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Critiques de Pablo Neruda (160)
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Antología poética / Poetic Anthology

J'espère Pablo, ton indulgence pour ma modeste traduction



Arte poetica





Entre sombra y espacio, entre guarniciones y doncellas,

dotado de corazón singular y sueños funestos,

precipitadamente pálido, marchito en la frente

y con luto de viudo furioso por cada día de vida,

ay, para cada agua invisible que bebo soñolientamente

y de todo sonido que acojo temblando,

tengo la misma sed ausente y la misma fiebre fría

un oído que nace, una angustia indirecta,

como si llegaran ladrones o fantasmas,

y en una cáscara de extensión fija y profunda,

como un camarero humillado, como una campana un poco ronca,

como un espejo viejo, como un olor de casa sola

en la que los huéspedes entran de noche perdidamente ebrios,

y hay un olor de ropa tirada al suelo, y una ausencia de flores

-posiblemente de otro modo aún menos melancólico-,

pero, la verdad, de pronto, el viento que azota mi pecho,

las noches de substancia infinita caídas en mi dormitorio,

el ruido de un día que arde con sacrificio

me piden lo profético que hay en mí, con melancolía

y un golpe de objetos que llaman sin ser respondidos

hay, y un movimiento sin tregua, y un nombre confuso.





Entre ombre et espace, entre garnisons et soubrettes,

avec mon cœur singulier et mes rêves funestes,

précocement blanchi, le front flétri

et le deuil d’un vieux furieux chaque jour de la vie,

hélas, pour l’eau invisible que je bois en somnolant

et pour tous les sons que j’accueille en tremblant,

j’ai la même soif absente et la même fièvre froide

une oreille qui nait, une angoisse indirecte,

comme si approchaient des voleurs et des fantômes,

et en une coquille fixe dans sa profondeur,

comme un serveur humilié, comme une cloche un peu fêlée,

comme un vieux miroir, comme l’odeur d’une maison vide

où les habitants rentrent la nuit, ivre-morts,

et il y a une odeur de vêtements jetés sur le sol, et une absence de fleurs

-peut être moins mélancolique autrement -,

mais, à la vérité, ce vent qui me frappe la poitrine,



les nuits d’infinie substance envahissaient ma chambre,

les bruits d’un jour qui brûlent avec le sacrifice

me demandent les prophéties en moi, avec mélancolie

et le bruit du choc des objets qui appellent sans qu’il n’y ait de réponse

et un mouvement perpétuel et un nom confus.
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Cahiers de Temuco

Il est toujours émouvant de découvrir les prémices d’une vocation d’artiste. Surtout quand cet artiste est de la trempe de Pablo Neruda, qu’il a été l’une des figures les plus importantes de la poésie sud-américaine du XXème siècle, qu’il a écrit d’inoubliables vers d’une foudroyante beauté, et qu’il a de surcroit symbolisé l’Espoir pour tout un peuple d’opprimés chiliens à l’époque de la dictature du général Pinochet.



Quels étaient les aspirations, les rêves, les émois de ce jeune garçon qui allait devenir le grand poète, écrivain et homme politique Pablo Neruda (1904-1973)? Qui signerait dans les années à venir des œuvres d’une puissance exceptionnelle, des odes à l’amour magnifiques, des chants magistraux de liberté et de paix, et qui serait récompensé par le Prix Nobel de littérature en 1971?



Le chemin qui conduit à « La centaine d’amour », « Odes élémentaires » ou « Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée », pour ne citer que quelques une des œuvres sublimes au parfum d’absolu et goût d’éternité que nous a offert Pablo Neruda, est là, dans ces « Cahiers de Temuco » rassemblant ses écrits de jeunesse, alors qu'il n’est encore que le jeune Neftali Ricardo Reyes, né dans un foyer modeste d’un père cheminot et d’une mère institutrice décédée, et qu’il mène une vie de collégien rêveur à Temuco, dans le sud du Chili, un pays de vent et de pluie, où la nature, aussi abrupte que luxuriante, prend des accents de séduction rebelle pour ce cœur juvénile en quête d’évasion…



Avec ces poèmes écrits entre 1919 et 1920, alors que le jeune poète a tout juste 16 ans, l’on pénètre dans le cœur même de ce que sera l’homme quelques années plus tard, l’on entre dans la création originelle, l’on suit tout doucement le parcours poétique et initiatique d’un jeune homme à la vocation déjà étonnamment précoce et active.



Bien sûr, le chemin est long à parcourir, aucun des poèmes proposés dans ces « Cahiers de Temuco » n’a encore la puissance, la grandeur, l’aura d’humanisme et d’universalité qui se dégageront dans les œuvres ultérieures de Neruda, mais l’on ne peut qu’être subjugué et saisi, par la passion, l’inclination farouche, primordiale, vitale même, qui animent le lycéen et laissent déjà augurer de sa future destinée.



Il ne s’agit nullement ici, d’un jeune garçon qui s’adonne en passe temps à la poésie, non, bien au contraire. Il s’agit bel et bien d’une prédilection essentielle pour les mots et leur musicalité, d’un penchant de chaque instant, de chaque seconde, d’une disposition qui, au-delà des aptitudes et des facilités du garçon, se caractérise comme l’essence même de la vie, la compose et la contient.

Une sensibilité aigue émane de ces poèmes écrits avec une régularité proprement ahurissante.

Presque chaque jour, avec concentration, avec constance, avec application, avec une abstraction quasi-totale de tout ce qui amuse habituellement les adolescents de son âge, le jeune homme écrit au moins un poème, parfois même plusieurs, rédigeant consciencieusement sur des cahiers d’écolier, d’une écriture soignée, sans aucune rature, des écrits poétiques qui reflètent les aspects de sa vie à Temuco mêlés à ses plus profonds ressentis. Sentiment prégnant de mélancolie, de tristesse, de spleen : « Dans ces rues tristes en cette fin d’après-midi / Je promène ma lassitude d’enfant précoce ».



Pour Neftali Ricardo Reyes, la Vie est tout simplement Poésie. C’est par elle qu’il conçoit le monde qui l’entoure, c’est par elle qu’il contemple, qu’il aime, qu’il rêve, qu’il pleure, qu’il espère… c’est par elle qu’il s’interroge, se rebelle ou se lamente sur la condition des hommes, avec déjà cette large part accordée à l’humain, au peuple et aux paysans. La vocation se double déjà d’engagement politique pour celui qui n’aura de cesse de revendiquer la mission humaine du poète qui doit pouvoir être un chantre du Beau tout autant qu’un « barde d’utilité publique ».



Bien sûr le poète se cherche, tâtonne, est soumis à de nombreuses influences, notamment la poésie française pour laquelle il a un penchant prononcé car elle s’accorde parfaitement à son âme nostalgique et rêveuse ; Baudelaire, Rimbaud et surtout Verlaine l’inspirent, ainsi que bon nombre d’autres poètes, notamment sud-américains.



Mais il se dégage surtout une ambiance particulière dans ce recueil, différente des autres œuvres du grand poète chilien, et c’est cela qui est important, intense et intéressant dans ces « Cahiers de Temuco ».

C’est l’atmosphère propre à l’enfance en passe de franchir le monde des adultes, et en proie aux doutes, à la peur, aux incertitudes et aux illusions. C’est l’enfance en pleine interrogation face à l’amour, la famille, la religion, l’avenir, et en même temps c’est le travail poétique d’un jeune être qui, peu à peu, va trouver sa voie et emprunter le passage qui le conduira à l’homme qu’il est devenu, ce grand poète qui s’est élevé contre toutes formes de dictatures, qui a loué avec ferveur les sentiments amoureux, et qui avait un rêve, celui qu’un jour « tout le monde, puisse parler, lire, écouter, s'épanouir.»

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Chanson de geste : Cancion de gesta

Pablo Neruda est vraiment un grand poète. Même traduit du chilien (ici par Pablo Urquiza), ses mots ont une grande puissance. Car Neruda est un poète engagé, il a d'ailleurs été député, mais sa poésie est aussi un moyen de lutter contre l'oppression du peuple sud-américain.

Dans cette belle publication (au petit format mais grand contenu) des éditions du temps des cerises en co-édition avec Abra Pampa éditions, les textes bilingues de «Chanson de geste, Cancion de gesta» dénoncent les dictatures militaires des Caraïbes. D'ailleurs ce livre écrit en avril 1960 est dédié aux libérateurs de Cuba : Fidel Castro, ses camarades et le peuple cubain. Mais plus largement, il rend hommage à tous ceux qui luttent pour la liberté et la vérité menacée par les États-Unis d'Amérique. Il se dit poète d'utilité publique et délivre un message de fraternité et d'espoir.



Cette géopolitique poétique est illustrée en couverture par Francisco Rivero dont le dessin se nomme « Poète : mettre en lumière l'itinéraire des étoiles d'aujourd'hui ».

Et puis, j'ai apprécié que Pablo Neruda rappelle la vaillance de José Marti, héros national cubain, qui a été l'initiateur de la guerre d'indépendance des cubains contre l'Espagne. J'admire cet homme politique, philosophe, penseur, journaliste et un poète du 19ème siècle à qui j'ai emprunté mon pseudo (qui est aussi le raccourci de mon prénom, ça tombe bien !).



Challenge Nobel illimité

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Chanson de geste : Cancion de gesta

Edition bilingue espagnol chilien/français par Pablo Urquiza.

Livre lu après un voyage à Cuba en 01/2020.



Pablo Neruda signe ici un recueil de poésie engagée. Il évoque l'oppression des peuples d'Amérique du Sud notamment par le gouvernement américain.

Il incite les peuples des Caraïbes à défendre leurs droits, à lutter vaillamment contre l'ennemi qui en veut à leurs terres et à leurs ressources, au détriment des populations.

Véritable plaidoyer pour la révolution, en particulier pour la révolution cubaine qui vient d'avoir lieu, le poète chilien ne mâche pas ses mots, et donne de l'espoir.



Superbe recueil, qui permet de plus d'en apprendre davantage sur l'histoire des pays sud-américains.



Il évoque :

- Cuba, sa Sierra Maestra (chaîne de montagne) et ses héros José Martí, fondateur du parti révolutionnaire cubain, et Fidel Castro, révolutionnaire devenu ensuite premier ministre cubain.

- le héros du Nicaragua, Augusto Sandino, qui mena une guérilla contre le gouvernement du pays, alors allié des marines américains.

- le Salvador, meurtri par son ancien président Maximiliano Hernandez Martinez qui fit exécuter les opposants à son régime,

- le Vénézuela de Rómulo Betancourt, ancien président qui fit adopter d'importantes réformes démocratiques

- le Panama

- L'Argentine

- Le Guatemala

- Le Paraguay

- La Bolivie

- L’Équateur

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Chant général

Du poète mort dans sa maison dévastée quelques jours après la mort d'Allende, l'épopée du continent et de l'homme américains. Dans une langue simple, le poète dit le paysage et les hommes d'avant la conquête, puis toute l'histoire de l'Amérique et de ses luttes, avant de terminer par une méditation sur sa propre vie et la genèse de son oeuvre. Fraternelle et cosmique, la poésie de Néruda est écrite"pour de simples habitants qui demandent eau et lune, éléments de l'ordre immuable, écoles, pain et vin, guitares et outils".............
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Chant général

C'est une poésie de « combat », de lutte, de révolte, mais aussi de fraternité, une poésie militante. Pablo Neruda dénonce les dictatures qui ont sévit en Amérique Latine durant les années de »plomb », il rend hommage aux résistances qui se sont éveillées, aux hommes et femmes qui se sont levés. Il nous parle de sa terre chilienne.

Personnellement, je préfère retrouver ces témoignages sous la forme de récits, de romans, qui permettent plus aisément de s'imprégner des époques et des lieux, des êtres.

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Chant général

Véritable chef-d'oeuvre de réalisme poétique. Neruda nous plonge dans l'histoire du continent américain depuis ses origines géologiques jusqu'aux exactions commises envers les peuples par les différentes dictatures. Une autre partie nous présente l'exil de l'auteur à travers la montagne où il reçoit l'hospitalité de pêcheurs ou paysans.

C'est une oeuvre d'une rare humanité. Certains de ses poèmes sont de véritables tableaux vivants.

Apres cette lecture, on est décontenancé par les horreurs qu'ont du subir tous ces peuples. Comment l'auteur parvient-il à mêler l'histoire et la poésie à ce point ?

Une oeuvre salutaire à lire de toute urgence.
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Chant général

Dans Chant général, le poète Pablo Neruda donne une voix à l’Amérique Latine. Œuvre d’exil, œuvre impressionnante par sa taille, elle représente une humanité simple, fraternelle et une nature exaltée.

On aime ou pas.

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Chant général

Le titre d'emblée nous annonce le monument, l'œuvre universelle. Le poids du volume également : 550 pages de vers au contenu lourd de sens, riche en métaphores et criant de revendications. La voilà l'Amérique du Sud dans son chant général, parcourue de part en part par les mots colorés et vibrants de Neruda.



C'est la terre qu'il chante, la montagne, la roche et ce qu'on en extrait, les métaux et la joaillerie; c'est la mer aussi, le paysage marin et ce qui s'y cache; c'est l'histoire souvent cruelle d'une terre envahie par l'appât du gain, l'histoire de peuples et de pays exploités par les trusts soutenus par les gouvernements corrompus et violents.



C'est l'avènement de ce continent que Neruda s'applique à décrire, la naissance de sa nature et ses paysages incomparables. C'est un chant large comme cette terre de Cuba au Détroit de Magellan qu'il décrit tissant de petite phrases, des périodes simples, de traits de pinceaux où rutilent les vagues, les métaux extirpés de la mine ou les fruits de la terre.



Il s'applique surtout à conter la vie de son peuple, comment l'injustice s'est faite mode de gouvernement, le destin de ces hommes devenus suie, sable ou sueur. C'est à leur libération que travaille Neruda.



C'est cela le chant général, celui qui s'adresse à tous, que liront les petites gens quand il y aura "des écoles et du pain". C'est un projet, c'est un legs, c'est une promesse.

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Chant général

Décrire le chant général, c'est comme raconter une encyclopédie poétique à la gloire de l'Amérique latine et de ses peuples. Au travers d'un monumental recueil, Pablo Neruda en lutte permanente pour la liberté de ce continent et de son pays, le Chili plus particulièrement, évoque le combat pour la démocratie qu'il mène inlassablement. En revenant aux fondamentaux et aux origines de la nation sud-américaine, de son histoire durant les siècles passés, de ses espérances, de ses déceptions, issues des tumultes des événements successifs, il s'attache à montrer pour chaque époque, la beauté des choses, la nature originelle en premier lieu, la communion des peuples primaires avec les éléments et leur culture. Puis, arrive le temps des violences avec les conquistadors, le choc des civilisations, la renaissance et un nouvel essor enfanté souvent dans la douleur. Après, le poète narre l'époque moderne avec la première libération de la nation sud-américaine et les désillusions qui s'ensuivirent. Enfin, les grands noms de la lutte contre les oligarchies, les dictatures, l'occupation étrangère au travers d'intérêts économiques voraces, apparaissent, tels que Marti, Sandino, etc...La description des tyrans et de leurs alliés, elle aussi est précise, montrant ô combien, l'omniprésence de l'influence américaine sur l'économie et la politique de tous ces pays est prégnante et néfaste. Pablo Neruda, s'il est le chantre de tout un continent, n'en oublie pas de se recentrer sur son pays et ses souffrances, ainsi que sur lui-même, en relatant dans des vers majestueux son long parcours et son combat incessant partout où il fut, pour la liberté, de la guerre d'Espagne au Chili, en passant par le Mexique et Cuba. Lutte qui pour lui hélas, finira tragiquement en 1973 au Chili, sous la chape de plomb d'un coup d'Etat militaire avec l'aide des Américains.
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Chant général

Le Chant général a été lu et aimé d'une manière inconditionnelle et incongrue par Jean à l'âge de 15 ans, et est revenu dans sa vie cinquante ans après, grâce au programme de l'agrégation de Lettres modernes sur la poésie . ....
Lien : http://livretvous.blogspot.f..
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Chant général

Chant général: Un des plus grands chefs d’œuvre de la poésie du XXème siècle et de tous les siècles, (il n'y a pas que moi qui le dis, mais Gabo García Márquez, autre prix Nobel, l'a aussi écrit). Une œuvre à la fois épique, grandiose, historique, révolutionnaire, lyrique, intime, métaphysique, "élémentaire", une ode à la jubilation de vivre, d'être latino-américain, et de se révolter devant l'inacceptable. Une inlassable célébration du réel... Mais que ceci n'intimide pas: c'est aussi la plus belle démonstration que la poésie peut être géniale ET facile à lire !
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Chant général

Publié en 1950 à Mexico, Chant général (Canto general) de Pablo Neruda est une œuvre poétique monumentale qui, plusieurs mois après sa lecture, continue de résonner en moi.

Neruda commence l’écriture du Chant général en 1938. Dans ce long poème épique composé de quinze chants et de plus de quinze mille vers, le poète chilien dresse un portrait saisissant de l’Amérique latine, traversant son histoire avec ses lignes de partage et de rupture.



Entre héritages amérindiens et européens, entre passé et contemparanéité, Pablo Neruda tente le rapprochement entre Histoire et poésie. De la Création viennent les premières variations des paysages, l’évocation des premiers habitants du continent, puis la venue d’Europe des explorateurs, des Conquistadores, temps lourd de bouleversements et de drames pour les peuples amérindiens. Leurs biens, leurs ressources sont spoliés, exploités, rentabilisés. L’industrie fait naître une classe ouvrière, c’est l’heure des premiers combats politiques et syndicaux, de l’unité populaire face à la répression du pouvoir et des exploiteurs.



« À tous, à vous,

les êtres de la nuit et du silence

qui avez pris ma main dans les ténèbres, à vous,

lampes

de la lumière impérissable, lignes d’étoile,

pain des vies, mes frères secrets,

à tous, à vous,

je dis : Point de merci,

rien ne pourra remplir les coupes

de la pureté,

rien ne peut

contenir tout ce plein soleil sur les drapeaux

du printemps invincible,

comme vos muettes dignités.

Pourtant

je pense

avoir été peut-être digne de tant de simplicité,

digne d'une fleur aussi pure,

et que je suis peut-être vous, oui, cela: vous,

cette mie de terre, de farine et de chant,

cette pâte naturelle qui sait

d'où elle sort et où se tiennent ses attaches.



Je ne suis pas campane si lointaine,

ni cristal si profondément enseveli

que tu ne puisses le déchiffrer, je suis

peuple et rien d'autre, porte cachée, pain obscur,

et quand tu me reçois c'est toi

que tu reçois, cet hôte si souvent malmené

et si souvent

ressuscité.



À tout, à tous,

à ceux que je ne connais pas, à tous ceux qui

jamais

n'ont entendu mon nom, à ceux qui vivent

au long de nos longues rivières,

au pied de nos volcans, à l'ombre

sulfurique du cuivre, aux pêcheurs et

aux paysans,

aux Indiens bleus sur le rivage

de lacs étincelants comme des vitres,

au cordonnier qui en cet instant s'interroge

en clouant le cuir, de ses vieilles mains,

à toi, à celui qui sans le savoir m’a attendu,

j'appartiens. Je vous reconnais et je vous chante. »





Édifiante, généreuse, fraternelle, engagée, l’écriture de Pablo Neruda est attentive à toutes les variations du temps, des paysages, des luttes, des idéaux portés par le peuple ouvrier et les paysans. Dans ce long poème, le poète y intègre une dimension autobiographique, se mêle au mouvement de l’Histoire, ce flux qui le dépasse mais dont il veut être le témoin en quête de sens.



J’ai été touché par cette longue lecture, par cette poésie chargée d’histoire, de contrées lointaines, d’un temps ancien plein d’évocations, de combats, de luttes et d’espoir.



« - Testament premier



Je laisse aux syndicats

du cuivre, du charbon et du salpêtre,

ma maison des flots à Isla Negra.

Je veux qu'ici reposent les bafoués, les malmenés

de ma patrie, pillée par les haches et les traîtres,

profanée dans son sang, écartelée,

consumée en guenilles volcaniques.



Je veux qu'avec le clair amour qui parcourra

mon domaine, l'homme lassé se défatigue,

que les obscurs à ma table s'assoient

et que les blessés dorment sur mon lit.



Frère, voici ma maison. Entre dans un monde

fleur marine et de pierre étoilée

que j'ai bâti en luttant dans ma pauvreté.

Ici, le son est né à ma fenêtre

comme dans une conque qui grandit;

ensuite il a fondé ses latitudes

sur le tohu-bohu de ma géologie.



Tu viens des corridors brûlants comme des braises,

des tunnels mordus par la haine

ou par le bond sulfurique du vent :

trouve ici la paix que je te destine

avec l'espace et l'eau de mon océanie. »

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Chant général

En 1950, Pablo Neruda a publié ce gigantesque recueil de poésies, qui comporte plus de 15 000 vers ! Le sujet et le ton du "Canto General" sont très clairement épique. Il s'agit pour l'auteur d'évoquer l'Amérique précolombienne (idéalisée), puis sa conquête brutale par les envahisseurs, enfin sa lutte pour arracher son indépendance à l'Espagne. Mais Neruda (qui était communiste) insiste aussi sur les luttes politiques actuelles contre tous les "caudillos" opprimant les peuples latino-américains, ainsi que la fraternité révolutionnaire. Le propos est vaste et ambitieux, la poésie somptueuse et abondante, l'esprit de combat est omniprésent.

Il n'est évidemment pas souhaitable de lire d'affilée les 231 poèmes qui composent le "Canto General", il vaut mieux les découvrir peu à peu. Pour ma part j'apprécie la plupart de ces poésies, mais je n'en suis quand même pas un fanatique.

A noter que, plus tard, le compositeur grec Mikis Théodorakis a composé un oratorio sur quelques-uns des textes du recueil. Dans ma jeunesse, je l'aimais beaucoup. En l'écoutant à nouveau maintenant, j'ai été un peu déçu.

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Chant général

Ce vaste chant riche de 230 poèmes, texte majeur de Pablo Neruda, écrit dans la clandestinité et l'exil, imprime un souffle lyrique et épique aux conflits sociaux et politiques de l'Amérique Latine et à la prise de conscience du poète sur les sans voix de ce sous-continent. Chant général donne une remarquable dimension littéraire à l'utopie politique de Pablo Neruda qui invoque sa poésie autant que celle des autres, où il poétise son existence comme celle des opprimés. Si l'auteur offre ses réactions, ses dénonciations et ses prises de position, il le fait d'une voix prophétique, structurée et dominante, adoptant souvent le ton de l'apostrophe, voix qui concilie l'auteur et le collectif des démunis, donne une dimension lyrique au politique et propose une version sensible de l'Histoire et de la nature latino-américaine. Un authentique chef d'oeuvre.
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Hauteurs de Machu-Picchu

Ce chef d'œuvre de Pablo Neruda, composé de douze strophes en vers aux rimes assonantes, a été intégré à son Chant général mais a été composé de façon autonome alors qu'il est de retour au Chili en 1943 après des missions consulaires en Orient, Amérique Latine et en Espagne. C'est lors d'un voyage au Pérou qu'il découvre le site de Machu Picchu, à la lisière entre l'été et l'automne, et entame ce long poème, véritable quête de connexion spirituelle, émotionnelle et romantique entre le moi lyrique et la terre mère.

Par une errance introspective dans les ruines majestueuses d'un empire disparu, le poète en capte le temps cyclique et la géographie naturelle pour les transposer dans un temps et un espace indéfinis qui peuvent être contemporains, proposant une coexistence sensible entre présent des latinos américains et passé des Incas. Puis le poète interpelle la mémoire des incas exploités anonymes qui ont bâti la ville sacrée, mémoire plus déterminante que celles de leurs souverains despotiques, redonnant vie et sens à leur héritage laborieux, unissant leur douleur de vivre au destin de tous les exploités du temps présent.



S'il l'auteur interroge dans ces vers sa propre trajectoire poétique et individuelle, le moi poétique de Neruda s'unit au collectif des laborieux et démunis pour leu donner un temps et une voix universels, conférant une dimension incroyablement lyrique à son engagement politique et son idéal humaniste, offrant une vision singulière à la fois sensible et épique de l'Histoire comme de la nature latino-américaine.

Hauteurs de Machu Picchu constitue selon moi la partie la plus brillante et la plus poétiquement essentielle de son Chant général.
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Hauteurs de Machu-Picchu

C’est avec un grand plaisir que je découvre les poèmes de cet écrivain, diplomate, homme politique et Prix Nobel chilien.

Un recueil de poèmes enchanteurs en édition bilingue. Un voyage poétique qui interroge sur la place de l’Homme et qui fait renaître les peuples natifs d’Amérique du Sud au milieu des vestiges et des ruines de l’ancienne cité incas. Je ne connaissais pas cet homme et ses poèmes. Je suis particulièrement ravie de cette découverte
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Hauteurs de Machu-Picchu

Du passé au présent, du cosmos à l'outil de l'ouvrier inca qui donna sa sueur pour l'édification d'une gloire que les vents effacent, le souffle du poète se fait synthèse de l'immense et de l'humble, il nous emporte dans sa montée visionnaire de cet "escalier" de l'Histoire des civilisations.
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J'avoue que j'ai vécu

Un livre d'un homme extraordinaire sur sa vie, son action politique, ses rencontres et ses expériences... Après ce livre, vous ne vivez plus pareil.
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J'avoue que j'ai vécu

Pablo Neruda a eu une vie de roman, tant d'aventures, de rencontres, de changements, de luttes, de voyages semblent impossibles pour un seul homme.

Et pourtant il a bel et bien était poète, sénateur chilien et diplomate pour son pays dés le plus jeune âge.

Il a rencontré Picasso, Aragon, Garcia Lorca et tant d'autres...

Il a traversé et vécu en Asie, en Europe, en URSS, en Amérique Latine bien sûr, reçu un prix nobel, publié des dizaines de receuil de poèmes, de romans, une pièce de théatre ; il a organisé des réunions, des lectures publiques, tenté de faire surgir la démocratie et la république dans son pays adoré, le Chili vers lequel il est toujours revenu.

Il a participé à la guerre d'Espagne, et bien d'autres choses...



Publié juste après sa mort, ce livre retrace sa vie et les épisodes qui l'ont marquée.



C'est une biographie parcellaire, des morceaux choisis par Neruda pour se raconter. Des épisodes lumineux, d'autres sombres, quelques passages sujets à controverses et à critiques ("viol" d'une jeune tamoul à Ceylan, exfiltration des communistes de France lors de la Guerre d'Espagne alors que Trostkystes et anarchistes restaient sur le carreau) sur lesquels chacun devra se faire un avis, car Neruda ne donne que le sien, sans s’appesantir. On découvre ainsi le jeune poète, pauvre comme job, puis le diplomate presque exilé et toujours aussi désargenté, enfin le succès vient petit à petit et l'engagement communiste avec. Pacifiste convaincu, il œuvre au congrès mondial pour la paix et continu à parcourir le monde pour chanter la démocratie et l'humanisme. Il publie encore et toujours des hymnes à l'amour, à Mathilde, sa femme.

On découvre son exil qui a fait récemment l'objet d'un film, la campagne pour Salvador Allende et sa chute...



C'est le roman d'une vie que l'on peut lire là, dans le style dépouillé mais très beau de Neruda, une prose poétique bien sûr, simple et belle qui se lit vite et bien, sans à coup, comme un grand fleuve que l'on descendrai en pirogue. Ses descriptions de paysages sont admirables et les portraits qu'il dresse tout au long du livre très drôles et graves. L'humour et partout présent dans ce bouquin qui s'avale dans un grand maelstrom qui mélange habilement histoire personnelle, Histoire et littérature.
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