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Critiques de Patrice Jean (133)
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La Philosophie selon Bernard

Bernard, un beauf, a une révélation soudaine, grâce à une réflexion anodine de sa supérieure hiérarchique dont il lorgne le fessier : il est philosophe – et l’a toujours été, sans le savoir. A présent, il va pouvoir cultiver cet aspect nouvellement découvert de sa personne. ● De Patrice Jean, j’ai beaucoup apprécié L’Homme surnuméraire et La Poursuite de l’idéal. Je continue la découverte de son œuvre avec son premier roman (publié en 2013 sous le titre moins bon La France de Bernard) qui m’a beaucoup fait rire. ● Bernard est une sorte de Bouvard ou de Pécuchet de la philosophie ; il en aborde les auteurs principaux sans savoir les lire ni les comprendre, même simplifiés dans le manuel pour classes terminales qu’il utilise. ● En fait, la philosophie n’est qu’un moyen pour parvenir à ses fins : baiser ! Mais même à cela il n’arrive qu’à peine, et son parcours est semé d’embûches. ● La philosophie va surtout l’amener à rencontrer, lui l’homme de droite, tout un tas de « progressistes » tous plus ridicules les uns que les autres, dont l’inénarrable Michel Le Berre, philosophe en carton enfonçant les portes ouvertes de la modernité et de la pseudo-pensée contemporaine. ● Je conseille sans réserve cette satire flamboyante de notre société.
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La Poursuite de l'idéal

Un roman idéal pour se réconforter (mais c'est pas du feel-good).

Cyrille, 23 ans, diplômé en lettres modernes et en gestion et droit, s'imagine une carrière de poète ténébreux. En attendant l'inspiration, il voue une obsession aux seins des femmes, se languit d'amour pour celles qui lui adressent la parole, et se résout finalement à accepter des petits boulots mal rémunérés -il faut bien vivre. Il réussit néanmoins à évoluer professionnellement et à s'élever socialement, et rencontre un vieil universitaire revêche, l'infâme Trézenik, qui l'encourage à résister à la doxa pour vivre une vie qui lui ressemble. Mais est-il encore possible d'être soi quand on ne ressemble à personne ?



J'ai adoré ce roman, vif, riche, dense, érudit, intelligent -qui ne prend pas son lecteur pour une buse, mais qui reste pourtant accessible, qui réussit l'harmonie parfaite entre le fond et la forme. Il est très bien écrit, truffé de mots raffinés, et flirte gaiement avec le politiquement incorrect. Absolument jubilatoire.

J'ai follement aimé le personnage de l'odieux Trézenik, affreux réactionnaire à l'humour impitoyable. Je l'ai trouvé très attachant dans sa façon de s'accrocher aux vieilles idées comme à ses vieux livres, avec toute la morgue des vieilles canailles. Car si Patrice Jean aborde la question de la lutte des classes, les thèmes identitaires, l'emprise du capitalisme, il cible aussi avec précision les dérives du progessisme, réserve ses meilleures salves à la "modernité" de notre époque qui aseptise la pensée et l'expression, et tire à bout portant sur le wokisme avec une férocité jouissive.

Mais en plus de tout ce qui précède, ce roman est d'abord une ode à ceux qui n'ont pas envie de vivre en "mode projet", qui n'ont pas envie de s'agiter pour se sentir vivants, qui n'ont pas envie de se solidariser avec leur époque, qui n'ont pas envie de réussir leur vie selon les critères sociétaux : "Une vie réussie, ce serait donc le plaisir de bronzer, à côté d'une piscine bleu turquoise, en slip de bain ?" Patrice Jean célèbre le vide, l'incapacité à s'adapter à ce XXIe siècle déroutant et si méprisant envers ce qui rend(ait) la vie plus supportable, et à travers les propos percutants de Trézenik, déplore le déclin de l'esprit critique, de la beauté, de la langueur, de la poésie, de la littérature... Toutes ces choses en voie d'obsolescence.



C'est un roman qui fera grincer des dents ou amusera franchement (à la façon du "Voyant d'Etampes" d'Abel Quentin), mais quel que soit le ressenti, il restera un chef d'oeuvre d'humour et de pertinence, propice à la réflexion. Une rareté en devenir.

A lire et ranger dans toutes les bibliothèques idéales !
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Le parti d'Edgar Winger

Découverte de cet auteur grâce aux amis Babéliotes qui le tiennent en haute estime. Petit roman qui se lit très vite et qui invite à la réflexion politique. Là où un essai aurait pu explorer la notion d’engagement politique « total », d’extrémisme même, l’auteur préfère la forme du roman et mêle avec brio humour, sarcasme et une certaine forme de candeur. Il y a une filiation évidente avec l’univers littéraire de Houellebecq dans cette manière de déambuler dans la société, de la commenter, d’en faire partie sans en faire partie. Sa force réside sans doute dans la mise en scène de personnages caricaturaux à souhait illustrant un tableau sociétal paradoxalement bien plus fin et assez pertinent. L’excès qui invite à la mesure.

Il ne faut pas chercher dans ce roman une histoire très complexe mais simplement la complexité de nos histoires.

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L'homme surnuméraire

Ce roman, œuvre de l’écrivain français Patrice Jean, est surprenant. Il s’avère bien plus complexe et profond qu’il n’en donne l’impression dans les premières pages. Il est en fait constitué de deux fictions qui se chevauchent, mais qui ne s’articulent pas comme les romans enchâssés habituels. Essayons d’expliquer.



L’homme surnuméraire commence par une histoire banale, développée sous une forme très classique. Serge Le Chenadec, un banlieusard de la classe moyenne, se laisse dériver chaque jour dans un peu plus de médiocrité. Marié depuis vingt ans, père de deux adolescents qui ne lèvent pas le nez de leur smartphone, il devient quasiment transparent à leurs yeux et à ceux de Claire, son épouse, une jolie femme qui « bovaryse », sous l’influence d’une amie militant pour une liberté féminine décomplexée. Incapable de réagir, Serge se sent peu à peu devenir l’homme surnuméraire, celui qui est de trop.



Surprise !... Il apparaît que la déliquescence du ménage Le Chenadec n’est pas le propos principal du roman de Patrice Jean. Son véritable propos tourne autour du roman fictif la relatant, écrit par un écrivain fictif du nom de Patrice Horlaville, et dont le titre est aussi L’homme surnuméraire. C’est un peu compliqué – on dirait presque du Paul Auster –, mais je vais tâcher d’être clair.



La fiction principale prend corps dans un univers plus raffiné que celui des Le Chenadec. Son narrateur, Clément, est un beau mec d’une trentaine d’années, intelligent et lettré, mais dilettante et peu soucieux de trouver un job. Il vit confortablement avec Lise, sa compagne, une jolie et brillante universitaire qui l’entretient. Autour de leur couple, évolue un aréopage d’autres universitaires, célèbres, prospères… et plutôt condescendants. Ils papillonnent autour de Lise, et Clément les perçoit, à juste titre, comme des rivaux. Jalousie, mépris et haines réciproques !



A l’initiative de ce cénacle d’intellectuels très élitistes et bien-pensants, Clément est engagé par un éditeur pour un projet original : la création d’une collection de littérature « humaniste », ambitionnant de republier des livres de grands auteurs, expurgés de ce qui pourrait offenser la bien-pensance d’aujourd’hui. Il s’agit de s’affranchir de tout ce qui pourrait s’interpréter de près ou de loin comme de l’homophobie, du machisme, de l’anti-féminisme ou du racisme (rappelons-nous la polémique Tintin au Congo). On oblitère aussi les nouveaux sacrilèges, tels que mépris de classe, stigmatisation des faibles, crainte de la diversité, ou même misanthropie et pessimisme. Il faut ne pas désespérer le peuple !



Ces intellectuels de haut vol se piquent d’influencer aussi l’édition contemporaine. L’homme surnuméraire de Patrice Horlaville, qui leur passe incidemment entre les mains, est pour eux le type même du roman minable jonché de signaux négatifs. Clément est donc invité à prendre contact avec son auteur pour lui proposer de retravailler son ouvrage. Horlaville répondra par un chapitre supplémentaire, où il introduit ses contempteurs comme personnages, en les plaçant dans des situations ridicules et humiliantes. Un humour potache qui n’est pas ce que j’ai préféré dans le livre, qui ne manque pas par ailleurs d’ironie subtile.



Une ironie savoureuse qui n’épargne personne, et que Patrice Jean utilise surtout pour railler la bien-pensance et le politiquement correct dictés par une élite universitaire décrite comme bornée et arrogante. Le phénomène ne date pas d’hier puisqu’il fondait la dramatique de La tache, roman publié par Philip Roth au début des années deux mille.



Dans un ouvrage dont il faut saluer l’originalité et l’imagination, Patrice Jean n’hésite pas à brocarder d’autres aspects de la production littéraire d’aujourd’hui. Un chapitre raconte en mode « new romance » les aventures extraconjugales de Claire. Des réflexions philosophiques sont présentées dans un langage abscons. Les tribulations des Le Chenadec sont racontées par Horlaville dans un style très maniéré. Et quand Clément prend la plume, son expression décontractée du début laisse peu à peu la place à une orthodoxie littéraire un peu surannée. Un style qui me met mal à l’aise, car il m’évoque certains hommes politiques affectionnant l’imparfait du subjonctif pour vitupérer eux aussi contre la bien-pensance… Espérons qu’il s’agit là aussi d’un pastiche et pas d’une nostalgie.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Les structures du mal

Paul fête ses quarante-quatre ans lorsqu'il reçoit la lettre de la fille de son ancien grand ami Henri Berg lui annonçant que son père va bientôt mourir. Paul a connu Henri, un psychanalyste fort cultivé, alors qu'il faisait son service militaire à Saint-André, une ville de l'Est de la France. Lui-même étudiant en philosophie, Paul a eu de longues et passionnantes conversations avec Henri, dont la fille Virginie ne lui était pas indifférente, avant de les perdre complètement de vue. de plus, Henri a voulu rendre Paul dépositaire d'un lourd secret personnel, dont il lui a transmis la teneur dans une lettre à laquelle Paul n'a jamais répondu. ● Je poursuis ma découverte de l'oeuvre de Patrice Jean avec ce beau roman qui m'a cependant moins plu que le dernier en date La Poursuite de l'idéal (2021), L'Homme surnuméraire (2017) ou le premier La France de Bernard (2013), réédité en poche sous le meilleur titre de la Philosophie de Bernard. ● le schéma des Structures du mal est plus classique, fonctionnant sur un secret à double fond qu'on découvre peu à peu. Néanmoins il est très bien construit et écrit, même si comme dans tous ses livres la préciosité n'est pas loin (et si, tant qu'à employer l'imparfait du subjonctif, il vaudrait mieux l'orthographier correctement…). Je pense que Patrice Jean gagnerait à adopter un style moins guindé. ● L'humour est également moins présent que dans ses autres romans. La dimension philosophique, qu'on constate dès le titre, est intéressante, et ne prend pas trop de place par rapport à l'intrigue, qu'elle laisse vivre, heureusement. le roman est une réflexion sur le hasard, sur le mal et sur les étapes qui jalonnent une existence. ● Je vous conseille de commencer la lecture de son oeuvre par La Philosophie de Bernard (Pocket).
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Tour d'ivoire

Le narrateur de ce roman reproche à internet de donner la parole à des gens qui devraient se taire, et qui s'improvisent critiques littéraires. Je suis bien d'accord avec lui, mais je mettrai mon grain de sel quand même.



"Tour d'ivoire" pourrait être un roman anti-moderne de plus, après Houellebecq, Bruno Lafourcade, Patrice Jean lui-même et d'autres auteurs sous le boisseau. Il n'a plus, cependant, le mordant, la "vis comica" de ces derniers, qui ridiculisaient les Edwy Plenel, les sociologues, les bourgeois-e-s de gauche et les intermittent-e-s de la vertu. Il fait moins rire de ces masques et semble mettre la satire et l'outrage au second plan : on ne le lira pas pour se venger, pour aimer ses préjugés, ou pour le délicieux frisson transgressif du lecteur catéchisé à perpétuité par la littérature qui se vend.



Tirant vers l'essai, le récit à la première personne d'un héros velléitaire pourrait donner lieu à des réflexions sérieuses sur la Tour d'Ivoire. Comment survivre dans un monde barbare ? Peut-on se replier sur un nombre d'amis et de livres choisis, et ignorer le reste ? Mais même cette question, qui aurait pu faire du livre un manuel de survie, est tenue à distance, évoquée comme par citation, comme si elle ne concernait plus directement le récit. D'ailleurs, les personnages font le contraire de ce qu'ils disent et leur vie ne s'harmonise qu'un temps avec leur doctrine.



C'est là, je crois, la qualité principale de l'ouvrage : il ne racole pas, il ne prêche pas, il n'enseigne pas, mais raconte une histoire comme doit le faire un bon et honnête roman. Flaubert est partout dans "Tour d'ivoire", pour nous rappeler que les idéaux, les doctrines, les politiques, ne sont pas des objets romanesques, mais seulement des paysages sur lesquels se détachent les destins individuels des personnages.



Pour faire la nique à la bêtise collective, il ne faut pas créer (en littérature) une bêtise opposée. La littérature ne change rien aux choses. Elle se renie quand elle tombe dans le sermon.
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La Poursuite de l'idéal

"La poursuite de l'idéal" est le nouveau roman de Patrice Jean. Il tranche sur les précédents par sa taille et l'ampleur du récit, puisque les dix années de formation du héros sont racontées en 480 pages : l'auteur ne nous avait pas habitués à cela et n'hésite pas à ennuyer son lecteur. La forme narrative est belle et très classique : récit à la troisième personne, mettant en présence un narrateur souvent ironique et détaché, dont la lucidité contraste avec les illusions où le héros jeune homme s'empêtre et se débat. On n'insistera jamais assez sur les vertus du récit de formation où le narrateur sans illusions remet la jeunesse à sa place. La production contemporaine s'enlise dans des textes à la première personne, qui empêchent toute prise de distance et toute analyse des actions et des sentiments des personnages. Victime des préjugés et illusions lyriques des narrateurs, le lecteur est empêché de réfléchir. Dans "La poursuite de l'idéal", les idées, sentiments, réflexions et rêves du personnage sont comme cités entre d'ironiques guillemets, mis à distance et présentés comme une série d'illusions et de mensonges. La référence à Stendhal est omniprésente, puisque le romancier appelle le personnage "notre héros", comme Fabrice del Dongo dans La Chartreuse de Parme.



L'une des qualités de ce roman réside d'ailleurs dans la citation : Patrice Jean n'émaille pas son texte de citations d'auteurs, mais s'amuse à faire s'entrechoquer dans son récit et dans la conscience de Cyrille, son héros, des discours contemporains tout faits, clichés et stéréotypes, qui le font agir et parler. Cyrille, jeune homme en quête d'idéal, n'agit presque jamais, ne sent presque jamais, de façon spontanée et personnelle : il lui faut la médiation de la littérature et de ses grandes figures, dont l'imitation guide sa vie, sa sensibilité et ses amours. Plus loin dans le roman, ce sont de grands ensembles de clichés politiques (parfois cités de façon drolatique) qui font agir les gens : les clichés woke et les mantras progressistes conduisent à un lynchage médiatique et au saccage d'un musée. Les discours ouvriéristes, néo-conservateurs tout faits font apparaître la comédie sociale comme un combat de clichés les uns contre les autres, derrière lesquels les volontés de puissance et de domination s'exercent à visage peu masqué. Patrice Jean décrit un monde sonore et langagier, le nôtre, celui du babil incessant des puissants et de leurs valets médiatiques et culturels. Au-dessus de cette arène, au-delà du dégoût qu'elle inspire, le narrateur dégagé, non engagé, décrit l'affrontement des discours et des clichés, et n'a même pas besoin de se moquer d'eux pour en faire sentir le ridicule. Il lui suffit de les citer.



Cyrille, ce héros inauthentique, incapable de sentir et de penser par lui-même, cherche la sortie de cet enfer, quand son besoin amoureux ne le perd pas sur des sentiers de traverse. D'ailleurs le récit de ses amours, du temps perdu à les poursuivre, au lieu d'écrire et de travailler, est assommant, mais nécessaire. Cyrille voudrait être poète, un vrai poète, pas l'ersatz de créatif littéraire que la société progressiste du spectacle lui propose. Cet idéal naïf de jeune homme se heurte au réel, bien sûr, mais s'affirme et s'obstine quand même, malgré le temps qui passe, les amours, l'enfant qui naît, les servitudes de la réussite sociale. Ici Patrice Jean, s'il est fidèle à la tradition classique du roman de désenchantement, ne va pas jusqu'à imaginer la défaite de son héros, ni le deuil de ses grandes espérances. Au contraire, Cyrille tente de réaliser le voeu de sa jeunesse, et de trahir la société pour écrire. Philippe Muray, qui ne citait jamais ses sources, aimait répéter cette définition de la littérature trouvée dans le journal de Kafka : "Ecrire, c'est faire un bond hors du rang des meurtriers."
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L'homme surnuméraire

Procédé, artifice ? Pour raconter la vie ordinaire de Serge, déprimante et déprimée, banale à s'ennuyer pendant les cinquante premières pages, y juxtaposer le brillant factice, de surface, du milieu universitaire.

La lucidité impitoyable de Serge, sur lui-même et son entourage, face à la suffisance prétentieuse, snob, de ceux qui ont conquis le statut d'intellectuels.



Avec ce détour, bien dans l'air du temps, par la description d'un nouveau type d'édition qui, reprenant les livres déjà publiés, classiques et contemporains, les expurge de tout ce qui peut choquer notre époque excessive dans ses goûts et ses dégoûts. Tout ce qui est vaguement coloré de machisme, de sexisme, de libertinage, de mépris social, de pessimisme, d'immoralité, est « réparé ». Ce qui donne lieu à des pages réjouissantes (celles de Patrice Jean, pas celles expurgées). « Ainsi naquit le verbe « céliner ». Lorsque Beaussant m'informait qu'il avait « céliné » une oeuvre, c'est qu'il n'en restait, dans le volume et dans l'esprit, presque rien. Le verbe, on l'aura compris, se référait à Céline : « Voyage au bout de la nuit », gros roman de plus de six cents pages, avait subi une cure d'amaigrissement, de sorte qu'il se présentait, dans notre collection, sous la forme d'une petite plaquette d'à peine vingt pages, dont le contenu guilleret, printanier et fleuri, n'aurait pas choqué les séides les plus soumis au politiquement correct. »



Au côté des personnages principaux, une galerie de figures typées, mais tellement vraies, dont un homme de lettres absolument séduisant, observateur impitoyable et plein d'humour de toute cette comédie que se jouent les acteurs de l'édition et les universitaires.



La construction du livre – roman dans le roman – est brillante, et si l'esprit en est très souvent cynique, les pages consacrées aux modestes, aux incolores, aux petits sans grade et sans réussite, sont à la fois réalistes et pleines de tendresse.



Ce sont eux, finalement, dont Patrice Jean démontre que la vie sonne le plus juste, le plus authentique.

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L'homme surnuméraire

Pour compléter les interessantes critiques détaillées déjà faites, je dirai aussi que ce roman est une très bonne surprise. L'ensemble est volontiers vachard, donc nécessairement excessif, mais l'auteur ne prend personne réellement de haut et sait respecter une saine ambiguïté: il n'est ni un idéologue, ni un simple ricaneur. Par certains aspects il me rappelle certaines lectures de Diderot (comme le dit Henri-l-oiseleur dans sa critique) ou de Crébillon. Amis libertins, vous êtes ici à la maison.



Attention: si l'on prise peu le second degré ou si l'on a un surmoi de gauche un peu trop tatillon, il vaut mieux passer son chemin.



La construction en abyme me semble bien faite et tout à fait pertinente. L'écriture, aux différentes voix, est un plaisir.



La réflexion sur la différence entre l'amateur lettré (guidé par le plaisir, il ne s'autorise que de lui-même) et l'universitaire (analyste froid et vainement jargonnant), pourrait paraître un peu trop appuyée. Mais parmi les différentes dimensions de ce roman, elle contribue aussi au charme. L'auteur est lui-même professeur, il ne fait pas que régler ses comptes avec l'institution et n'est pas un simple démagogue qui tape sur les intellos: il rappelle simplement que la littérature est un plaisir et un plaisir pas forcément innocent.



Il y aurait de quoi aussi, après une telle lecture, se sentir assez ridicule de donner sa critique sur Babelio. Mais, tant que l'on ne s'autorise que de soi-même sans trop épater la galerie, on doit pouvoir continuer à clapoter.



La fin est très inspirée. Beaucoup de souffle. Du Chateaubriant?



Tant qu'à faire, je joins le lien vers l'émission de radio qui m'a fait découvrir le livre: https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/a-la-recherche-du-temps-present

Chez Finkielkraut, avec Patrice Jean et Benoît Duteurtre, une réflexion sur ce que la littérature peut nous dire sur notre époque. Une bonne émission de l'oncle Alain.
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La Philosophie selon Bernard

De Thalès à Onfray, l’éventail est large pour s’initier à la philo. N’ayant jamais eu l’ambition débordante, j’ai préféré commencer par la philo selon Bernard.





La fée philo n’aime pas les Bernard car après BHL, c’est Bernard Michaud qui va morfler et passer pour un âne.

" File au zoo fée", c’est ce qu’elle a du comprendre quand elle s’est penchée sur le berceau de Nanard.



Ce livre, c’est un peu le diner de cons à la sauce philo sophisme.



Tout part d’une vanne à deux balles, "c’est un philosophe Bernard".

Lui, il n’aime que le foot la bière et le cul. Le second degré c’est voyage en terre inconnue alors il va se prendre au jeu.



Nanard, on lui dit Aristote et…

Il se gratte le crâne (long silence)…

On m’avait dit qu’Harry s’tâte mais je savais pas qu’il se totait aussi. Si je me souviens bien, Platon nique. Ya rien à dire, la philo c’est mon truc.

C’est d’autant plus son truc à Nanard que sa seule préoccupation jusque là, était de savoir quand et comment il pourrait se faire sa supérieure hiérarchique, l’initiatrice de sa nouvelle vocation, qui, à ses heures perdues, fréquente un philosophe reconnu.

Pauvre Nanard, il va endosser tout un tas de costumes pas taillés pour lui et comme souvent dans ces cas là, pas une âme charitable pour lui dire qu’il est ridicule. Au contraire on l’encourage.



Entrant dans la peau de Descartes ou de Nietzsche, entouré de Kantiens, de Schopenhauericiens, de Spinozistes, d’Hegeliens et autres Sartriens ou Lacaniens, on se demande qui est le plus stupide.



Un livre satirique sur les philosophes, ces gens qui expliquent le monde pendant que d’autres le font, et sur l’absurdité de vouloir paraitre.

Une lecture qui fait du bien parce qu’on rit et une lecture qui rassure parce qu’on n’est pas comme ça nous, les autres oui, mais nous… euh… joker.

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Le parti d'Edgar Winger

C'est l'histoire d'un imbécile qui se lance dans une quête. Il trouve ce qu'il cherche sans le trouver. De toute façon, il ne comprend rien.

Détaillons. Romain Bisset est membre d'un groupuscule dénommé " Parti Révolutionnaire" (excusez du peu !) qui associe dans un improbable mélange le wokisme à un marxisme assez dogmatique. Pour revivifier le mouvement, Romain est dépêché, dérisoire Perceval, dans la quête d'un graal marxiste-léniniste : retrouver la personne d'Edgar Winger, éminent théoricien (enfin c'est ce qu'ils croient) disparu des radars il y a une vingtaine d'années.

Justement Winger aurait été vu dans un café de Nice. Romain s'y transporte et y séjourne quelque temps. Il fait des rencontres, fréquente une communauté de freaks allumés, se fait escroquer et dépouiller par des voyous qu'il prend pour des victimes, comme le premier Édouard Louis venu (les derniers outrages lui seront quand-même épargnés), retrouve la piste de Winger par hasard et la suit jusqu'en Auvergne, n'ayant rien compris. Notons que l'un de ses camarades, marxiste relativement orthodoxe et ayant comme tel une pensée certes délirante mais plus structurée, essaie en vain à propos des voyous niçois de lui faire comprendre la notion de lumpenproletariat. Dommage qu'il n'ait jamais essayé d'expliquer celle "d'idiot utile" à ses camarades wokes.

Bref. Romain retrouve Winger dans un village de l'Allier. Hélas ! Il ne trouve pas le Winger auquel il s'attendait, mélange d'Althusser et de Bourdieu, avec un zeste de Morin et une pincée de Foucault. Winger ne s'intéresse plus à la révolution et au progrès, qu'il ne croit plus possible, il a remplacé tout cela par une méditation sur l'université du Mal, et la beauté du monde,qui ne changera pas. Il lui raconte aussi l'expérience qui l'a changé. Cette expérience, qui nous entraîne ailleurs, je vous laisse la découvrir.Evidemment, Romain juge, categorise, étend l'histoire de Winger sur le lit de Procuste de ses certitudes, et, bien sûr, ne comprend toujours rien. Il poursuit cependant sa quête de la vérité sur Winger telle qu'il voudrait la trouver, croit l'avoir fait, et, bien sûr, ne comprend toujours rien. Et puis il fait une fin dans tous les sens du terme, dans ce qu'il appellerait s'il s'en rendait compte un bonheur petit -bourgeois. Tant mieux pour lui, car cet humble bonheur, toujours fragile et menacé (que Winger avait connu en son temps et qu'il a perdu, dans une horrible épiphanie qui l'a transformé) est le seul possible en ce monde. Mais bien sûr Romain ne le comprend pas. Parce que, définitivement, Romain ne comprend rien. Souhaitons-lui de ne pas comprendre, de la façon dont Winger a compris.

On n'en conclura rien, comme l'a dit Flaubert, la bêtise est de vouloir conclure. C'est juste une histoire, celle d'un imbécile, qui nous raconte un peu de l'histoire de notre époque, comme celle de Frédéric Moreau,cet autre imbécile, nous raconte beaucoup de son époque à lui.

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Rééducation nationale

L’enthousiasme bien compréhensif du professeur débutant est-il soluble dans les effets conjugués de collègues réactionnaires, d’élèves ingrats et des arcanes embrouillés d’une administration omniprésente.

Le jeune Bruno Giboire nommé professeur de lettres dans un lycée nantais ne rêve que de transmission du savoir, idées pédagogiques, schémas didactiques et projets culturels. Il se rend rapidement compte que la majorité de ses collègues se situent dans le clan des blasés et des fatigués. Qu’importe, Giboire s’accroche à ses idéaux mais une drôle d’affaire va diviser le corps enseignant. Pour financer des ateliers citoyens, le conseil d’administration a proposé la vente d’une statue khmère offerte par Malraux en 1960. Pro et anti s’affrontent dans une guerre stérile. Pour convaincre les adversaires de la vente, Giboire et ses amis imaginent les plus folles solutions et l’affrontement vire au grand guignol.

Au-delà des excès de cette énorme farce, l’auteur, lui-même professeur de lettres modernes, égratigne avec humour le milieu enseignant et ses méthodes pédagogiques hors sol. Un roman jubilatoire et caricatural !
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Rééducation nationale

Ce petit roman satirique étonnera et fera rire un lecteur étranger à l'Education Nationale : la galerie de personnages extravagants fera croire que l'auteur exagère et cède à la tentation de la caricature, mais quand on a connu le monde éducatif, on se rend compte que la réalité va bien au-delà de la fiction. Ce petit univers d'un grand lycée de province est bien croqué, de même que les professeurs gauchistes, les élèves désabusés et le monde réel, exilé bien loin au dehors des limites de l'établissement. On sait que l'intrigue repose sur une statuette khmère qu'il s'agit de vendre pour consacrer l'argent à un atelier pédagogique citoyen, à savoir de rééducation et d'embrigadement politiques. Patrice Jean campe un héros proche de Candide, naïf et croyant aux vertus de la Pédagogie, du Bien et du Progrès, aussi simplifié et dénué de profondeur que ses collègues engagés. Vers la fin, quelques belles phrases dégagent la morale du récit, et accentuent sa ressemblance avec un conte De Voltaire.
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L'homme surnuméraire

Merci à Henri l'Oiseleur de m'avoir fait connaître ce remarquable écrivain, dont l'oeuvre est évidemment étouffée sous l'inexorable marée noire du politiquement correct. Plutôt que de produire ma propre critique, je m'incline devant celle de "Henri", à lire ici: https://www.babelio.com/livres/Jean-Lhomme-surnumeraire/967094/critiques/1455188
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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La Poursuite de l'idéal

Tout commence bien. Très bien même. Roman d'apprentissage fleuve desservi par une plume ample et classique, on suit les déboires de Cyrille qui nous entraîne dans ce qui ressemble au grand roman d'une génération. On se plaît à se dire qu'il y a un je ne sais quoi de chef d’œuvre en sommeil, un faux-air du formidable Triomphe de Thomas Zins de Matthieu Jung, roman d'apprentissage magistral.



Et puis de petites phrases sèment le doute. Des pointillés qui deviennent vite des coups de pinceau et terminent en monochromes mastodontes. L'auteur, obnubilé par sa vision réactionnaire des temps contemporains, en oublie tout le reste : ses personnages, son intrigue, sa fiction (mais quel dommage !) qu'il délaisse au profit de son message. Las ! Cyrille et les autres ne deviennent plus que des pantins servant des scènes qui s'égrènent comme un catalogue d'exemples idéologiques maladroits d'on ne peut plus rien dire !, d'à bas le politiquement correct !, une succession pataude de clichés lourdingues. Alors forcément le roman s'étiole. La fiction s'effondre et le lecteur perd pied. On n'entend plus que le tintamarre de l'auteur, ses jérémiades contre le racisme anti-blanc et le totalitarisme des bien-pensances, toutes les scènes donnant lieu à une pique contre (et dans le désordre) : les villes dénaturées par les zones commerçantes des beaufs ou les mosquées des Musulmans (eux même victimes de l'instrumentalisation qu'en font ces décidément bien nocifs « progressistes » - sorte de mot fourre-tout dans l'intellectualisme d'extrême-droite), les intellectuels censeurs de gauche (avec un personnage totalement ubuesque sorte de figure improbable à la croisée entre BHL et Juan Branco), les « féminismes » (autre mot fourre-tout) qui cherchent à faire chanceler l'autorité (de qui de quoi ? sûrement de l' « homme blanc moyen ») et donc devant tant de litanies attendues, l'horizon du chef-d’œuvre s'évapore pour devenir une démonstration scientifique boursouflée et prétentieuse des thèmes chers à Valeurs Actuelles/Répliques/Revue Éléments/Nouvelle droite/Figaro magazine/L'heure des pros et autres contestataires réactionnaires (qui se qualifient plutôt d'antimodernes, – délicieuse métaphore) et qui, nantis de leur mépris de classe d'aristocrates dandys (qu'ils déguisent en chouannerie contre le progressisme moderne) s'indignent de voir que les manants, tout en bas, aient le culot de vouloir que les choses changent – un tout petit peu et qui considèrent que la féminisation de professeur(e), le changement d'un titre de livre d'Agatha Christie ou l'odieuse volonté des femmes de partager tâches ménagères et charge mentale sont le signe avant-coureur d'une débâcle civilisationnelle, de l'abdication des racines de l'Europe chrétienne, de la soumission à l'Islam et son grand remplacement et autres foutaises obsessionnelles et pourtant furieusement tendance depuis dix ans. Retour feutré et germanopratin de l'immonde, qu'on ne s'étonne plus de trouver partout désormais, même chez Gallimard, qui n'est pourtant pas – encore ? – dans le giron du grand argentier en chef le sieur bigouden Bolloré. Et alors, même la plume pourtant élégante de l'auteur, certainement pas dénué de talent littéraire commence à sonner faux, comme un manifeste du bien-écrire français, qui était forcément mieux avant, à l'époque des Mallarmé, des Chateaubriand, des Flaubert comme si la langue ne pouvait pas ou ne devait pas évoluer et que la « moderniser » n'était qu'une manifestation de plus de l'abêtissement sociétal, de la pauvreté du français condamné à se décomposer dans un idiome hybride mêlant l'arabe et l'écriture inclusive (cette caricature n'est malheureusement pas si éloignée de certaines saillies du pavé qui en regorge).



Sûrement le plus odieux dans tout cela c'est que l'auteur – et tous ses autres acolytes littéraro-médiatiques – abonnés aux tribunes de Causeur, aux tables-rondes du Figaro ou aux micros de Finkielkraut – se voient en révolutionnaires "apolitiques", en derniers Mohican dans un pays noyé par le fléau du « progressisme », alors qu'ils ne sont rien de moins que les ixièmes chantres du c'était mieux avant, les mêmes que ceux d'hier et d'avant-hier et du siècle dernier et de jusqu'aussi loin que remonte l'humanité – sorte de hantise générationnelle assez triste finalement comme une peur de son propre déclin –, dans une rhétorique tellement éculée, tellement dépassée et surtout tellement détestable lorsqu'elle se pense singulière et ne trahit finalement que la connerie.



Parenthèse nécessaire ici : qu'on ne pense pas que l'idéologie de l'auteur soit condamnable per se, il a bien le droit de penser ce qu'il veut et des réacs ont écrit parmi les plus belles pages de la littérature mondiale. le problème ici, c'est que le texte se laisse déborder par l'idéologie d'extrême-droite qui la sous-tend au point de finir par devenir à une caricature de ce qu'il dénonce. Je reprends ici à mon compte une des citations de l'auteur, que lui adresse à la littérature « progressiste » et qui décrit parfaitement ce texte : « En général, on lit quelques lignes, quelques pages et l'on comprend que l'auteur racole le lecteur à coups de bons sentiments, d'indignations comme il faut, de révoltes bien coiffées. » Inversez la citation et vous aurez la Poursuite du Bonheur ou comment (mal) déguiser un manifeste politique en roman.



C'est d'ailleurs et peut-être le seul point jouissif du livre : ce grand raté de l'auteur qui conduit ses lecteurs « progressistes » à adorer ce texte, où ils pensent lire une farce parodique et cynique sur des réacs bien crétins.

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Rééducation nationale

Le jeune Bruno Giboire voit enfin son rêve s'accomplir. Grâce à un testicule surnuméraire, il va pouvoir entrer dans l'Education Nationale ! A son tout de porter la bonne parole pédagogique à toutes les charmantes têtes blondes et brunes qui ne demandent bien sûr qu'à l'entendre et la vénérer. Car foin de dogmes ancestraux, Bruno détient la Vérité, révélée dans La Revue pédagogique par Dieu lui-même, alias Philippe Meirieu. Et Bruno est tout entier dévoué à sa cause, aucune bagatelle amoureuse, fût-ce avec Nadège, qui pratique les îlots avec lui, aucun soupçon réactionnaire, ne pourront l'écarter de sa voie ni ternir sa vocation.

Chaque étape de l'année scolaire est croquée avec une ironie féroce à travers le regard de ce Candide contemporain. Et quand advient le grand schisme lors duquel chacun doit prendre position et affirmer quelles sont ses valeurs et sa vision de la culture, Bruno se sent enfin exister et pousser des ailes, jusqu'à ce qu'un mystérieux sérum de vérité ne fasse enfin tomber les masques.

Cette lecture est vraiment jubilatoire ! A ceci près qu'il faut probablement être du sérail pour l'apprécier pleinement.
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Le parti d'Edgar Winger

Romain Bisset est un fils de bourgeois qui s'est engagé corps et âme (au point de lui abandonner son héritage) dans le Parti Révolutionnaire, une sorte de parti marxiste-wokiste se rapprochant des thèses de Sandrine Rousseau... en pire (oui, il faut croire que c'est possible.)

Il est chargé par la direction politique complètement loufoque (et en même temps effrayante) de son parti de retrouver un théoricien d'extrême-gauche inspirateur de ses thèses, Edgar Winger, alors que celui-ci n'a plus été vu depuis vingt ans.

Toute la première moitié du livre va donc être le journal intime de Romain, et ça ne manque pas de sel. Le personnage est pathétique, à osciller entre ses "penchants" qu'il se reproche constamment, et l'autoflagellation wokiste. Les extrémismes et velléités révolutionnaires de tout bord vont en prendre pour leur grade, dans une orgie de sarcasmes jubilatoires, à l'insu du personnage d'ailleurs.

À la moitié du livre, Romain retrouve Winger... et comme on s'en doutait un peu, il va tomber de très haut en découvrant le gap entre l'idole qu'il s'imaginait, et ce qu'est devenu le philosophe vieillissant et marqué par la sagesse des épreuves endurées.

Pour autant, cette leçon de relativisme, si elle va déstabiliser Romain, ne parviendra pas à vaincre ses certitudes et le personnage s'enfermera jusqu'au bout dans son pathétisme.

Un roman original, varié, à la fois drôle et philosophique, excellemment bien écrit, qui se révèle finalement être une ode à la nuance et au compromis, et une supplique pour un progressisme doux et par petites touches, à l'opposé d'une conception révolutionnaire dont la violence serait contradictoire avec le message qu'elle sous-tend.
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L'homme surnuméraire

Le roman commence par raconter les déboires de Serge, agent immobilier, marié à Claire, professeure de lycée. Pendant des vacances en famille, Claire rencontre un couple d'universitaires gallois qui représente tout ce qu'elle aimerait être et lui fait encore mieux prendre conscience de la médiocrité de son mari. Puis Clément, un autre narrateur, intervient ; il semble lui aussi une autre forme d' "homme surnuméraire". Il vit aux crochets de sa jolie compagne Lise, dont les amis sont professeurs d'université, philosophe, écrivain, éditeur, ce qui le fait encore plus passer pour un parasite. Voilà pour le fond, en dire plus serait gâcher. L'intérêt de cette lecture, est, je trouve, le plaisir malin que prend l'auteur à jouer avec ses personnages, comme un chat avec une souris vivante. Rien ne leur est épargné, aucune bassesse, et j'avoue, c'est ce qui m'a plu. Les parodies stylistiques font aussi sourire, et on se demande jusqu'au bout comment tout cela va finir.
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L'homme surnuméraire

Autant être bref... J'ai adoré ce livre de la 1ère à la dernière page.



J'ai rarement lu une analyse de notre société, notamment littéraire, aussi fine et divertissante! Car ce livre fait rire, certainement, et même parfois grincer des dents, mais parfois aussi il nous fait réfléchir à notre petite vie.



Je partage tellement aussi son analyse du monde académique, moi un universitaire défroqué!



Livre à partager!





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L'homme surnuméraire

J'ai découvert Patrice Jean avec le génial "Le parti d'Edgar Winger" et je m'étais bien juré de ne pas m'arrêter là.

C'est donc chose faite avec ce "L'homme surnuméraire" qui a tenu toutes ses promesses.

On commence très fort avec les aventures de Serge le Chenadec, un brave type en train de perdre malgré lui et à son grand dam l'amour de sa femme et l'intérêt de ses enfants.

Quand tout à coup, paf, mise en abyme.

Déception ? Pas du tout ! Car Clément, le glandeur lettré qui a réussi à mettre la main sur la perle rare mais déteste son entregent, s'avère tout aussi intéressant !

On va ainsi alterner les deux points de vue qui se répondent l'un l'autre et finissent presque par se singer à la fin au fur et à mesure que leur vient la lassitude de ce sentiment d'être de trop.

Dans une véritable performance littéraire aux astuces sans arrêt renouvelées pour nous tenir en haleine, Jean démonte les travers de notre époque avec l'oeil du sociologue et une causticité qui ne faiblit jamais. Il trouve même le moyen de démonter son propre livre à travers la voix d'un professeur de littérature imbu de lui-même et de ses analyses, en prévoyant lui-même, à juste titre, les reproches que risquaient de lui faire les bien-pensants.

Il se montre même visionnaire avec son histoire de réécriture politiquement correcte des grands classiques, cette pratique s'étant généralisée et ayant été largement médiatisée plusieurs années après la parution de ce livre (10 petits nègres, Roald Dahl, etc.)

Un auteur original avec sa voix propre, bon sang ce que ça devient rare, et ce que ça fait du bien, même si j'ai retrouvé dans Serge et Clément un peu du loser magnifique dans Mon chien stupide ou Demande à la poussière de John Fante, mais la comparaison est flatteuse.
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