Né à Paris le 13 mars 1888, Paul Morand commence en 1913 une carrière de diplomate qui le conduira aux quatre coins du monde. Révoqué après la seconde guerre mondiale, il est rétabli dans ses fonctions d'ambassadeur en 1953 et mis à la retraite des Affaires étrangères en 1955. Il est élu à l'Académie française en 1968 et décédé à Paris le 23 juillet 1976. Considéré comme un des pères du « style moderne » en littérature, il s'est imposé comme l'un des grands écrivains français du siècle dernier.
Paru en 1924 Lewis et Irène est un très court roman qui se joue des rapports amoureux et professionnels entre deux jeunes financiers. Lewis est un jeune dandy, qui collectionne les femmes comme d’autres les papillons, traitant ses affaires financières à l’instinct et sur ce principe « Dans le doute, abstiens-toi de te servir de ta raison ». Irène est l’héritière d’une riche famille de banquiers grecs, les Apostolatos, indépendante et libre depuis son divorce, c’est une femme en avance sur son époque, active, professionnelle, elle mène ses affaires avec opiniâtreté et rigueur.
Un concours de circonstances les amène à se rencontrer en Sicile pour se disputer l’exploitation des mines de San Lucido. Dans un premier temps Lewis emporte le morceau mais il se trouve confronté à de multiples problèmes administratifs et techniques qui l’empêchent d’exporter le minerai. Il découvre qu’Irène est derrière ces manigances qui l’obligent à revendre la mine à celle-ci. « Il ne fait pas bon d’avoir affaire à vous, reprit-il. Pourquoi n’êtes-vous pas une femme ? » lâchera Lewis de dépit.
Subjugué par cette femme qui l’a défié et vaincu professionnellement, autant que par son indifférence à ses avances, il réalise qu’il a trouvé la femme de sa vie et l’épouse après qu’elle l’ai longtemps repoussé. Tous deux abandonnent leurs affaires et filent vivre le parfait amour dans une petite île grecque.
Mais peut-on vivre d’amour et d’eau fraîche sous le chaud soleil méditerranéen, à se prélasser dans sa chaise longue quand on a connu l’excitation et l’exaltation des flux des cours boursiers ? Poser la question, c’est déjà y répondre. Je peux dévoiler l’épilogue, Lewis et Irène divorceront et retourneront à leurs affaires, réalisant que « l’amour n’est fait ni pour vous ni pour moi ». Par contre leur amitié en sortira grandie, les poussera à s’unir en affaires et de cette union naîtront de beaux bénéfices !
Qu’il est bon de se replonger dans ces romans écrits dans une langue magistrale, dont Morand s’est fait un champion. Phrases courtes et incisives, grande culture sous-jacente mais jamais ostentatoire, quelques formules bien pesées « L’amitié entre hommes, vous savez ce que les femmes en pensent : ça fait de l’ombre sur leurs robes ». Un roman encore très moderne servi par un style irréprochable.
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Il s'agit d'un roman contemporain qui prend tout son sens à la toute fin de l'intrigue. Cette oeuvre est riche en références mythologiques. Attention si vous ne connaissez pas le mythe d'Hécate vous passerez à côté de l'oeuvre et de son interprétation. C'est un grand roman du 20°siècle. A lire
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Trois nouvelles de Paul Morand, trois portraits de femmes préfacés par Marcel Proust, quoi de plus délectable ? Il s'agit d'un jeune Paul Morand qui décrit ces femmes mondaines avec une justesse et une sensibilité qui lui valurent l'éloge de son aîné. Ces trois femmes, Clarisse, Delphine et Aurore, qui sont probablement inspirées de vraies femmes, servent de prétexte pour décrire différents types de femmes mondaines, dans un style impeccable. le style est particulièrement beau en matière de descriptions. Paul Morand parvient à trouver des images que je trouve très justes, mais avec ce poil de pittoresque qui leur donnent de la vigueur. Pour ma part, j'ai trouvé Clarisse un peu quelconque, Aurore trop caricaturale dans sa sauvagerie et c'est à Delphine, la femme déchue, que va ma préférence.
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Quelle belle surprise ! Un texte concis, précis. Le style est si bien maîtrisé que, comme dans le dressage equestre, on ne voit rien de grossier, mais on devine une main très sûre, celle d'un maître, derrière cette nouvelle à la fois fraîche et triste.
Amateurs d'équitation, fervents du dressage en manège, vous serrez ravis par cette évocation, de l'intérieur, de la vie et de l'Oeuvre, d'un écuyer du prestigieux cadre noir de Saumur. Amis des chevaux, vous dégusterez cette histoire d'amour, osons le dire, entre une jument et son propriétaire (que ce mot convient mal!). Habitués des romans français du début du XXème siècle, vous vous délecterez de cette évocation de la vie provinciale qui a presque quelques accents flaubertiens.
L'histoire est inscrite dans les premières lignes, et la fin de la nouvelle ne fait que venir confirmer la fatalité que l'on redoute, et dont on ne sait comme elle va s'exprimer.
Un seul regret, les femmes sont traitées avec un peu de misogynie, même si quelques défauts ou fautes bien posés doivent la justifier, le trait est un peu forcé.
Ce que vous aimerez le plus : toutes les références à l'art équestre. Paul Morand était-il si bon cavalier ?
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A la façon d’un cabinet de curiosités
Etrange texte de 130 pages écrit par un gros bourgeois érudit et argenté, oisif professionnel qui, au lendemain de la loi sur les congés payés, nous fait part de ses réflexions sur l’occupation du temps libéré, le temps du repos, lui qui a passé sa vie à se reposer, donc à s’occuper.
Avec une certaine condescendance pour les classes populaires et sans aucune revendication sociale ou politique, il nous fait part de diverses considérations :
- Surtout sociologiques : que sont les français, notamment au regard d’autres peuples, quel est ce besoin de protection qui nous habite, pourquoi avons-nous peur de l’avenir, de la joie, du lâcher prise ? Pourquoi avons un comportement d’enfants gâtés ? Certains passages font penser à du Zemmour, mais l’état d’esprit est bien différent…
- Mais aussi philosophiques notamment sur le rapport à la nature, l’activité physique, au temps qui passe, à la vitesse qui enivre et donne l’illusion d’une vie remplie, à nos peurs, nos fuites, nos aveuglements.
Depuis 1937, le contexte s’est bien modifié et on peut trouver que sa pensée a vieilli, cependant des fulgurances étonnamment modernes voire visionnaires sont saisissantes. Paul Morand a en outre un sens de la formule qui fait facilement tilt. Retenons le dernier chapitre, « la vie intérieure maîtresse de notre vrai repos » … Tout y est dit sur le stress de l’époque contemporaine.
Contenu bref mais riche, à lire comme une curiosité.
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Paul Morand signe un essai des plus intéressants sur la très célèbre affaire Fouquet. Une première partie permet de situer l'arrestation du Surintendant dans son contexte historique. Une seconde expose le procès et donne des dates clés tout en rappelant le rôle des protagonistes. Des recherches assidues et multiples ont dû être nécessaires pour revenir avec tant de précision sur un pan aussi célèbre de l'Histoire de France, qui a vu s'opposer les plus grands noms de l'époque.
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Plus c'est petit, plus c'est bon ! Pardon pour cette blague graveleuse vu le contenu du livre, mais j'ai littéralement dévoré ce (court) roman. Paul Morand réussit à nous faire entrer dans la fièvre amoureuse et destructrice du personnage principal. Les chapitres sont brefs et pourtant tellement denses, si fouillées dans la boue des émotions que ressentent les deux protagonistes. La culpabilité, la tristesse après le sexe, l'envie et la jalousie surgissent chapitre après chapitre, enflent jusqu'à une résolution terriblement terre-à-terre, comme la vie sait si bien faire. Savoir dire ce qu'il y a de mauvais en l'homme reste un exercice fin et périlleux, avec le risque de tomber dans le dramatique. Paul Morand évite cet écueil à la perfection, le style est tenu, châtié, les effets réduits au minimum. Décidément : un grand livre.
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Toujours passionné par les écrivains qu’on ne lit plus (parfois, à tort), j’ai donc enfin lu « L’Homme pressé » de Paul Morand. C’est un étrange roman. Un très beau titre, de jolis effets de style, quelques fulgurances mais une histoire abracadabrantesque, des personnages improbables, une misogynie prégnante, un étalage de culture constant.
Bref, pour rester dans la même période (les années 40), je ne saurais trop vous recommander Louis Guilloux (« Le Sang noir »), Paul Gadenne (« Siloé ») ou Raymond Guérin (« L’Apprenti »). Des auteurs injustement oubliés, pourtant au firmament de la littérature française.
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P. Morand passe en revue les évènements qui ont marqué l'entrée en matière du XXème siècle.
J'ai pu prendre la connaissance de quelques épisodes historiques comme la tragédie de la mission Joalland-Meynier au Tchad. J'ai apperçu plusieurs noms de la scène mondaine parisienne comme les courtisanes Liane de Pougy, Cléo de Mérode, la belle Otéro, quelques personnalités royales aussi, des écrivains comme Zola, Octave Mirbeau, Léon Daudet...
La conclusion est une des plus pertinentes et un message fort sur les conflits de générations comme l'a ressenti l'auteur sur les graves évènements à venir.
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Recueil de nouvelles initialement publié en Anglais par Morand, puis traduites au français. Je les ai lues dans un petit recueil qui contenait les deux versions. Ce sont des nouvelles très bien écrites, souvent centrées sur l'Orient, j'ai particulièrement aimé l'enlèvement des danseuses, ou l'histoire du Basque qui vit 50% du temps dans une île et 50% du temps au Pays Basque.
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Voici le premier livre que je lis de Paul Morand, et certainement pas le dernier. Je ne me souviens pas avoir autant apprécié un style d’écrivain. C’est épuré, net, précis, et EFFICACE. Pour l’intrigue, j’avoue avoir été extrêmement surpris, je ne divulgâcherai pas, mais plutôt prévenir que c’est glauque. Mais ce n’est pas bêtement glauque, l’auteur à parfaitement calculé son coup, pour faire passer son message, sa pensée. Si vous hésitez, je vous conseille sans aucune hésitation à lire ce livre ma foi très court.
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Je ne sais si je suis passée à coté de ce livre, mais je m'y suis ennuyée. il me fut fastidieux d'aller au bout, mais peut être est ce un prolongement de mon ennui à regarder certains films de Woody Allen (à l'exception de Match Point). Je n'ai pas compris ou l'auteur souhaitait aller, je n'ai pas saisi la profondeur de sa pensée, je n'ai trouvé que bla bla bla , j'en ressort vide. Si on me demandait d'en faire un condensé, ou d'en dire quelques mots, je serai bien en peine.
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Paul Morand nous raconte Mademoiselle d'après des notes griffonnées durant l'hiver 1946 alors qu'il l'a retrouve désœuvrée dans un hôtel de Saint-Moritz.
J'ai beaucoup aimé le chapitre De la mode où elle expose sa vision de la mode, et surtout l'absurdité de la propriété intellectuelle dans la mode. (*)
Beaucoup d'aphorismes, des anecdotes. J'ai eu l'impression d'entendre sa voix alors que je ne l'ai jamais entendue. Je suis donc allée vérifier sur Youtube, et c'est exactement ça !
https://youtu.be/cK1IfRDmT8E
C'est une lecture intéressante, parfois irritante, qui m'a fait découvrir certains aspects de cette grande dame qui a quand même un sacré foutu caractère !!
(*)"Si le rôle du couturier est par vous réduit à si peu de choses, à l'art léger et rapide de capter l'air du temps, ne trouvez-vous pas naturel, me dira-t-on, que les autres fassent de même, vous copient, s'inspirent de vos idées comme vous vous êtes inspirée de celles qui flottaient, éparses, dans Paris ?"
Et aussi : "J'entends souvent dire que la confection tué la mode. La mode veut être tuée ; elle est faite pour ça.
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Dans ma précédente lecture " Venise à double tour " Jean Paul Kauffmann cite à plusieurs reprises Paul Morand et je n'avais lu de livre de lui. Dans les livres non lus de ma bibliothèque, il y avait une édition poche de " L'allure Chanel " offert gratuit par Folio, je m'y suis plongé, l'ai trouvé intéressant, bien écrit et y ai appris beaucoup sur la personnalité de cette femme dont j'ignorais presque tout : Coco Chanel. Paul Morand la rencontre en 1921, elle n'ai pas encore la styliste reconnue qu'elle deviendra, sa maison commençait à prospérer, financée par un certain Boy Capel. Elle vit déjà dans les milieux artistiques entourée d'écrivains, de peintres, de poètes, de musiciens. Dans les années 20, elle va révolutionner son art. Avant la guerre 14/18, la haute couture était réservée aux femmes oisives, elle va l'ouvrir aux femmes actives en créant des modèles pratiques, confortables. En 1946, Paul Morand recueille les confidences de cette femme travailleuse, avec lesquelles il écrira ce livre. Elle y raconte sa vie , sa jeunesse, ses amours peu nombreux, ses liaisons, nombreuses, ses amitiés prestigieuses, Picasso, Stravinsky, Diaguilev, Radiguet, Satie, Cocteau. Elle y donne ses avis, parfois à l'emporte-pièce, sur son métier, sur son temps, sur ses goûts. Le livre retrace sa vie dans les années 20/30, mais les années 39/45 ne sont pas abordées, on apprend simplement qu'après la guerre elle était en disgrâce, sans qu'en soit mentionné la raison.
C'est un livre plaisant, dynamique, probablement à l'image du personnage, servi par la belle écriture de Paul Morand.
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Ouvrage mineur rassemblant trois textes qui semblent parfois écrits par dessus la jambe, dans une atmosphère hors du temps avec des personnages dépoussiérés pour l’occasion et que l’on croirait tout droits sortis d’un livre d’histoire.
Pour amateurs inconditionnels de Paul Morand.
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Trois textes remarquablement bien écrits mais un peu abscons.
A lire concentré.
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Né à Paris en 1888, Paul Morand commence en 1913 une carrière de diplomate qui le conduira aux quatre coins du monde. Révoqué après la seconde guerre mondiale pour proximité avec le régime de Vichy, il est rétabli dans ses fonctions d'ambassadeur en 1953 et mis à la retraite des Affaires étrangères en 1955. Elu à l'Académie française en 1968 il décède à Paris en 1976. Considéré comme l’un des pères du « style moderne » en littérature, il s'est imposé comme l'un des grands écrivains français du siècle dernier. Tais-toi (1965) est un texte court qui hésite entre la nouvelle et le roman.
Silvère, étudiant au Canada revient en France à la faveur d’un héritage imprévu suite au décès de Frédéric Lahire, un riche et célèbre cousin de son père. Pour remercier cet inconnu (pour lui), il décide d’écrire sa biographie. Un projet malaisé car l’homme s’avère avoir été très secret et terriblement peu bavard. Silvère va tenter de retrouver ceux qui l’ont connu et les faire parler pour pouvoir esquisser le portrait de ce muet…
Un parcours qui va mener Silvère du Portugal en Suisse et au sud de la France, interrogeant une poignée de personnes ayant côtoyé Frédéric à titre professionnel ou intime, l’ayant accompagné comme chef du jeune stagiaire de presse, de collaborateur d’un parlementaire ou de responsable dans un grand groupe pétrolier, à moins que ce ne soit son amante donnant un éclairage plus précieux de cet homme à l’étrange personnalité.
Il y a beaucoup à dire sur le silence et Morand s’y essaie mais il reconnaitra n’avoir pas tout tiré de ce sujet s’il y avait consacré plus de temps, d’où cette tergiversation entre une nouvelle ou un roman.
Le thème du livre est donc la solitude, celle d’un homme ayant fréquenté les hautes sphères du pouvoir en partie grâce à son mutisme. Un trait de caractère illustrant les difficultés de la communication même avec ses plus proches comme Corinne sa maîtresse, « nos rares échanges s’alourdissaient du fardeau de nos arrière-pensées ; sous ce que l’on dit il y a ce que l’on ne dit pas, ce que l’on aurait pu, ou dû, dire, ou le contraire de ce que l’on a dit, tout un contrepoint. »
L’épilogue – digne d’un petit polar - livrera le fin mot de l’histoire, le caractère taiseux de Frédéric avait pour origine un traumatisme datant de l’enfance et les conditions de son décès seront révélées.
L’un des points forts du livre ce sont les piques au vitriol assénées aux journalistes (« Pas moyen de lui faire comprendre qu’il ne faut pas tout dire dans un article ; il faut laisser entendre qu’on en sait bien plus long… »), aux hommes politiques (« Ne pas parler en politique, c’est si insolite que cela a l’air d’un besoin d’humilier…) ou au monde des affaires qui résonnent fortement aujourd’hui, peut-être plus encore qu’hier. On retrouve dans ce roman le côté très moderne de l’écriture de Paul Morand, à peine contredit par une abondance de points-virgules…
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