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EAN : 9782070123582
272 pages
Gallimard (05/02/2009)
3.98/5   24 notes
Résumé :
Cette silhouette fantomatique, aperçue sur le quai d'une gare, est-ce bien celle de François , l'ami de jeunesse rencontré dans une école religieuse de Clermont et disparu depuis vingt ans ? A partir de cette vision fugitive, la mémoire se met en marche. Qui était véritablement François ? Les souvenirs de l'enfance et de l'adolescence affluent, dessinant une personnalité déchirée, contradictoire, fascinante. Était-il ce garçon cruel, machiavélique, qui a poussé ses ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
ISBN : 9782070459575

Si vous n'avez jamais entendu parler de Pierre Jourde, si, plus encore, vous n'avez jamais lu aucun de ses textes, "Paradis Noirs" risque de vous poser problème. Bien qu'il n'atteigne pas, en format poche, les trois-cents pages, bien qu'il fasse intervenir un nombre relativement réduit de personnages, bien qu'une identique sobriété s'observe quant à la toile de fond - l'Auvergne, entre le Passé et le Présent, et en particulier Clermont-Ferrand - ce livre est d'une complexité rare. J'irai même plus loin : à côté de "Paradis Noirs", "Festins Secrets", à la construction pourtant si particulière, littéralement hanté par la nuit et les brumes, fait presque figure de roman clair et ensoleillé qui pose d'emblée et sans aucun complexe les questions que l'auteur voulait aborder.

Dans "Paradis Noirs" au contraire, le lecteur met un peu (beaucoup ? trop ?) de temps à définir les thèmes centraux. La cruauté bien sûr, tout spécialement la cruauté enfantine, se détache sans trop difficultés au premier plan mais n'est-ce pas l'arbre destiné à nous cacher une forêt bien plus profonde, bien plus ambiguë ? ... le héros - ou l'anti-héros - du roman, François, qui obsède le narrateur au point que celui-ci finit par le voir apparaître régulièrement à ses côtés (mort ? vivant ? est-il si intéressant de le savoir, au fond ?) et à se lancer avec lui dans de longues conversations, va au-delà de la cruauté. En fait, sauf erreur de ma part (c'est un livre difficile, je le répète et une relecture s'imposera un jour ou l'autre ), la cruauté qu'il sème autour de lui lui permet à François de ne plus souffrir. Cela va bien au-delà d'un Bien et d'un Mal qu'il relativise avec autant de facilité qu'il laisse monter en lui la rage, et n'est pas sans évoquer, dans cette atmosphère dominée par l'enfance catho à mort des protagonistes, la très polémique question du nirvana oriental : atteindre le nirvana, cet état où il nous devient impossible de ressentir la moindre souffrance parce que nous avons réussi à nous détacher de tout ce qui faisait notre vie, y compris et avant tout nos plaisirs. Pas forcément les grandes jouissances mais aussi les petits riens sur lesquels nous nous bâtissons et qui nous permettent d'avancer. Seul problème : atteindre le nirvana implique de ne plus percevoir la souffrance d'autrui. La légende de la déesse Kuan Yin qui, sur le point d'ccéder au nirvana, le refusa pour continuer à percevoir les souffrances de ses frères humains et les soutenir sur leur dur chemin terrestre, résume l'ambiguïté terrible de cet adieu sans retour à la souffrance au prix de la compassion.

L'enfance de François est comme la nôtre, remplie de petits riens. Des petits riens qu'il aimait et même qu'il vénérait, en dépit de leurs imperfections. Plus ou moins abandonné par sa mère, il est élevé par l'aïeule (c'est cette femme, servante toute sa vie, qui permet à Jourde de ponctuer son texte de la répétition lancinante de trois des vers les plus fameux de Baudelaire) qui l'aime comme son enfant. le samedi et le dimanche - disait-on le "week-end" en ces temps si lointains ? - il allait chez ses deux grands tantes, l'une complètement sourde, l'autre toujours en train de rire, de chantonner, de faire gâteaux et crêpes pour les enfants du quartier. C'était modeste, le confort que nous avons appris à appeler moderne, manquait çà et là - surtout chez l'aïeule - mais il faisait bon, il faisait chaud : François était un enfant quasi normal, faisant face pour la première fois à la cruauté lorsque, sans raison, il tue un jour le vieux crapaud qui rendait de si grands services à l'aïeule.

Mais la cruauté fait partie de nous. Nous le savons tous. Et nous apprenons à la domestiquer, à la maîtriser, à la refouler.

Ou nous n'apprenons pas. Surtout si la cruauté nous permet de nous sentir mieux, de nous sentir plus, et puis de ne plus nous sentir du tout.

Mais il en va de la cruauté comme de toutes les drogues : elle détruit celui ou celle qui se livre à elle. Elle a, sans aucun doute possible, détruit François, adolescent brillant et même étincelant. Pire, elle a peuplé sa vie et son univers mental de regrets éternels. Celles, ceux qu'il a trahis - l'aïeule la toute première - sont devenus les compagnons, muets et pleins de reproches, de cette route qu'il s'est choisie parce que, au début, il pensait n'y trouver que ce qu'on pourrait nommer son "confort", une route dont, dans la seconde moitié du récit, le narrateur nous donne l'impression qu'elle n'est qu'une boucle enténébrée, qui répète sans cesse ses méandres et ses spirales comme, jadis, se déroulaient sans répit pour l'imagination des élèves, les couloirs, les angles perdus, toute cette architecture occulte du collège Saint-Barthélémy. le collège où ils ont "tué" Serge, qui voulait tant être de leurs amis - Serge, dont on saura à la fin du livre que François avait une raison secrète de le haïr, ce qui le fait, en somme trahir aussi la cruauté puisque, dans ce cas-là au moins, elle cesse d'être gratuite - le collège où leur trio - Boris, François, le narrateur - est né, le collège qui porte le nom d'un martyre qui fut écorché vif.

Sous la plume de son "narrateur" - dont j'ai parfois eu l'impression troublante qu'il était un peu le "double" de François, comme un Dr Jekyll qui aurait finalement vaincu Mr Hyde, ou alors qu'il parlait carrément à une hallucination peut-être née des exigences de son métier puisqu'il est ... écrivain - "Paradis Noirs" oscille, avec une détermination redoutable, entre le passé, les grandes interrogations majeures mais ici traitées à la Jourde, si l'on veut bien me permettre cette expression, sur le Bien et le Mal dont nous sommes tous constitués, un présent qui ne fait vraiment que de très brèves (et très cartésiennes) apparitions, et à nouveau, le passé, le tout barbotant avec des difficultés sans nom dans une cruauté sourde ou calculée, une noirceur systématique, quelques éclairs fulgurants de bonté et de compassion pures, parmi des silhouettes plus fantomatiques les unes que les autres et les brumes qui les escamotent (la dernière fois que le rencontre le narrateur, dans une forêt vide, sur une route vide, François est là et puis, d'un seul coup, il n'est plus là : on ne le voit pas disparaître, il n'est plus là, c'est tout ), bref, dans une ambiance pesante, obsessionnelle, avec, pour faire bonne mesure, les remarques d'un narrateur qui, avançant en âge, se demande parfois non sans naïveté s'il se rappelle bien ...

"Paradis Noirs" est un livre auquel on s'accroche comme à un wagon fou, lui-même traîné par une locomotive monstrueuse, vers une direction dont on ne sait rien. On ne sait même plus comment diable on a pu prendre ce foutu train ... Et quand on débarque au terminus, il n'y a personne pour vous attendre. Et le plus étrange, c'est que vous voyez la locomotive et ses wagons déments trembloter dans l'air souterrain et puis, d'un seul coup, il n'y a plus rien.

Enfin si, il vous reste vos questions. Selon votre nature, acquise ou innée, d'omnilecteur ou de lecteur, disons, plus classique, vous en ressentirez de l'excitation ou de la frustration. Cela si vous ne décrochez pas en route. Il y en aura certainement pour le faire : ils ne s'apercevront pas que, en fait, c'est le wagon déjanté lui-même qui les a éjectés dans un tournant bien dangereux. Et cela vaut mieux : car ce wagon l'aura fait avec cette cruauté tout à la fois froide et pleine de rage qui est la marque du personnage principal.
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Paradis noir (pas radis noirs...)

Rien ne peut empêcher ici qu'on trouve la forme trop dominante du fond.

Sans réels chapitres, ce texte brillant et noueux s'articule autour de la répétition de trois vers de Baudelaire tirés des fleurs du mal (« la servante au grand coeur dont vous étiez jalouse, et qui dort son sommeil sous une humble pelouse , Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs » en superpositions d'anacoluthes et de tropes compliqués chers au poète halluciné).

Il narre les rencontres réelles ou imaginaires, à étapes de vingt ans, avec François un ami de collège qui partage avec lui un secret qui semble très lourd même s'il s'avère être celui d'une très mauvaise plaisanterie. On n'en saura pas plus sur ce sujet qui se termine en ellipse.

François a été élevé et a vécu au milieu de vieilles femmes ; abandonné par sa mère il passe sa jeunesse dans la noble pauvreté (pas la misère) de l'Auvergne profonde, parmi les fragrances et les odeurs du terroir.

Le narrateur lui, très soucieux de lui et de sa conscience culpabilisante, s'abandonne volontiers aux plaisirs sulfureux de trouver à tout une explication rassurante et poétique. Un intellectuel dans toute sa « vérité » affectée.

Les positions radicales et disons fascisantes prises par François trouvent, elles aussi une justification dans l'ambition qu'aurait François a n'envisager sa vie que sous la forme d' « une » éternité. Ce sophisme est glissant, même si l'argumentaire peut sembler convaincant.

Lorsque le souvenir de François s'efface, ne restent que les vers de Baudelaire que Pierre Jourde met dans sa poche avec son mouchoir plein de larmes amères, par-dessus.

Est-ce tout que ce regard amoureux dont on ne pressent que le souvenir d'un battement de coeur ?

Un peu d'humour aiderait.
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Parler des coups de coeur est un exercice toujours difficile. Particulièrement pour ce livre tant il y a dire. Une lecture riche, intense, profonde et desservie par une écriture qui aiguise l'esprit.
Il aura suffi d'une silhouette aperçue sur le quai d'une gare pour le narrateur replonge dans ses souvenirs d'adolescence puis d'enfance. Lui qui croyait enterré toutes ces images, ces années de collège passées dans internat dirigé par des frères refont surface. Devenu un écrivain reconnu, il rend visite à Boris un de ses amis de l'internat. Boris marié, père de famille, l'image respectable tout comme lui, loin de ce qu'ils faisaient subir à Serge avec François le dernier membre du trio disparu depuis.
Se cachant derrière l'insouciance, la naïveté de l'enfance, les jeux n'en étaient pas pour autant cruels, honteux. L'humiliation était un trophée, Serge la victime qui ne bronchait pas. le narrateur cherche à donner une nouvelle lumière sur ces années comme pour les laver. Mais un détail ou une situation resurgissent "et la sensation d'écoeurement me prend, un dégoût qui ne vient pas de la nature peu glorieuse de cet épisode, mais de ce je ne peux empêcher qu'il serve à me rendre intéressant". On découvre François le chef de la bande élevé par des vieilles femmes, les plans conçus avec exaltation où le simple fait de savoir que Serge serait rabaissé une fois de plus engendrait un plaisir pervers. Pourquoi Serge acceptait-il son sort? Et cette silhouette est-ce vraiment François?

Pierre Jourde nous conduit sur les chemins de la mémoire fidèle et infidèle, ce qu'on embellit avec les années ou que l'on oublie par commodité. Mémoire qui nous trompe, nous leurre, nous permet de nous blanchir mais qui quand elle s'éveille révèle des actes et des pensées qu'on a préféré mettre dans un recoin comme s'ils n'avaient jamais existé. Mais le passé est bien réel et François, Serge le martyr apparaissent différemment.
Juxtaposant réalité et l'imaginatif développé par le poids des souvenirs et de la culpabilité, la question lancinante de l'innocence et des jeux cruels portent ce récit où la noirceur et la tristesse côtoient le sublime. Trois vers de Baudelaire La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs qui martèlent le récit trouvent tout leur sens dans les dernières pages.

Le paradis noirs de l'enfance où le duo souffrance/joie mettent l'âme humaine à nue. Un livré coup de coeur électrochoc par l'histoire et par cette écriture dont je suis tombée amoureuse !
http://fibromaman.blogspot.fr/2013/07/pierre-jourde-paradis-noirs.html
Lien : http://fibromaman.blogspot.f..
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« Je m'apprête à publier du vécu (Le Voyage du canapé-lit, en janvier) mais je suis travaillé par l'envie de revenir à la veine du roman légèrement bizarre que j'ai longtemps creusée : Festins secrets, Paradis noirs, le Maréchal absolu ou L'Heure et l'ombre. »
Trois des quatre romans évoqués par Pierre Jourde dans cette citation m'ont toujours fait l'effet d'appartenir à une même famille très particulière de l'étrange. Ce sont trois livres où les frontières entre réel et rêve, souvenir et réalité, réalisme et fantastique se brouillent, trois romans qui cultivent une impression d'irréalité et une atmosphère d'ombre et d'illusion qui les rapproche à mes yeux d'un certain symbolisme belge. Comme les tableaux de Spilliaert ou Degouve de Nuncques, Paradis noirs, Festins secrets et L'Heure et l'ombre plongent le lecteur dans une torpeur cotonneuse où les ombres et la brume semblent cacher des arrière-mondes. Ces ouvrages composent à mes yeux une fratrie spectrale, unie par des ressemblances et des obsessions communes, liée par des jeux de miroirs et un entrelacs de mots et d'images. [...]
Lien : http://cdilpantoine.blogspot..
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Noirs, en effet, ces paradis- mais sont-ce encore des paradis ?
En tout cas, ce n'est pas le sens que j'accorde à ce substantif. Les paradis de Pierre Jourde sont peuplés de souvenjirs torturés, de culpabilités inguérissables...
Tout est noir dans ce roman, mais d'une noirceur magnifiquement écrite...
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse

Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse

Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs


Le vol des mouches traverse la somnolence sans parvenir à en troubler l'épaisseur. Celui qui dort ne veut pas se réveiller, il veut poursuivre tranquille son voyage sur le réseau souterrain du rêve. Il prend des correspondances, descend sur des quais déserts. La lampe de la petite gare y dessine un grand cercle jaune. Parfois, un habitant du passé l'attend debout au milieu du cercle.

L'habitant du passé n'a pas changé, en dépit des années. Il fait un peu froid, il serre contre lui un manteau gris, une écharpe de la même couleur incertaine de muraille et de crépuscule. A peine si on distingue, sous la lampe fatiguée, les traits de son visage. Quelque chose dit au rêveur que l'habitant du passé est mort depuis bien des années, mais cela n'a pas d'importance. Le rêveur a le temps, avant le train suivant, d'écouter ses confidences murmurées. Il espère, pendant les quelques minutes de leur conversation, retrouver un peu de la chaleur de l'affection perdue. Il veut croire que seront prononcées les paroles jamais dites, comblés les oublis, réparées les négligences. Mais il fait froid, les mots sont lents. Le train suivant arrive, s'arrête à quai. Il faut repartir, laisser l'habitant du passé seul, sur son quai embrumé. Le rêveur ignore s'il le reverra, s'il repassera un jour par cette petite gare, et si son interlocuteur se tiendra encore debout, sur le quai, attendant son retour.

Les habitants du passé sont fragiles. Ils tentent de se maintenir entre deux visites. Tout les quitte, la consistance corporelle, la mémoire, le langage, la conscience d'eux-mêmes. Ils demeurent, pourtant, avec obstination. Ils se maintiennent longtemps au-delà de la mort, sans trop savoir pourquoi, comme si le fait d'avoir été continuait sur son erre. On ne sait même plus s'il s'agit encore de personnes humaines,et non de simples traces. Ils finissent par perdre ce qui les liait au monde et à leur propre identité. Pourtant, on s'en veut de les laisser, de ne plus venir les voir. ... [...]
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Cette existence se composait de très peu de choses : pas d'enfant ni de mari jusqu'à soixante cinq ans, une famille vite dispersée, pas de maison, des tâches simples indéfiniment répétées. Elle savait à peine lire et écrire, et sa culture se composait presque exclusivement de rengaines de comique troupier et de blagues d'almanach. Mais l'aïeule semblait avait puisé un inébranlable contentement dans la fréquentation de ce peu de choses. Dans sa manière d'agir, de parler, le feu et l'eau, les patates et le saucisson prenaient une puissance inédite, ils suffisaient à occuper l'esprit et à apaiser l'inquiétude. François ne comprenait toujours pas comment cette source de joie avait pu se tarir pour lui.
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[...] ... La villa qui nous accueille est charmante, dans son petit parc, pas très loin des thermes. Je suis en résidence avec un vieux routier des lettres, septuagénaire sympathique qui connaît tous les littérateurs français, a rencontré tout le monde et publie dans toutes les revues. Nous nous entendons aussitôt très bien et je connais sa vie intime au bout d'une soirée, comme l'univers entier sans doute, mais j'ai le plus grand mal à travailler, les déjeuners et les dîners se prolongent indéfiniment, à coup d'anecdotes et de confidences. Ce bavardage creux est délicieusement reposant.

Notre corésidente est d'un genre opposé. C'est une romancière anorexique qui se nourrit presque exclusivement d'eau minérale. Elle est livide, maigre, pâle, les lèvres minces, les épaules perpétuellement couvertes d'un gros châle de laine noire car elle grelotte en permanence en dépit du chauffage central poussé à fond. Elle parle le moins possible, d'un air contraint et réfléchi. Je me demande toujours, en sa présence, si je n'ai pas commis une maladresse ou une gaffe, et cette anxiété me pousse bien sûr à des lapsus, ou à des formulations incongrues qui la font me considérer avec une perplexité écoeurée. Heureusement, nous la voyons peu, elle s'enferme toute la journée dans sa chambre, nous abandonne à nos agapes de rognons et de tripes, et semble toujours regretter la moindre minute perdue pour la rédaction de ses romans, que j'ai eu l'occasion de feuilleter. Ils lui ressemblent. Ce sont de lentes histoires autobiographiques qui parlent de ses parents, de son mari et de son éditeur. Elles sont infestées de vocables freudiens ou lacaniens et rédigées dans un style étique, avec de courtes phrases nominales où reviennent de manière lancinante les mêmes constructions syntaxiques et les mêmes mots. Elle a beaucoup de succès dans la presse féminine et dans les grands quotidiens, où on la qualifie régulièrement de rebelle ou d'écrivaine dérangeante. ... [...]
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Il me disait avoir cru, dans son adolescence, que la vie consistait à s'éloigner progressivement des chimères de l'enfance, à devenir réel. On s'étoffait, on accumulait de l'expérience, on y voyait plus clair. La mort ne serait que le terme de cette accession progressive à la réalité. Or, pour lui, c'est le contraire qui se produisait. Avec les années, il était devenu toujours plus fictif, la transparence le gagnait, bientôt il pourrait passer à travers les murs. Plus il avançait en âge, plus le passé, derrière lui, s'accroissait, absorbait toute la matière du réel, jusqu'à en devenir monstrueux. En mourant, ajoutait-il, il accomplirait une irréalité définitive.
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L'une des plus grandes causes de souffrances au collège, consistait en l'absence de refuge, de lieu où l'on puisse échapper aux regards des professeurs, et plus encore des élèves. Quoi qu'on fasse, quelqu'un vous regardait. La moindre faiblesse, un geste ou un mot anodins fournissaient matière à moquerie, et, suivant la manière dont on réagissait, la moquerie pouvait tourner à la persécution. Les visages s'agglutinaient autour de celui qui avait commis l'erreur de laisser paraître la faille, se déformaient dans le ricanement ou l'hostilité.
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Une version scénique et inédite de « Bookmakers », par Richard Gaitet, Samuel Hirsch & Charlie Marcelet
Avec Télérama et Longueur d'ondes
En dialoguant avec 16 auteurs contemporains qui livrent les secrets de leur ecriture, decrivent la naissance de leur vocation, leurs influences majeures et leurs rituels, Richard Gaitet deconstruit le mythe de l'inspiration et offre un show litteraire et musical.
Avec les voix de Bruno Bayon, Alain Damasio, Chloe Delaume, Marie Desplechin, Sophie Divry, Tristan Garcia, Philippe Jaenada, Pierre Jourde, Dany Laferriere, Lola Lafon, Herve le Tellier, Nicolas Mathieu, Sylvain Prudhomme, Lydie Salvayre, Delphine de Vigan et Alice Zeniter.
En partenariat avec Télérama et le Festival « Longueur d'ondes »
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