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Critiques de Pierre Jourde (255)
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La première pierre

La Première Pierre est un très beau roman de Pierre Jourde. L'auteur revient sur les événements qui ont défrayé la chronique, en 2005, lors de l'affaire qui a suivie la publication de Pays perdu, roman de le terre, roman des origines qui célèbre, à sa façon, la singularité de ce village d'Auvergne hors du temps.

Dans ce roman, l'auteur s'adresse à lui-même avec le pronom personnel "tu" ce qui permet de donner véritablement un effet d'introspection. De plus, ce "tu" est à la fois une façon d'imaginer comment le père - décédé - peut s'adresser à son fils. La figure du double chez le narrateur est donc ici renouvelée, comme souvent dans les romans de Jourde.

Ce roman, à la fois beau, subtil et intelligent permet de faire vivre au lecteur le processus de réflexion qui amène l'écrivain, au fur et à mesure de l'écriture du roman, à comprendre cette affaire dans toute sa profondeur. Qui a jeté la première pierre ? Ce roman permet de comprendre que la littérature a encore aujourd'hui un grand pouvoir, et que ce pouvoir peut-être nuisible.

Au bout du compte n'est-ce pas le langage littéraire qui est un frein à la compréhension de l'oeuvre par ces paysans ? Ce langage qui n'est pas celui de la communication mais celui de la réinvention de lui-même semble être au coeur du problème, au même titre que son auteur qui a eu la naïveté de croire que ce roman n'aurait pas de conséquences, preuve en est que Jourde connaissait bien mal la mentalité de ces personnes.
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La première pierre

Je n'ai malheureusement pas commencé par 'Pays perdu', le livre auquel il se réfère, mais cela ne m'a pas gênée.



En tout cas on n'est pas surpris de lire le caractère de ces hommes/femmes du fin fond de nulle part. C'est sans doute vrai pour tous ces genres de lieux, mais particulièrement en Auvergne. Lire Vialatte sur le sujet dont voici une citation qui se rapproche de l'état d'âme de Pierre Jourde :



Ce vieux pays m'assiège et me tourmente. Je n'en finirai jamais de m'expliquer avec lui. Il bourdonne autour de ma tête comme une mouche qu'on ne peut pas chasser. Sa neige n'est pas la même qu'ailleurs, ses ombres ne sont pas les mêmes. J'en ai fait le tour bien des fois, comme un chien qui gratte à la porte et rôde autour de la maison, flaire des traces et réfléchit, s'égare et hurle un peu en regardant la lune, (...).
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La première pierre

Le 31 juillet 2004, de retour dans le hameau familial, en plein Massif Central, Pierre Jourde, son épouse et ses enfants, sont verbalement et physiquement pris à partie par des agriculteurs. Au tribunal d’Aurillac, les accusés, qui se considèrent victimes, déclarent avoir été salis par le poète à travers un bref récit au titre évocateur, publié un an plus tôt chez un petit éditeur, l’Esprit des Péninsules. Hommage au territoire et à ses habitants, Pays perdu a t’il été lu de travers ? Très vite, la presse s’empare de l’affaire, s’enflamme, sort malgré lui P. Jourde, essayiste méconnu et auteur exigeant, d’une certaine confidentialité.

(Note d'Etienne Ruhaud, parue dans "Diérèse")



Dix ans plus tard, ce dernier tente de comprendre, et, pour ce faire, revient sur les faits, en suivant l’ordre chronologique, à partir du moment de l’agression jusqu’à aujourd’hui. Analysant avec justesse le contraste existant entre un monde parisien, bobo, déconnecté, et l’univers rural (le décalage des journalistes prête à sourire), Pierre Jourde montre comment un simple tableau, par ailleurs magnifique, de la campagne, peut être mal reçu et générer un conflit, puis une relégation, un bannissement, une disparition, soit la pire des violences. Diverses pistes sont envisagées. Les agresseurs ont-ils été choqués de voir certains secrets révélés ? Se sont-ils sentis insultés, humiliés, ou ont-ils saisi un prétexte pour régler de vieux comptes, liés à d’antiques querelles de voisinage ? Aucune hypothèse n’est écartée, dans ce livre brillant et émouvant, si loin de la simplification, du manichéisme médiatique. Au-delà du simple événement, régal des feuilles de chou, La première pierre demeure en effet un objet littéraire, une réflexion autour de l’écriture perçue comme témoignage : Est-ce qu’il peut y avoir une intention autre que maligne ? Est-ce qu’on peut imaginer parler de la maison des autres et de ce qui s’y passe pour une autre raison que le plaisir du viol de l’intimité ? (p. 98). Refusant toute présomption d’innocence pour ce qui le concerne, P. Jourde veut simplement remonter à l’origine, avec lucidité, pour aboutir à une absence de réponse, ou, plutôt, à l’existence de plusieurs réponses, et donc au doute. Restent, face à la souffrance, à la brutalité des rapports humains, la beauté du verbe, la description passionnée des paysages et des êtres, dans une langue pure, ample, riche d’images et de sensations : La topographie de la région se résume en gros à ce vaste dôme volcanique, affalé comme une énorme méduse sur une plage, déployant autour de lui ses tentacules, qui sont d’étroits plateaux séparés par des gorges profondes envahies de forêts. C’est là qu’il y a quelques hommes, encore. Le village est collé au bord de l’un des tentacules. Et l’on dirait vraiment, lorsqu’on l’aperçoit de loin, un de ces coquillages marins parasitant le corps monstrueux d’un Léviathan (p. 137-138).
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La première pierre

Critique de Vincent Landel pour le Magazine Littéraire



En 2003, Pierre Jourde publiait Pays Perdu, une peinture à l'eau-forte du village de Lussaud, au fin fond du Cantal, dont il est originiaire. En bon disciple de Baudelaire, l'écrivain en célébrait la grandeur dans la désolation, la royauté dans le fumier et la noblesse dans les «déesses mères» de l'Auvergne, « les grandes vaches impassibles ». Ce beau texte rugueux a mis le feu au village, ses vingt habitants s'estimant offensés par un rappel jugé sacrilège de la filiation adultérine d'un des leurs. Un an plus tard, de retour chez lui avec sa famille, Pierre Jourde est accueilli sous une pluie d'injures et de caillasses qui blessent un de ses enfants, âgé de 15 mois. Rompu à la boxe française, il riposte, éborgne un assaillant et s'enfuit pour échapper à la lapidation. L'affaire se termine au tribunal d'Aurillac, où les agresseurs sont condamnés à des peines avec sursis.

Cette querelle de clocher a pris une ampleur nationale, relayée par la presse à scandale, qui en a fait le symbole de la fracture entre paysans et citadins, de l'arrogance du propriétaire terrien envers les fermiers, et même du romancier aux prises avec ses personnages. Tous les stéréotypes y sont passés, et chaque parti en a pris pour son grade : dix ans plus tard, sans chercher à retourner le fer dans une plaie encore vive, l'exilé hisse le débat à une dimension littéraire en faisant taire en lui la marionnette, qu'il appelle son «petit bonhomme». Au-delà des susceptibilités, il rend son caractère universel, «d'une belle simplicité épique», à un pugilat qui a replongé un village français aux temps des Érinyes, de la violence primitive et des prophéties. Comme toujours, le verbe de Pierre Jourde est haut, sa phrase frappée, son propos tranchant. Il pose les vraies questions : Quel est le pouvoir de l'écrivain ? Comment, à l'aune de l'exigence poétique, et sauf à verser dans l'éloge fleuri, cette leçon de ténèbres qu'est Pays perdu aurait-elle pu ne pas heurter des âmes façonnées par le tabou de l'adultère, entouré de silences qu'un livre a brisés ? «La littérature peut faire mal», écrit sans forfanterie ce hussard basaltique, qui reçoit ses révélations en boomerang en déterrant dans son ouvrage, comme un miroir caché, une autre histoire d'infidélité dont son propre père serait le fruit... Et voici l'arroseur arrosé, victime à son tour des interdits infiltrés entre les tuiles des toits de lauze.

De la part d'un auteur réputé sulfureux, connu pour le mépris où il tient une certaine littérature «sans estomac», on soupçonne quelque jouissance à mesurer ainsi le pouvoir de l'écrivain, cet intouchable qui s'approprie le monde, dévêt les mythes, déchaîne les tempêtes et malmène la doxa, pour peu qu'il refuse de se soumettre au règne du commerce. De Céline à Drieu, les lettres abondent de ces stylistes cassants dont les fulgurances s'étranglent dans les guirlandes du ressentiment. Mais la fin du livre ne donne pas suite à cette immodestie. Comme Cioran, Jourde mourrait pour une virgule. Rien, pas même son propre orgueil, ne le détournerait de l'exigence qu'il s'impose. Écrire, pour lui, c'est jouer sa vie. Une attitude qu'il a payée au prix fort : la rupture avec son enfance, l'incompréhension des siens, une réputation écornée. Reste l'Auvergne, «grand vide infusé de rumeurs dont est constitué l'espace» où, «petit bonhomme», il continue de se chercher, de se perdre. L'Auvergne où l'estive, «l'expérience la plus drue, si près semble-t-il des choses réelles, le froid, la terre, les bêtes, la sauvagerie, l'alcool et le gibier, est tout entière tissée d'imaginaire». Mais quelle fiction, quelle menace humaine feront renoncer à cet « en deçà du temps où l'usure infinie est la matière des choses » ? Une usure qui se confond avec l'acte d'écrire, s'il est vrai que «le langage littéraire, dans l'idéal, pourrait être celui qui, dans la révélation, ramène Eurydice au jour avec toute l'épaisseur de l'obscurité dont il la tire». Si Pierre Jourde se plaint, c'est, comme Rimbaud, une façon de chanter. D'où jaillit cette Première Pierre, à la fois profession de foi et acte de renaissance, Traité du style et Chant du monde.

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La première pierre

Tragique et révélateur de la violence dont sont capables hommes et femmes envers un de ceux qu'ils considéraient avant comme un fils, un frère ou un ami. Pierre Jourde règle ses comptes avec son village natal où chaque été il revenait. Ses habitants lui vouent aujourd'hui une rancoeur éternelle suite à un roman précédent "Pays perdu" paru en 2005 qui réveilla des colères, révéla des tabous que lui-même ignorait, dans une incompréhension mutuelle, une totale méprise car, en voulant rendre une peinture tendre et affectueuse de ces terres rudes et isolées, les relations amicales se sont transformées en haine et violence. Avec le recul, après les mois d'instruction, il revient sur ce conflit qui a bouleversé sa vie, sa famille et qui aurait pu leur être fatal et qui l'oblige aujourd'hui à tirer un trait sur le village qui lui tourne le dos.
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La première pierre

La Première Pierre, par Pierre Jourde, est un livre douloureux qui rappelle que l'écrivain restitue la complexité du réel.
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La présence

Voici un texte hautement littéraire qui plaira à ceux qui s’interrogent sur l’Homme.



La collection

La maison d’édition Les allusifs a lancé une nouvelle collection qui s’appelle « Les peurs » et propose donc cet exercice de style, Pierre Jourde est le premier à « se prêter au jeu. »



Le livre

Pierre Jourde nous parle ici des peurs qui l’assaillent avant de dormir dans un lieu inconnu et qui lui rappellent sa peur enfantine des cauchemars. Il évoque ainsi le poids du passé et interroge son inconscient et sa part d’humain et « d’inhumain ».



Ce que j’en ai pensé

Ce livre m’a retourné le cerveau. Il m’est très difficile d’en parler sans le vider de son sens et de sa force. En très peu de mots – 87 pages – mais extrêmement précis, l’auteur parvient à créer un texte hautement littéraire et psychanalytique. Chaque phrase résonne en moi.






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La présence

Les éditions Les Allusifs lancent une nouvelle collection, qui a thème les peurs. Celles que les auteurs éprouvent, et qu'ils tentent de décrire dans un ouvrage. Dans cet opus, Pierre Jourde raconte sa peur : celle du moment où il doit s'endormir, dans des lieux sombres, cloîtrés, dans lesquels il sent une présence hostile.



Cette peur, il se la remémore à différentes occasions, mais elle remonte à son enfance. Lorsqu'il passait la nuit, seule, dans la ferme familiale dans un petit hameau d'Auvergne, et qu'il pensait constamment qu'une présence était là. Depuis, il est persuadé d'avoir, à plusieurs reprises, été confronté à cette présence. Et même si tout autour de lui indique que sa peur est irrationnelle, il n'arrive pas à s'en détacher.
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La présence

Je ne connaissais de Pierre Jourde que les essais. La littérature sans estomac avait été l'occasion de bien des rires chez moi, et je me souvenais avec enthousiasme de Petit déjeuner chez tyrannie. Ce livre m'a permis de découvrir le romancier qui vaut le détour...

Il nous convie ici à un étrange retour au monde de l'enfance et de l'adolescence. Une nuit d'insomnie angoissée dans une maison pourtant familière embraye le processus mémoriel qui va engendrer l'inflation de l'imaginaire.

Si certains partent à la campagne pour se ressourcer, le narrateur, lui, cherche à se "vautrer" dans l'imaginaire... au risque de réveiller de bien sombres monstres qui sommeillent dans la "chambre du fond", lieu de tous les possibles, lieu de l'inhumain en devenir. Car cette présence qui donne son titre au recueil, c'est celle d'un étrange personnage au faciès de clown, mais qui peut aussi porter bien d'autres masques.

Ce très beau texte inaugure une nouvelle collection de la maison d'édition Les Allusifs, Les Peurs. Dans un court texte, un auteur doit évoquer l'une de ses peurs. Ici, Pierre Jourde évoque celle des maisons vides. Le récit est émaillé d'instants aux frontières du fantastique. La terreur irrationnelle qui habite l'écrivain se développe à la nuit tombée, ce qui teinte l'ensemble d'un onirisme certain. Il sait à merveille faire parler les rais de lumière, les grains de poussière et les traces du temps jadis. Il se livre ici avec pudeur, dans un texte à l'écriture fort littéraire, comme je les aime...


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La présence

Petit livre sur les maisons et sur les craintes qu’elles nous inspirent. Qu’elles soient maisons de campagne de famille ou maisons de passage, avant de retourner chez soi, chacune de ses maisons donne l’impression d’ « être » à part entière. L’auteur laisse ses terreurs le submerger, prendre forme et faire de la nuit, le moment propice à les réveiller.

Ceci n’est pas un roman, ni une histoire simplement des impressions d’enfance et d’adulte sur ce que lui inspire les maisons. J’ai parfois eu un écho en moi de cette « présence » de maison qui n’avait pas encore de nom. C’est un texte angoissant par moments mais qui tombe juste. Un auteur que je relirai.

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La présence

Le peur nocturne, les vieilles maisons silencieuses, le silence pesant, les réminiscences de l’enfance, le parquet qui craque, la porte qui s’ouvre et se ferme comme d’elle-même. Pierre Jourde dans ce court texte revient sur ses peurs anciennes et toujours présentes. Ces peurs que je connais si bien, depuis l’enfance aussi, irraisonnées, incontrôlables, comme Jourde j’ai en mémoire de ces nuits d’insomnie passées la lampe de chevet allumée toute la nuit, les livres lus, les lettres écrites pour faire diversion, et l’endormissement aux premières lueurs du jour perçant à travers les volets non clos. J’ai fini ce texte ce matin, la maison était silencieuse et déserte, cette maison qui est la mienne, que je connais bien, et pourtant, malgré le jour, les angoisses de Jourde ont su répondre aux miennes. Peur, de la mort, du silence, de ceux qui ne sont plus, de ce que nous ne serons plus, un jour.
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La tyrannie vertueuse

J'ai déjà consacré plusieurs chroniques à divers ouvrages attaquant le wokisme, et suis en train de lire celui de Pierre Jourde, où il manifeste ses qualités habituelles d'analyse, s'attachant particulièrement aux manifestations du monstre dans la sphère littéraire et intellectuelle.

Pour préparer une future critique de cet ouvrage, j'ai fait quelques recherches sur Internet sur Pierre Jourde et ses engagements j et je suis tombé sur une polémique qui l'a opposé à quelques collaborateurs de Médiapart sur le concept d'islamophobie. Une polémique de plus sur ce sujet, et je n'en aurais pas parlé si elle n'avait pas donné lieu à cette phrase "magnifique " dans un article dudit journal :

"Une religion a nécessairement une conception et une acceptation du Sacré. Pour autant, cette conception est parfaitement compatible avec différentes opinions, avec différents engagements politiques, et surtout avec une pensée scientifique qui n’est pas inférieure, ne vous déplaise, à celle de ceux qui ont relégué les religions à une naïve explication des événements du monde."

Oui, vous avez bien lu, et tout est dit : les explications religieuses du monde valent bien les scientifiques; et la créationnisme vaut bien l'évolutionnisme.

Alors lions ce livre, par respect pour un homme qui ose lutter contre ÇA.
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La tyrannie vertueuse

A lire absolument! que dire d'autre? Un plaidoyer pour la liberté et son exercice, la culture, la pensée, dans une période où les dérives des combats qui ont été et sont encore à mener laissent augurer le pire entre sectarisme identitaire des uns et lâcheté des autres. Les exemples à l'appui sont nombreux et sidérants, comme si la censure qui couche avec la délation n'en étaient qu'au début de la fondation d'une grande famille de l'intolérance. Big brother n'était qu' un rigolo! Inquisition is back.
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La tyrannie vertueuse

Pierre Jourde écrit ici un pamphlet au vitriol - mais la plupart du temps bien étayé - contre une idéologie dominante dans certaines sphères de la politique, des médias, et de la recherche, qu'on pourrait appeler - mais à notre détriment car ce terme est surtout utilisé par les partisans de cette idéologie, et certains de ses opposants qui, par amalgame, vise à discréditer tout le camp de l'émancipation.

D'une plume alerte, il dénonce les effets délétères de cette idéologie simpliste et victimaire, en nous rappelant fort justement que lorsqu'on a un marteau, tout ressemble à un clou - ou plus exactement aujourd'hui à un mâle blanc cis-hétéro, sur lequel il convient de taper le plus fort possible.

Par courts chapitres, donnant à l'essai l'impression d'une agréable discussion à bâtons rompus - l'auteur est davantage écrivain qu'analyste, et ne se prive pas d'allers-retours, bienvenus car ils enrichissent la réflexion - il montre comment une clique de pseudo-intellectuels rompent l'exigence d'une pensée symétrique et s'ingénient à nous montrer que 2 et 2 ne font plus forcément 4. Par son franc-parler, qui n'est pas sans lui faire prendre quelques risques certainement, Jourde peut ici se revendiquer comme le continuateur d'Orwell ou de Koestler qu'il invoque comme autant d'exemples de voix dans le désert de la pensée idéologisée, à d'autres époques.

L'ouvrage est franc, courageux, il est à lire, et incontestablement il remet les idées en place. Par fidélité à l'amour du contradictoire qui semble animer Pierre Jourde, on peut néanmoins lui adresser quelques critiques - d'ailleurs en partie irréconciliables contre elles, ce qui témoigne en faveur de l'essai.

Principale critique : il semble exagéré, ou pour le moins anticipé, de comparer le bâillon qu'applique la pensée "woke" aux intellectuels contemporains avec les interdits imposés par les idéologies totalitaires du siècle passé. Certes, une grande partie de la presse, de l'édition, de la recherche en sciences humaines et sociales censure les réflexions qui ne respecteraient pas cette grille de lecture imposée. Mais il reste loisible - luxe que n'avaient pas les Soviétiques, ni les nazis et leurs vassaux - au café du coin, en privé, ou même dans des médias "de droite" et résolument antiwokistes. Finalement ce que critique Pierre Jourde, c'est moins l'évolution de la société que celle de la frange dominante de la gauche, très puissante dans les milieux intellectuels. Et dans cette gauche-là, Pierre Jourde, parce qu'il est homme et blanc, a de moins en moins sa place. C'est éminemment problématique - mais moins que de vivre sous Staline ou Hitler.

Deuxième critique, qui en dérive : c'est très bien de dénoncer l'idéologie wokiste, mais encore faudrait-il proposer autre chose. Or Pierre Jourde, qui plaide pour le bon sens (ce qui est déjà beaucoup) n'apporte pas vraiment de proposition. Il témoigne qu'il a arrêté de croire dans le communisme, et au détour d'une ligne on apprend qu'il est plutôt hostile à la montée en puissance de l'écologie - phénomène qu'il assimile, à tort selon moi, à l'idéologie woke, mais comme il ne développe pas du tout ce point, ça ne vaut pas la peine d'en discuter. Pierre Jourde critique donc la gauche actuelle, mais que propose-t-il ? L'amour inconditionné des humbles, indépendamment de leur couleur de peau, de leur sexe, de leur âge ? Très bien, mais comment cela marche-t-il concrètement ?

Les trois autres critiques sont de moindre importance, il s'agit plutôt à mon sens d'un manque de rigueur bien excusable dans le cadre de l'écriture d'un essai.

3. Pierre Jourde échoue à prendre en compte les spécificités de la domination qui s'applique aux femmes, aux minorités sexuelles, aux personnes racisées (je pense, contrairement à lui, que le terme a du sens dans nos sociétés encore majoritairement blanches). Il démontre assez bien que ces spécificités ne sont pas TOUTE la domination (d'abord économique) ni même son pire aspect. Mais tout de même, il faudrait en tenir compte, et il ne le fait pas - ou alors pour condamner en termes très vagues le racisme et le sexisme.

4. A force de critique, il oublie peut-être que les vies valent d'être vécues au-delà des "tyrannies" a) économique et b) "wokiste". Par exemple, quand il compare le sort d'une princesse saoudienne employant des esclaves philippines dans sa résidence de Neuilly, et d'un vieux résistant gaulliste finissant ses jours dans un modeste EHPAD, il a raison de dire qu'il est ridicule de penser que la première est une victime absolue, mais il oublie de souligner que la vie du second est sans doute, à la fin, préférable car elle a eu du sens malgré les injustices. Le vieux résistant gaulliste a vécu, pas forcément la princesse saoudienne.

5. Mais ici, cela montre qu'il a peut-être raison, le titre est quand même bien mal choisi. Je m'attendais à un pamphlet épicurien contre la dictature du bien-être, de la forme physique, voire de la "gentillesse", et d'un appel au cynisme. Non ce livre est bien une charge de la vieille gauche face au wokisme, pourquoi ne pas le dire ? Si le choix du titre a été imposé par l'éditeur, alors PJ a peut-être encore un peu plus raison que je ne le croyais.



A lire (et même, avec plaisir).



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La tyrannie vertueuse

Pierre Jourde est un cantalou qui a gardé son bon sens paysan et que les succès universitaires n'ont pas enivré. Comme quelques rares hommes de gauche il reste droit dans ses bottes et refuse la dérive islamo-gauchiste, intersectionnelle et autres balivernes.

Sa réflexion atterrée sur le débat intellectuel est alimentée par de multiples exemples de la dangereuse bêtise des nouveaux gardes rouges. Il argumente avec pertinence, réaffirme avec ferveur les valeurs universalistes et laïques de la gauche traditionnelle mais son combat parait perdu d'avance, il n'y a pas assez de Jourde dans les universités, les média et les politiques.

C'est la lâcheté des dirigeants qui nourrit la peur chez ceux qui voudraient se rebeller, quiconque s'oppose sera lâché par sa hiérarchie et ses pairs.

Les mouvements décolonialistes, féministes, anti-racistes autrefois nécessaires ne savent plus s'arrêter, la machine ivre de son inattendu pouvoir s'est emballée et s'installe dans la surenchère et bientôt la violence. Sans compter l'aspect économique: l'état aveugle finance associations, colloques et autres manifestations sans parler des "chercheurs" qui détruisent l'université.

Tout ce beau monde pétri de contradictions et d'antagonismes se rassemble face à son ennemi l'homme blanc occidental hétérosexuel. Celui-ci croyait naïvement qu'il s'était débarrassé de ses vieux démons et qu'il était devenu l'exemple à suivre, erreur fatale il a été désigné comme l'ennemi du genre humain, la cause de tous les malheurs de l'humanité. Sa mort est démographiquement programmée, pas besoin de théorie du Grand remplacement, les choses se feront d'elles-mêmes en quelques siècles, espérons seulement que certains n'aient pas envie d'accélérer le mouvement.

Merci à Pierre Jourde d'être courageux, de prendre le risque d'être médiatiquement cloué au pilori mais il saura se défendre.

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Le Jourde et Naulleau : Entreprise de nuisa..

J'ai bien rigolé avec ce livre ! Les deux auteurs nous montrent les auteurs phares qui incarnent la littérature du XXIe siècle. De nombreux fous rires à venir.



Oui, ils se moquent, oui, leur humour est plutôt noir...mais qu'est ce que c'est bon de prendre un peu de distance face à certains auteurs qui ont l'air sacré. Des clichés, des évidences, des phrases qui ne veulent plus rien dire une fois terminées, des phrases "m'as-tu vu", les extraits des textes qu'ils choisissent pour expliciter leur propos en regorgent.



Les exercices à chaque fin de présentation sont très drôles et permettent de se rendre compte de la bêtise de certains textes qu'on appelle "littérature". Les exercices où l'on doit attribuer des citations aux bons auteurs sont criblants de vérité car pour les auteurs qui sont présentés dans cet ouvrage, il devient très facile de deviner leurs écrits car ils deviennent des clichés à eux tout seul à cause de leur style.
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Le Jourde et Naulleau : Entreprise de nuisa..

Pastiche du manuel de littérature française à l'intention des classes secondaires célèbre sous le nom de ses auteurs, le Lagarde et Michard, ce pamphlet salutaire décape la production littéraire de ces dernières années, et prend pour cible les auteurs à succès ou ceux qui sont en vue sur la scène de l'édition parisienne. Il est difficile après la série d'éclats de rire provoqués par les commentaires comiques et les faux sujets de dissertation de passer encore devant les rayons d'une librairie de gare, voire ceux de vendeurs de livres aux prétentions plus sérieuses, sans éprouver des contractions abdominales ou pouffer discrètement. Le pire reste les citations, la plupart du temps authentiques, ou plus vraies que nature, d'ouvrages qui sont de nos jours portés au pinacle. Heureusement on ne s'en afflige pas mais, avec le Jourde et Naulleau, on apprend à garder ses distances. Une île lucide dans un océan de médiocrité.
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Le Jourde et Naulleau : Entreprise de nuisa..





Lu incidemment Naull'eau.

J'ai dû lire une chronique de Naulleau à cause d'un ivrogne qui sévissait sur babelio ; chronique consacrée à Cher connard de Virginie Despentes publiée dans Marianne tout récemment.



Naulleau descend en flammes le dernier livre de Virginie qui fait polémique en cette rentrée littéraire plutôt fade : "ce n'est pas de la littérature, ce sont des impostures", et patati et patata.. sur un ton désagréable de procureur..

Bon, moi Naulleau, il ne me serait jamais venu à l'idée de lire du Naulleau, il m'était déjà pénible de l'entendre dans les médias, je réservais donc une oreille distraite à ses badineries, dirais-je avec civilité.



J'émets un avis à la lecture de Naulleau encore pire qu'à l'entendre : écriture intello médiocre persillée de glaires bien éloignée de la littérature. Visiblement pas à la hauteur du talent de Virginie qu'il a prise pour cible. Intellectuellement affligeant !
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Le Jourde et Naulleau : Précis de littérature d..

Version actualisée de la parodie du Lagarde et Michard, avec un choix plus large de têtes de turc, mais toujours aussi drôle. Ils savent appuyer là où ça fait mal ! J'ai particulièrement souri à la lecture des chapitres BHL et Sollers. En ce qui concerne d'autres auteurs, j'ai bien compris qu'il y a peu de chance que j'apprécie un jour les romans d'Alexandre Jardin, Camille Laurens, Madeleine Chapsal, Marc Levy et autres...
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Le Jourde et Naulleau : Précis de littérature d..

Voici un classique de la grande critique littéraire à lire absolument. Bien sûr il y a de la mauvaise foi et une pointe de méchanceté là-dedans, et alors, ça ne fait pas de mal de lire des écrits de caractère.
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