants mais qui pourtant échouera aussi.

Un livre court, noir, dense , teinté d'un rayon de soleil dans une noirceur absolue.

Un livre sur le quotidien de millions de jeunes , déboussolés, en conflit avec leurs parents et qui cherchent à s'en sortir du mieux qu'ils peuvent.

Un moment de lecture qui sans être plus qu'envoutant est émouvant, ancré dans le réel et fait froid dans le dos aux parents .

L'écriture de Natacha Appanah sert merveilleusement cette sombre histoire.
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Tropique de la violence

Entre Marie, une infirmière de la métropole, Moîse, abandonné par sa mère immigrée parce qu'il a des yeux vairons, Bruce, sans papier, caïd violent de Gaza - ce quartier abandonné par les autorités où la survie est plus que précaire, Stéphane le bénévole altruiste d'une ONG et enfin Olivier, le policier témoin impuissant d'une violence toujours sous-jacente...Cinq protagonistes, symboles qui stigmatisent les problématiques de cette île de l'océan indien, qui peut paraître à première vue paradisiaque mais qui se révèle rapidement être une poudrière, tous les trafics, viols, crimes et rackets prospèrent et que les autorités ont du mal à juguler.

Nathacha Appanah offre un récit polyphonique, cinq paroles qui se croisent et qui reconstituent le passé de cinq acteurs et les évènements qui vont aboutir au drame dans cette île de Mayotte, département français, un creuset de peuples, de religions, de pauvreté, une île prête à exploser.

Tropique de la violence est un roman court et percutant qui révèle et dénonce cette situation anachronique et pourtant quotidienne, d'un département français, laissé à l'abandon, malgré les efforts d'une métropole souvent dépassée parce qu'impuissante.
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Tropique de la violence

« Mayotte, c’est la France et ça n’intéresse personne. » Le plus jeune département de France accumule les difficultés économiques et sociales dans l’indifférence la plus totale. Pression migratoire, pauvreté, délinquance illettrisme... Le feu couve sur ce territoire. Alors oui, les îles sont magnifiques et les passionnés de plongée peuvent y explorer le plus beau lagon du monde, mais la carte postale est trompeuse.

Moïse est à l’image de Mayotte. Fils d’une immigrée clandestine, élevé par une infirmière française, son existence repose sur un mensonge et il grandit entre deux mondes : celui des « muzungu », les étrangers, et celui de Gaza, le bidonville sous la coupe de petits caïds. Un accident va précipiter Moïse dans la rue où l’adolescent va rapidement être happé par la violence. Sa mère l'a pressenti : « Le pire est à venir. »

Ce roman pose un éclairage cru sur Mayotte et plus particulièrement sur le sort des mineurs isolés sur ce territoire. Mais « Tropique de la violence » ne se réduit à un simple reportage. Le texte est transcendé par une écriture magnifique qui sait retranscrire les beautés de la nature, des traditions et des croyances mahoraises. Car ici, les forces de l’esprit sont souveraines et prennent parfois la forme de terribles djinns.

Un texte sauvage, tout à la fois beau et terrible.

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La mémoire délavée

Très joli et court roman autobiographique. Le fond de ce récit nous parle de la mémoire, de sa transmission, des zones d'ombres qui existent dans toutes les familles et qui prennent une dimension particulière lorsque l'histoire individuelle rencontre l'histoire tout court. Ici, celle de l'immigration et des déracinements qu'elle entraîne.

L'écriture est belle, tout en retenue et tout en pudeur, un véritable hommage à ses aïeux.

On peut se demander si, pour nos descendants, aujourd'hui, avec les innombrables traces numériques que nous semons partout, il sera plus facile pour eux de tisser les fils de leur histoire ou si, technologie éphémère oblige, leur mémoire aussi sera lavée, délavée, relavée numériquement...
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Le 1 nouvelles - 2017

Ailleurs...Ce mot évoque irrésistiblement pour moi les merveilleux nuages de Baudelaire. Et plutôt que vers un espace géographique lointain, il m'emmène dans les méandres du rêve et de l'imagination.



C'est le mot à partir duquel les différents auteurs réunis dans ce recueil ont écrit une nouvelle ( à l'exception des textes de le Clézio et Orsenna qui proviennent d'oeuvres antérieures). Toutes ces nouvelles ( 11 en tout) m'ont plu, certaines ont bien sûr eu plus de résonance en moi.



Les "rats de rue" de le Clézio, enfants mexicains passant la frontière par les égouts , nous serrent le coeur. En écho, " La jetée", de Nathacha Appanah présente de façon sensible le destin cruel de jeunes pauvres, dans un pays indéterminé, dont le seul moment de joie est leurs retrouvailles sur la jetée, leur ailleurs.



Deux autres textes ont capté particulièrement mon attention : tout d'abord, la très émouvante " fin de l'insouciance" de Karine Tuil, où elle trace avec amour le portrait de son père, disparu justement après la publication de son livre " L'insouciance" . Et la magnifique rencontre du personnage féminin de Catherine Poulain avec un chevreuil, au sein de la forêt canadienne.



Lydie Salvayre et Véronique Obaldé n'ont pas , à proprement parlé, écrit une nouvelle, ce sont plus des réflexions, fort intéressantes, sur cet écartèlement ambivalent entre la recherche d'un ailleurs et la volonté de rester ici.



Véronique Obaldé note:" Ailleurs, pour moi, depuis l'enfance, c'est l'autre nom du désir et du rêve ". Je suis assez proche de cette définition. Et pour vous, qu'est-ce que l'ailleurs?
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Rien ne t'appartient

« Parce que c’était un homme qui était amoureux de moi, il croyait en la douceur de ce que je lui racontais, il ne remettait jamais en question les couleurs, les parfums, les images et à le sentir apaisé tel un enfant à qui on raconte une histoire merveilleuse, j’oubliais aussi que mes mots étaient fabrication, que la tendresse de ce paysage que je lui dessinais était un leurre. »



Tara est une jeune femme asiatique qui a épousé un européen, Emmanuel, un médecin beaucoup plus âgé qu’elle. Le début du roman la voit perdre complètement pied, entre hallucinations et angoisses. Emmanuel est mort depuis trois mois. Ses vestiges de souvenirs la ramènent à une époque où, jeune fille, elle portait un autre prénom. Son histoire, que le lecteur découvrira peu à peu, est terrible et son sentiment de culpabilité écrasant.



Nathacha Appanah m’a une fois de plus convaincu de son grand talent de romancière dans ce nouveau livre. Son écriture est magnifique, elle demande de l’attention mais reste toujours intelligible malgré ses ellipses. Patience : tout sera révélé en temps et heure…

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La mémoire délavée

Coolies.



Nathacha Appanah retrace l'histoire de ses ancêtres. Ceux-ci sont partis d'un village d'Inde en 1872 pour rejoindre l'île Maurice.



De tous temps des migrations ont eu lieu. Mais certaines demeurent encore aujourd'hui méconnues. C'est le cas de celle des coolies. A la fin du XIXe siècle de nombreux Indiens se portent volontaires pour aller travailler dans les colonies britanniques dont l'île Maurice. Venus chercher de meilleures conditions de vies, ils auront des conditions de travail proche de l'esclavage.



Nathacha Appanah est une descendante de coolies. D'après la légende familiale, il s'agirait de son arrière-grand-père. Mais en remontant les archives, elle découvre qu'il s'agit en réalité de son trisaïeul. L'autrice tente de reconstituer sa vie avec les maigres éléments dont elle dispose.



Peu à peu, en arrivant à son grand-père, les suppositions font place aux anecdotes. Les mystérieux aïeuls font place à la figure reconnue et respectée du grand-père. Faisant d'abord sortir les coolies de l'ombre, le récit devient un hommage à cet homme qui s'est battu pour sortir de sa condition de laboureur.



Les grands-parents de Nathacha Appanah étaient les derniers a avoir des souvenirs et partager la culture de ces immigrés Indiens. Les générations suivantes sont sorties des champs de canne à sucre et de la culture hindoue. Il fallait s'émanciper de cet héritage pour s'élever socialement.

La plume délicate de Nathacha Appanah permet une immersion totale dans l'histoire de sa famille. Celle-ci donne parfois des envies de révolte, mais avant tout nous émeut.



Bref, Nathacha Appanah a su rendre un émouvant et vibrant hommage à ses ancêtres.



Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices ELLE 2024.
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Le dernier frère

Raj, devenu très vieux, se souvient d’un épisode marquant de son enfance. A 10 ans, en 1945, il perd ses deux frères dans un cyclone puis déménage vers la ville où son père, ancien coupeur de cannes, devient garde-chiourme. C’est l’occasion de découvrir un pan douloureux de l’histoire de l’île Maurice, illuminé par une fugace mais belle amitié entre deux jeunes garçons qui n’avaient rien en commun, même pas la langue. Amitié d’autant plus belle qu’elle relève de l’improbable. C’est aussi un livre sur le deuil, sur la violence, sur le sentiment de culpabilité éprouvé par Raj enfant et dont l’adulte qu’il est devenu ne s’est pas débarrassé. L’écriture de Nathacha Appanah est prenante, elle nous immerge dans les lieux où se passent les événements, elle se fait délicate et douce comme le souvenir pour nous raconter une histoire pourtant très sombre. C’est le quatrième livre que je lis de cet auteur en un an, je crois bien qu’elle est en train de devenir mon auteur contemporain préféré.
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Rien ne t'appartient

J'ai failli abandonner ce roman au vu des premières pages: un style, une entrée en matière sur une femme en état de choc qui ont agi sur moi comme un repoussoir.

Et puis vient l'histoire de Tara, la femme traumatisée. Et là l'écriture que je trouvais repoussante fait son travail d'envoûtement, là la posture que j'avais trouvée outrancière trouve son sens, le personnage se met à vivre dans une réalité d'un autre monde, traumatique, avilissante, désespérée, et je n'ai plus lâché le livre jusqu'à la libération finale.

Une belle surprise, en somme, qui m'a fait dérailler de mon confort de lecture et découvrir une auteure à relire, peut-être.
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La mémoire délavée

La mémoire délavée n'est pas un roman, précise Nathacha Appanah, c'est un récit poignant sur la vie de ses grands-parents "au départ". Son intention était de leur rendre hommage en racontant leur vie et en même temps la traversée d'un siècle et l'histoire d'un exil.



Les souvenirs, les histoires, les anecdotes se transmettent oralement de génération en génération, mais finissent par s'étioler au fil du temps. Que reste-t-il des racines familiales ? Que choisit-on de retenir ?

Les grands-parents de l'autrice sont issus d'une migration forcée vers l'Ile Maurice, leurs ancêtres étaient des "engagés" autrement appelés "coolies". Venant d'une région pauvre de l'Inde, ils avaient été recrutés habilement pour compenser le manque de main d'oeuvre dans les exploitations sucrières après l'abolition de l'esclavage. Ces engagés indiens étaient donc destinés à remplacer les esclaves africains dans les plantations de cannes à sucre. Il leur avait été promis une vie meilleure, ils étaient volontaires, mais ce sont des conditions de vie précaires , des journées de travail longues et harassantes qui les attendaient. de surcroit, dès leur arrivée il leur était attribué un numéro, sorte de matricule à ne jamais oublier mais qui contribuait à une déshumanisation scandaleuse.



Avec simplicité, pudeur et fidélité, Nathacha Appana raconte ses propres souvenirs et ceux de ses grands-parents, ceux qu'ils lui ont transmis. Pendant son enfance, elle habitait dans leur maison, dans un monde prêt à disparaître, balloté entre traditions indiennes, intégration et modernité. Malgré ses racines, son grand-père fort mais effacé, souvent en retrait, se sentait mauricien. L'autrice a longuement mûri son récit, elle raconte des fait et des événements avec ses yeux d'adulte, en prenant du recul, mais elle fait également parler la mémoire de la petite fille qu'elle était. On sent chez elle beaucoup de tendresse et de délicatesse pour ses aïeux.



J'ai été touchée par cette quête mémorielle, cette histoire aussi bien familiale que collective. L'écriture est fluide, belle et didactique et les illustrations, photos, gravures anciennes, dessins ajoutent un plus non négligeable à l'histoire.



Le récit s'ouvre sur l'image d'un vol d'étourneaux. Chaque année, ces oiseaux parfaitement organisés, empruntent comme les hommes, des couloirs de migration, suivant on ne sait quel vent favorable pour trouver plus de nourriture et de chaleur.

Quelle jolie métaphore pour évoquer les déplacements et l'exil des populations !



#Challenge Riquiqui 2024











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Rien ne t'appartient

Tara perd pied. Elle a des hallucinations : « le garçon », toujours le même, lui apparaît régulièrement, dans la rue, chez elle. Il ne semble pas menaçant, mais elle a peur. Elle ne s'occupe plus de l'appartement ni d'elle-même. Emmanuel, son mari, médecin, est mort depuis trois mois, subitement, sur le canapé. Rien ne va plus pour Tara qui se laisse submerger, et pas seulement par le chagrin. Eli, son beau-fils, pas beaucoup plus jeune qu'elle, panique quand, prévenu de l'absence de Tara par son employeur, il lui rend visite et constate le chaos.

***

Natacha Appanah divise ce beau et bref roman en deux parties, on pourrait sans doute dire trois, en fait. La première partie est intitulée Tara et raconte en quatre chapitres la perte de repères de la jeune femme dont le mari vient de mourir et qui, dans une grande confusion, commence à subir les assauts d'un passé occulté. La deuxième partie, titrée Vijaya, nous transporte dans un pays d'Asie, pendant sa jeunesse, des chapitres 5 à 16, et raconte la genèse de cette histoire. Un dernier bref chapitre non numéroté et titré Eli clôt ce tragique récit. Bizarrement, je voulais absolument savoir d'où était originaire cette femme, où elle avait bien pu traverser ces épreuves. J'ai pensé au Sri Lanka, pas en raison des répressions politiques, mais à cause du supplice du pneu puisque cette ignominie y a été pratiquée. Le lieu n'a bien sûr aucune importance. J'ai trouvé particulièrement réussie la première partie de ce roman et j'ai apprécié de nombreux passages de la deuxième. L'affolement de Tara, ses hésitations, la naïveté de l'adolescente, la confiance qu'elle continue à accorder avant de se protéger m'ont touchée. le style de l'autrice, à la fois simple, précis, musical et parfois poétique m'a, par moment, comblée. Mais rien ne sera épargné à l'enfant, à l'adolescente, ni à la jeune femme jusqu'à sa rencontre avec Emmanuel. Et même là, ce sera un répit de courte durée. Cette surenchère dans le drame a fini par me le rendre surfait ; ce ne sera pas un de mes coups de coeur…

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Le ciel par-dessus le toit

♫ T'es comme un chat triste perdu sur la liste

Des objets trouvés

La nuit carcérale, tombant sur les dalles

Et ce lit glacé

Aller et venir, soleil et sourire

Sont d'l'autre côté

Ces murs, ces grillages, ces portes et ces cages

Ces couloirs, ces clés

Cette solitude, si dure et si rude

Qu'on peut la toucher

[…]

Je te donne ma force, mes mots et mes notes

Pour te réchauffer

Je hais la morale, les prisons centrales

Les maisons d'arrêt

Je n'ai pas sommeil, je fume et je veille

Et j'ai composé

Une chanson d'amour, une chanson-secours

Pour l'autre côté

Pour ceux que l'on jette, dans les oubliettes

Dans l'obscurité

Pendant qu'les gens dorment, au fond du conforme

Sans se réveiller ♫

(Bernard Lavilliers – Betty)



Bon ben je pense à cette très belle chanson de Nanard sur une pauv’ ptite tôlarde, mais en fait c’est un peu hors propos, comme d’ailleurs le titre sublime de ce roman, tiré d’un poème de Verlaine. Non vraiment il n’est pas beaucoup question ici de ces gosses qu’on enferme dans nos prisons, et c’est bien dommage parce que je pense que c’est un excellent sujet de roman.



D’ailleurs je me suis interrogé sur le sujet véritable de ce roman. La difficulté d’être parent ? La difficulté d’être l’enfant de ses parents, peu importe qui ils sont ? Les secrets de famille, dont les enfants de Phénix pressentent la douleur et la sauvagerie, et qui risquent de leur exploser à la figure s’ils s’approchent trop du gouffre qui se trouve là dans le jardin, dans le cœur de leur mère ?



Ou peut-être que l’auteure veut nous parler de la nécessité essentielle des gestes de tendresse et d’amour ? Ou plus simplement de solitude … car ce qui m’a surtout marqué dans ce roman c’est l’immense solitude des protagonistes, une solitude délicatement décrite, depuis celle qu’on peut éprouver au sein de sa propre famille ou même de son couple jusqu’à celle tout aussi douloureuse de ce médecin âgé qui se demande s’il a, ne serait-ce qu’une fois, soulagé par autre chose que des calmants la douleur insondable de l’âme…



Cela reste malgré tout un véritable plaisir de retrouver la très belle écriture d’Appanah, toute en pudeur, qui décrit si bien nos fêlures. Et je me réjouis déjà des autres romans qui m’attendent.
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Tropique de la violence

Moïse, un prénom à être sauvé des eaux...ou pas.



Là bas, dans les Comores, l'île française attire nombre de migrants comme en Guyane ou aux Antilles , un bout de la France c'est mieux que rien . C'est dans ces bateaux de migrants qu'est arrivée la mère d'un enfant aux yeux vairons, ces yeux du diable en occident, du djinn ici, un enfant donc effrayant dont il faut se séparer. Ca tombe bien Marie L infirmière est en mal d'enfant, seule, perdue dans sa vie, cet enfant elle l'attendait depuis longtemps. Alors pendant un temps Moise est sauvé. L'adolescence lui fait basculer tout . Sa vie s'est mise à vaciller et la mort de Marie l'a plongé dans un autre monde. Ce monde c'est celui des enfants miséreux, perdus, violents, camés, monde dans lequel Moïse va sombrer .



Ce roman est très beau même s'il est d'une très grande tristesse, si peu d'espoir, pas d'espoir du tout d'ailleurs, un lourd et noir constat sur la situation. Je ne m'attendais pas à une île paradisiaque mais j'ai été très surprise de la violence et du désespoir décrit.
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Le ciel par-dessus le toit

Je découvre l'auteure avec ce petit roman de 125 pages, qui m'a fait une forte impression. La plume est originale, délicate, différente et m'a enchantée.



Quand on a 17 ans, un séjour en maison de redressement, si court soit-il, est vécu comme une coupure, une incompréhension. Les barreaux aux fenêtres, les horaires, les cris, les promenades obligatoires dans la cour ne sont que sources de peur. Loup n'était pourtant porté que par l'espoir de revoir sa soeur, Paloma.



C'est l'histoire d'une petite fille si jolie, de son chant aussi beau que celui d'un rossignol, que tous les adultes l'enviaient. Cette petite, devenue mère à son tour.



Souffrance, incapacité de mettre des mots sur les maux.



Comment un si petit livre peut-il être autant chargé d'émotions ? C'est tout le talent de Nathacha Appanah que je vais très certainement continuer à découvrir.

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Tropique de la violence

J'ai bientôt 33 ans et je suis stérile, Cham m'a quittée, et pourtant à ce moment là, il faut me croire, je suis maman d'un garcon appelé Moïse,  Mo par qui on découvre le dur 'Gaza' des clandestins de Mayotte, pauvre et violent avec la règle du plus fort et son chef Bruce.



Et le style aussi est vif, fort, violent.
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