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Critiques de Rabindranath Tagore (206)
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La Petite Mariée - Nuage et Soleil

Premier contact avec l'écrivain indien, qui fut Prix Nobel de Littérature, par ces deux nouvelles, assez courtes offrant exotisme et poésie. J'ai beaucoup aimé cette intrusion en Inde à la fin du 19 ème siècle. Deux textes très agréables à lire, emplis d'une grande poésie, chargés d'espoir aussi et où l'amour tient un rôle non négligeable.

Rabindranath Tagore est un écrivain que je relirai avec grand plaisir.
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Le vagabond et autres histoires

Recueil de nouvelles de l’immense écrivain indien, Rabindranath Tagore, prix Nobel de littérature en 1913. Tagore est avant tout un poète et ses nouvelles sont de longs poèmes en prose, où les petites gens, les humbles, tiennent le premier rôle. Tagore les a observés tout au long de sa vie et il en dresse un portrait sensible et très juste.



Le lyrisme du poète enchante le lecteur et le dépaysement est assuré. On découvre une Inde métissée, multiple, très croyante et sensuelle. Les femmes sont engluées dans un système patriarcal que Tagore dénonce dès ses premiers écrits, à la fin du XIXème siècle. A la même époque, mes arrière-grands-mères n’avaient pas le droit de vote et n’avaient aucun espoir d’une émancipation quelconque.



Je retiendrai surtout la nouvelle qui donne son nom à l’ouvrage. Elle raconte l’histoire de ce jeune homme, semblable au jeune faon qui ne peut supporter d’être captif et qui est attiré par la musique, tellement épris de liberté, qu’il renoncera au mariage avec la jeune fille aimée. Un personnage très inspirant pour une fille de passage.

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Souvenirs d'enfance

C'est à la fin de sa vie que Tagore a dicté les souvenirs de son enfance passée dans une grande maison de Calcutta, à une époque où il n'y avait pas encore dans les rues d'automobiles ni dans les maisons l'électricité ou l'eau courante qui était apportée du Gange. Ces souvenirs semblent surgir sans plan préalable comme au cours d'une conversation avec les philtres de la mémoire et de l'imagination, mais aussi une certaine nostalgie, puisqu'ils évoquent un monde qui a disparu, celui où subsistaient encore dans les grandes familles hindoues les usages des Nababs. Ainsi les femmes vivaient-elles à l'écart, dans leurs propres appartements, à l'intérieur des maisons, à coté de toits servant de terrasses et que Tagore comparait dans son enfance à un royaume, surtout quand l'une de ses belles sœurs, pour laquelle Tagore avait beaucoup d'affection, en avait bouleversé l'ordre, en y cultivant un jardin aux plantes odorantes et y préparant des friandises ou des plats délicieux, comme un curry de crevettes assaisonné au piment vert. Il y avait dans ces maisons des histoires de fantômes mais aussi de brigands et de chasses à tigres à dos d'éléphant. Tagore se souvient des spectacles, des acteurs, des musiciens, des marchands ambulants, de ses heures d'études qui semblent avoir été plutôt fastidieuses, de ses premiers poèmes modelés selon les modes de la musique indienne, lesquels correspondent à des moments du jour ou à des saisons comme la mousson.
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Chârulatâ

Rabindranatah Tagore, prix Nobel de littérature en 1913, a publié ce court roman en 1901, il faudra attendre 2009 pour le voir traduit pour la première fois en français aux éditions Zulma.

La littérature indienne ne m'est pas familière, le nom de Tagore ne m'évoquait rien et là surprise !Ce texte écrit dans les années 19OO met en scène 3 personnages. Bhupati un riche indien anglophone absorbé par le journal anglophone qu'il a fondé, Chârulata sa belle et jeune épouse et Amal son cousin , étudiant à qui il offre l'hospitalité.

Bhupati est absent , Chârulata s'ennuie et Amal est omniprésent. Mais l'équilibre est précaire, l'amitié est-elle pérenne ou évoluera t'elle entre ses 2 êtres passionnés et complices?

Tagore a , dit-on, écrit ce roman en pensant au jeune homme qu'il a été et à la relation qu'il a eu avec l'une de ses belle-soeurs...Qu'importe ce texte est un petit bijou, l'analyse des acteurs de ce drame prisonniers de leur époque et de la société dans laquelle ils évoluent .

Une lecture découverte qui donne envie de se plonger à nouveau dans l'oeuvre de Tagore .



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Nouvelles asiatiques

L'ASIE EN TOUTES LETTRES.



Quelle délicieuse initiative que celle-ci : donner à découvrir, pour l'achat d'un guide de la merveilleuse collection de la «Bibliothèque du Voyageur», cette invite permanente au voyage, aux cultures, à la découverte de contrées et de paysages plus ou moins lointains, trois nouvelles de trois des plus grands auteurs chinois, indiens et enfin japonais du XXème siècle, dans un petit ouvrage répondant au nom, digne de Gobineau (grand orientaliste, bel écrivain voyageur loué par Nicolas Bouvier, mais épouvantable raciste et antisémite notoire par ailleurs), de «Nouvelles asiatiques».



On y rit, non sans grincer des dents, mais d'assez bon cœur avec «Inspiration» de Qian Zhongshu, première nouvelle qui fait le portrait "d'un écrivain célèbre, dont nous ignorons le nom !", tant la notoriété de cet homme fit qu'il était devenu, pour tous "l'Auteur" sans même à s'inquiéter de retenir son patronyme, lequel, ne recevant pas le Prix Nobel pourtant très largement mérité selon ses admirateurs et lui-même (pour la raison que les vieilles badernes de Stockholm ne peuvent lire leurs futurs lauréats que dans des langues européennes de premier plan, et que la traduction de notre impétrant fut passablement loupée), meurt, se retrouve en enfer - un Enfer bien moins terrible que ce qu'on imagine, puisque la vie sur terre en a pris tous les attributs ! - et se retrouve jugé par... ses propres créatures de papier qui lui reprochent de ne les avoir qu'esquissés, rendant leur existence d'outre-monde parfaitement insupportable, monstrueuse !

Un réquisitoire terrible et d'un cynisme assumé contre les écrivains se prenant pour plus qu'ils ne sont réellement...



La seconde nouvelle est de l'indien - et prix Nobel (sic !) - Rabindranath Tagore, aujourd'hui un peu oublié aujourd'hui mais qui connu son heure de gloire internationale dans la première moitié du XXème siècle et même un peu au-delà (avec le "revival" hippie). Il y est question ici d'un vieil homme très riche, un zemindar (une sorte d'équivalent hindou des fermiers-généraux de la fin de l'ancien régime), décidant de se consacrer pleinement à ses affaires spirituelles et qui abandonne pour cette raison ses affaires temporelles à son fils, un être froid, calculateur, rusé, certes dans ses droits quant à sa rigoureuse application de la Loi, mais sans aucune espèce d'état d'âme ni de compassion à l'égard des individus qui vivaient jusque-là sous la conciliante et généreuse administration de son père.

Un seul de ses administrés lui résiste mais lorsque son père apprend que son fils est en train d'acculer cet homme et sa vieille mère à la ruine, celui-ci sort de son temple et de sa retraite pour admonester son héritier et lui intimer l'ordre de rendre toutes ses possessions à cet homme... Un témoin de cette scène fait son enquête et comprend, à partir de ses conclusions, comme les êtres humains peuvent pratiquer une certaine forme de sainteté bien qu'en réalité ce sont, tout au long de leur existence, de parfaits tartufes.



L'ultime nouvelle proposée ici est, sans le moindre doute, la plus profonde, la mieux composée - presque à la manière d'un roman très ramassé, séparé par de courts chapitres -, la plus complexe. On la doit au très grand écrivain japonais (assez méconnu chez nous), Ryunosuke Akutagawa, qui a donné son nom, de manière posthume et parfaitement involontaire, au prix littéraire nippon le plus prestigieux de l'archipel. Celle-ci s'intitule «Engrenage» et elle conte, par des raccourcis saisissant ainsi qu'un sens dramatique implacable au travers d'une écriture précise, presque froide, toujours parfaitement juste, l'engrenage impitoyable de la folie qui atteint, pas après pas, le narrateur du texte qui, double jeu abyssal, semble n'être autre que l'auteur lui-même. Se référant, entre autres, à deux immenses prédécesseurs et, si l'on peut dire, experts en matière de folie, d'hallucinations diverses, de malaises existentiels, à savoir au suédois August Strinberg et à son Inferno (qu'il ne cite jamais directement mais on comprend très bien la référence) ainsi qu'à, peut-être, notre plus grand nouvelliste, le normand Guy de Maupassant (identiquement le Horla n'est jamais explicitement mentionné, mais on saisit très vite la parenté), Akutagawa nous entraîne avec un art consommé du rythme vers les rivages mouvants et flous qui se situent entre fantastique assumé (fantômes, vêtements qui apparaissent et disparaissent sans raison, coïncidences impossibles, etc) et avancée inexorable vers cet autre état de la conscience que nous définissons tellement rapidement sous ce vocable facile de folie.

Cette nouvelle prend un sens encore plus singulier et tragique lorsque l'on sait que, publiée à titre posthume, celle-ci décrit probablement cette angoisse terrible d'un écrivain qui se suicidera de crainte d'être atteint du même mal que celui qui emporta, dans la fleur de l'âge, sa propre mère !

Une nouvelle forte et dérangeante tout à la fois, qui mérite à elle seule l'intérêt que l'on peut porter à ce trop bref recueil.



L'ouvrage n'a, finalement, qu'un seul véritable défaut : dans la mesure où il était offert pour l'achat d'un autre ouvrage, il n'est pas commercialisé - je remercie au passage cette excellente librairie du centre de St Denis (93) mais dont j'ai aujourd'hui oublié le nom, et qui cédait nombre de ces ouvrages gratuits pour l'achat de n'importe quel autre livre ! Il m'aura fallu bien du temps pour le dévorer (il date de 2012 et je n'ai dû me le procurer qu'en 2014), mais comme le veut l'adage : mieux vaut tard que jamais !
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La Maison et le Monde

La Maison et le monde m’a surpris. Je m’attendais à… plus ? à autre chose ? Après tout, son auteur Rabindranath est récipiendaire du prix Nobel et ce roman est sont plus acclamé. Je n’ai pas détesté pour autant. Le roman nous entraine dans l’Inde du début du 20e siècle, avec toutes ses traditions et ses contradictions.



Nikhil est rajah. Il vit dans son palais, drapé dans sa droiture morale, avec son épouse Bimala, très intelligente même si elle n’a pas reçu une grande éducation. D’abord soumise, sa curiosité l’amène à s’intéresser à tout, alors elle est attirée par les propos et le discours de leur invité, Sandip. Ce dernier est un des chefs de file du Swadeshi, un mouvement patriotique qui lutte pour l’indépendance de l’Inde, à commencer par le boycott des produits anglais. «Bande Mataram» est scandé alors que les troubles menacent la petite localité.



Les échanges entre ces trois personnages (et quelques autres, secondaires) font écho aux troubles dans la région. Sandip essaie de convaincre Nikhil du bien fondé de sa cause mais, alors que sa présence se prolonge, c’est son intérêt pour Bimala qui semble davantage le motiver. Et c’est alors que son cynisme paraît. Pendant tout ce temps, le rajah observe (il voit bien son épouse et son invité se rapprocher) et réfléchit mais laisse faire.



Tagore analyse finement ses personnages, leurs points de vue, jusque dans leurs retranchements émotionnels et intellectuels. Ils sont complets, complexes et consistants. Toutefois, il semble négliger toute évolution psychologique. Nikhil, Bimala et Sandip ne changent pas, ils restent les mêmes du début à la fin, faisant en sorte que le lecteur se doute rapidement comment se terminera l’histoire. Un peu dommage, selon moi.



D’un autre côté, peut-être que je lis ce roman avec mes lunettes d’Occidental. La philosophie orientale, et celle de l’Inde en particulier, est toute en subtilité et en douceur. Moins d’action, plus de réflexion. Il faut accepter l’inévitable et user de patience pour laisser se dérouler d’elle-même une intrigue…
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Amal et la lettre du roi

Cette pièce écrite en 1912 a été traduite de l’anglais par André Gide dans les années 30 du siècle dernier, et a connu plusieurs éditions, toujours dans cette traduction, ainsi qu’un certain nombre de mises en scène. Elle paraît être jouée également par des troupes d’enfants et adolescents.



Car le personnage principal de la pièce, Amal, est un enfant. Un enfant dont les parents sont morts, et qui a été adopté par un couple relativement aisé. Mais Amal est malade, et le médecin qui le soigne, lui interdit de sortir. Dans un premier temps, il se met à la fenêtre, et interpelle les gens qui passent, discute avec eux. Il y a des enfants, à qui il donne ses jouets, pour qu’ils jouent sous sa fenêtre. Il y a une jeune fille qui va cueillir des fleurs que sa mère va vendre. Il y a un vendeurs de lait et fromage, et d’autres passants. Tous deviennent ses amis, sont touché par l’enfant malade. Tous sauf le prévôt, qui s’imagine être un personnage important et qui méprise tout le monde. Le veilleur, en bavardant avec Amal, lui explique que le grand bâtiment en face de sa maison, est le ministère des postes du roi, et fait miroiter à l’enfant l’idée qu’un jour le roi pourrait lui écrire. Amal se met à y rêver, et à vouloir devenir facteur, qui lui semble le plus beau des métiers. Mais son état se détériore, et il ne peut plus venir à la fenêtre, bavarder avec les gens qui passent.



Il y a un côté très frais, plein de charme dans la pièce, dans les dialogues de ce petit garçon, qui ne veut pas devenir savant, mais s’immerger dans la vie, qui se refuse à lui. C’est probablement très codé, symbolique et métaphorique, mais ces symboles et métaphores sont difficiles à appréhender à quelqu’un qui ne maîtrise pas la culture indienne. On en reste donc à l’impression d’une forme de légèreté, de charme, de poésie, avec un peu de tristesse. Il m’a manqué dans mon édition un peu de décodage, pour apprécier vraiment cette pièce, même si sa lecture est plutôt agréable, mais j’ai eu le sensation d’être un peu restée à côté des significations plus profondes.
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La Maison et le Monde

Rabindranath Tagore, prix Nobel de littérature 1913, signe avec la Maison et le Monde un roman époustouflant qui , me semble t'il peut se lire à plusieurs niveaux.



Ce roman choral met en scène 3 personnages principaux: Bimala, jeune épouse respectueuse des traditions, Nikhil son époux, riche rajah, converti à la modernité, très amoureux de son épouse et Sandip, l'ami de Nikhil, à la tête du Swadeshi, un mouvement de boycott des produits britanniques importés, premier pas vers l'indépendance de l'Inde. Très vite Bimala va être fascinée par Sandip, sous le regard impassible de son époux. Sandip n'est qu'un opportuniste, profiteur peu scrupuleux surtout avide de notoriété et de richesse.. triste personnage en vérité.

Ce roman est aussi le regard que porte Rabindranath Tagore sur ce mouvement , un regard circonspect à l'instar de celui de Nikhil. On a là un roman plus politique et engagé qu'ion ne pourrait le penser de prime abord.



Cette lecture m'a cependant semblé fastidieuse, sans doute ma méconnaissance flagrante de l'histoire indienne explique t'elle cela .
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Aux bords du Gange et autres nouvelles

Joli glanage de brocante que ces quelques nouvelles extraites du recueil Mashi, avec lesquelles la collection Folio 2€ ne faillit pas à sa mission de faire découvrir par le format court des auteurs importants, ici Le Poète indien Tagore.

C'est finalement celle qui donne son titre au recueil qui m'aura le plus séduite par sa tonalité douce amère et la couleur d'éternité qui se porte sur la toute jeune veuve qui, à la faveur d'ablutions au Gange, se résoud à voir s'éloigner celui qui aurait pu amener la lumière dans sa vie gâchée.

Mais toutes les nouvelles portent une symbolique pure, celle de la fugacité de la vie à travers un squelette qui s'en vient murmurer son passé de belle jeune femme à l'oreille d'un vivant, celle d'un amour impossible de deux jeunes gens que leurs parents n'ont pas choisi d'unir et qui ne passeront qu'une chaste nuit ensemble, sans même se regarder, sur un îlot sous la pluie, celle encore, terrible, de la vanité de la fortune où se déroule un sacrifice inutile.

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Chârulatâ

Court, concis, sans fioritures, j'adore! J'ai passé un très bon moment avec ce petit roman de Rabindranath Tagore, publié en 1901. L'auteur y dépeint un couple aisé, dont l'homme se consacre entièrement au journal qu'il a créé tandis que sa toute jeune épouse, dans la fleur de l'âge, s'ennuie dans leur grande maison. Se sentant coupable de la délaisser, Bhupati invite sa belle-soeur ainsi qu'un de ses jeunes cousins à venir s'installer chez eux pour lui tenir compagnie et la suivre dans ses études. Chârulata, notre héroïne, trouvera vite auprès du jeune Amal un compagnon à sa vive imagination et son goût pour l'écriture.

En peu de mots, Tagore dépeint les états d'âme de chaque personnage avec une délicatesse et une justesse tout simplement impressionnantes. Ca coule de source, c'est si réaliste que sans doute chacun peut s'y retrouver, c'est doux-amer et terriblement moderne tout en restant universel.

Une lecture-bonbon dont la saveur reste longtemps en bouche. Ma deuxième lecture de l'auteur, à continuer.
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La Maison et le Monde

Bimala et Nikhil sont mari et femme depuis neuf ans déjà. Leur union est le fruit d’un arrangement entre leurs deux familles, mais les époux s’entendent bien.

Nikhil participe au mouvement « Swadeshi » et reçoit, chez lui, l’un de ses amis, qui est aussi l’un des leaders du mouvement nationaliste en question, Sandip Babu. Cet homme aux idées bien arrêtées se sent attiré par Bimala. Et l’attirance est réciproque… Nikhil remarque bien vite ce qu’il se passe entre sa femme et son ami mais ne dit rien.





« The Home and the World » (ou « La Maison et le Monde ») a été publié pour la première fois en 1916. Etonnant d’apprendre cela lorsqu’on découvre ce récit plein de modernité.

Avant de commencer ma chronique sur ce beau roman, j’aimerais vous parler du mouvement « Swadeshi », dont il est beaucoup question dans le récit de Tagore.

Le Swadeshi est l’un des nombreux mouvements non-violents par lesquels la population indienne a réagi à l’occupation anglaise. Le Bengale, où est situé l’action de La Maison et le Monde, était devenu, dès 1900, l’un des centres névralgiques du nationalisme indien. Afin de lutter contre cette tendance, le vice-roi d’Inde, Lord Curzon, a proposé la division de cette région en deux parties. La raison officielle invoqué par Curzon, était purement administrative ; mais les nationalistes indiens ont rapidement compris que l’objectif réel était d’affaiblir leur mouvement.

Pamphlets, réunions publiques et boycott des produits britanniques furent alors organisés par les leaders du mouvement nationaliste.

Voilà pour le contexte politique.



« La Maison et le Monde » se compose de sept chapitres, chacun d’eux étant raconté par l’un des trois personnages principaux. Cela nous permet de constater l’évolution de chacun, notamment de la jeune Bimala.



Bimala commence son récit en femme soumise à l’autorité de son mari, ce dernier se montrant pourtant particulièrement doux et respectueux. Mais pour la jeune femme, l’important est de prouver son respect à son époux par des actes tels que le lavage de pieds (nous sommes au début du XXe siècle, ne l’oublions pas). Grâce au récit de Bimala, nous découvrons aussi la vie que mènent les jeunes épouses indiennes dans la demeure familiale de leur époux. Confrontée à sa belle-sœur, une femme aigrie qui passe son temps à la critique, Bimala doit subir ces brimades en silence.



Les chapitres « racontés » par Nikhil sont également très intéressants. Cet homme qui parle peu et qui n’agit qu’après avoir bien réfléchi aux conséquences possibles de ses actes, possède pourtant une vie intérieure très riche et un sens de l’observation très aiguisé. Ainsi, le jeune homme ne se laisse-t-il pas abuser par les excuses que Sandip invente justifier ses tête-à-tête avec Bimala ; très vite, Nikhil comprend que ces deux-là sont attirés l’un par l’autre. Pourtant, il se tait et observe. Il décide d’attendre et de voir venir.



Sandip, s’il est particulièrement intelligent, m’a pourtant déplu. Je ne sais pas trop pourquoi. J’ai préféré les personnages de Nikhil et de Bimala et j’ai eu du mal à comprendre ce que cette dernière pouvait bien trouver à Sandip… J’ai trouvé ce brillant orateur hypocrite et même parfois cruel. Ses discours, bien que soignés et percutants, m’ont souvent semblé creux…Passons, ce n’est pas, selon moi, le plus important.



Loin d’être uniquement la chronique d’un amour triangulaire abrité par la demeure familiale de l’un des personnages (« La Maison » dont il est question dans le titre du roman), le récit traite aussi – et même surtout – des événements agitant l’Inde. Les trois narrateurs du roman nous parlent, chacun à leur tour, de leur vision des choses et de ce qu’il se passe, non seulement dans leur communauté, mais aussi dans l’ensemble de la nation indienne (« Le Monde » du titre).



C’est d’ailleurs aussi cette participation à une action nationale qui transforme Bimala. Ses discussions avec Nikhil d’abord, avec Sandip ensuite, font d’elle une citoyenne indienne à part entière et non plus une épouse soumise.

Cette transformation de Bimala et sa volonté de participer à un mouvement nationaliste ne sont pas les seuls éléments de modernité du roman de Tagore. L’un des points essentiels se situe au niveau de la relation Sandip-Bimala et, plus particulièrement, au niveau de la réaction de Nikhil. Le jeune homme se demandera s’il doit plutôt laisser partir Bimala, ou demander à Sandip de quitter leur maison. Sa conscience le torture : que faire ?



A vous de découvrir la réaction de Nikhil en même temps que le reste du roman ! C’est une lecture qui se laisse savourer et qui vaut vraiment le temps qu’on lui consacre. Et un Nobel plus que mérité pour M. Tagore.



Challenge 15 Nobel : 4/15
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La barque d'or (L'esquif d'or)

J’ai déjà eu l’occasion de découvrir les nouvelles et courts romans de Rabindranath Tagore, mais je ne me suis encore jamais essayée à sa poésie, qui a pourtant une place importante dans l’oeuvre de l’écrivain indien. Mais il me semble que les poèmes sont moins traduits et plus difficiles à trouver que la prose. La sortie de ce petit volume croisé en librairie a été l’occasion pour moi de pénétrer un peu dans l’univers des poèmes de Tagore.



Il s’agit d’un choix de 25 poèmes, relativement longs, et dont les thématiques ou l’expression tournent autour du monde de l’enfance. C’est une thématique ou point de vue que j’ai déjà régulièrement pu rencontrer dans les textes de fiction de Tagore, nous sommes dans le même univers et sensibilité. Les poèmes captent un moment, privilégié, celui qui résume, qui condense en quelque sorte l’essence d’une expérience.



J’ai toujours du mal à parler de poésie, dont le charme se trouve à quelque pas du rationnel et de l’explicite. J’ai toutefois beaucoup apprécié cette plongée dans les mots, les rythmes, les images et les sensations de Tagore. Un charme doux, tendre et quelquefois plus acéré s’en dégage, léger et évanescent mais réel. Une expérience à reproduire sans aucun doute.
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L'Offrande lyrique - La Corbeille de fruits

Ce recueil regroupe les versions anglaises, par Rabindranath Tagore lui-même, de ses poèmes indiens qu'il a rassemblés ici, et qui ont été traduits en français cette fois par André Gide. Bref, ils ont fait du chemin. Et n'étaient pas destinés à l'origine à faire un tout.

Que dire... j'ai été séduite par les premiers qui me semblaient limpides dans leur foi et où le poète s'adresse à son dieu. Et puis, finalement assez vite, je me suis sentie m'enfoncer peu à peu dans des textes dont je ne saisissais plus vraiment le sens et pour lesquels je ne ressentais plus la beauté première.

J'ai tenu bon jusqu'à la moitié du recueil, puis j'ai fini le reste en le feuilletant avec de plus en plus d'impatience... avec le sentiment qu'il n'en finissait pas!

Loin de moi la prétention de pouvoir, du coup, en dire grand chose, à part que ce recueil ne m'étais visiblement pas destinée!
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La Maison et le Monde

Dans l’Inde du début du XXe siècle et plus précisément le Bengale, un mouvement d'émancipation envers les Anglais émerge, le Swadhesi. Il consiste à boycotter les produits anglais au bénéfice des produits locaux. Cette idée sera reprise par Ghandi.



Une jeune femme qui s’estime sans beauté parce que sombre de peau se trouve mariée à un raja. Celui ci, intelligent et sensible, essaie de s’opposer à l'adoration qu’elle lui voue et qui pour elle va de soi et l’amener doucement du zenana où elle vit inconsciente qu’il puisse y avoir autre chose de désirable jusqu'au monde dans toute sa diversité.

Mais il a le tort d’inviter chez lui un membre du Swadhesi, de mon point de vue un simple jouisseur, dépourvu de scrupules et qui entreprend de séduire l'épouse de son hôte . La jeune femme inexpérimentée se laisse attirer croyant participer au mouvement. Nikhil s’en aperçoit mais persuadé que la force est dans le renoncement se contente d’observer.



Les voix des trois protagonistes alternent. Mais si j’ai aimé le style, les personnages m’ont peu touchée, Sandip est franchement antipathique et Bimala malgré l’excuse de sa jeunesse me semble passer facilement de la femme parfaite selon les critères du pays et de l'époque à une indulgence coupable envers son propre comportement. Elle ne peut ignorer où ses actes la mènent. Reste à méditer l’attitude de Nikhil.

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L'Offrande lyrique - La Corbeille de fruits

L'offrande lyrique est un recueil de prières, un chant où le poète s'offre à son dieu comme à un enfant. La posture de l'enfant ou la posture du poète qui s'incline sur son tapis de prière, au cours de sa méditation,fait qu'il se présente de manière humble pour accueillir celui qui s'offre à lui, lui qui s'offre de toute sa personne et de toute son âme à celui qu'il rencontre sans le rencontrer, qu'il appelle en tout cas de ses voeux comme un homme aux portes de la mort appellerait la mort de ses voeux pour une renaissance, pour un renouveau de la poésie. En même temps, la poésie peut paraître répétitive de poème en poème, elle devient litanie, dans la reprise des mêmes thèmes, des mêmes mots, se figeant ainsi dans une posture qu'elle maintient de poème en poème, et le souffle, plus lent, de moins en moins rapide, se fait plus profond jusqu'au dernier souffle du poète.
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Kumudini

Inde, fin 19ème. Un mariage arrangé : ça tourne mal...!

Pourtant elle était d'accord, Kumudini Chatterji, la fiancée de 19 ans abreuvée depuis l'enfance de croyances sur le couple parfait. C'est même au sens religieux qu'elle se dit que, quel que soit le fiancé (en l'état : vieux et laid), l'amour va naître afin de respecter l'harmonie universelle.

Elle, elle appartient à une famille aristocratique, raffinée et artiste... mais fauchée comme les blés. Pire : endettée jusqu'aux yeux. Après la mort du père, dépensier et généreux, le chef de famille est le frère aîné - un piètre homme d'affaires. Il lui a fallu doter les quatre autres sœurs, et envoyer le cadet étudier à Londres. Resté seul avec Kumudini, les deux tissent un lien fraternel très fort, prétexte ici à de longues conversations exposant les idées de chacun.

Et le vieux fiancé laid ? Vous l'aurez deviné : c'est le créancier.

Lui veut "une fille Chatterji" : pour le prestige, certes, mais surtout pour venger une très ancienne humiliation infligée à sa famille - une histoire de statue de la Déesse plus haute que celle du voisin, version indienne de la querelle de clochers. "Un lignage qui a reçu des coups est aussi dangereux qu'un tigre blessé."

Nouveau riche, très très riche, ce gros businessman est un véritable tyran domestique, faisant régner la terreur parmi sa famille et ses serviteurs. Personne n'ose même toucher à quoi que ce soit sans son autorisation...!

Autant dire que, lorsque la digne Kumudini éprise d'absolu mais pas de son mari, se rebelle, lui ne sait absolument pas comment s'y prendre. "Madhusudan n'arrivait pas à mettre le doigt sur l'obstacle insensé qui empêchait le cœur de cette femme de se donner à lui. Il avait pourtant pleine et entière autorité sur cette épouse."

Insensé, n'est-ce pas ?

Et c'est le grand frère, probable double de Tagore, qui tire la philosophie de ce mariage désastreux, dans une longue tirade curieusement progressiste (c'est écrit dans les années 20) : "Les femmes ne peuvent que supporter, elles n'ont pas d'autre voie. C'est pourquoi on ne cesse de faire pleuvoir des coups sur leur tête. Le jour est venu pour elles de dire qu'elles ne le supporteront plus."

À bas le patriarcat !

Traduction parfaite de France Bhattacharya.

Challenge Nobel
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Amal et la lettre du roi

Je glisse ici quelques mots, à cause du challenge Nobel. Mais je n'ai rien de plus à dire qu'Arabella dans sa critique (recommandable, bien sûr) .

A moi aussi, il manque les références pour apprécier ce texte, si simple en apparence qu'il doit comporter un sous-texte parlant pour ceux qui connaissent la culture indienne (d'Inde). Qui (qu'y) voyons-nous?

Un enfant malade, apparemment capricieux, mais plus probablement poète et philosophe (d'une philosophie un peu spéciale, qui veut apprendre par le voyage et non par les livres).

Des adultes et des enfants qui l'entourent, très bienveillants pour la plupart, qui entretiennent sa rêverie : va-t-il la recevoir, la lettre du Roi?



Tout ça doit avoir un sens, mais il m'est resté caché, d'où ma déception.
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Le jardinier d'amour - La jeune lune

Le jardinier d'amour, est un recueil envoûtant, nous emmenant faire un long voyage aux confins de l'Empire des Indes avec tous ses mystères et ses coutumes. Balade étrange dans les communautés villageoises, où le mystique, le sacré, les éléments naturels, les humains se fondent pour ne former qu'un esprit, celui de la vie, à la recherche de l'amour, dans les limbes insondables du monde indien où tout semble déjà écrit. Magnifique épopée poétique en quête d'un hymen passionné, offrant aux protagonistes un jeu sensuel empreint d'exotisme, mais où les acteurs semblent s'évaporer dans les arcanes de liaisons contrariées dont seuls les dieux ont le secret. Les vers de l'auteur sont d'une puissance magique, illustrant un karma éthéré, donnant à l'ensemble une rhétorique ineffable où la beauté des mots transcende l'amour pour lui donner un statut divin.

La seconde partie du recueil, la jeune lune, reflète les propos de l'auteur sur la vie, l'enfance, la mort et le deuil au sein de sa propre famille, miasme poétique déroutant où les vers semblent converser en évoquant une destinée à plusieurs voix, entremêlant les époques, les situations, les personnages afin de cheminer sur le sentier d'une existence brisée par l'indicible.
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Chârulatâ

Lu après "Kumudini", je dois avouer que "Chârulatâ" m'a un petit peu déçue. L'écriture de Tagore est tout aussi belle et subtile, mais ce roman-ci, une nouvelle plutôt, m'a paru vraiment trop court. On aimerait en savoir plus, suivre les trois personnages principaux sur une durée plus longue...

Approfondir leurs sentiments en revanche, c'est fait, et réellement c'est dans ce domaine que Tagore excelle.

Bhupati et Chârulatâ sont un couple de la bonne société bengalie. Lui dirige par passion un journal, elle s'ennuie. Comme l'a été l'auteur lui-même, encore adolescent, un jeune neveu est convié à vivre chez eux pour occuper et distraire l'épouse. Mais lorsque, coup sur coup, le journal fait faillite, et qu'Amal le neveu s'envole, Bhupati maintenant désœuvré et malheureux, se rend compte que le cœur de sa jeune épouse est parti avec Amal. Au lieu de trouver au foyer compréhension et affection, il découvre une femme inconsolable et un "nid gâché" (le titre original).

Loin d'être un mari tyrannique comme celui de Kumudini, ici l'époux est un être sensible, peut-être le personnage le plus attachant. En effet, le neveu apparait comme un jeune fat, ne sachant pas voir l'émotion qu'il fait naître chez sa belle-sœur. Quant à Chârulatâ elle-même, elle a tout de l'adolescente rêveuse qui, n'ayons pas peur des mots, se monte le bourrichon.

Par contre, ce qui m'a paru le plus réussi dans ce court roman, c'est l'écriture comme métaphore de la séduction : la complicité entre Chârulatâ et Amal naît de leurs essais d'écriture ; Chârulatâ refuse de montrer son cahier à son mari. Lui-même tente de reconquérir sa femme en lui présentant ses écrits (sans succès). Tout ce jeu autour des cahiers montrés, cachés, présentés comme des offrandes, révèle à lui seul la progression des sentiments, et c'est écrit avec une très, très grande subtilité.

Parfaite traduction de France Bhattacharya.

Challenge Nobel
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L'Offrande lyrique - La Corbeille de fruits

L'offrande lyrique est une longue prière, sans cesse recommencée dans des registres proches et des thèmes apparentés : ceux de l'attente et de l'espoir.

Dans une discrète progression, le poète nous emmène dans ces chemins de l'attente et de la découverte toujours recommencée de l'être espéré. Dans ce paradoxe même propre au désir de ce qui se refuse reste d'autant plus désirable.

Prière à l'amant, au maître, au roi, au dieu intérieur, prière à la mort. C'est avant tout une immense prière au temps, non pas celui qui passe mais celui qui demeure, celui qui ne se donne jamais mais s'offre à nous.
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