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Citations de Pierre Jourde (329)


M. Soubeyran était extraordinairement maigre et osseux. À l'arrivée d'un visiteur, ou de clients, lorsque l'auberge fonctionnait encore, il se fendait d'un mince sourire. Fendait est le terme exact, car M. Soubeyran disposait de très peu de peau pour effectuer cette opération. […] L'œil de verre lançait un éclat. Le sourire de M.Soubeyran faisait paraître une tête de mort à la place de son visage. Il est probable qu'il n'y pouvait rien, peut-être était-il un bon vieillard, mais son sourire a toujours empêché qu'on voie en lui autre chose qu'un squelette déguisé en homme.
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La tentative de lapidation collective a donné au village, pour ceux qui ne le connaissaient pas, une image infiniment plus désastreuse que celle renvoyée par le livre et contre lequel elle prétendait réagir. C'aura été le dernier prix à payer : battus, condamnés, ils passent en prime pour des sauvages.
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La vétille devient un genre.
Les livres de Christian Oster où de Tanguy Viel ne manquent pas d'intelligence. Ils manquent d'intérêt. Ils sentent la littérature morte, le sous-Beckett exténué.
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Les panneaux routiers ne reculent pas devant l'humour noir, en hindi et en anglais : Mieux vaut tard que jamais, ou Ralentissez : il reste des places au ciel, ou encore, dans une tonalité plus lyrique : La mort pose ses mains glacées sur les rois de la vitesse, ce qui, compte tenu de notre moyenne, peut également être classé dans le genre humoristique.
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Je crois que le temps gouverne nos humeurs.
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Les jeunes gens parlaient très fort, en se bousculant et en s'invectivant en des termes d'une crudité qui horrifiait le pauvre commerçant zoulou, avec des roulements de r, des syllabes traînantes, et de temps en temps un petit crachat par terre :

" Alors l'autre bléter, j'y ai fait exploser les beuzes.
- Arrêteke, rottekop, tu causes, mais t'es qu'un lawaïtemoeker, un babelleïr, alleï
.- Lupt no de kluëte, platte beuze, ta mère la plode, elle t'a refilé des platloÏes en t'accouchant, alleÏ.
- Et toi, krapul van't strotche, zagher de ta race !
- Fafoul!"
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A quoi bon s’échiner à réformer l’école et l’université ? Tout le travail éducatif est saccagé par la bêtise médiatique, la bouffonnerie érigée en moyen d’expression, le déferlement des valeurs de l’argent, de la consommation, de l’apparence et de l’individualisme étroit diffusées par la publicité, ultime raison d’être des grands groupes médiatiques. Le véritable éducateur d’aujourd’hui, c’est TF1.
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Les quinquagénaires dominent. Ils ont du enseigner quelques années, il y a longtemps, a l'époque où on pouvait le faire sans trop de risques, niais ce devait encore être trop difficile pour eux. Incapables de professer ou de se consacrer à la recherche fondamentales mais doues pour la bureaucratie, soumis à la hiérarchie et pleins de zèle envers la religion pédagogique, ils n'ont eu de cesse qu'ils se faufilent dans les ISFP lorsque le Système les a crées. Ils ont compris quel langage le Système souhaitait entendre, et ils ont su l'employer. Pour la plupart issus de cette génération qui a érigé la jeunesse en valeur absolue, et pour laquelle tout magistère était un abus de pouvoir. Protégés du monde, enfermes dans leur représentation idyllique de la jeunesse, ils vous obligent, vous que rien ne protège, vous qu'on injurie a écouter leurs généreux discours sur les adolescents et a les reproduire. Au nom de la démocratie et de l'égalité, ils vous contraignent a ne plus rien apprendre aux enfants des pauvres et vous démontrent à quel point vous êtes des réactionnaires barricades dans votre égoïsme de caste si vous prétendez essayer tout de même.
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Pierre Jourde
La conscience critique doit s’efforcer d’accepter le texte tel qu’il est, mais toute la difficulté, en critique littéraire, consiste à savoir faire la différence entre un texte qui délivre une véritable expérience littéraire, et un texte fabriqué pour donner l’impression (à son auteur comme à son lecteur) de la littérature. La difficulté n’est pas moindre du côté du créateur : tout écrivain, s’il se relâche un peu, tend à « faire de la littérature », c’est-à-dire à faire semblant, à jouer la comédie du littéraire, à s’enchanter de lui-même . p 197)
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Notre époque est celle des fiertés de ceci ou cela et des machins pride. Je suis fier d’être homosexuel, basque, breton, catholique, voilée, motard, congolais, femme, du 9.3, diabétique, bègue, abonné au gaz, je suis fier d’être moi et pas un autre, je vais le crier dans les rues et à la télé. Bizarrement, en revanche, fier d’être français, ça fait ringard.
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C’est un des lieux du monde qui m’est le plus familier, c’est un de ceux, aussi, que je préfère.

Les dalles qui mènent à cette entrée sont généralement bien conchiées. L’étable est disposée tout en longueur, mais pas dans le prolongement de l’entrée. Elle s’enfonce vers la droite. Elle est aussi dépourvue de fenêtre. Qui entre lorsque les lieux sont vides d’animaux n’y voit d’abord que du noir. L’odeur assaille d’autant plus violemment, fumet acide et rongeant, qui empoigne, qui révolte, qui bouleverse l’âme. Juste à droite de l’entrée stagne le marigot de merde et d’urine dans lequel, tout enfant, je suis tombé, vêtu d’un impeccable tablier blanc. Les stalles des vaches sont disposées de part et d’autre, dans la longueur. Les bouses tombent dans une rase qu’on nettoie régulièrement. Y tombent aussi, lors des naissances de bêtes, les eaux et les poches placentaires, amas roses veinés de rouge que les chiens dévorent.
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Même si je devenais héros, prince charmant, amant adulé, aucun sortilège ne me donnerait la capacité absorbante d'une serviette de toilette. De cette simple serviette de toilette avec laquelle elle s'épongeait les jambes, dans un geste d'une grâce qui me laissait sidéré, et à peu près épouvanté.
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Quelle crédibilité, quelle valeur peut avoir une critique qui se confond avec un dithyrambe universel ? Si tout est positif, plus rien ne l’est. Les opinions se résorbent dans une neutralité grisâtre. Toute passion a ses fureurs. Faut-il parler de littérature en se gardant de la fureur ? Si on l’admet, il faut alors aussi admettre qu’il ne s’agit plus d’amour, mais plutôt de l’affection qu’on porte au souvenir d’une vieille parente.
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Faire plaisir à Gabriel, comme aux autres enfants : c'était cela, la vraie joie, et entendre, même pour très peu de choses, son joyeux : "merci papa."
Ne plus pouvoir lui faire plaisir...
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Toujours cette oscillation entre l'effet secondaire qui ne doit pas inquiéter et le signe d'un retour du cancer. On a beau multiplier les imageries, on dirait que cela ne fait qu'ouvrir l'infinité des interprétations. Comme si le corps était un texte crypté qu'on n'en finissait pas de relire et de gloser. Jusque dans la maladie, le réel se refuse. Faut-il croire qu'on ne le tient enfin que dans la mort ?

p. 92
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Ailleurs, une vieille se plaignait souvent que le crâne lui grattait, elle parlait d'irritation. Quelqu'un la décida à ôter le fichu sale qui lui entourait la t^te et dont elle ne s'était sans doute jamais séparée. Le pus accumulé dessous lui coula le long du front (p59)
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Cette existence se composait de très peu de choses : pas d'enfant ni de mari jusqu'à soixante cinq ans, une famille vite dispersée, pas de maison, des tâches simples indéfiniment répétées. Elle savait à peine lire et écrire, et sa culture se composait presque exclusivement de rengaines de comique troupier et de blagues d'almanach. Mais l'aïeule semblait avait puisé un inébranlable contentement dans la fréquentation de ce peu de choses. Dans sa manière d'agir, de parler, le feu et l'eau, les patates et le saucisson prenaient une puissance inédite, ils suffisaient à occuper l'esprit et à apaiser l'inquiétude. François ne comprenait toujours pas comment cette source de joie avait pu se tarir pour lui.
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L'une des plus grandes causes de souffrances au collège, consistait en l'absence de refuge, de lieu où l'on puisse échapper aux regards des professeurs, et plus encore des élèves. Quoi qu'on fasse, quelqu'un vous regardait. La moindre faiblesse, un geste ou un mot anodins fournissaient matière à moquerie, et, suivant la manière dont on réagissait, la moquerie pouvait tourner à la persécution. Les visages s'agglutinaient autour de celui qui avait commis l'erreur de laisser paraître la faille, se déformaient dans le ricanement ou l'hostilité.
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Chez Christian Bobin, les objets de comparaison ont toujours une grande qualité poétique, ce ne sont qu'étoiles, fleurs et nuages. Les amants se donnent rendez-vous dans des phares abandonnés, les femmes portent toujours des robes blanches toutes simples, comme dans les feuilletons télévisés sentimentaux...

p. 173
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La littérature nous donne accès à l'autre. Dans la vie dite "réelle", il nous reste étranger. Comment, sinon par le roman ou l'autobiographie, pénétrer l'intimité d'un paysan du XIXe siècle, d'une jeune Anglaise du XVIIIe siècle, d'un soldat russe, d'un cheminot américain, d'une reine de l'Antiquité égyptienne, d'un noble romain, d'un samouraï, d'un esclave noir, d'un dictateur sud-américain, d'une domestique normande, d'un handicapé mental ? La littérature nous permet de voir par leurs yeux, de sentir avec eux, de multiplier nos vies et nos expériences, de relativiser ce que nous sommes et de nous ouvrir à l'empathie.
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