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Critiques de Nathacha Appanah (1035)
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La noce d'Anna

Merci Canel, merci Rabanne, merci Latina! Voilà un livre que je ne suis pas près d'oublier!



Il m'a cueillie à froid,- et toc! touchée, coulée- dans le petit défaut que j'ai - que nous avons toutes, dans la cuirasse bien matelassée, bien policée, derrière laquelle nous nous abritons.



Il est aller frapper ce point sensible, ce point fragile, toujours prêt à saigner, à s' irriter, à se rappeler à nous au moment où nous y pensons le moins: notre maternité, toujours en alerte, toujours éveillée, dans notre quotidien parfois si engourdi.



La narratrice, écrivain, lyonnaise d'origine mauricienne - comme l'auteure- marie sa fille, Anna, qu'elle a eue très jeune, et élevée seule.



Mère et fille sont radicalement différentes: la fille est posée, organisée, éprise de respectabilité et de sérénité. La mère est plus fragile, fantasque, solitaire, pleine de doutes et de questions, habitée par les personnages de ses romans.



Le jour des noces d'Anna, événement managé comme un séminaire d'entreprise, est une double épreuve pour Sonia: elle craint de décevoir sa fille dont elle perçoit l'appréhension à son égard, et elle a le sentiment qu'avec ce mariage, elle la perd et que se creuse de façon inéluctable le fossé de leurs différences, voire de leurs différends.



Rien de bien original, me direz-vous..Et pourtant si: presque jamais on n'est dans le lieu commun. Sonia, sans se départir d'un amour inconditionnel pour sa fille dit toutes les difficultés, les ambiguïtés des mères avec leur fille.



Un sentiment d'ancrage dans la vie d'une force et d'une évidence renversantes, mais aussi un sentiment de déréliction, d'effroi, l'impression que quoi qu'on fasse, on fera tout mal, que, de quelque façon qu'on aime , on n'aimera jamais comme il faut. Et l'impression dérangeante de devenir la fille de notre fille quand celle-ci devient femme, gagne son indépendance, comme si la maternité s'inversait, remplissant alors nos coeurs d'une espèce de maladresse et de timidité , devant ce rôle à contre-emploi!...



J'ai été une très jeune mère et ma fille a été mon passeport pour une autre vie, un autre pays. Elle a été mon est et mon ouest, comme dit le poète, et pourtant, souvent, j'avais l'impression...de perdre le nord, d'être dans un rôle que j'assumais trop tôt, dont je m'acquittais mal. Ma fille est très différente de moi, et parfois cela m'inquiète, comme si elle s'était défendue de me ressembler. Nous nous voyons peu -je connais des mères et des filles incroyablement symbiotiques, et parfois je les envie- pourtant il y a entre nous une complicité, une intimité intenses. Un regard, un rire, un livre entre nous, et tout est dit, rien ne manque, tout se renoue. Tout existe.



C'est ce mélange paradoxal de fragilité et de force que j'ai retrouvé dans le beau livre de Nathacha Appanah.



Je crois qu'aux moments de doute et d'inquiétude- cette "crainte" inhérente au sentiment de maternité dont parle si bien l'auteur- , je viendrai , souvent, relire certains passages de la Noce d'Anna, pour partager avec Sonia-Nathacha méfiance et douleur - et retrouver avec elle confiance et joie!
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Tropique de la violence

“Tropique de la violence”, sixième roman de Natacha Appanah est un roman dur, très dur. L’auteur nous entraine en enfer et cet enfer s’appelle Mayotte et c’est en France.



Mayotte est une petite île dans l’archipel des Comores dans l’océan Indien. Mais Mayotte ce n’est pas une île paradisiaque avec des cocotiers et des plages de sable blanc. Non ! Mayotte c’est une île ou la pauvreté, la délinquance, l’immigration massive, le chômage sont le quotidien de la population locale.



C’est à travers cinq personnages qu’on plonge dans l’enfer de Mayotte : Marie, une infirmière venue du continent après son mariage avec un Mahorais. Moïse, le fils adoptif de Marie qui a été abandonné à sa naissance parce qu’il a les yeux vairons. Bruce, le caïd qui règne sur le bidonville. Olivier, le gendarme et Stéphane un jeune qui travaille pour une ONG.



Moïse qui a été recueilli à sa naissance par Marie, une infirmière française, est le fils d’une clandestine venue des Comores et qui l’a abandonné en raison d’une superstition qui considère les personnes avec les yeux vairons des créatures maléfiques. Élevé dans l’amour, sa vie bascule lorsque Marie meurt d’un AVC. Après avoir erré pendant plusieurs jours dans les rues, il commence à fréquenter Bruce et ses acolytes. Il s’enfonce dans le monde de la violence, de la drogue, des exactions et des viols du bidonville. Jusqu’au jour où Moïse commettra l’irréparable, un meurtre.



Dans un rythme rapide, fait de longues phrases sans ponctuations, Nathacha Appanah nous offre un récit assez court qui vous accroche et qui arrive à vous bouleverser. La tension monte petit à petit mais il reste toujours une certaine douceur dans le texte. A lire absolument.

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Rien ne t'appartient

J'avais déjà lu quelques-uns des romans de Nathacha Appanah comme « le ciel par-dessus le toit » ou encore « En attendant demain » et apprécié l'écriture singulière et intimiste de cette autrice mauricienne. Je remercie les éditions Gallimard et Babelio pour la découverte de son dernier roman.

Depuis la mort d'Emmanuel son mari, Tara se laisse engloutir par la tristesse et la solitude au milieu d'un appartement qu'elle n'a plus le courage de tenir en ordre. Et puis il y a cet étrange garçon qui s'invite chez elle, réminiscence d'un passé qu'elle croyait à jamais enfoui dans les tréfonds de sa mémoire.

« Est-ce possible que ce ne soit pas de lui que j'ai peur mais de ce qui va surgir, tout à l'heure, ce soir, cette nuit ? »

Elle pensait pourtant l'avoir oubliée cette fille qui se nommait alors Vijaya et apprenait à danser le bharatanatyam, c'était un autre temps, celui de l'enfance et de l'insouciance. Et puis il y a tous ces drames qui la rendent muette et sauvage, elle est celle que les enfants appellent » chien méchant ».

« Elle pointe un doigt vers moi et dit, Rien ne t'appartient ici » C'est ainsi qu'Amma accueille la fille gâchée au refuge des filles abandonnées. La vie y est rude et sans tendresse. Sauf peut-être l'amour confiant que lui porte cette nouvelle pensionnaire si frêle.

Il faudra un tsunami pour que la vie de l'héroïne bascule et qu'elle devienne Tara après sa rencontre avec Emmanuel, le médecin qui la soigne.

Avec ses ellipses narratives, ce récit est d'une grande sensibilité. le deuil sera ce catalyseur pour que Tara retrouve soudain son histoire et son ancien nom : Vijaya. On recueille ses confidences et, peu à peu, on voit apparaitre la fille d'autrefois. Tara affronte avec obstination les ombres de son passé et revit les drames qui ont saccagé son enfance heureuse et jalonné son existence.

J'ai été littéralement agrippée par cette histoire touchante et violente, histoire intime d'une femme courageuse, histoire magnifiée par l'écriture sobre et poétique de Nathacha Appanah.





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La noce d'Anna

Sonia a quitté l'île Maurice, très jeune attirée par la vie sur le continent et ce, grâce ou à cause de ses nombreuses lectures.

Elle vit une histoire d'amour en Angleterre avec Matthew pendant 6 mois mais celui-ci doit partir au loin pour son métier.

Rentrée en France, elle est enceinte et élèvera sa fille Anna seule. Elle est correctrice dans un magazine féminin et écrit des romans.

Anna a 23 ans, Sonia 42, elles s'apprêtent à vivre un grand jour.

Anna se marie et pour elle c'est très important de tout effectuer dans les convenances. Elle dirige donc cette journée en guidant sa maman pour que celle-ci rentre bien dans les conventions.

L'essentiel du roman est centré sur cette grande journée.

Sonia sent que sa fille s'envole alors qu'elle a toujours vécu pour elle et avec elle car on sent que leur relation est belle. Anna est pleine d'attentions douces pour sa maman.

Sonia se pose des questions sur sa vie de femme si loin des clichés traditionnels. Elle est triste, émet intérieurement des regrets.

Elle trouve d'ailleurs une solution momentanée...revigorante, rassurante.

Un très beau roman, livré avec une écriture magnifique par Natacha Appanah que j'avais lu dans "Tropiques de la violence".

Je dois cette lecture précieuse aux appréciations de Latina, Rabanne et Canel et je les remercie à fond.







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La mémoire délavée

Le drame et la grâce



Des photos de ballets d'étourneaux, images poétiques évoquant la migration,la transhumance organisée,l'histoire de ces coolies qui ont remplacé les esclaves noirs dans les champs de canne après l'abolition de l'esclavage. C'est ainsi qu'ont débarqué les ancêtres de Natacha Appanah dans une île à sucre,l'île Maurice. Ils portent des numéros et passeront toute leur vie dans la plantation,lieu d'asservissement du pouvoir colonial en place.Un monde oublié qui renaît par fragments, un statut figé,une mémoire délavée par le temps.

En évoquant cet exil volontaire, ces générations d'hommes et de femmes analphabètes mais riches de leurs traditions et de leurs croyances, l'écrivaine veut redonner une juste place aux siens et cherche ce qui est enfoui en questionnant ses grands-parents. D'une plume sensible,délicate et aimante,elle parle de ces vies minuscules qui ont ouvert la voie à une descendance qui a su voler vers d'autres horizons grâce à leur force et à leur courage. A travers les gravures et photos qui parsèment le champ des mots,on découvre,le coeur serré,ce qui fait une vie et comment le passé conditionne le futur.Un très beau récit dans la collection Traits et portraits.
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Tropique de la violence

Il est 1h45 et à cause de vous Nathacha, je ne parviens pas à fermer l'oeil, j'ai devant moi les images bien trop vibrantes de haine et de violence que vous avez déchainées dans ces tropiques.

En revanche, je vous rends grâce de m'avoir ouvert les yeux sur une réalité bien trop criante mais souvent enfouie sous le tapis de la république, poussière dans l'ouragan de l'actualité.

Je n'ai plus les mots, vous les avez tous pris pour dire l'innommable.

A cause de votre roman, j'ai touché l'intouchable, j'ai sondé l'insondable.

Malgré la beauté du paysage, la clarté du bleu irréel de l'océan et la majesté des fleurs, j'ai matérialisé la férocité et le dénuement ultime du cent-unième département de France : Mayotte.



Moïse aurait pu s'en sortir, aurait dû s'en sortir. J'ai supplié pour qu'il s'en sorte. Dans la barbe de mon visage glabre j'ai ronchonné devant tant d'injustice, d'abus, d'excès.

C'est joué d'avance, c'est nul. Je m'indigne.

Et puis, c'est tellement bien écrit que ce gosse m'émeut. J'ai envie de me battre, comme lui.

Les pourrir ces petits enfoirés du mal, de la traitrise, prêt à n'importe quelle cruauté sur des gamins de huit ans pour régner sur une montagne de fanges.

Tu enrages de savoir que rien ni personne ne pourra s'interposer pour arrêter ces hémorragies humaines. Pas même les ONG présentes sur le terrain qui projettent des films de Batman et qui construisent des tables de ping-pong pour que les jeunes s'intéressent, se divertissent alors qu'ils s'entretuent juste pour jeuner un peu moins qu'hier.

Comme j'étais déjà bien chauffé par ce bouquin que je venais de poser, je décide de faire un « break » devant les infos à la télé, je m'arrête sur un reportage totalement étranger au phénomène mais qui m'a interpellé, je vous le donne en exemple : La pénurie de profs. Rentrée scolaire oblige : « Cette année il manque des profs, nous ne savons pas comment faire…Patati, patata ».

Juste après, images d'archives de 1978 où M.Chirac s'indigne : « nous allons endiguer le phénomène, il est hors de question de laisser perdurer… » Seulement 44 ans que cela dure !

Rien de comparable, mais édifiant. On n'a donc pas fini de voir s'étendre le bidonville appelé Gaza aux portes de Mamoudzou.

« Les mensonges et les rêves n'existent plus. Seuls subsistent la vie et l'enfer des autres. »

Bon, il faut que je me calme, c'est pas bon pour ce que j'ai.



J'ai pas besoin de vous écrire que ce roman m'a plu, il est topissime dans le genre. Il y a un peu de Norek dans la jungle de Calais de « Entre deux mondes » mais avec les mots d'une femme, carrément plus caressant, plus maman de ce pauvre gamin de nulle part qui est venu s'échouer dans un département français « carte postales pour touristes » où il fait bon sentir les fleurs exotiques.

Mais attention, certaines puent.







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Tropique de la violence

Soufflée! Soufflée par la force, la rage, la violence et la poésie de ce roman!

Je redoutais cette lecture mais les premiers mots m'ont fait comprendre que ce serait un grand livre:

"Il faut me croire. De là où je vous parle, les mensonges et les faux-semblants ne servent à rien.Quand je regarde le fond de la mer, je vois des hommes et des femmes nager avec des dugongs et des coelacanthes, je vois des rêves accrochés aux algues et des bébés dormir au creux des bénitiers. De là où je vous parle, ce payx ressemble à une poussière incandescente et je sais qu'il suffira d'un rien pour qu'il s'embrase." Quelle beauté, quelle écriture!



C'est un roman à plusieurs voix: Marie, jeune Française qui adopte Moïse, bébé abandonné parce qu'il a un oeil vert, l'oeil du djinn. Moïse lui-même. Bruce, chef de Gaza, bidonville de Mayotte, que Moïse rencontrera lorsqu'il se retrouvera orphelin et qui provoquera l'enfer et le drame autour duquel tourne le récit. Trois voix, parmi d'autres, pour raconter la misère et la violence qui sévit dans ce 101ème département français car oui, nous sommes en France. 3000 mineurs isolés vivant en pleine nature, des dizaines de milliers de migrants, refoulés. Deux fois trop de monde pour ce que les infrastructures peuvent accepter. Et les Blancs, les touristes ou les membres des ONG, décalés, qui ignorent la situation réelle. Moïse passera du paradis blanc à l'enfer noir et sera sacrifié à la révolte qui gronde.

Nathacha Appanah a choisi la poésie et la parole des morts pour écrire la réalité de Mayotte. Les phrases sont percutantes, directes et en même temps touchantes. On s'attacherait presque à Bruce, s'il ne devenait pas ce monstre, mais en réalité il représente une violence moderne née d'un contexte social, et des Bruce, il y en a dans toutes ces villes gangrenées.

Ce roman m'a ouvert les yeux sur la situation à Mayotte et les îles qui l'entourent et je n'oublierai pas ce récit profond et bouleversant.

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Tropique de la violence

Le roman de Natacha Appanah Tropique de la violence paru en 2016 fait écho à une actualité récente et il était en quelque sort prémonitoire. C'est à une plongée dans l'enfer de Mayotte que l'auteure nous convie à travers un roman choral où les narrateurs et la narratrice vont nous raconter par scènes fragmentées, les différents épisodes conduisant au drame final.

L'histoire commence plutôt bien : Marie, infirmière métropolitaine venue à Mayotte par amour, est consumée par un "mal d'enfant" qui va trouver une issue lorsqu'elle va en quelque sorte "adopter" Moïse, un bébé débarqué avec sa mère sur la plage de Bandrakouni. Il est abandonné par cette dernière parce qu'il a "l'oeil du djinn" c'est-à-dire, en termes médicaux qu'il souffre d'hétérochromie. Mais le conte de fée va tourner au cauchemar lorsque Marie décède, victime d'un AVC, laissant derrière elle Moïse seul et désemparé.

Ce qui m'a marquée dans le contexte social de l'histoire ce sont moins tant les faits, désormais connus en raison de l'actualité récente, que les détails relatifs aux conditions de vie des personnages et qui sont narrés avec un réalisme cru qui fait mouche. J'ai quasiment senti sous mes pas la fange pestilentielle sur laquelle Moïse doit marcher lorsqu'il rejoint le bidonville de Kaweni, surnommé, à juste titre, le Gaza de Mayotte. J'ai été assaillie tout comme lui par la multitude de bruits hétéroclites et discordants qui se font la guerre tout comme les habitants de ce bidonville... J'ai aimé aussi plus que les faits factuels rapportés par l'auteure, les belles envolées lyriques qui laissent place à la colère et l'indignation qui l'animent devant cette "bombe à retardement" qu'est Mayotte et dont personne ne veut vraiment prendre la mesure...

Cependant la succession de narrateurs et d'une narratrice, chacune ou chacun porteuse ou porteur d'un élément de l'histoire n'a pas toujours eu pour moi le même pouvoir d'évocation. Le personnage de Marie est resté un peu flou en raison peut-être de la rapidité avec laquelle certains moments de sa vie sont passés à l'accéléré. De même j'ai trop souvent entendu, jusqu'au milieu du récit, la voix de l'auteure, à la place de celle de Moïse, le personnage central qui ne va prendre de l'épaisseur qu'à partir de la découverte du cadavre de son chien, Bosco, tué par la bande de Bruce, le chef de Gaza. Un point de bascule dans le comportement de ce jeune garçon. On entend alors la voix de l'adolescent de quinze ans, au bord du gouffre : un mélange de désespoir, de perte d'estime de soi, de dureté envers soi-même et les autres. Et il acquiert à la fin du roman une dimension quasi tragique avec la terrible lucidité qui lui entrevoir le drame qui va être le sien.

Le personnage qui en fait m'a le plus marquée est Bruce, le roi de Gaza et le mauvais ange de Moïse. L'auteure a trouvé la voix qu'il fallait pour évoquer sa complexité : un mélange indissociable de crédulité aveugle envers les coutumes ancestrales et les superstitions et d'intelligence pragmatique associée à une rouerie qui font de lui un véritable chef mafieux, régnant sans partage sur ce bidonville où croupissent les clandestins.

La dernière partie du récit est ponctuée de scènes fortes par leur violence ou leur densité dramatique qu'il s'agisse du viol de Moïse, du combat de mourengué -combat ancestral à mains nues- ou de la révolte des enfants de Kiwani, on est en complète osmose avec ce qui se passe et "accroché" à la plume de l'auteure qui trouve son souffle véritable. Tout comme dans la superbe scène finale qui fait que je reste sur une bonne impression en tournant la dernière page de de roman...
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Rien ne t'appartient

Tara est en état de sidération. Son mari Emmanuel est mort et depuis elle n’arrive plus à faire face. La pluie tombe sans discontinuer et elle passe ses journées dans une sorte de léthargie avec des visions qui l’empêchent de faire face au quotidien. Son appartement devient un cloaque, sent mauvais et Tara oublie les notions d’hygiène y compris pour elle-même. Elle ne vit qu’avec ce garçon qui apparaît, ombre d’un autre temps, qu’elle ne reconnaît pas. Elle sent la fureur dans son corps mais les souvenirs ne viennent pas. Eli, le fils d’Emmanuel, va essayer de l’aider, en vain. Fin de la première partie.



Vijaya est une petite fille docile, vivant confortablement avec ses parents. Heureuse, éduquée par son père qui ne veut pas qu’elle aille à l’école du village, elle grandit dans une famille atypique et dangereuse sans le savoir. Sa mère possède des pouvoirs de sorcière et Vijaya est éloignée quand cela arrive. Son père est un opposant politique. Elle est également maternée par deux domestiques, Aya et Roy. La vie est douce jusqu’au drame. Ensuite rien ne sera pareil. De la douceur de la vie aux drames successifs, Vijaya va tenter de survivre sans trop se poser de questions.



Pourquoi n'apprend-on pas aux filles qu’on peut devenir une fille gâchée par trop de sensualité ?



Cette lecture est déroutante, sensuelle, bouleversante. La première partie est écrite dans une violence retenue qui explose dans la deuxième partie, l’autrice maîtrise très bien l’art de cette violence avec les mots choisis, les ambiances troublantes. Un être humain est capable d’enfouir n’importe quel choc émotionnel violent, pendant des années, des décennies. Puis le traumatisme revient, vomi, dans des spasmes insurmontables et il faut lui survivre… ou pas.



Du grand art.




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Rien ne t'appartient

« Personne ne m'a dit : profite de ce ciel, de cette terre, de cette eau pendant qu'il est encore temps. Vautre-toi dedans, plonge, avale, étouffe-toi avec un peu, bientôt ce sera fini, bientôt tu sauras ce que c'est, une fille de ce pays »

Entre la femme endeuillée du début du livre et la fille de ce pays, il y a 20 ans et toute une vie, un continent et des souvenirs. Trop de souvenirs que Tara ne veut pas voir remonter à la surface. Trop de pensées qui l’accaparent. Un passé qu’elle ne veut pas voir refluer. Mais comment lutter ?

Un magnifique roman sur le deuil, l’oubli, l’enfance, porté par une plume charnelle, dansante, comme la petite fille de l’histoire. Un texte qui vous emporte. bouleverse. révolte. submerge. Un texte terriblement poignant. Tout simplement superbe !
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Tropique de la violence

Je reviens du bout du monde, d’un bout de France bien loin de Paris. Je suis allée souffrir à Mayotte…



C’est une lecture qui dérange, un roman qui éclabousse d’un jaillissement d’émotions brutales : des migrants sur de frêles esquifs, des gosses des rues, des adolescents sans espoir, une misère humaine insupportable.



La narration emprunte tour à tour les voix des différents personnages. On accompagne Marie, une blanche infirmière française, Moïse, le Mahorais aux yeux vairons, enfant des îles qui sera happé par le tourbillon de la violence et de la mort, mais aussi Bruce, le chef de gang de Gaza, le bidonville de Kaweni, ainsi qu’un coopérant venu créer une maison des jeunes et même un policier impuissant devant le drame.



De cet endroit dont je n’avais jamais entendu parler, de ce paradis que j’aurais aimé parcourir pour sa beauté tropicale, je garderai un souvenir qui ressemblera à une cicatrice…

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En attendant demain

Le texte parle de déracinement, de deuil, d'illusions perdues, le ressenti d'être « différent » puisque noir, la routine qui guette chaque couple. Nathacha Appanah le fait avec pudeur, sa prose est belle. Elle décortique avec justesse nos petits arrangements secrets, nos désillusions cachées, nos blessures que l'on garde comme des faiblesses. Il y a un certain fatalisme aussi qui prend corps dans ces portraits. On peut être (un peu) moins convaincu par le drame qui va frapper ces personnages, mais force est de reconnaître que Nathacha Appanah mérite plus d'éloges que de reproches. Une histoire d'amour belle et triste à la fois. Une bien jolie plume aussi.

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Le ciel par-dessus le toit

Le ciel derrière les barreaux



Nathacha Appanah nous revient avec un court roman qui transcende le banal fait divers pour en faire un réquisitoire contre une justice aveugle et un chant d’amour maternel et fraternel.



C’est l’un de ces faits divers qui ne font que quelques lignes dans le journal, une de ces affaires qui encombrent les tribunaux. Un cas banal: «Loup avait eu l’idée de prendre la voiture de sa mère et de conduire jusqu’ici. Loup savait qu’il n’avait pas le droit de conduire mais sa sœur lui manquait tellement, c’est tout. Il n’avait pas le permis, il avait conduit prudemment jusqu’à l’entrée de la ville où il s’était trompé de sens. Après, il y a eu tous les bruits, les cris, sa voiture dans le fossé. Et sa crise de nerfs quand les policiers sont arrivés, aussi. Ce matin peut-être ou il y a dix minutes: le juge l’a placé en mandat de dépôt au quartier mineurs, à la maison d’arrêt de C.»

Avec son joli sens de la construction, Nathacha Appanah va alors nous proposer de revenir en arrière, de retracer la généalogie qui a conduit Loup dans cette prison depuis ses grands-parents.

Un couple sans histoires, acharné à se fondre dans la foule. Un couple ordinaire qui regarde grandir la petite Eliette. «Jusqu’à maintenant la vie était comme elle est si souvent, ni extraordinaire ni triste, de ces vies travailleuses, sans grande intelligence ni bêtise, de ces vies à chercher le mieux, le meilleur mais pas trop quand même, on ne voudrait pas attirer le mauvais œil. Souris, Eliette, lui disent tout le temps ses parents et aussi Viens dire bonjour, Eliette et quand il y a un dîner à la maison, Chante-nous À la Claire fontaine, Eliette.» Mais l’adolescente ne veut pas de cette vie, ne veut pas être présentée comme bête de foire. Eliette se révolte au fur et à mesure que son corps se transforme, jusqu’à ce jour où un baiser forcé la traumatise. C’est alors que tout va dérailler. Eliette a 16 ans quand l’enfance s’en va. Mais «comment faire pour naître à nouveau?» Son rite de passage va consister à mettre le feu à la maison et à se faire appeler désormais Phénix. Et faire de sa liberté nouvelle une nouvelle aliénation. Très vite, trop vite, elle se retrouve mère de deux enfants, Paloma et Loup qu’elle va élever en montant une petite entreprise de pièces détachées. Le jour où Paloma décide elle aussi de couper les ponts, elle n’entrevoit pas les conséquences de sa colère. Elle assure à Loup qu’elle reviendra le chercher très vite. Dix ans après, elle n’est toujours pas rentrée. C’est quand elle apprend que son frère est derrière les barreaux qu’elle a envie de tenir sa promesse.

Comme dans Tropique de la violence et En attendant demain, l’écriture de Nathacha Appanah transcende ces vies cabossées en chant d’amour. En faisant jouer les contrastes entre le sordide et la beauté, à ce ciel au-dessus de la prison. «Qu’est-ce que ça fait ici, cette beauté-là, cette couleur qui fait penser à la mer, au ciel?» Ça fait d’autant plus mal que ce ciel la rapproche de sa sœur, tout aussi sensible à ce ciel, regardant la nuit fondre «sur le jour en laissant des trainées roses et mauve orange. Ce ciel, par-dessus les toits, ressemble à un morceau de soie chatoyant». Un adjectif qui va bien aussi à l’écriture de Nathacha, même si elle n’en reste pas moins efficace dans son réquisitoire contre ce pays qui oublie «ces gens-là, les pauvres, les réfugiés, les sans paroles, les mères célibataires, les alcooliques, les drogués, les moins que rien, les chutés, les tombés, les mal-nés, les accidentés».




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La mémoire délavée

C’est un beau livre qui a été pensé je crois jusque dans le choix du papier, la taille et la police d’écriture, les photos choisies, en noir et blanc, pour un travail de mémoire qui compte.

C’est l’histoire du trajet migratoire des aïeux de Nathacha Appanah, quittant l’Inde en 1872 pour rejoindre l’île Maurice. C’est à Port-Louis qu’ils furent employés comme coolies et devinrent les « engagés » en remplacement des esclaves noirs et pour travailler dans les différentes exploitations et champs de cannes à sucre. C’est un témoignage et une réhabilitation qui tend à inscrire chacun des siens dans une lignée représentative restituée. Mais c’est surtout un somptueux drapé que Nathacha Appanah revêt aujourd’hui et dont chaque plis, texture, épaisseur la constitue elle-même en tant que personne à travers les générations. La douceur du récit nous mène en appartenance de cette famille par un lien affectif invisible et pourtant perceptible. L’envol se fait dès la première page.

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La mémoire délavée

Voilà un joli texte sensible de la part de la grande autrice mauricienne Nathacha Appanah.



Après une belle introduction pleine de poésie pour évoquer le vol des étourneaux, métaphore des mouvements et des migrations que tant de peuples connaissent aujourd’hui, l’autrice évoque la mémoire de ses arrières-arrières-grands-parents, dont elle a retrouvé la trace par hasard.

« Il y a trois fiches aux archives de l’immigration indienne à l’institut Mahatma Gandhi, à l’Île Maurice. Ce sont celles de mes trisaïeuls et de leur fils, mon arrière-arrière-grand-père. Elles attestent de leur arrivée à Port-Louis, capitale de l’île qui est alors une colonie britannique, le 1er août 1872. »

Cent ans avant sa naissance, l’autrice redécouvre donc que ces « engagés indiens» ou ces »coolies »- c’est comme cela qu’on les nomme, et elle s’étonne que cette appellation ne soit pas plus connue – ont quitté leur village natal de Rangapalle, pour le port de Madras, et ensuite, selon une longue traversée, ont débarqués sur l’île Maurice.



Commence alors le récit des descendants de ceux-ci, jusqu’à la vie de ses propres grands-parents, qu’elle a bien connue. Une vie faite non pas d’esclavage (bien que se voyant doté d’un numéro en arrivant) mais bien de servitude auprès du maître pour qui la famille travaille dans les champs de canne à sucre.



Avec un très bel hommage à ce grand-père qui était à la frontière des traditions : d’un côté le respect à ses ancêtres indiens, avec leurs coutumes et leur art de vivre (notamment culinaire) et de l’autre l’intégration dans les traditions mauriciennes pour mieux s’assimiler à ses voisins.

Ce Grand-Père courageux s’opposa une fois à son contremaître, à juste titre, mais cela lui valut à lui et à son épouse enceinte un bannissement hors de la communauté à laquelle il appartenait dont il ne se remettra jamais. L’autrice verra toujours dans le comportement de ce grand-père qu’elle aimait beaucoup les traces de cet affront et les meurtrissures qui en résultèrent pour sa femme et ses descendants.



Beaucoup plus tard Nathacha sera incitée à oublier les coutumes ancestrales, à cultiver la langue locale, et ne saura plus grand-chose de ces traditions dans lesquelles ont baigné ses ancêtres : un cas fréquent de souhait d’intégration pour ses enfants, au détriment de la perpétuation de la transmission.



L'EXIL. Un thème central, dont on n'est pas prêt d'avoir fini de parler.

Un beau récit sensible et plein de tendresse donc pour les ancêtres de Nathacha Appanah, qui a trouvé sans doute sa vraie patrie : la littérature.

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Blue Bay Palace

«Au début, il y a le pays. Un bout de terre à la surface irrégulière, aux contours incertains. Ici la rondeur d’une femme enceinte, là la cambrure d’une jeune fille, plus loin l’aridité d’une vieille. C’est un pays né du crachat brûlant d’un volcan et dont le profil a été dessiné par les tempêtes et le soleil cardinal.»



C'est ici qu'est née Maya entre "la semaine de rêve à six mille euros, la solitude sans prix d'une plage en milieu de semaine et le kilo de lentilles noires à trois centimes d'euro qui doit tenir toute la semaine."

Blue Bay, une route la traverse et la divise : à gauche de belles résidences, à droite des cabanes en tôle rouillée.

A gauche les riches et vue sur l'océan, à droite les pauvres et vue sur rien du tout ou sur leurs semblables.

Cette île incarne toutes les contradictions : le tourisme de luxe et la misère.

Maya et ses rêves d'enfant : partir de son pays, quitter sa famille ... Et puis, le lendemain de ses seize ans elle rencontre Dave. L'opposition de deux milieux : Maya hindoue de caste insignifiante et Dave fils d'un grand entrepreneur richissime.

Une histoire "d'amour fou" mais aussi d'amour impossible car c'est bien connu "selon que l'on naisse riche et puissant ou pauvre et misérable .....

Et ce sera une tragédie !

Ce livre nous parle aussi de la violence, de la douleur jusqu'à la déraison. "La douleur c'est ne plus penser à autre chose"

Etre sous emprise !



Une écriture sobre parfois teintée de poésie et de finesse,

des descriptions magnifiques de cette île m'ont permis d'apprécier cette lecture. J'ai aimé découvrir cette terre inconnue, cette civilisation divisée en castes, et ses inégalités ...

Mon regret, une histoire d'amour trop cliché qui ne m'a pas vraiment émue !



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Rien ne t'appartient



Comme un mantra je m'appelle Tara

Pour conjurer tous ces noirs souvenirs

Pour réinventer une vie possible

N'invoquez pas la tendre Vijaya

Sinon mon esprit s'enfuit meurt déjà

Rejoint l'enfance sensuelle au loin

Je danse je vogue je suis Tara



Nathacha Appanah sait nous rendre terriblement attachants ces êtres en errance, en souffrance qui prennent chair dans ses romans. Comment ne pas compatir au destin de Tara, ayant choisi l'amnésie volontaire pour survivre, pour effacer le passé traumatisant, l'enfance asiatique à jamais déchirée?



Mais maintenant qu'Emmanuel, son sauveur, est mort, la folie affleure, les souvenirs veulent l'engloutir...



L'écriture est vibrante d'émotion, de poésie, alors que le propos même est si criant de désespérance. Dans ce monde cruel où rien ne t'appartient, Tara, tu auras laissé cependant ton empreinte au coeur du lecteur...



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Tropique de la violence

Il existe encore des ghettos en France.



Abandonné bébé dans les bras de Marie, la Blanche, par une jeune mère comorienne sans ressources, Moïse grandit, protégé mais clandestin dans son cœur et dans sa vie quotidienne.

Pourquoi lui, quand tant d'autres ne vivent de rien, arrivés sur ces rives françaises de Mayotte en eldorado? Un sortilège de djinn, tel ce regard bicolore à la pupille verte qui le marginalise dans une société aux multiples tabous.



À la mort subite de sa mère adoptive, l'adolescent traverse le miroir et rentre dans une autre réalité, celle des anonymes de Gaza ( ça s'invente pas!), bidonville de Grande-Terre, dépotoir à ciel ouvert de misère et de violence. L'antichambre de l'enfer au soleil, avec ses petits chefs de bande, son armée d'enfants voleurs, sa drogue, et la puanteur omniprésente.



Roman choral par cinq personnages pour illustrer une réalité française ignorée de la métropole indifférente, porté par l'écriture percutante, orale et concise de Nathacha Appanah.

Une narration terrible, implacable, qui se lit comme en état d'urgence, en fascination effrayée pour cette France-là, qui ressemble à une poudrière.

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Tropique de la violence

Marie, infirmière, rencontre l'amour et Mayotte mais malheureusement, le bonheur quitte le navire et la voici, au fond du trou. Elle soigne des réfugiés sur l'île, cachant sa tristesse au fond d'elle. Un jour, une jeune fille lui laisse son bébé car celui-ci a des yeux de djinn. Elle le recueille et l'appelle Moïse.

J'ai été surprise au début, parlait-on vraiment d'un livre appelé Tropique de la violence ? La légèreté s'envole en fait bien vite, la noirceur assombrit tout. Natacha Appanah fait découvrir la pauvreté des clandestins à travers plusieurs voix. Il y a Marie, Moïse et tant d'autres qui mêlent leurs pensées, tantôt aigries par la vie, tantôt attristées par tant de misère... Les vivants et les morts racontent la vie à travers ce jeune Moïse, qui représente les deux extrêmes. Dur de lire d'un souffle tant de misère, de détresse... Un roman court mais intense sur un sujet encore assez méconnu. La boule dans la gorge, toujours présente.
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Tropique de la violence

Ce livre, qui concerne Mayotte et les Comores, m'a bouleversée.

On ne parle guère de ce dernier des départements français, et pourtant...

Des hommes, femmes et enfants arrivent par kwassa kwassa des îles voisines qui ont choisi l'indépendance (mais hélas restent pauvres) pour bénéficier d'une vie meilleure, croient-ils.

Mais ils s'enfoncent dans la violence, présente partout et les enfants sont abandonnés, livrés à eux-mêmes. C'est l'histoire de deux d'entre eux que nous narre ici l'autrice (qui connaît bien le sujet) : qu'est-ce qui a fait que l'un est devenu un petit caïd et que l'autre n'a pu échapper à son destin, malgré des débuts d'enfant choyé.

Malgré la description crue et réaliste de cet enfer sur terre (surnommé Gaza, comme un autre lieu de misère), cette lecture est nécessaire pour comprendre la situation de ces enfants perdus.
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