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Critiques de Rainer Maria Rilke (340)
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Lettres à un jeune poète

Tel un guide spirituel, Rilke offre une sorte de manuel de la vie créatrice de portée universelle. Il explore la raison intime qui détermine les choix d'existence que tout un chacun peut découvrir en soi. Sous sa plume, la création artistique apparaît comme l'acceptation de ce que l'on est véritablement.

Ces "Lettres à un jeune poète" sont avant tout un essai sur la création littéraire.
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Notes sur la mélodie des choses

Un tout petit essai poétique et philosophique sur l'essence même des "choses", de ce qui "est derrière", tel le fond d'écran de notre vie, de notre existence ou encore le décor de fond d'une représentation artistique. La mélodie des choses, c'est donc la capacité de percevoir une atmosphère, pouvoir ressentir avec une grande sensibilité grâce aux couleurs, aux formes, aux sons et capter une "aura" qui nous fait comprendre les autres, le monde et nous-même au-delà des mots. Entendre cette mélodie, faire partie d'un orchestre et savoir au bon moment quand jouer notre solo.



Du moins, c'est de cette manière que j'ai compris cet essai poétique, en prose, qui derrière des métaphores pas forcément évidentes à comprendre, est une réflexion profonde sur l'essence des choses, sur l'art et sur la façon de vivre pleinement (en sensibilité) en société sans compromettre notre essence primitive, naturelle.

Un peu surprise car j'avais choisi de lire ce petit bout de poésie grâce au titre : je pensais "les choses" comme des objets et j'imaginais donc une vision poétique et une façon de voir les objets au moyen de couleurs , de musiques, et autres perceptions sensibles.



Sympathique, mais très court ! Lu en juste 15 minutes !
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Les élégies de Duino - Les sonnets à Orphée

Je viens de terminer une première lecture de ce recueil de poemes. C'est une très agréable decouverte. Mais je pense que la traduction peine à rendre fidèlement la version originale. Malheureusement, à moins d'apprendre l'allemand, je devrai m'en contenter. Je ressens, à la lecture de ces poèmes, une grande émotion. Les élégies sont, selon le Larousse, des poèmes centrés sur les thèmes de la mélancolie, et de la mort, thèmes qui me sont chers. L'homme, face à son destin, n'est que de passage sur cette terre.

Il faut souvent relire ces strophes, à voix haute, pour s'en imprégner. Il s'en degage une réflexion sur le passage du temps, et la mort.

C'est un livre que je vais certainement relire souvent.
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Les élégies de Duino - Les sonnets à Orphée

Pour cette chronique, je choisis donc l’esquive et prends le parti de comparer deux traductions : celle de J.-F. Angelloz chez Flammarion, et celle de Roger Lewinter republiée récemment aux Éditions Héros-Limite.

Concernant le contenu, la traduction de J.-F. Angelloz et la restitution de R. Lewinter sont très différentes. Si celle de J.-F. Angelloz est très fluide, très « française », celle de R. Lewinter accroche d’avantage le regard et perturbe le lecteur. Elle nécessite d’avantage d’attention à la lecture, il faut reconstruire le sens des phrases qui n’est plus donné aussi facilement que dans le texte d’Angelloz. R. Lewinter a visiblement souhaité s’attacher à la métrique, il a souhaité conserver, coûte que coûte, le nombre de pieds de chaque vers de R. M. Rilke. Les conséquences s’en ressentent sur les constructions de phrases. Le sens du texte devient beaucoup plus difficile à saisir pour un francophone, et nécessite d’avantage d’attention de la part du lecteur.
Lien : http://synchroniciteetserend..
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Est-ce que tu m'aimes encore ?

J'ai aimé cette correspondance, aussi brève que passionnée, entre Rilke et Marina Tvéstaïeva, qui s'achève avec la mort de Rilke, le 30 décembre 1926. Amour à distance, né d'une admiration réciproque, fougueux et "échevelé" chez Marina, profond et réservé chez Rainer. Jamais ils ne se rencontrèrent.
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Les élégies de Duino - Les sonnets à Orphée

Frustration. Il faudrait le vivre en allemand. Je vois le texte original, y saisit des mots au vol, des bouts de phrases, puis je lis la traduction, souvent en me disant que ce n'est pas cela, qu'en allemand, c'est plus simplement dit, que traduire la poésie est impossible, que le langage de Rilke demeure fondamentalement étranger à mon esprit francophone, qu'il y a trop d'abstraction et de pensée dans ce que je voudrais concret, rapide, sonore et limpide. Comme souvent, un poète passe, intouchable et lointain, comme un ange, et je reste sur les planches, albatros qui ne pige rien au brûle-gueule des mots qui donnent la nostalgie d'avant Babel.
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Lettres à un jeune poète

Les dix lettres qui sont reproduites ici sont celles de Rainer Maria Rilke, poète allemand de renpm qui a été sollicité par l'un de ses tout jeune confrère, âgé de 20 ans, afin que celui-ci le conseille et lui apporte sa science. Les réponses que Rilke apporte à ce jeune poète, Franz Xaver Kappus ,ne sont pas purement techniques et n'apportent pas de méthode précise pour écrire un bon poème meis concernent plutôt l'étzt d'esprit dans lequel le poète doit se retrouver pour écrire. Il s'agit en réalité d'une recherche d'une vérité intime qui est différente pour chacun d'entre nous. Ces lettres sont donc empreintes de philosophie puisque pour que le poète puisse écrire, il faut avant tout qu'il accomplisse un gros travail sur lui-même.

Ces lettres sont suivies de quelques poèmes de Rilke.

Magnifique ouvrage où même les lettres que Rilke adresse à ce jeune poète sont empreintes de poésie et le lecteur se laisse facilement evoûter par elles puisqu'elles lui permettent également de réfléchir sur sa propre condition et sur cette envie, qui est souvent intrinsèque à la plupart d'entre nous : celle d'écrire...
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Sur Rodin

Ce petit livre contient, outre un essai de Rilke sur la création d'après Rodin, quelques lettres envoyées par le poète à sa femme Clara ou à Lou Andréa Salomé.

J'ai éprouvé beaucoup d'intérêt à parcourir les pages de ce livre qui tient dans une poche... Ayant visité il y a quelques années le musée Rodin, j'ai retrouvé ce regard particulier que l'on ne peut s'empêcher de porter sur les oeuvres du sculpteur, cette fascination, ce trouble, cette force de la beauté des corps. Rilke note plus spécialement la démarche du maître, sa manière de partir des points de contact pour créer un ensemble, la technique qu'il a utilisé pour faire de la statue de Balzac, par exemple, l'oeuvre magistrale qu'elle est. J'ai aimé, également, retrouver la voix du poète, rencontrée ici et ici, reconnaissable par sa douceur, son enthousiasme et sa fragilité manifeste. Il m'a manqué, peut-être, de pouvoir contempler en même temps, au fil de ma lecture, les oeuvres citées...celles que je ne connais pas, mais c'est un livre que j'emporterai sans conteste si je retourne visiter le musée Rodin, juste pour sentir au mieux la présence de Rilke dans ses murs...



Un peu plus sur mon blog...
Lien : http://antigonehc.canalblog...
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Lettres à un jeune poète

Par l'entremise d'une connaissance commune, un jeune élève officier, Franz Xaver Kappus, va écrire à Rilke pour lui demander son avis sur les poèmes qu'il a écrit.

Cette lettre va être le début d'une correspondance riche de 10 lettres entre lui et l'auteur pendant 6 ans.

Ces lettres ont été publiées par le jeune homme après la mort de leur auteur et sont devenues le texte le plus apprécié de Rilke (et aussi les plus lus sur Babelio).

Comment pourrait-il en être autrement ?

En les lisant, j'ai été impressionné par la teneur de ces écrits, surtout face à nos sms minimalistes de notre temps.

Quelle qualité, quel rigueur pour répondre à ce jeune homme et quelle bienveillance du poète vis à vis de cet apprenti poète !

Rilke lui partage son amour pour la solitude (le destin de l'artiste est d'être seul), lui conseille l'introspection , de rester le plus proche de ce qui le touche vraiment.

A lire et relire !

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Histoires pragoises

Le recueil comporte deux contes, publié en 1899, alors que se développait un nationalisme tchèque face aux ambitions allemandes. Avec ces textes, Rilke, qui appartenait à la communauté allemande, ne grandit pas le sentiment tchèque. Dans « le roi Bohusch » se côtoient un militant tchèque fanatique, un pauvre bougre naÏf qui sera le bouc émissaire du premier et des pseudos intellectuels forts surtout en paroles. Dans « Frère et soeur », on retrouve le militant fanatique, une riche famille allemande, et un frère et une soeur, associés à d’oniriques légendes locales, ballotés entre les deux communeautés . Malgré la poésie de certains passages, l’ensemble est assez confus, l’antagoniste de l’époque entre les deux communautés se retrouvant noyé dans des digressions souvent obscures.

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Les élégies de Duino

Les Élégies de Duino est un recueil de dix longs poèmes : les élégies.

On y retrouve de multiples thèmes comme l’amour, la nature, la beauté, l’Art, le chant poétique, l’intériorité, la place de l’homme dans le monde, l'accomplissement de chacun et surtout l’expérience de la mort.

Dans tout le recueil, il y a une alternance sensible entre l’abattement et l’exaltation. Chacun peut y trouver un message qui le touche. C'est une parabole sur la souffrance face à la mort d’un être qui se sublime grâce à la poésie. Ces élégies permettent également de réfléchir sur sa propre condition.

C'est simplement beau...
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Lettres à un jeune poète

Je n'ai que la version audio, écoutée en boucle mais les lettres du jeune poète n'y figurent pas. Seuls les réponses de R.M Rilke sont là, lues par Barbara.

Un chef d'oeuvre pour moi qui découvre la réponse que je ferai désormais à ceux qui me poussent à écrire; et bien des écrivains qui se prennent pour des génies méconnus devraient méditer ce texte!
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Lettres à un jeune poète

Quand on lit les Lettres à un jeune poète, l’impression qui domine dès les premières pages est que l’auteur de ces 10 lettres est un homme âgé qui, ayant parcouru l’essentiel de son chemin personnel, donne à un jeune homme des leçons de vie. C’est ce que j’ai cru au début, avant de me renseigner et de constater avec une grande surprise que Rainer Maria Rilke n’avait que 28 ans quand il écrivait à Franz Xavier Kappus (lequel il est vrai n’avait que 20 ans). Mais, tout de même, on ne peut échapper au sentiment que Rilke fut vieux avant l’âge, tenant sur l’amour ou la solitude des propos qu’on n’attendrait pas d’un jeune homme. Et, quelque part, c’est un peu triste. Car l’enthousiasme et la fraicheur, la naïveté aussi parfois, qui caractérisent la jeunesse, soit l’ont déjà quittés (et c’est inquiétant à cet âge…) soit ne l’ont même jamais saisis.



Du reste, Rainer Maria Rilke est mort jeune (51 ans), ce qui est souvent le cas des hommes ou des femmes qui parcourent la vie trop vite, brûlant les étapes, et manquant quelque peu de carburant passé un certain âge.

Je me suis interrogé aussi sur la volonté de Rilke de répondre à ce jeune Kappus qu’il ne connaît ni d’Eve ni d’Adam et qu’il ne verra jamais. C’est un trait de caractère intéressant, comme une obligation qu’il se donne, d’autant plus qu’il répond avec retard et en donne souvent des excuses peu crédibles. Cependant, on sent dans certaines lettres (pas toutes) qu’il se prend au jeu et profite de ces moments d’écriture pour définir et distiller au fil de la plume un peu de sa vision de la vie et du monde. C’est un peu l’Evangile selon Rilke, ces lettres.



Ce qu’il dit par ailleurs ne manque pas d’intérêt. Il commence par une violente charge contre la critique (il faut comprendre la Critique Officielle, pas celle que nous faisons ici à Babelio qui n’est que divertissement pour passer le temps…). « Rien n’est pire que les mots de la critique », dit-il, elle n’aboutit qu’à des malentendus et les choses ne sont pas à prendre comme on aimerait nous le faire croire. Les œuvres d’art sont inexprimables et s’accomplissent dans une région que jamais parole n’a foulée ». Sur ce point, je suis bien d’accord avec lui et (s’il vous plaît) ne me demandez pas pourquoi je suis en train d’écrire ce qui ressemble fort à une critique (chacun ses contradictions…). Bref, il faut écrire pour soi, en soi, et se contrefoutre de ce qu’en pensent les autres. Il faut même s’en détacher pour exprimer ce qu’il y a de plus profond en soi et être capable d’y puiser un art original.



C’est quand il parle de l’amour qu’il nous bluffe ou nous inquiète, vu son âge. Et le plus surprenant est qu’il critique la jeunesse tel un vieillard prêt à passer la main. « Là est l’erreur si grave et si fréquente des jeunes » écrit-il par exemple. Il leur reproche ce manque de maturité qui mène leur amour, si disgracieux et imparfait, à l’échec. « Que peut faire la vie de cet enchevêtrement de matériaux gâchés qu’ils appellent leur union » écrit-il encore. Qu’a donc vécu Rilke pour dire des choses pareilles à 28 ans ? Rien, peut être… A-t-il été acteur de ce dont il parle ou n’est-il qu’un observateur désabusé, plus lucide que les autres, qui s’agace et s’attriste de l’agitation vaine et désordonnée de ses contemporains ? La seconde option paraît plus sûr (je me trompe peut-être).



C’est quand il parle de la solitude qu’il est le plus juste et le plus intense. Il ne parle pas de la solitude du génie créateur obligé de fuir le vulgaire pour toucher à la quintessence de son art. Non, il parle des hommes en général, insistant sur leur solitude indépassable. Il s’adresse à nous tous dans ce cri qu’il jette soudain sur sa feuille papier « Nous sommes solitude ». Et il faut l’accepter car, hélas, c’est plus que vrai et c’est bien un des drames de l’être humain, même si, comme il le martèle : certains se leurrent en donnant le change et faire comme si cela n’était pas.



Ces lettres ne sont pas d’une folle gaité. Mais elles sont à lire et éclairent certaines vérités que nous avons trop souvent tendance à oublier.

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Lettres à une jeune poétesse

Ce recueil épistolaire est une vraie belle découverte, grâce à la masse critique.

Il est aisé de comprendre le choix du titre, assez accrocheur, mais il est inexact. En effet contrairement à Franz Kappus, il ne semble pas que la jeune Anita Forrer se soit sérieusement destinée à la poésie. Elle adresse bien au début de leur correspondance « quelques tentatives » à Rilke, mais ce dernier l’en dissuade immédiatement avec franchise « Vous feriez mieux de vous exercer à noter vos sentiments en prose ».



Alors que la version de « Lettres à un jeune poète » qui proposait également les lettres de Kappus, présentait à ce titre un intérêt certain mais un peu anecdotique, les lettres d’Anita apportent un vrai plus à cet ouvrage. La jeune fille de 19 ans possédait une personnalité entière et bouillonnante et son style est à la fois enlevé et sensible, moins empesé que celui de Kappus.



Rilke joue là encore un rôle de mentor, mais alors qu’il n’avait que 27 ans au début de sa correspondance avec Kappus, il a ici dépassé les 45 ans. On ressent une véritable affection entre les deux correspondants qui ne se sont cependant rencontrés que 2 fois. La jeune fille se cherche, elle se sent à l’étroit dans une famille pourtant aimante. Elle fait part par exemple à Rilke de ses premiers émois amoureux pour une autre jeune fille, et ce dernier lui répond avec beaucoup de bienveillance et sans préjugés.



Rilke va ainsi l’accompagner, de 1920 à 1926, toujours avec beaucoup de délicatesse, en l’encourageant à se révéler à elle-même, à prendre sa vie en main mais sans l’influencer directement. Il lui suggère également des lectures, notamment Les Fleurs du Mal, lui offre plusieurs ouvrages. On sent que Rilke a évalué la psychologie de la jeune fille avec beaucoup de finesse. A l’issue de leur première rencontre (résumée en annexe du livre), au cours de laquelle elle est restée mutique, pétrifiée par le trac, il lui dira : « Anita, pourquoi faites-vous toujours deux pas en avant pour reculer de trois », ce qui perturbera profondément la jeune fille.



La postface du livre nous apprend que cette dernière a finalement eu la vie riche et stimulante qu’elle appelait de ses vœux. Sans doute l’influence de Rilke l’y a-t-elle aidée.

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Lettres à une jeune poétesse

"Lettres à une jeune poétesse" est un recueil inédit de lettres entre le poète Rainer Maria Rilke, 45-50 ans, et une jeune fille dans la vingtaine, Anita Forrer. Une soixantaine de lettres échangées entre 1920 et 1926. Une édition allemande de ces lettres avait paru il y a 40 ans et cette version française la réactualise.



Dans cette édition justement, il me semble que les notes des traducteurs.rices ainsi que l'accompagnement éditorial, préface, postface, photos, participent directement de l'intérêt de lecture. Par les notes, nous sommes avertis des trous dans la narration ("lettre perdue", extrait tiré du journal etc). Il nous est proposé l'expérience d'un récit lacunaire, recomposé. Un double récit en fait, deux narrations qui se croisent et dialoguent. le livre se formant par assemblage des fragments... par le travail d'édition, qui met bout à bout les deux côtés de l'échange, comble - juste ce qu'il faut, point trop n'en faut -, fait d'un discontinu un récit.



À ce titre, rarement l'importance du travail d'édition ne m'est apparu aussi clairement. Les notes d'accompagnement, pour certaines anecdotiques, tissent de bout en bout la toile de ce "récit de leur relation". Que ce soit par des explications quant à leurs références communes, livres, personnes, lieux etc., tout leur tissu d'existence partagée. Egalement par tout ce qui accompagne ces lettres, tel que rapporté dans les notes, par exemple telle lettre d'Anita était accompagnée d'un gâteau, ou d'un livre; telle autre encore aura voyagé de porte en porte avant de trouver "Rainer"... Les lettres semblent vivantes, concrètes, postées dans leurs boîtes aux lettres. Elles nous apparaissent entourées d'une auréole historico-romanesque. Il y a là, dans l'espace-temps ainsi déplié, une zone de vie historiquement datée, à l'Est, il y a un siècle.



Mais... place au texte. Aidées par la présentation, ces "voix du passé" ont pu jouer, moderato cantabile, sur les cordes de ma mélancolie. Lues aujourd'hui, elles passent pour des parcelles de vie dans la fosse obscure de la grande Histoire, toujours menacée d'oubli (en particulier la voix d'Anita, qui "vibre" de son aspiration à vivre).



Musique de nos remous intérieurs - et la confession provoque en moi un trouble. Ces lettres ne sont pas ou peu des récits d'actions, elles sont le récit d'une âme, une plongée en soi (mais guettant toujours l'autre) ; des parenthèses à la vraie vie, des minutes de pure partage, des alvéoles de sentiments, des respirations au pouls de l'autre. Les détails de la vie concrète prennent une autre dimension dès lors qu'ils sont racontés sur le ton de l'aveu (qui est un peu un aveu à soi).



Les lettres prennent également une autre dimension dès lors qu'"elles ont été lues", et c'est bien un double regard qui s'affiche au travers de chaque courrier. Malgré nous, nous nous approprions les yeux de Rainer lisant Anita, et inversement.



Le lecteur trouvera finalement dans ce recueil le mariage d'un échange épistolaire raffiné, plein d'esprit, et d'un récit à la fois historique dans les faits et romanesque pour l'imagination.



Les notes sont capitales pour la compréhension mais restent succinctes, n'appesantissent pas la lecture. Elles laissent des questions en suspens: que faisait alors Rilke dans cette demeure?... Qu'en est-il de la maladie de la mère d'Anita?... Cette concision est bienvenue pour les respirations qu'elle laisse (et les ellipses ont leur valeur littéraire).



On appréciera dans les pré- et postfaces l'implication enthousiaste des traducteurs-éditeurs français : Jeanne Wagner et Alexandre Pateau, le plaisir qu'ils éprouvent à nous présenter leur travail ; aussi la mise en page des éditions Bouquins, aérée, confortable à l'oeil ; enfin la reliure couleur crème, au toucher agréable.



Les fins de lettres sont souvent des formulations charmantes, par exemple ils ne cessent de se dire "Adieu pour aujourd'hui".



Anita, P. 149 : "Acceptez, Rainer, ma gratitude en échange de toute votre bonté !"

Rainer, P. 114 : "Célébrez, chère Anita, un jour bon, un jour beau dans ses réalités, - beau dans toutes ses significations, et avant tout un jour qui donne à votre coeur tout l'espace d'être gai !"



Merci à Masse Critique et aux Editions Bouquins pour cette découverte.
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Lettres à un jeune poète

En s'aventurant dans ce recueil de lettres, on s'introduit tout entier dans la fabrique de la poésie. Choisi dans son édition réunissant les lettres de Rilke et celles de Kappus, on y trouve au travers de pages d'une intense profondeur comment le grand art permet de se découvrir, de se comprendre soi-même. Combien il n'est pas une fuite vers un monde imaginaire mais bien un affrontement de l'absurde qui nous relie au monde, et la force qu'on peut tirer de ce combat.

Dans cet ouvrage, élève et professeur sont également passionnants à lire. L'un par la clairvoyance de ses propos sur le monde, la vue qu'il adopte ; et l'autre pour son honnêteté, sa transparence, et finalement la dernière lettre où il rejoint le maître. Il le rejoint à sa façon, suivant sa propre voie et sans même en avoir totalement conscience, mais il est enfin maître de son propre choix et n'ayant plus besoin, désormais, de plus de réponse que tout autre maître en aurait besoin lui-même. L'interruption de cette correspondance en devient ainsi d'une force tout aussi évocatrice que l'était sa continuité l'instant précédent.
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Lettres à une jeune poétesse

Ben alors Rainer, mais qu'est-ce qui t'arrive ? Et jeune avec ça ? Bon, j'arrête car il y a un cuistre qui va encore me tomber sur le paletot.

Pour les non cuistres qui heureusement sont très largement majoritaires ici chez babelio, je suis dans l'expectative.

Merci à l'éditeur d'avoir déniché cette trouvaille qui va faire le bonheur des amateurs nombreux du grand poète, j'en suis persuadé !
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Lettres à un jeune poète

C'est parce qu'il apprit par un professeur que Rainer Maria Rilke dont il lisait les poésies un jour de l'automne 1902, avait séjourné quelques années auparavant dans cette école militaire où il était élève officier, que le jeune Franz Kappus, vingt ans, décida de soumettre au jugement de Rilke ses propres écrits.

S'établit alors entre ces deux hommes que quelques années séparaient et qui ne se connaissaient pas, une correspondance dont Kappus a choisi un peu plus tard de publier dix lettres dont le contenu dépasse la relation personnelle qui s'était établie entre eux pour atteindre une portée universelle où chacun peut trouver matière à réflexion.

Quand Franz adresse sa première lettre à Rilke, il est en plein désarroi, hésitant entre une carrière d'officier pour laquelle il ne se sent aucune inclination et les incertitudes de la poésie, ne sachant pas si ce qu'il écrit a une quelconque valeur.Toute la subtilité et la force du message de Rilke, c'est de ne pas juger le travail de Franz, de ne pas s'attarder à des considérations techniques qu'il pourrait tirer de sa propre expérience, s'appuyant sur sa notoriété déjà certaine, mais de renvoyer Franz à lui-même, à son intériorité, de l'inciter et l'aider à trouver la réponse en lui : "Personne ne peut vous conseiller ou vous aider. Il n'existe qu'un seul moyen, plongez en vous-même."

"Aller en soi, soumettre à examen les profondeurs d'où surgit votre vie;c'est à sa source que vous trouverez la réponse à la question de savoir si la création est pour vous une nécessité."

"Recherchez la raison qui vous enjoint d'écrire, répondez franchement à la question de savoir si vous seriez condamné à mourir au cas où il vous serait refusé d'écrire et si la réponse devait être positive, construisez votre existence en fonction de cette nécessité. Et lorsque de ce retour à son intériorité, de cette immersion dans son propre monde surgissent des vers, vous ne songerez pas à interroger quelqu'un pour savoir si ce sont de bons vers.Vous verrez en eux une expression de votre vie. Une oeuvre d'art est bonne qui surgit de la nécessité."

Est-ce que tout n'est pas dit, là dans ces phrases, avec ce mot "nécessité" qui revient sans cesse sur l'acte de créer et le sens de la création ? Choisir de créer, c'est choisir un destin dont il faut assumer "la charge et la grandeur" sans se demander quel bénéfice on peut en tirer. Il ne faut chercher ni à plaire, ni à flatter sa vanité et ne pas attendre de reconnaissance extérieure. Bien au contraire, Rilke lui conseille de travailler avec" une honnêteté humble, silencieuse et profonde" et "si votre vie quotidienne vous parait pauvre, accusez-vous plutôt de ne pas être assez poète pour en convoquer toutes les richesses."

Tout est affaire de temps, de patience et d'humilité:"Développez-vous tranquillement en obéissant à votre propre évolution, vous ne pourrez davantage la perturber qu'en tournant vos regards vers l'extérieur et en attendant des réponses à des questions auxquelles sans doute, seul votre sentiment le plus intime est, à l'heure la plus silencieuse, en mesure de répondre."

Vivre en artiste, c'est vivre sans calculer, sans faire du temps un critère, c'est laisser s'épanouir au plus profond de soi, dans cette région où notre propre entendement n'accède pas, toute impression, tout sentiment et "attendre l'heure où l'on accouchera d'une clarté neuve." C'est aussi faire confiance à son propre jugement et se préserver des réflexions d'ordre critique ou esthétique que peuvent faire tous ceux qui se targuent de connaitre et juger l'art: "...ou bien ce sont des vues partisanes figées et dépourvues de sens dans leur pétrification sans vie ou bien ce sont d'habiles jeux de mots où telle conception l'emporte aujourd'hui et la vision contraire le lendemain."

"La solitude qui enveloppe les œuvres d'art est infinie et il n'est rien qui permette moins de les atteindre que la critique, rien de plus superficiel pour aborder une oeuvre d'art que les propos critiques.Seul l'amour peut les appréhender, les saisir et faire preuve de justesse à leur endroit."

"A chaque fois dans toutes discussions de ce genre, donnez-vous raison à vous et à votre sentiment et si toutefois vous deviez avoir tort, c'est la croissance naturelle de votre vie intérieure qui avec le temps vous conduira vers d'autres conceptions.Conservez à vos jugements leur évolution propre qui comme tout progrès doit n'être pressé par rien."

Etre en accord avec soi-même, voilà vers quoi il faut tendre sans craindre de se heurter à l'incompréhension des autres et en acceptant le conflit entre aspirations personnelles et réalité de la vie. Ne pas avoir peur de la solitude, la grande solitude intérieure qui devient "cette demeure à peine visible loin de laquelle passe le vacarme des autres."

Le chemin que Rilke propose à Franz d'emprunter n'est pas toujours facile à suivre, il est pavé de doutes et de souffrances. Mais il l'encourage à voir dans les difficultés une source de richesses intérieures, de celles qui font aspirer aux grandes choses et conduisent à la connaissance de soi et à l'acceptation de ce que l'on est vraiment.
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Lettres à un jeune poète

Un véritable coup de cœur : pour la première fois, je me surprenais à murmurer tout en lisant et relisant les magnifiques phrases de cette correspondance. Que cet aspect du livre ne vous effraie pas ! Il s'agit du monologue d'une âme (car n'apparaissent que les réponses de RILKE) sur la condition d'écrivain et du geste créateur, et qui n'a eu pour élément déclencheur qu'une simple lettre où je jeune poète KAPPUS demandait l'avis de RILKE à propos de ses vers. Incroyable de simplicité et de poésie, cet ouvrage plaira à ceux qui aiment profiter de quelques belles pages avant de dormir ou lors d'un beau dimanche matin !
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Fragments sur la guerre 1914-1915

En 1940, Walter Benjamin écrit : «Le don d’attiser dans le passé l’étincelle de l’espérance n’appartient qu’à l’historiographe intimement persuadé que, si l’ennemi triomphe, même les morts ne seront pas en sûreté.» Rainer Maria Rilke se doutait peu que son œuvre serait un jour concernée par ce funeste augure du jeune philosophe, qu'il rencontra à Munich durant la Grande guerre.



En effet, Rilke écrit en 1899 un chant lyrique en prose sur l'héroïsme qui connaît un grand succès de librairie et la brochure est beaucoup emportée sur les fronts allemands. Mais après la mort de Rilke, alors que la guerre mécanisée ne justifie plus d'évoquer les anciennes valeurs guerrières ni guère de noblesse au combat, le poème continue de paraître sous le régime nazi.

La réception de l'œuvre de Rilke se voit encore inquiétée par l'intérêt que le poète portait, tout en gardant une distance critique, à l'imaginaire de Alfred Schuler, devenu par la suite une référence pour l'élaboration du pseudo-paganisme nazi.



Malgré son exil volontaire en 1920 pour protester contre le nationalisme allemand, Rilke n'a pas manifesté ouvertement de position politique et son nom se voit abusivement utilisé par la propagande hitlérienne durant le second conflit mondial. Pour dénoncer cette usurpation, les fragments réédités qui nous occupent ici l'avaient été en 1944 par les éditions Émile Paul, traduits par Maurice Betz, pour rétablir dans sa pureté et sa vérité la figure du grand poète pragois.



Les fragments sont minces, dix pages et vous en venez à bout : "Nous avons une apparition" publié (octobre 1914) dans L'Écho du Temps (journal de guerre des artistes) et quatre lettres à des ami(e)s rédigées en 1914-15. Ces écrits disent la détresse de l'artiste – il choisira le désœuvrement – et son indignation devant la barbarie et les mensonges guerriers; ils attestent que le poète fut un farouche opposant au conflit : «Pourquoi n'existe-t-il pas, cet homme unique, qui, ne pouvant endurer cela plus longtemps, refuserait de le supporter ? »



Le recueil est augmenté d'une présentation et de notes de Jean Tain qui s'avèrent très utiles pour comprendre et replacer les écrits dans l'époque. Ainsi l'allusion inattendue, pour définir une temporalité de la guerre, aux œuvres du Gréco que le début du vingtième siècle redécouvre : «Lorsqu'on vous montra des tableaux du Gréco, vous comprîtes que c'était là l'expérience d'une vie que vous ne connaissiez pas», ou encore cette phrase énigmatique «...l'esprit le plus défini, dont jusqu'à présent on ne soupçonnait pas la présence, s'est manifesté en des chevaux», qui évoque les chevaux savants d'Elberfeld.



Maurice Betz, traducteur et ami de Rilke, connut le même avatar que celui-ci avec un écrit de captivité, "Dialogue des prisonniers", qui fut jugé acceptable par la propagande nazie, de même que le détachement du poète avaient permis sa récupération. On peut penser, comme l'esquisse Jean Tain, que ces fragments de guerre ont été une façon d'emprunter la voix de Rilke pour blâmer la guerre et «racheter quelque peu les risques de l'apolitisme qu'ils encoururent tous les deux.»



Plus prosaïquement, il faut malheureusement déplorer — c'est devenu fait courant chez les meilleurs éditeurs – les fautes d'orthographe qu'on oublierait peut-être s'il s'agissait de romans de gare, mais qui font tache lorsqu'il s'agit de textes qui ambitionnent le niveau littéraire. Page 34 : Betz n'a pas eut à se justifier... ; page 34 les risques qu'il encoururent tout les deux.



Remerciements à Babelio et Riveneuve éditions de m'avoir permis de découvrir ce livre.


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