Gilles est muté à Logres pour son premier poste d'enseignant. Il loge chez Mme Reeth où tout semble d'un autre temps. Il y rencontre la bourgeoisie de la ville et découvre ses secrets : séances d'érotisme, vente d'enfants, cannibalisme... Une salle renferme aussi une collection ancienne de livres érotiques. Quant au mari de Mme Reeth, le collectionneur, il a disparu. Cette maison ressemble à un labyrinthe et quel que soit l'endroit où Gilles se hasarde, on ignore toujours si on est dans le rêve ou dans le réalité.
Le métier d'enseignant est décrit dans toute sa splendeur. Gilles est lui-même un enseignant plein de naïveté, croyant pouvoir transmettre son savoir à ces jeunes délinquants menaçants. Là on retrouve le 21ème siècle en pleine face.
L'auteur en profite pour critiquer notre société et notamment le milieu enseignant, ses formateurs, les couloirs kafkaïens de l'académie où l'on se perd...
J'ai attendu en vain une réponse jusque la fin du roman par rapport aux différentes intrigues mais cela est resté flou. Un roman sombre et jamais très clair.
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Livre dérangeant et obsédant. On y rejette ce nihilisme permanent qui ne laisse entrevoir aucune fenêtre d'espoir ou un simple rayon de lumière dans cette obscurité étouffante. On suffoque, rejette, critique et pourtant l'on poursuit la lecture. A la fois fasciné, curieux de cette étrangeté à mi-course entre le réel et le rêve, où toute frontière a été effacée. Même la plume parachève ce contraste désobligeant où alterne le plus précieux et le plus lourd. Du grand art c'est certain. Une fin qui reste tout de même en deçà de la noirceur que l'on attendait tout en se refusant d'admettre qu'elle nous avait aspiré.
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bienvenue à Logres, petite ville apparemment ennuyeuse, insignifiante, où rien ne semble se passer au regard du narrateur, un prof qui vient d'y être envoyé. Oui mais voilà, derrière les rideaux se dissimulent tout ce que l'homme a de plus ignoble : groupes sectaires, parties fines avec des enfants, sacrifices peut-être, voire cannibalisme qui sait. Durant ces 500 pages, Jourde nous fait entrevoir le côté noir de l'homme, mais aussi de la société,avec une critique cinglante du système éducatif, des pertes de valeurs ou de l'administration. Un roman très fort.
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Le premier grand roman de Pierre Jourde. Un vrai festin littéraire, en effet.
Publié en 2005, "Festins secrets" fut sans doute le roman de la révélation pour Pierre Jourde (c'est en tout cas par là que je l'ai découvert à l'époque), pour cet écrivain jusqu'alors surtout connu pour ses talents de critique authentique, et malgré - déjà - l'écho et la polémique suscités par sa troisième fiction, "Pays perdu", en 2003.
À la relecture, plus encore qu'en première approche, il est saisissant de constater à quel point l'exigence et le talent littéraire ici à l'œuvre permettent à l'auteur de sublimer son propos "de base"...
Oui, le regard du narrateur, professeur de collège encore tout gorgé de passion de l'enseignement et de la littérature, muté dans cette sombre ville de province, très vite confronté à la double horreur sociale - élèves perdus et abrutis, bourgeoisie perfectionnant l'art de l'hypocrisie jusqu'à des sommets inégalés -, dresse un constat noir, virulent, voire provocateur, de la déliquescence d'une société et de la fermentation inexorable de ses pires miasmes.
Mais utilisant toutes les ressources d'une panoplie technique et narrative de très haute volée, ce narrateur particulièrement peu fiable, et l'irruption contre toute incrédulité d'éléments quasiment fantastiques, dressent avant tout le chemin d'une exploration du Mal contemporain, thème de prédilection pour un auteur par ailleurs professeur et critique pointu, fin connaisseur du XIXème siècle tardif et de l'écriture de la décadence, comme le soutiennent bien entendu son "Empailler le toréador" ou plus encore son "Littérature monstre".
La puissance de ce roman demeure, huit ans après, au delà de l'intense plaisir qu'en procure la lecture foisonnante, de dénicher le Mal à sa racine, qui n'est pas, contre toute attente politiquement correcte, d'ordre moral (ou presque marginalement), mais avant tout dans le triple manque d'exigence, d'ambition et d'honnêteté intellectuelle, engendrant de fait l'horreur économique, et donc l'horreur morale... On est en réalité infiniment loin des procès en "réaction" trop souvent intentés à l'auteur par une critique complaisante se voulant politisée mais se contentant une fois de plus d'accompagner la chute en sauvegardant ses petits privilèges personnels...
Cette exploration se poursuivra, pour notre plus grand bonheur, dans les romans ultérieurs de l'auteur, pour culminer, à date, avec le monument que constitue "Le maréchal absolu" (2012).
"Festins secrets" est une lecture nécessaire.
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Dans un abécédaire assez hétéroclite, Pierre Jourde livre ses réflexions et porte des jugements plutôt sévères sur un bon nombre de sujets. Cela va de l'andouillette AAAA à Mastroianni en passant par la défense (contestable à mon avis!) d’Israël, des remarques sur la foi et la boxe (pas concernée du tout!), les notions de racisme et d'amitié. Bref, cela part dans tous les sens et, honnêtement, un mois plus tard je n'ai pas retenu grand-chose de ses prises de position. A mon avis, cela manque un peu de modestie et de sens de l'humour pour donner envie de lire tous les articles.
Tout de même, j'ai passé un certain temps sur l'article consacré à la critique (normal, c'est son métier et je m'y essaie à l'occasion) pour en approuver un certain nombre d'idées. Jourde dénonce cette curieuse tendance actuelle au consensus généralisé dès lors qu'il est question d'émettre un jugement sur une production artistique quelle qu'elle soit. Au prétexte que toute œuvre peut trouver son public, que personne n'est légitime pour s'ériger en juge (cf Yann Quéffélec), qu'on n'a déjà pas assez d'occasions de voir publier les critiques positives, alors si on y rajoute celles qui sont négatives etc.
Je dois dire que je suis assez d'accord : à force de pas parler de ce qui n'est pas fameux, on finit dans un consensus mou et sans nuance alors que non, toute idée n'est pas bonne, non, toutes les productions ne se valent pas. Raison pour laquelle on ouvre Télérama et le Canard enchaîné, on écoute certaines émissions de radio (à la télé, c'est plus rare, sauf chez Ruquier cité par Jourde).Comme quoi il reste encore encore des critiques qui osent déplaire...
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Le confinement pousse à une sorte de perfection la tendance de nos sociétés à ne vivre que virtuellement.
Il existe cependant et ce, depuis plusieurs années, un confinement mental : refus que soient traités des sujets qui heurtent les convictions, blesser les sensibilités. Les échanges internationaux n'ont pas brisé l'isolement culturel.
Il faudra retrouver le goût des contacts réels et en finir avec ces enfermements.
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Pour un voyage introspectif, j'ai été très surpris par l'ironie, la causticité de son auteur.
Les personnages sont des "bobos", dans le sens le plus caricatural, qui vivent dans leurs songes, dans des représentations personnelles du terroir. Le ton est très critique à l'égard du monde rural : les ruraux sont perdus dans le "terroir impalpable de leurs songes", ils ont l'esprit retors et naïf. Leurs maisons, leurs meubles sont fades, la campagne boursouflée de laideur neuve. Les paysages : "Cotés de rien, plus proches d'aspect de assiettée de nouilles froides que des vallons bucoliques où des oiselets volètent parmi les fleurs."
L'auteur tente de tenir un discours sur le temps, comme un leitmotiv, où l'histoire serait là comme une illustration. On en vient à penser que c'est plutôt une justification : parler, écrire pour passer le temps. Qu'est-ce qu'il passe lentement !
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Une grande déception.
La lecture de "La littérature sans estomac" m'avait mis l'eau à la bouche. Le propos de Jourde, ses critiques argumentées et acerbes contre une bonne partie des auteurs à la mode y sonnent le plus souvent juste.
Jourde est un technicien de la littérature, mais est-ce vraiment un écrivain ?
N'est-ce pas plutôt un littérateur qui connaît toutes les ficelles ? Ce qui ne l'empêche pas de tomber dans le piège de grosses banalités (cf visite à la grand-mère).
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Ce roman, considéré par l'auteur même comme son préféré, met en scène un jeune interne en médecine de 26 ans, nostalgique et "infesté de romantisme". Lorsqu'il rencontre Denise, aussi évanescente que volubile, il découvre avec étonnement qu'un lieu, Saint-Savin, les rapproche. Ils s'embarquent ainsi dans un étrange retour sur les terres d'enfance du narrateur, qui venait y passer ses vacances d'été. Durant le trajet la jeune femme raconte dans quelles circonstances ce nom lui est resté en mémoire. Ainsi, alors qu'elle débutait comme généraliste dans un coin reculé de Bretagne, elle fit la connaissance d'une fillette énigmatique, et de son père non moins marginal. Les deux vivaient reclus dans une grande maison délabrée et l'enfant faisait état d'une mélancolie inquiétante. Le récit de Denise fait écho au passé du narrateur, qui se souvient de Sylvie, sa jeune voisine dont il s'était entiché. L'amour d'enfance restera gravé dans l'esprit du jeune homme, tournant même à l’obsession. Dans ce roman presque gothique Pierre Jourde développe les thèmes qui feront le succès de son œuvre romanesque : la rugosité d'un monde rural en voie de disparition, le sentiment d'étrangeté, la vie secrète des objets et des demeures, la figure du double mais aussi la dénonciation des clichés littéraires. Ce texte oscille sans cesse entre tragique et grotesque, a des accents prophétiques même parfois, et témoigne d'une jubilation d'écriture qui ne se démentira pas. Ainsi le récit d'une soirée et d'un maigre repas ruinés par un insupportable enfant-roi et ses deux disciples-esclaves-parents restera dans les annales du genre.
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Un livre comme un cadran solaire dont l'ombre donnerait l'heure même la nuit, surtout la nuit…
Je comprends mal qu'on ne puisse pas aimer ce livre complexe, au moins autant que je comprends bien pourquoi moi je l'ai tant aimé, et après tout c'est ce qui m'importe. Peut-être la réflexion sur le temps qui passe pour devenir le passé, et certainement la rare beauté de cette femme aimée. Des mots comme des touches de couleurs et de douleurs dans des vies qui glissent lentement d'un âge vers l'autre. Un style comme l'écho d'une sensibilité rare, lucide, lumineuse au-delà des noirceurs. Magnifique.
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Le narrateur débute le récit de sa vie alors qu'il est étudiant en médecine. Après une soirée festive, il prend la route de Saint-Savin, lieu de quelques vacances estivales où lorsqu'il était jeune adolescent, il connut son premier amour resté platonique et inavoué. À ses côtés, dans la voiture, Denise, médecin généraliste qui vit en dilettante, lui raconte une histoire qu'elle a vécue dans un petit village où elle exerçait son art et pendant laquelle elle croit se souvenir avoir entendu évoqué le nom de Saint-Savin ; il n'en faudra pas plus à notre narrateur pour affabuler.
À la fin du roman, le narrateur est gérontologue dans des maison de retraite ce qui fournit matière à l'auteur pour développer, par la voix de son personnage, une analyse du comportement de la société vis-à-vis des personnes âgées.
L'heure et l'ombre, ce sont des instants, des parties de la vie du narrateur que Pierre Jourde raconte d'une écriture belle et poétique.
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J’ai lu ce roman en 2010, je sais que je l’ai relu en 2015, il m’en reste quelques souvenirs vagues. C’est étrange comme on oublie certains grands et beaux romans car j’admire Pierre Jourde, c’ est d’autant plus étrange que ma relecture a été différente, moins agréable que la première fois, faudrait-il que je fasse une troisième tentative ? Point ne sais. Enfin voici mes impressions d’il y a 13 ans déjà.
Quand on a découvert Pierre Jourde, on ne peut plus se passer de lire tous ses livres : voici l'écrivain du XXI ème siècle tant attendu.
"L'heure et l'ombre" est le roman de la nostalgie mélancolique, où la vie rêvée s'est arrêtée à l'ombre d'une petite fille dont s'est épris le narrateur quand il était lui aussi enfant.
Sa hantise est de la retrouver, en retournant à Saint Savin, là où il passait jadis ses vacances.
On sera d'abord surpris par l'étrange parcours et les péripéties, nombreuses, qui semblent autant d'hésitations et d'explications pour arriver au but.
Des personnages sortant de l'ombre, fantomatiques, dont on se demande s'ils sont réels ou imaginaires, semblant tour à tour être des doubles d'autres personnages, servent de support à l'histoire, en apportant du mystère et de l'acuité à cette atmosphère onirique . Le lecteur se laisse volontiers emporter par cette rêverie, ce besoin de retourner au passé coûte que coûte mais qui se poursuit néanmoins dans un présent qui se dérobe toujours. D'ailleurs, tous les personnages se dérobent eux-mêmes, comme pris dans une ombre, comme s'ils n'étaient pas dans l'heure présente. Qui est donc cette Sylvie, si belle, parfaite et envoûtante dont s'est épris le narrateur ? Et qui sont donc tous ces personnages, qui nous entraînent dans un labyrinthe incompréhensible ?
En même temps, on découvrira la griffe habituelle de Pierre Jourde et son humour, quand il fait la critique des tracas de l'Administration, du Rap, et de certains chanteurs, des enfants rois sublimés par leurs parents. Des pages splendides sur la mer, une réflexion acérée sur les maisons de retraite, un regard ému sur les personnes âgées, des pensées philosophiques profondes sur la faiblesse de l'être et son impossibilité à atteindre la perfection, une analyse parfait du sentiment amoureux.
La dernière partie du roman est d'une splendeur peu commune, sur le plan formel, d'une part, et le coup de théâtre, d'autre part, met enfin la lumière sur toute cette ombre, sur toutes ces ombres du passé et du présent.
On referme le livre. On l'ouvre de nouveau. On veut relire. On ne se lasse pas. On revient sur les plus beaux passages. On les apprend par coeur, car ils sonnent comme des alexandrins célèbres.
Vous trouverez des phrases d'une intense poésie, vous trouverez en Pierre Jourde votre double.
C'est d'ailleurs un des sujets favoris de l'auteur : le double. Et, dans "L'heure et l'ombre", les personnages se confondent et se retrouvent, se délèguent des tâches, comme s'il y avait une heure propice et l'ombre d'un passé qui s'inscrit dans une éternité emplie d'une lumière tamisée, discrète, où dort et s'éveille tranquillement l'amour.
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Lu il y a 5 ans...
Bolo et Bada sont les protagonistes de cette histoire.
A vrai dire, je serai bien en peine de résumer ce livre ! Ces deux jeunes hommes se promènent et font telle ou telle chose mais j'ai été plusieurs fois perdue dans les délires de l'auteur, je ne voyais pas du tout où il voulait en venir, même si par moments, certains passages révèlent une pointe d'humour. Un récit absurde que j'ai vraiment eu du mal à suivre !
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«Aime, et fais ce que tu veux.» nous dit Saint-Augustin Et Jourde le fit!
Un Grotesque absurde, un Absurde grotesque, une narration dégénérée de teen-ager boutonneux en mal de nouveauté écrite pour choquer le lecteur et épater les copains, narration si inénarrable et saugrenue qu’il y aura toujours un intello qui y verra du Sublime, du Succulent , de l’ Apothéotique , en bref du Génie! Ah ce Jourde !
On aime beaucoup Jourde pour ses autres livres honnêtes, ceux lisibles il s’entend et surtout ses critiques (il arrive toujours a nous trouver un auteur prometteur et intéressant) )mais là on en reste baba !
On a beaucoup de commisération (pour l’homme) mais aucune indulgence (pour l’œuvre) d’avoir pu écrire autant d’âneries sur 200 pages (quand même) sans faillir et apparemment sans remords.
Une trentaine de pages pour la forme, la beauté de l’inexplicable, une performance littéraire, un exercice de style pour voir, pour se faire plaisir à délirer on comprend (pendant un coma éthylique ou cannabisé) faire ça donc à 15 ans c’est de bonne guerre on teste ses limites Ah ce Jourde ! mais a son âge 53 ans et au-delà de trente pages … Il a du beaucoup se forcer (allez allez pour une écriture si peu ordinaire il en faut de l’opiniâtreté ) et qu’en retire -t-il comme bénéfice pour sa réputation ? Ah les écrits de delirium tremens d’écrivain illuminé ça ne lui va pas à ce monsieur l’enseignant : il aurait du garder ça pour ses étudiants !Qui a-t-il voulu épater ? Comment un critique littéraire comme lui a-t-il pu écrire une telle lavasse ?
Jourde a eu de l’estomac mais là, il aurait mieux fait d’avoir fait de la littérature
Mais « Se tromper est humain, persister dans son erreur est diabolique » nous dit encore Saint-Augustin . Au piquet Pierre!
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