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Critiques de René Frégni (687)
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Dernier arrêt avant l'automne

Dernier arrêt avant l'automne - RENÉ FREGNI - roman - lu en juin 2020.



"Pour tous ceux qui trouvent dans les livres un peu de réconfort, de paix et d'évasion.

Pour ma mère, encore

qui m'a lu de si beaux livres,

les soirs d'hiver, dans notre cuisine de Marseille,

au-dessus des jardins".



Cher René,



Je referme votre livre avec un sentiment de vide parce que j'ai lu tout vos écrits hormis "Marilou et l'assassin" et "La nuit de l'évasion" qui ne sont plus édités.

Un sentiment de vide parce que je n'ai plus rien à lire de vous, mais par contre, j'ai l'esprit tout empli de vos mots si beaux et de merveilleux moments passés en votre compagnie jusqu'à ce Dernier arrêt avant l'automne".



Je suis dans le monastère de Ségriès, qui veut dire sacré ou secret, dans les Alpes de Haute Provence, aujourd'hui transformé en chambres d'hôtes. "L'automne a lancé sur le cloître et la maison de l'évêque ses longues draperies de vigne vierge, elles mordent les génoises et retombent en pluie de sang devant les sept fenêtres de chaque étage."



Vous venez d'arriver et je le découvre avec vous, "Les soirs n'ont jamais été aussi beaux." C'est Pascal et Aline, libraires à Riez qui vous ont trouvé ce travail de jardinier dans cet endroit de silence où vous pourriez écrire dans votre cahier à marge rouge. Pascal et Aline qui s'aiment tant. "Ceux qui ne croient plus à l'amour devraient venir voir le visage de Pascal lorsqu'il regarde Aline. C'est un spectacle merveilleux... Et cet éblouissement dure depuis vingt ans."



Vous avez l'angoisse de la page blanche, aucune idée ne vient et quand Pascal vous demande "et alors, le prochain, c'est pour quand?" Vous répondez "presque terminé." Vous n'en menez pas large ! Vous pensez "je crois que ce soit cette fois bien fini, ce combat lumineux dans la blancheur de mes cahiers."



S'il vous plaît cher René, ne me faites pas ce coup là hein !



Et donc, au fil des jours, nous prenons possession de ce vieux monastère et de l'immense espace qui l'entoure, vos journées se passent à défricher, débroussailler et tailler tout ce que la nature a envahi en cinq ans. "La broussaille avance à une allure, en cinq ans elle avale n'importe quel hameau, château, forteresse abandonnés."



Il y a six mois maintenant que nous sommes là et vous avez abattu un travail titanesque, vous avez apprivoisé une petite chatte que vous avez appelée Solex parce que son ronronnement vous rappelait le bruit de votre Solex de jeunesse qui vous emmenait sur toutes les routes de Provence.

Nous avons fait connaissance avec OK Dinghi qui rénove le monastère, un personnage étonnant.



Et le temps s'écoule, paisible, "un bon feu, cette petite boule duveteuse qui vibre sur mon ventre, des murs d'un mètre d'épaisseur autour de nous, la nuit qui vient. Que demander de plus à l'automne ?"



Vous déposez des mots sur votre cahier, tilleul "et tout de suite vous êtes sous un tilleul, le mot lessive et vous revoyez votre mère étendre les draps dans la lumière du jardin et la joie de sa jeunesse."



Votre maman, elle est toujours avec vous, partout et dans tous vos livres.



Mais cette grande paix autour de vous ne va pas durer, une découverte insolite et macabre va chambouler vos journées



Au bout de ce tumulte, une fois de plus, c'est en ouvrant votre cahier et avec votre stylo à l'encre bleue que vous avez retrouvé la paix.

Pendant une semaine, jour et nuit, "ma main droite avance lentement à la recherche de l'amour. Il n'y a que des mots d'amour, les autres n'existent pas."



C'est l'hiver à présent, la neige recouvre l'immensité du paysage et vous décidez de repartir sur les routes avec Solex votre petite inséparable, laissant derrière vous le monastère, Pascal et Aline , OK Dinghi non sans lui laisser une magnifique lettre qui commence par ces mots : "Cher compagnon de hasard"... Et moi, qui reste seule devant cette date qui clôture nos quelques mois passés ensemble : 22 décmbre 2018.

Et pendant que vous roulez vers le printemps, j'ai peine à reprendre pied dans ma réalité



J'espère encore avoir le plaisir de vous lire cher René, comme vous le dites si bien plus haut, j'ai oublié le monde, j'étais en paix et je me suis évadée.

Ces moments partagés valent bien un énorme merci.

J'ai rangé précieusement votre livre avec les 14 autres que j'ai lus, plus "les carnets de prison" et "Les jours barbares" dans ma bibliothèque.



Il pleut sur ma ville mais il fait soleil en moi.





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Le chat qui tombe et autres histoires noires

Le chat qui tombe et autres histoires noires - René Frégni - Ed. de l'Aube collection Mikros littérature - Nouvelles - Lu en février 2021.



Eh bien, c'est du René Frégni, rien à redire là-dessus, toujours son style plein de poésie et coloré où se mêlent le bien et le mal, la beauté et la laideur, le bien-être et la souffrance.



Ce sont six nouvelles qui se rapportent chacune à un passage de ses livres,

à commencer par :



Le chat qui tombe, Baumette, recueilli dans la célèbre prison du même nom à Marseille , tombé d'un toit dans la "cour des condamnés à mort", fermée depuis de nombreuses années et qui hélas, bien des années plus tard, perdra la vie en tombant du toit de sa demeure.



L'homme qui passe, l'histoire d'un homme paumé qui l'espace de quelques minutes "emprunte" la petite Marie nouvelle-née dans une maternité, il la dépose dans une ambulance garée devant l'hôpital "Au revoir ma petite fille, au revoir Marie, chuchota-t-il tout bas" "Et il disparut dans la nuit"

"La petite Marie ne le saurait sans doute jamais, elle avait offert à cet homme perdu une fabuleuse nuit de Noël, et la force d'avancer un peu plus loin vers des villes inconnues. Là-bas, sur les plateaux de lavande, les petites mains bleues de l'aube écartaient la nuit"



Le ballon, où René Frégni explique qu'il n'a jamais aimé l'école (moi non plus) , dans cette nouvelle, il nous parle de l'amour des Marseillais pour l'Olympique de Marseille, célèbre équipe de football, il allait s'entraîner tous les jeudis "pour arriver au stade Mallet, il fallait longer des champs de choux et de vastes prés où somnolaient des vaches rousses". Un jour, il dut arrêter de jouer, ses mauvais yeux ne suivaient plus le ballon. Plus tard encore il est allé à la prison des Baumette où il a créé son atelier d'écriture. Quand les prisonniers jouaient au foot dans la cour, c'était la fête pour eux. ""Et quand on n'a plus rien, l'extraordinaire voyage de cette petite boule de cuir vers le soleil et les étoiles aura toujours plus de prix que tout l'or du monde entre les mains de ceux qui ont depuis longtemps oublié qu'ils furent un jour des enfants".



La nuit de l'évasion, alors là, c'est du lourd ! Un prisonnier qui s'enfuit par les toits avec l'aide de son compagnon de cellule qui lui ne partira pas par choix et verra sa peine prolongée pour avoir aidé son ami à s'enfuir avec un parapente construit en cachette pendant la finale de la coupe d'Europe des clubs champions, l'Olympique de Marseille contre le Milan AC. C'était la folie, même les gardiens retenaient leur souffle. "Jamais je n'avais entendu une telle explosion de folie. Dans chaque cellule, chaque prisonnier tapait contre les barreaux et les portes avec n'importe quoi. Le béton armé des murs vibrait. Un seul et unique cri de victoire est monté vers le ciel. C'est le moment ! m'a crié Manu. Je l'ai serré dans mes bras. Il m'a poussé vers la liberté".



Vierge noire, il s'agit ici de l'histoire d'un rubis splendide qui ornait le front de la Vierge noire qui par une coïncidence extraordinaire arrive dans les mains du narrateur, déposé par une femme "démoniaquement belle". "Plus belle qu'un rêve que je n'ai jamais fait". Mais des malfrats sont sur ses traces, ce rubis vaut une fortune colossale. Que va-t-il se passer dans l'église de Notre-Dame-de-Romigier ? Le rubis va-t-il retrouver sa place ? Le narrateur croisera-t-il encore cette mystérieuse et si belle femme ?



Marilou et l'assassin est un passage du livre éponyme, l'histoire du jeune Valentin qui tue un homme sans l'avoir voulu, qui fera 10 ans de prison et qui devra à une petite fourmi de ne pas devenir fou. Quand il sort après avoir purgé sa peine, il emmène sa petite fourmi avec lui, mais le sort sera cruel avec cet insecte que Valentin avait prénommé Marilou. Une jolie nouvelle qui raconte que l'espoir n'est jamais loin et qu'il suffit d'une toute petite fourmi pour voir la vie différemment.



Et voilà, je me suis encore une fois plongée avec délectation dans l'écriture de René Frégni, ce petit recueil qui m'a fait oublier que j'étais sur la terre, et que le virus est toujours là, mais... gardons l'espoir.



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Elle danse dans le noir

René Frégni - Elle danse dans le noir - lu en février 2019.



Mon premier livre de cet auteur, une très belle découverte grâce à la critique de Ladybird, que je remercie au passage.



Que dire de ce livre ? Qu'il est lumineux malgré le sujet traité.

"Depuis que ma mère est morte je ne tue plus les mouches. Sans doute poursuit-elle sa vie dans l'une d'elles ou dans toutes, comme elle est dans les nuages... le pollen des platanes..." Il s'agit de la mort de sa mère (ce livre est une autobiographie de l'auteur). Mais pas que. En effet, en quatre ans, il a perdu son père (dont il ne parle pas), sa mère, sa femme qui un soir lui a dit "Je n'ai plus de désir pour toi", le lendemain elle partait avec Marilou leur fille de six ans. Marilou qui n'a pas connu sa grand-mère, Marilou le soleil de sa vie. Il nous parle de sa maman, si proche de lui, si aimante, de son enfance avec elle, de la découverte de son cancer, des mois de traitements qu'elle a subi, de son quotidien auprès d'elle pour qu'elle tienne le coup.

Il nous parle aussi de femmes qu'il pourrait rencontrer puisque la sienne qu'il aimait ne l'aime plus. Il nous parle aussi de cet atelier d'écriture qu'il dirige dans une prison où les mots jaillissent sur le papier des prisonniers.

"Les mots nous sauvent de tout. Ils remontent de si loin. Ils nous viennent de nos mères. Les premiers mots d'abord, les plus simples, les plus forts. le mot maman, le mot amour, le mot caresse." "Les vrais mots sont dans le regard d'une maman, dans son sourire".

René Frégni nous parle de sa mère et de sa fille avec beauté et bonté, c'est émouvant, ce n'est pas triste, tout son coeur est dans ce livre je crois. 140 pages d'une tranche de vie, de pertes, de retours, de saisons qui passent. Écrit avec pudeur et respect "Elle danse dans le noir" est mon second coup de coeur de l'année 2019.
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Je me souviens de tous vos rêves

Encore sous l'émotion de ce sublime roman solaire et mélancolique, je grappillerai bien quelques étoiles du ciel pour les parsemer sur cette critique afin de vous donner l'envie de vous plonger, vous pelotonner dans les lignes de René Frégni.

Que de beauté ! Que de profondeurs ! Que de vérités ! C'est une merveille ce livre.



L'auteur nous retrace de septembre à février un parcours contemplatif au rythme de ses souvenirs, de ses rencontres. Il raconte l'histoire du libraire Joël Gattefossé à la vie cabossée qui ne trouva son salut que dans les livres. « Les livres écartent la solitude, l'angoisse, la peur, parfois la barbarie. Pour ce petit homme les livres ont écarté la folie, tous les fantômes et les terreurs de la folie. Chaque matin il ouvre sa maison jaune aux volets bleus et les gens repartent le soir les poches pleines de rêve. »



Il raconte le chat Baumette, abandonné aux portes de la prison sur le toit des condamnés à mort. Il raconte son ami Louis amoureux des chats. « Le jour où Louis s'est envolé avec son vélo, tous les chats de la terre ont perdu un ami. »



Dans le labyrinthe de la vie, René Fregni cherche la beauté. Dans les dédales des cauchemars, il cherche les songes. Il n'excuse pas les horreurs des hommes. Il les extirpe sous des contours imagés empreints de véracité et de poésie. Sous sa plume, il embellit la réalité, il rappelle aux âmes seules le bruit craquelé des pas sous la neige, le vent mélodieux dans les arbres, le chant joyeux des mésanges.

Rien n'est inutile dans ses lignes, tout se boit à petite gorgée, chaque mot est une caresse sur le coeur, chaque ligne est une invitation à la quiétude, à l'envie d'ouvrir ses bras aux autres et à la vie.

René Frégni se souvient de tous vos rêves et c'est tant mieux car des rêves aussi joliment déposés j'en veux encore, je veux encore goûter à cette douceur, à cette richesse littéraire et vitale. Quand je lis un tel livre, je comprends où s'arrête la peine et où commence le bonheur.



Merci l'auteur pour vos rêves, pour les beaux rappels à Céline (Voyage au bout de la nuit) qui m'ont touchée, merci pour votre grand amour des mots.

Continuez d’écrire encore et toujours : « Il y a trente ans que j’écris tous les matins pour faire tomber la mort de ma table. »



Même les maisons, je les regarderai autrement depuis notre rendez-vous littéraire...

« Quelques maisons étirent leur cou, se dressent sur leurs talons au dessus des lavandes violettes. »



Merci Mosaïque de m'avoir donné l'envie de lire ce livre étoilé, véritable coup de coeur.
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Minuit dans la ville des songes

« Minuit dans la ville des songes » est avant tout un roman autobiographique dans lequel René Frégni nous ouvre les portes de son passé, tout en nous racontant l’origine de son amour pour la littérature. Grand fidèle de l’école… buissonnière, René Frégni fait donc tout d’abord l’impasse sur sa scolarité, avant de déserter également l’armée. Fuyant l’école et le service militaire au profit d’une vie rebelle faite de liberté, de coups tordus et de voyages, il se retrouve finalement incarcéré en tant que déserteur. C’est l’aumônier de la caserne qui lui donnera finalement les clés qui lui permettront de s’évader de prison…en l’approvisionnant en livres. C’est plus tard, en rédigeant des rapports journaliers salués par tous ses collègues d’un hôpital psychiatrique, que son amour des mots trouvera le chemin de l’écriture…



« Minuit dans la ville des songes » est donc également le roman initiatique d’un rebelle marseillais qui a dû passer par la case prison pour croiser le chemin de la littérature, transformant cet enfant allergique à l’école en amoureux des livres, qui organise dorénavant des ateliers de lecture au sein des prisons afin de permettre l’évasion à grande échelle de nombreux détenus.



« Minuit dans la ville des songes » n’est pas seulement un magnifique ode à la littérature, mais aussi une invitation au voyage car la fuite de ce grand fugitif nous emmène de Londres à la Turquie, en passant par le Sud de la France, l’Espagne et la Corse. En tournant les pages de ce roman, le lecteur s’imprègne des décors gorgés de soleil que l’auteur décrit et restitue avec beaucoup d’affection.



« Minuit dans la ville des songes » est un livre parsemé de rencontres, qui ne rend pas seulement hommage à la littérature, à la nature et aux choses simples de la vie, dénuées d’artifices, mais surtout un hommage vibrant à sa maman, qui l’aura toujours soutenu, peu importe le chemin emprunté.



« Minuit dans la ville des songes » est l’histoire d’un cancre rebelle, tombé amoureux des livres, un homme qui a multiplié les bêtises, mais ce roman n’en fait certainement pas partie. Un autodidacte de la vie, qui dans un style alliant honnêteté et modestie, parvient à livrer un récit foncièrement humain… ainsi qu’un très beau personnage… celui qui m’avait déjà séduit sur le plateau de La Grande Librairie.
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Minuit dans la ville des songes

MINUIT DANS LA VILLE DES SONGES - René Frégni - Éditions Gallimard - lu en mars-avril 2022 - Roman autobiographique.



Cher René,



Avec un titre aussi poétique que celui-là, votre livre aurait dû se placer au centre de la vitrine de tous bons libraires, comme tous vos autres livres d'ailleurs à mon humble avis (je les ai tous lus), mais mon libraire A Livre Ouvert dans la commune de Bruxelles où je vis, l'avait dans ses rayons, je n'ai pas dû attendre pour l'acheter.



Vous me faites entrer dans votre univers familial par la petite porte, celle

qui s'ouvre sur vos souvenirs, ceux de votre enfance, de votre scolarité, dans cette ville des songes, Marseille, vous qui ne rêviez que de vous échapper dans les chemins des forêts, ce que vous faisiez d'ailleurs très souvent, comme je vous envie d'avoir eu ce courage-là, celui de fuir les sentiers battus bien entretenus pour aller vers la vie sauvage et libre.

"Je détestais les livres d'école, je n'aimais que la voix de ma mère. Durant toute mon enfance, aux confins de Marseille, je suis allé à l'école au bout de notre impasse, avec la peur au ventre d'être interrogé, avec ce rat de peur qui me rongeait le ventre". page 14 Comme je vous comprends.



Vous êtes né déserteur dites-vous, et vous avez déserté l'armée, vous avez fui vers des horizons plus vastes, cela n'a pas été simple, vous avez fait des rencontres parfois un peu douteuses mais desquelles l'amitié a surgi. Vous êtes resté fidèle à vos convictions.



Le petit garçon qui n'aimait pas l'école s'est mis à dévorer les livres, vous deveniez les héros de vos lectures, elles vous ont bouleversé.

"J'étais Edmond Dantès, Fantine, Jean Valjean, Rémi de Sans famille".



Vous êtes passé par la prison aussi, on ne déserte pas l'armée sans conséquence, et là aussi, grâce à l’aumônier, vous vous êtes plongé dans les livres, vous avez eu votre premier cahier rouge, vous preniez des notes, sans savoir qu'un jour vous deviendriez écrivain et que vous animeriez un atelier d'écriture dans une prison.



La dernière porte de la dernière école que vous avez franchie vous aviez 16 ans, "Je quittai la classe et traversai la cour dans un silence de sépulcre. Personne n'osait croire à ce qu'il venait de voir. Pour la dernière fois de ma vie, je franchis les portes d'une école. Je venais d'avoir 16 ans". page 32



Je ne vous raconte pas ce qu'il s'est passé, lisez le livre !



Vous me présentez à votre famille, votre maman, je la connait déjà bien, vous en parlez dans tous vos livres, "Ma mère était plus douce et affectueuse que la Vierge Marie". On découvre votre père un peu mieux, c'est Noël, la crèche, les santons, il vous raconte l'histoire du boumian qui "emportait dans son sac ceux qui désobéissaient à leurs parents".

Il travaillait beaucoup votre papa.



Votre maman est loin maintenant, mais vous lui parlez chaque jour.

"Il y a autour de moi, depuis tant d'années, tant de Noëls, la tendresse de ma mère qui écarte à chaque instant l'inquiétude et la peur, et qui est aussi merveilleuse que nos jardins d'enfance, la marche des saisons et la beauté du monde". Page 17



Et puis, quel étonnement de découvrir que vous avez une sœur et un frère !

Une sœur chez qui vous vous êtes réfugié quelques temps. C'était mai 68.



Votre passage dans cet hôpital psychiatrique est aussi important pour vous, vous l'avez évoqué dans un de vos livres, vous y avez découvert "un monde de misère, de délires et d'oubli." Vous avez fait des études d'infirmier, vous leur faisiez la lecture à l'ombre d'un grand arbre à ces pauvres hères et ils aimaient ça.



Vous avez atterri dans la prison de Vincennes, dernière étape de votre fuite et de votre vie de nomade avant d'être libéré et votre dossier de déserteur clôturé grâce à l'aide d'un avocat généreux.



Et puis, enfin, vous vous êtes essayé à l'écriture d'un roman, puis d'un second, mais hélas ils ne rencontrèrent pas le succès, ils ont été ignorés. Puis un troisième qui celui-là attira l'attention d'un éditeur et ce fut le début de votre vie d'écrivain, vous le mauvais élève, la tête dure, le révolté, vous avez réussi. Quelle victoire, quel bonheur pour votre maman qui vous rêvait instituteur.

"Ce livre, dans la vitrine d'une librairie, un jour de septembre, c'était une façon de dire ce que l'on n'ose plus, quand on est devenu un homme, dire tout simplement "je t'aime plus que tout, maman", comme on le faisait, chaque jour, quand on était enfant". page 244.



A la fin de votre livre, vous revenez au temps présent, et votre écriture est empreinte de nostalgie et de tristesse, vous me parlez du virus qui a semé l'angoisse et la mort et "escaladé à pas de loup des escaliers, s'est glissé sans bruit dans les maisons".

"Il faudrait oublier toutes ces terres chimiques, ces forêts en flammes, ces rivières mortes... Partout la main de l'homme , l’œuvre de l'homme. Comment oublier".



"Voilà mes journées maintenant, j'écris, je marche, je caresse la tête de mon chat devant les braises qui s'effondrent. Ça durera bien encore un peu... Qui s'occuperait de mon chat" ? Page 254



Cher René, je vous trouve bien pessimiste là, il y a encore de la beauté sur la terre, des âmes bonnes, et puis, non, vous n'êtes pas "vieux", vous avez vécu non pas une vie, non pas deux vies, mais mille vies et je suis certaine que vous avez encore des choses à me raconter là devant l'âtre avec Solex sur vos genoux, vos cahiers rouges aux pages blanches n'attendent que votre plume pour se mettre à vivre pour le plus grand plaisir de vos lecteurs.

Ne nous abandonnez pas.









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Les vivants au prix des morts

René Frégni - Les vivants au prix des morts - Folio - Lu en juillet 2019.



Dédicace : "Pour tous les libraires qui me soutiennent depuis mon premier livre et me permettent d'écrire et de vivre librement".



Les vivants au prix des morts raconte une tranche de vie entre le 1er janvier 2016 et le 25 décembre 2016.



La vie se déroule, paisible, René partage la vie d'Isabelle la si jolie institutrice qu'il a connue 18 ans plus tôt (La fiancée des corbeaux), il écrit dans son cahier rouge. "Isabelle est partie pour l'école... elle va préparer un gâteau aux pommes avec ses vingt- huit enfants de 4 ans... des gâteaux aux pommes, voilà ce que devraient faire nos hommes politiques... ils oublieraient un instant de détruire tous ceux qui les entourent et menacent leur carrière" pge 14.

René part presque chaque jour marcher dans les collines de sa Provence aux mille lumières, aux mille couleurs, aux mille senteurs, il s'occupe du jardin d'Isabelle, il s'interroge sur la violence du monde "la planète est si vaste, si barbare est l'homme... Des mots sont apparus et roulent sur toutes les ondes, dès l'aube. "Kalachnikov", "hachoir", "ceinture d'explosifs", "tueries", "massacre", "viol collectif"... pge 23.



Le 22 janvier, un coup de téléphone va faire voler en éclat ce bel équilibre qu'il avait réussi à trouver auprès d'Isabelle.

Kader, un détenu des Baumettes que René avait connu lors de ses ateliers d'écriture, s'est évadé, il fait appel à René pour le cacher.

Et l'enfer fait à nouveau partie de sa vie, pris dans un engrenage qu'il n'a pas voulu, faisant de lui le complice de Kader.

Il cache tout à Isabelle, mais elle sent bien que quelque chose se passe, elle reste discrète Isabelle, ne demande rien, ne pose pas de questions, elle est là tout simplement, mais elle ressent tout le mal-être de René.

René vit dans la peur, ne dort plus, ne mange plus, se tue au travail dans le jardin, il voit la mort rôder, la P.J., peut-être la prison. Il n'écrit plus, les mots ne sortent plus de sa plume. Il se sent poursuivi, et reste sur ses gardes 24 heures sur 24.



Alors, il décide de partir, il laisse là son Isabelle si douce, désemparée, apeurée, malheureuse.

Que va-t-il advenir d'elle, que va-t-il advenir d'eux ?



René est un homme libre dans sa tête, mais cette liberté vaut-elle le chagrin et la peur qu'il laisse en Isabelle en partant pour fuir ses cauchemars ?

Elle ne sait pas où il est ni ce qu'il fait. Elle reçoit seulement un coup de téléphone d'une cabine une fois par semaine à l'école où elle travaille.



J'espère qu'un autre livre nous ramènera vers la lumière et que nous connaîtrons la suite.



Dans la noirceur de cette histoire transparaît toujours la beauté de l'écriture de René Frégni, les descriptions sublimes de la nature provençale, de la beauté des femmes, de la vie des gens simples.



Toujours accro, je vais continuer à vous lire Monsieur Frégni avec ce 11 ème livre : On ne s'endort jamais seul.











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L'été

l'été - René Frégni - Folio - Lu en mars 2019.



l'été ! La saison de toutes les folies, de toutes les beautés, de tous les possibles mais aussi de toutes les noirceurs.

Et sous la plume de René Frégni, s'y ajoutent la magie, la poésie et le rêve.



Paul aime les femmes, toutes les femmes, en travaillant dans son restaurant, le Petit Farci, quelque part dans le sud de la France, ils les observe, celles qui viennent manger, celles qui traversent la place, celles qui font leurs courses "Sans qu'elles le sachent, j'ai caressé tous les seins de la ville en faisant la plonge" page 9.



Mais c'est sur Sylvia que son regard va chavirer, lorsqu'il la croise un soir assise sur un rocher face à la mer occupée à écrire. "Déjà j'attendais cette femme qui venait de percuter ma vie comme un météore de lumière" page 25.



Mais qui se cache derrière le beau visage de Sylvia ? Qui est-elle vraiment ?

Seul Tony, l'ami et associé de Paul, fin cuisinier, flambeur au Casino a deviné et met en garde Paul qui n'a que faire de ses conseils, fou qu'il est de cette jeune et si belle femme. Car Sylvia a la beauté d'un ange et du diable. "J'étais perdu et heureux comme un homme qui attend une pluie d'or" page 44.

Il n'a plus qu'elle en tête, il n'a plus qu'elle dans son corps, il n'a plus qu'elle dans son coeur. "Toutes les femmes sont en elle ai-je pensé" page 55.



Paul est déboussolé.



Hélas, cela ne pouvait pas durer. Il y avait Alteno le peintre de l'obscur, le peintre de la fureur, la jalousie dévorante des deux hommes et les petits jeux de Sylvia.

Paul commettra l'irréparable, il y perdra son âme et sa santé.

Un jour, après l'avoir revue une dernière fois, il monte dans un bateau et part se reconstruire.



Il règne dans ce livre une ambiance tendue à l'extrême qui côtoie la douceur, la beauté, l'horreur. le tout enrobé par les parfums et les paysages superbement décrits par l'auteur. " L'heure de s'asseoir dans un jardin public sous le vacarme des rossignols et le parfum des citronniers. L'heure de comprendre ou d'oublier. Comprendre ce que j'avais fait. Je venais de tuer une partie de ma vie" page 139.



Et voilà, j'ai largué les amarres le temps de lire ces 139 pages et me suis laissée porter par les mots sur les vagues de l'écriture de René Frégni.

Je viens d'accoster, je suis ailleurs, quelques part dans le sud de la France.



Et j'ai commandé dans ma librairie préférée, encore 5 de ses livres.

Je vais entamer "La fiancée des corbeaux" pour rejoindre son Isabelle, une autre femme de sa vie.

Je suis devenue accro de cet auteur vous l'avez compris.



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Carnets de prison

Carnets de prison ou l'oubli des rivières - René Frégni - Tracts Gallimard N° 11 - 3,90 € - Lu en février 2020.



Bruxelles, le 15 février 2020.



Bien cher René,



Ma quinzième lecture de vos écrits je crois, quand on aime on ne compte plus et c'est peu dire que j'ai aimé ce petit tract de 41 pages.

Vous y lancez un cri, un cri qui devrait parvenir aux oreilles du monde.

"J'avais vingt ans, je croyais en l'homme", dites-vous. Mais aujourd'hui, vous doutez, tout comme moi d'ailleurs.

"Le bien et le mal ne se partagent pas la planète, le combat est en chacun de nous , intense, complexe, mystérieux et je commence à croire qu'il est perdu depuis belle lurette. Quand je prononce le mot "mal", j'entends la destruction de ce qui est beau" - Page 6.



Vous êtes descendu dans les rue pour protester contre de multiples causes, la guerre du Vietnam, le Cambodge, le Laos, la mort de Salvador Allende, l'exécution de Puig i Antich exécuté par le régime franquiste et tant d'autres encore.

"Toute les semaines je descendais dans les rues, tant est vaste et sans fond l'injustice. Plus on l'observe, plus elle grandit. La tâche de Sisyphe est de tout repos, comparée à celle qui attend celui qui décide de défendre les faibles, les humiliés" - Page 6.



Vous citez Don Quichotte, Dostoïevski, le Christ, Dantès le héros du Comte de Monte-Cristo pour qui vous avez une immense admiration, livre que votre Maman si douce malgré la dureté de la vie, vous en lisais un chapitre chaque soir. Cette Maman que vous aimiez tant.

Et puis, vous nous parlez aussi de votre Père, si injustement emprisonné à cause des collabos pendant la guerre pour avoir volé de la nourriture aux Allemands pour nourrir sa famille.



Vous étiez très jeune, vous êtes devenu un rebelle, l'injustice, la misère, les guerres, tout cela vous retournait les sangs avec raison.



Plus tard, vous vous êtes penché sur le sort des prisonniers, vous avez créé les ateliers d'écriture qui étaient une porte ouverte sur la vie pour eux qui n'avaient d' horizon que 4 murs gris et sales, vous en aviez fait vous-même l'amère expérience. Au cours de votre incarcération, vous avez dévoré les livres, étudié le dictionnaire, pris des milliers de notes et vous avez découvert L'étranger de Camus qui vous aura marqué plus que d'autres.

"Lire, c'était creuser vers des paysages magnifiques" - Page 18.

Dans leur cahier d'écriture, tous les prisonniers ont écrit ces quelques mots de Fernando Pessoa :

Je ne suis rien.

Je ne serai jamais rien.

Je ne veux vouloir être rien.

A part ça, je porte en moi tous les rêves du monde.



Dieu que c'est beau !



Et vous écrivez encore ceci dans ce petit tract qui m'émotionne tellement :

"Seul l'amour ouvre les portes, même celles des prisons. S'il y a une chose que j'ai apprise là-bas, dans cette hideuse cité de béton, c'est la toute-puissance de l'amour ; il écarte la haine, la bêtise, la barbarie. L'amour qui est la première marche vers les mots et la tendresse". - Page 30.



Depuis, beaucoup d'années ont passé et à présent, chaque matin, vous partez marcher dans les collines et les hameaux de Provence si chers à votre cœur, accompagné de votre chat qui ne vous quitte pas. Vous parlez aux arbres, aux oiseaux, aux lézards verts et vous vous demandez si cette beauté-là perdurera.

Parfois, assis au bord d'une rivière, vous pensez :

"Je suis encore heureux, mais lorsque je lève la tête, j'entends la plainte lointaine du monde et j'ai peur. Plus j'écoute, plus mon ventre se remplit d'inquiétude et de peur. Qu'avons-nous fait pour avoir oublié que le bonheur est au bord d'une rivière ?" - Page 41.



Ce sont là les derniers mots , le dernier cri que vous lancez et vous signez

René Frégni

Le 7 septembre 2019.



J'espère que beaucoup entendront votre appel au monde tout comme je l'ai entendu, nous sommes dans l'urgence, tout comme René Frégni, je pense que le monde va mal.

Paix, amour, tendresse, tolérance, écoute, partage, c'est ce qui manque le plus.

J'ai été un peu longue, mais comme je le dis plus haut, quand on aime on ne compte pas les lignes ni les mots qui sortent tout seuls.











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Je me souviens de tous vos rêves

Je me souviens de tous vos rêves de René Frégni - lu en mars 2019 - chez Folio.



Les mots de René Frégni sont les diamants d'une parure qui roulent sur la page blanche de l'écrivain pour en faire un livre-bijou.



L'auteur nous raconte avec des mots qui forment des phrases presque magiques sa Provence de septembre -" C'est si beau septembre, si limpide, si bleu... Ce n'est pas un mois, c'est un fruit", à février - "Je n'ai jamais ressenti à travers les saisons de ma vie, un tel besoin de silence. Dans ce cahier j'ai, voulu parler d'un libraire, de mon chat, de quelques hommes perdus, parler de la lumière des collines, du visage d'Isabelle, de la douceur des chemins les après-midi d'automne, de cette petite table où j'invente la tendresse, en écoutant derrière la vitre les voyage du vent" .

Il nous parle aussi des femmes simples qu'il croise avec une poésie renversante,

il nous parle de Marilou, sa fille qui étudie à Montpellier et que j'ai découvert dans "Elle danse dans le noir", qui est devenue une belle jeune fille, de sa maman décédée depuis longtemps et avec laquelle il "parle", de Joël Gattefossé, le libraire qui a sauvé le village avec ses livres mais qui croule sous les dettes. Il nous parle de la prison où il a séjourné et de son procès, de sa libération, et d'autres prisons où en tant qu'écrivain il aide les prisonniers. De sa chatte Baumette, née sur le toit d'une prison et morte en tombant du toit de sa maison. D'Isabelle, "la fiancée des corbeaux" (prochain livre que je vais lire, j'ai hâte de découvrir son Isabelle), des petits bars où il va chaque jour écrire et boire un café avec les plus solitaires, il nous parle des SDF, des plus misérables, avec tellement d'empathie. De son ami Louis, fou de chats, qui lui demandait chaque jour par téléphone comment allait le chaton Baumette recueillit entre les murs de la prison ainsi nommée. Louis, qui est mort sur son vélo percuté par un véhicule - "Le jour où Louis s'est envolé avec son vélo, tous les chats de la terre ont perdu un ami".

Il nous parle de ses lectures aussi. Saint-Exupéry, Céline, Zola, Giono, Rimbaud...

J'ai été sous le charme toute la durée de ma lecture de la même manière que lors de la lecture de "Elle danse dans le noir". Il ne se passe rien de bien extraordinaire dans ce livre, rien que des descriptions de paysages, de personnages, de couleurs, d'odeurs, de petites scènes du quotidien, mais sous la plume de l'auteur, les mots prennent vie de manière spectaculaire. Il a l’œil d'un photographe, il met sur papier ce qu'il voit avec une sensibilité presque hors norme, et je me suis retrouvée en Provence, à ses côtés, j'ai partagé ses joies, ses malheurs, sa tristesse, sa tendresse.

Je pense que René Frégni est un homme de cœur, un homme qui aime ses semblables, les animaux, la nature, il ne fait qu'un avec eux.

Il a écrit jusqu'à présent 12 livres, je lirai au fil du temps les 10 que je n'ai pas encore lus.



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Lettre à mes tueurs

LETTRE A MES TUEURS - René Frégni - Éditions Folio Policier - Roman - Lu en avril 2020 - 5ième semaine du confinement du au Covid-19 en Belgique (j'ajoute ce détail pour me souvenir plus tard).



Pour Marilou, Sophie, Nicole, Simone, Robert, Lucienne et Lili.



Me revoilà en symbiose avec René Frégni, auteur dont je suis fan.



Marseille. 2003. Sous le toit du petit appartement de Pierre Chopin , écrivain, la canicule.



Devant lui, la page blanche de son carnet d'écriture qui n'en finit plus de rester blanche, l'inspiration semble avoir pris la fuite de son cerveau.



Ce jour là, Pierre devait aller chercher sa petite Julie, le coeur de son coeur à l'école quand Charlie, un ami d'enfance qu'il n'a plus vu depuis longtemps et qui a pris le chemin du banditisme, déboule chez lui, blessé, fuyant la mort qui le poursuit Son grand coeur et les souvenirs de jeunesse et l'amitié le pousse à l'aider à fuir par le toit. Avant cela, Charlie lui confie une cassette dont le contenu reste un mystère et lui donne un numéro de téléphone à n'appeler qu'en cas d'urgence. le temps pour Pierre de la cacher que la police débarque. Arrestation, interrogatoire, perquisition,relâchement.

La police n'a pas retrouvé cette cassette qui n'intéresse pas que la police.



La vie paisible de Pierre Chopin s'arrête à ce moment là "Le serpent glacé se tordait dans mon ventre... Mon passé avait vingt-quatre heures. Vingt-quatre durant lesquelles je n'avais pas fermé l'oeil. Vingt-quatre qui avaient projeté sur ma vie plus d'événements que je n'en avais connus ces dix dernières années"-page 39.



La mafia marseillaise est au travail, les clans s'affrontent. D'un côté la bande féroce de Wolfo dit le Sanguinaire, de l'autre la bande de Sauveur et ses acolytes corses, la police et ses ripoux et Pierre mêlé à cette traque bien malgré lui.

Le temps de convaincre Anne, la maman de Julie dont il est divorcé de prendre la fuite et de ne pas revenir avant qu'il ne les prévienne d'un retour possible que voilà Pierre embarqué dans une terrifiante et incroyable affaire.

Il n'a qu'une idée en tête, protéger Julie à qui il n'arrête pas de penser. Dans ses rares moments de calme relatif, il lui écrit dans son carnet. Caché dans une planque "je crus entendre du bruit. Je me levai, collai mon front contre l'une des vitres. le spectacle me bouleversa : un couple de daims dansait sous la lune. Si Julie voyait ça... pensai-je. Comment dire tant de beauté, d'élégance, d'éternité. Raconter ces instants de grâce à Julie. Écrire pour elle maintenant me suffisait" - page 85-86.



"Que pouvait-on faire contre la plus redoutable bande de truands dirigée par le Sanguinaire ? - page 149.



Charlie est repris par la police, une spectaculaire évasion, une traque minutieusement préparée et enfin l'attaque de la bande du Sanguinaire.



Mais la paix ne revient pas dans le coeur de Pierre, Wolfo est-il mort ?

Qu'est devenue la mystérieuse cassette ? Que sont devenues Julie et Anne ?



Comme dans tous ses livres, René Frégni nous décrit sa Provence chérie, le monde carcéral, le milieu du grand banditisme, de Marseille, sa laideur et sa beauté.



Et bien sûr, de l'amour qu'il porte à sa fille et des souvenirs de sa maman, de son enfance.

Peu de femmes dans ce roman policier, un peu moins de poésie aussi que dans ses autres romans, sans doute le thème particulièrement dur ne s'y prête pas trop mais cela ne m'a pas empêché de le lire en trois soirées, je l'ai terminé cette nuit à 2h du matin !



Il me reste à lire "Maudit jour" et "Dernier arrêt avant l'automne", j'ai hâte que les librairies rouvrent leurs portes.



Prenez soin de vous.





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Minuit dans la ville des songes

💕René Fregni💕Je découvre enfin la plume poétique de cet écrivain attachant qui m’a emportée dès les premières lignes. Un roman magistral sur le pouvoir de la littérature et la rédemption par les mots. Ode à la fois à la littérature, à la liberté mais aussi au voyage.

L’auteur anime depuis des années des ateliers d’écriture en prison et vit désormais retiré du monde, dans une maison au bord de la forêt à Manosque. Sa vie n’a pourtant pas toujours été paisible. Ce cancre rêveur, à la limite de la phobie scolaire, celui dont les écoles et institutions ne voulaient pas, celui qui rêvait d’escapade au dehors loin des salles de classe, devient très tôt une graine de voyou traînant dans les quartiers pauvres de Marseille avec des petites frappes, commettant des larcins ou dansant le be-bop, revendiquant une jeunesse « insouciante, libre et amorale ». Au grand dam de sa mère très inquiète et en dépit de leur relation fusionnelle. Sa voix qui « écartait de mon corps les odeurs grises des livres de grammaire..de la peur » imprègne le roman. Cette voix rassurante qui lui contait les aventures de Jean Valjean, d’Edmond Dantès ou encore du petit Rémi de Sans famille.

Écrivain autodidacte, il nous raconte comment sa passion pour la littérature et l’écriture l’ont sauvé.  

« Je suis né déserteur ». A 19 ans il déserte l’armée et sera incarcéré dans une prison militaire avant une vie d’errances devenue parcours initiatique.

Dans cette geôle il retrouve une figure du Banditisme Ange-Marie Santucci et découvre grâce à lui le pouvoir des mots « lis, René, tu leur feras peur! …J’ai beaucoup mieux qu’un calibre aujourd’hui, j’ai des mots, j’ai leurs mots ! » et grâce à l’aumônier qui les fournit en livres, René Frégni lit Jean Giono et se trouve propulsé dans le Sud brûlant où il a grandi retrouvant les odeurs du maquis et de la garrigue, thym, oliviers, genêts, pierres calcinées et bruits de son enfance « … Je compris soudain ce qu’était la lecture, la puissance colossale des mots. Cette journée allait déterminer le reste de ma vie, ce voyage infini vers les mots. Au fond de ce puits d’ombre, j’étais un évadé ».

D’abord « machines de torture » les livres deviennent des « machines d’évasion » écartant les barreaux, faisant éclater les verrous d’acier, raccourcissant le temps et peuplant sa cellule de personnages.

Avec une infinie délicatesse Frégni parle de son amour des livres. A chaque ville ou pays qu’il visite lors de sa cavale correspondent un livre et un auteur, de l’Italie à la Grèce en passant par Istanbul ou Londres, d’Almeria à Ankara en passant par la Corse…

Son séjour à Bastia (ma ville qu’il décrit si bien ) restera inoubliable « une ville à flanc de montagne, qui de tous ses yeux, regarde la mer et l’Italie … Bastia est un amphithéâtre dont l’immense scène est la mer. Vous grimpez entre deux falaises de maisons et vous débouchez tout en haut, sur le ciel et la mer. Chaque venelle obscure plonge dans le bleu. Partout, c’est un combat aphrodisiaque, entre l’odeur sauvage du maquis et celle des embruns. »

« J’étais un arbre qui lit…Je n’étais qu’un morceau vivant du maquis et je partais dans des voyages de mots qui m’emmenaient de l’autre côté du monde ». Un peu plus tard travaillant en tant qu’auxiliaire en psychiatrie tout en préparant un diplôme d’infirmier, il commence à se familiariser avec l’écrit. Comment devient-on écrivain quand rien ne nous prédestinait à écrire?

On suit ce délicat « vagabond de mots dans un voyage de songes » de ses échecs jusqu’à sa première publication.

Terriblement beau, immensément touchant.

Merci à @HordeDuContrevent de m’avoir convaincue de le lire avec sa magnifique chronique
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Marilou et l'assassin

Marilou et l'assassin - René Frégni - Éditions le Mini Syros - Lu en janvier 2021.



Je remercie de tout coeur AnnieFrance pour l'envoi de ce petit livre qui fut sa première lecture de l'auteur, quant à moi, c'est la dernière lecture, bien qu'il y ait encore deux livres jeunesse que je n'ai pas lus et qui sont probablement introuvables aujourd'hui :



La vengeance de la petite gitane

La nuit de l'évasion



A part ces deux-là, j'ai lu tout ce qu'a écrit René Frégni.



Venons-en à Marilou et l'assassin, 29 pages, adressé aux enfants à partir de 9 ans.

Tout n'est pas rose dans cette histoire, Valentin, brave homme désespéré qui cherche du travail se retrouve à vivre dans un taudis appartenant à un riche propriétaire profiteur, limite marchand de sommeil qui s'en prend à lui pour non paiement de loyer, une bagarre et voilà Valentin en prison pour un crime qu'il n'a certes pas voulu. il écope de dix ans.



C'est ici que l'histoire devient plus onirique. Une petite fourmi sort tous les jours de son petit trou dans le mur de la cellule de Valentin, elle vient se nourrir. Il l'apprivoise, lui parle et la petite fourmi lui répond.

Il en fait son amie, lui conte des histoire comme Les Révoltés du Bounty dont elle est très friande. René Frégny nous la décrit comme étant très belle, avec de grands yeux, une taille fine, de longs cils plus longs que l'herbe, elle s'habille... Il fait ici de l'anthropomorphisme.

Il l'appelle Marilou, qui est le prénom de sa fille.



Valentin, au moment de sortir de prison, n'a pas trouvé le temps long grâce à la présence de la petite fourmi.

Il l'emmène avec lui. La fin est cruelle je trouve. Je ne la raconterai pas.



Dans ce premier livre René Frégni nous parle déjà de l'amitié, de la prison, il a lui-même passé six mois dans une prison militaire pour désertion. Il faut dire qu'il n'a pas eu une vie banale.



On sent dans ce premier tout petit livre jeunesse les prémices de ce que deviendra l'écrivain.



Si quelqu'un peut me dire comment me procurer les deux livres jeunesse que je n'ai pas lu, j'en serais ravie.



Je suis heureuse d'avoir passé un peu de mon temps avec Valentin et Marilou en cet après-midi de dimanche.





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Les vivants au prix des morts

« Chacun de nous devrait commencer sa journée par un café et quelques mots dessinés sur un cahier rouge », par lever les yeux au ciel pour accueillir les premiers rayons de soleil perçant la coquille noire de l’obscurité, déguster le breuvage ancestral, emmitouflé.e de l’écharpe rose orangée de l’aube, comme si la nuit était venue se réfugier dans la tasse ; observer à l’heure bleue le rosier aux fleurs fanées découpé en ombre chinoise qui n’apprécie guère notre procrastination pour enfin le tailler, les branches de l’albizia dont les éphémères fleurs à pompons roses virevoltent dans une dernière danse, tout en ayant dans le noir de l’iris le reflet de la blancheur immaculée de la page vierge bientôt remplie de signes, telles de faibles pattes d’oiseaux impatients sur la neige fraichement tombée.



Du mercure au cœur

Cette nostalgie d’alcôve

A l’automne roux

Odeur du chocolat chaud

Toute embrumée de silence



Chacun de nous devrait commencer sa journée par se dire - Je suis vivant, profitons-en ! -, avaler toute la beauté, celle d’un corps nu niché chaudement contre nous en position fœtale, celle d’un sein palpitant qui tient dans la paume comme une pomme sacrée, celle d’une nature en éveil, d’un écureuil furtif venu sauter de branches en branches, avaler cette beauté « jusqu’à la pointe éblouie de chacun de nos nerfs », et avoir pour seule volonté, dans les heures qui viennent, de se contenter des joies paisibles que nous offre la vie : « marcher, écrire, dormir, aimer une femme, entrer l’été dans l’eau fraîche d’une rivière, m’étendre nu sur des galets blancs de lumière, manger le plat du jour dans le premier bistrot d’un village, demander une paire de boules et me joindre à ces hommes qui ne semblent pas avoir d’ombre, même au soleil, ils s’interpellent, rient, balaient le sol du plat de la main, font trois pas et lèvent les bras au ciel. Reprendre la route et regarder tout ce qui bouge, détale, embaume, étincelle, pousse, s’envole, rampe, frémit, hurle, s’émerveille, s’enfuit, surgit, se décompose, renaît ».



La vieillesse cogne

De ses impatientes mains

A l’huis de ma vie

Consciente de n’être pas plus

Qu’une goutte sur la vitre



Chacun de nous devrait commencer sa journée par accepter sa part incompréhensible, sa part de sauvagerie, ses ombres barbares qui poussent parfois à prendre des décisions nous mettant en danger, voire en grand danger, qui nous empêchent de laisser tranquillement couler sa vie, paisiblement. Parfois par simple amitié, par générosité, par empathie. Cette inconscience qui nous pousse au rebord de la société, acculé aux lisières. Transformer cette obscurité, y voir de la lumière et de la joie. Savoir rire et être touché.e dans les moments graves même si nous en sommes la cause. Puiser dans le travail la ressource nécessaire pour passer les étapes les plus sombres et passer de la rive tumultueuse des eaux sombres et déchainées pour celle, verte, du lac calme du quotidien. Assumer. Savoir partir pour protéger ceux que l’on aime. Disparaitre. Et écrire inlassablement car « Dès que j’écris quelques mots, un peu de calme revient, un peu de sagesse, d’équilibre. Écarter la tempête de la pointe de mon stylo. Me raccrocher à la blancheur des pages, aux fines lignes violettes, si rassurantes, si immuables ».



Parfum de dragée

Le ciel est d’un blanc d’acier

Qui blesse les yeux

Enrobant d’un silence rond

Mes rêveries les plus noires



Chacun de nous devrait commencer sa journée en plaçant la sensualité et la poésie au cœur de tout, malgré tout, oser l’extase des aubes rosées, ne jamais perdre son âme d’enfant, s’émerveiller, voir en lieu et place des nuages des formes animalières : « Du hangar, j’observe le mouvement de ces forteresses de nuages, elles sont arrivées en un instant, en un instant elles entrouvrent une porte massive, derrière d’épaisses murailles apparaît un ciel couleur de gentiane ».



Le kimono rouge

Dans la tiédeur de la pièce

Effleuré d’un doigt

Sur la soie coquelicot

Fleurissent de noirs pavots



Chacun de nous devrait commencer sa journée par lire quelques pages de René Frégni pour sentir sa sensibilité et surtout sa poésie éclore à fleur de peau, pour aimer davantage la vie, malgré les coups durs, aimer les mots et l’écriture, pour être réellement dans une attitude de pleine conscience toute la journée. Savourer l’ici et le maintenant. Pour être davantage humain. Pour sentir le soleil du sud caresser sa peau, sentir les effluves moelleuses d’un risotto aux artichauts, imaginer le croquant d’un nougat aux amandes de Provence ou d’une navette de Saint-Victor, l’amertume du génépi ou du pastis, l’onctuosité d’un gratin de ravioles ; écouter le bruit des petits verres de blancs dans les bistrots, ainsi que celui des boules qui s’entrechoquent ; sentir le mistral à senteur de lavande, de résine tiède et de thym, parfois de pétrole, s’infiltrer et purifier tous les interstices de notre être, fouler d’un pied léger un tapis scintillant de myosotis sous une guirlande de chardonnerets, se fondre dans l’élégant argenté des oliviers…



D’autant plus qu’en ce mois de septembre, en ce jour si particulier, dehors il faut mauve et, déjà, la vie hésite.



Cueillir des dahlias

Pieds nus dans la brume

A l’aube automnale

Savourer ce qui ne change pas

Depuis la nuit des temps







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On ne s'endort jamais seul

On ne s'endort jamais seul - René Frégni - Folio - lu en juillet 2019.

Le 7ème livre de René Frégni dans l'ordre de ses écrits.

Le 12ème dans l'ordre de mes lectures de ses livres.

Le mariage de la chaleur et de la glace, du silence et du bruit, de la haine et de l' amour, de la vie et de la mort, de la violence et de la douceur.

C'est tout cela à la fois qui forme la trame de ce livre. le plus noir de René Frégni que j'ai lu jusqu'à présent.



La couverture du livre donne le frisson.



"Ce que l'on fait par amour s'accomplit toujours par-delà le bien et le mal"

Friedrich Nietzsche.



Ce roman se divise en 3 parties.

La 1ère : Pourquoi les vautours.

Antoine Briata s'occupe seul de Marie (Marilou plus tard dans ses livres), sa femme étant décédée 5 ans plus tôt. Il se fiche pas mal de la poussière, mais de la petite Marie, la prunelle de ses yeux, le coeur de son coeur, ça oui, il s'en occupait. Ils habitent la banlieue de Marseille, dans l'appartement que sa mère lui a laissé à sa mort. Antoine est facteur. Chaque jour, sans exception, il reprend Marie à l'école à 5 heures tapantes. Marie vient d'avoir 7 ans.

Le 10 mai, il eut un retard de quelques minutes et en arrivant à l'école en courant, pas de Marie. Camille Ferréol, la douce institutrice (qui deviendra son Isabelle plus tard dans ses écrits)lui dit que Marie était sortie comme d'habitude avec les autres enfants.

Antoine se décompose, "le coeur d'Antoine devient bruyant" - page 19.

La police, les recherches vaines, les dépositions de témoins, dont celle de Mme Léontine, la plus importante, pas de piste sérieuse.

Antoine passe ses jours et ses nuits à chercher et appeler la petite Marie, il observe, scrute les moindres recoins, rien ne lui échappe, mais pas de Marie. "Pendant un mois il marche sous le soleil, la nuit, le vent, et son visage devient gris, ses pieds aussi, gris comme la poussière des milliers de trottoirs, d'escaliers, de jardins publics qu'il foulait harassé de détresse sous des ciels de feu ou d'orages" - page 33.

En juin, il croise sur le Quai des Belges son ami Jacky Costello surnommé Cristal à cause de la couleur de ses yeux , un caïd, son ami d'enfance - "Jacky avait toujours veillé sur Antoine comme on protège un petit frère fragile et doux"- page 35.

Ils décident de rechercher Marie méthodiquement à eux deux, en laissant la police faire son travail de son côté. Jacky contacte tout ceux qu'ils connaît dans les milieux les plus louches et nous entrons dans un monde que l'on ne peut même pas imaginer. Il y a le Bègue, l'Anguille, Moumoute, le Dingue, Trompe la mort, l'Américain et Tania la prostituée. Tous se tiendront les coudes pour retrouver Marie.



2ème partie ; Les monstres.

Les recherches continuent, Antoine se déguise en clodo, il surveille les sex-shop, une cassette vidéo qui pourrait les mettre sur la voie, car oui, ici, on entre dans l'innommable, le viol de petites filles. On entre dans le monde des monstres.

Antoine n'est plus que rage. "Le sang d'Antoine bombarda le moindre vaisseau irrigant son cerveau. Sa vue se troubla. Ils étaient chez le monstre". - page 114.



3ème partie : Brûle en enfer.

Dans cette 3ème partie, il est question d'une secte, "L'Ordre du Tombeau".

Une menace terrible plane sur Marie. Antoine devient fou, fou de peur et de fureur.

Lui et Jacky parviendront-ils à sauver Marie du sort qui lui est réservé?



C'est un livre que je ne voulais pas lire après avoir consulté la belle et sensible critique de Ladybirdy qui déconseillait cette lecture aux âmes sensibles. Mais j'ai voulu savoir, non pas les détails sur les actes des monstres qui s'attaquent aux enfants, mais pourquoi René Frégni avait écrit tant de violence et d'horreur.

Et puis, il y a la fin, une fin stupéfiante, résumée en seulement 2 phrases qui disent tout. Et à cet instant-là, j'ai été heureuse d'avoir été jusqu'au bout, à cet instant-là, la tension dans laquelle m'avait plongé cette lecture s'est relâchée.

René Frégni, malgré le thème épouvantable et glaçant de son roman laisse transparaître cette lumière et cette poésie qui lui sont propres.

L'amour inconditionnel d'un père pour sa fille, l'amitié, la vraie, assez rare à vrai dire, celle qu'on trouve quand tout va mal.



Bref, je termine en disant que je n'ai aucun regret d'avoir lu On ne s'endort jamais seul et que René Frégni a toujours mon admiration.























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Le voleur d'innocence

Le voleur d'innocence - René Frégni - Éditions Folio - Lu en juin 2019 -

C'est mon 8ième livre de cet auteur à la plume si légère dans ses cahiers, aux mots parfois si crus et si lourds de sous-entendus, à la poésie si présente dans ses descriptions de l'horreur et de la beauté, comme si l'une et l'autre ne formaient qu'un tout.

Et dans Le voleur d'innocence, c'est du noir qu'il nous décrit, beaucoup de noir,

De l'horreur aussi, quelques éclaircies parfois mais toujours avec finesse et tendresse,

René nous parle de son enfance. Il naît le 8 juillet 1947 à Marseille, prénommé René-Jean, par un jour de canicule. "Marseille n'était qu'une flaque de goudron. J'ai glissé dehors aussi facilement qu'une sueur".

Mais l'enfance pour René est dure, très dure l'école est souffrance, la férocité des enfants est sans borne, il est surnommé Malbichu à cause de son œil qui dit merde à l'autre. "Quand j'eus trois ans ma mère qui couvait mon regard a flanché de stupeur. Elle a décelé la tare, l'absence de symétrie, l'épouvante, mon œil gauche vaquait pesamment à la traîne, le droit suivait seul tous les déplacements". pge 14.

Le directeur et le professeur de l'école ne l'avaient pas à la bonne.

Mais il y a sa maman, il l'adore, il la vénère, elle est son repère et son repaire, celle qui ensoleille sa vie.

On fait la rencontre de quelques personnages peu reluisants, mais on pourrait comprendre pourquoi, la vie n'en épargne aucun. Et cet enfant qu'est René, né pour le bonheur en principe, en perdra son innocence.

Il laissera définitivement son enfance aux portes de la prison quelques années plus tard.



"C'est si long l'enfance" surtout une enfance comme celle-là.



J'ai été particulièrement touchée par ce récit, sans doute parce qu' il touche à l'enfance et que les enfants ne devraient pas connaître un tel monde, monde qui ne devrait pas être non plus. Car même si l'histoire se déroule dans les années 50-60, la misère telle que décrite dans ce livre existe toujours. René Frégni garde toujours l'espoir en toile de fond comme une étoile à atteindre.

Sans aucun doute, il a trouvé cette étoile dans l'écriture.



René Frégni a dédié ce livre à sa maman : "A ma mère qui m'attend en dormant dans le soleil des collines".



Dans l'ordre de ses écrits, ce livre est le quatrième, écrit en 1994.

Je vais me lancer dans mon 9ème livre : Tu tomberas avec la nuit.





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Les vivants au prix des morts

Depuis que les lecteurs et amis (merci Babelio) m’ont initié à René Frégni, dès que j’ai besoin de soleil, j’ouvre l’un de ses romans en me versant un pastis et j’entends les grillons, respire la lavande et retrouve la Provence décrite par Daudet et Mistral, dans son éternelle quiétude, loin de la précipitation parisienne.



Le romancier berce le lecteur avec les charmes d’Isabelle et les trésors de sa bibliothèque, et brutalement nous réveille en sortant un cadavre du placard. Mais cette noire galéjade, aussi épique et incroyable que la légende de la sardine qui bouche le port de Marseille, est une parabole qui valorise l’amitié, la fidélité et l’attention aux « paumés » que René Frégni ne cesse de côtoyer.



Pour lui un ami, c’est quelqu'un à qui on peut téléphoner à trois heures du matin en disant qu'on vient de commettre un crime et qui vous répond seulement : "Où est le corps ? ». Et Dieu s’il est précieux de pouvoir compter sur de tels amis !



J’ai apprécié « Les vivants et les morts » qui s’inscrit dans la même veine que « Dernier arrêt avant l’automne » et « Je mes souviens de tous vos rêves » et vais me plonger dans les autres romans de cet auteur profondément attachant et humain.
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Où se perdent les hommes

Où se perdent les hommes - René Frégni - Folio - Lu en septembre 2019.



21 septembre 2019.



Cher René,

Je viens de terminer votre 5ème roman dans les dates de parution, mais le 14ième dans la liste de mes lectures de vos livres.



Vous avez l'art de mettre vos personnages dans des situations pour le moins peu banales.



Je m'explique. Dans ce roman (qui comporte une part de réalité), Ralph qui donne des cours d'écriture dans une prison de Marseille est intrigué par Gabriel Bove, 35 ans, qui a tué sa femme Mathilde. Depuis qu'il assiste au cours, Gabriel ne parle pas, il écoute les autres. Mais un jour, Gabriel demande la parole, il lit alors son texte de manière hachée. Ralph "retrouvait chez Bove la même inquiétude, le même regard farouche de timidité, le bredouillage, les phrases inachevées de ses mains blanches qui tentent d'aider les mots à sortir d'une gorge nouée." page 51.



Ralph quant à lui, a perdu Laura qui l'a quitté depuis près d'un an et sur toutes les routes qu'il emprunte il écoute la voix de Jessie Norman chanter l'Ave Maria de Schubert sur une cassette enregistrée par Laura, "je ne sais pas ce qui s'est passé, dès que j'ai entendu chanter cette femme quelque chose en moi s'est ouvert." Page 16.



Laura qui tient le petit restaurant le Piment-Café avec sa meilleure copine .

Il surveille sa vie depuis la fenêtre de son appartement.

Eh oui René, les femmes c'est sûr, vous les aimez, vous ne pouvez pas vous empêcher de les décrire, leurs fesses, leurs seins, leurs regards...



Mais je m'égare et j'en reviens à Gabriel Bove, cet homme reclus depuis 3 ans, qui ne sors pas de sa cellule excepté pour se rendre à l'atelier d'écriture, qui n'a plus vu le soleil ni senti sa chaleur depuis 3 ans, dont les yeux, les cheveux, la peau sont devenus gris et quand Ralph demande un jour à Orsini le gardien du quartier le plus surveillé de la prison ; "Et s'il jouait la comédie ? " Orsini lui répond "Le soleil Ralph, c'est plus fort que tout, on ne peut pas rester trois ans sans le voir." Page 27.

Gabriel qui a peint en lettres noires sur le mur de sa cellule ces mots effrayants : Y A-T-IL UNE VIE AVANT LA MORT .



Et de page en page, René, via les mots de Ralph et Gabriel Bove, j'ai appris petit à petit l'histoire de cet homme, de ces détenus dont vous dites "ni pires ni meilleurs que nous tous, leurs yeux sont aveuglés de violence et de rêve. Ils sont nés dans un monde sans beauté." Page 19.



Et Ralph avec son coeur d'artichaut va se mettre dans des ennuis si terribles pour aider Gabriel que ça lui coûtera sa propre liberté. "Enfin j'étais arrivé, après une vie d'incertitude et de tâtonnements, dans la cité de l'oubli. La cité du silence et des ombres." Page 162.



Mais comme dans chacun de vos romans René, il y a de l'espoir et cet espoir, Ralph va le trouver dans sa cassette de Jessie Norman qui lui est parvenue dans la solitude de sa cellule et qu'il écoute aussitôt. "La voix de Jessie Norman s'est éloignée, s'est éteinte. Un instant je suis resté immobile dans le silence, aveuglé de beauté. Soudain une autre voix, plus timide, est entrée dans la cellule. J'ai ouvert les yeux. Dès le premier mot j'ai reconnu Laura... Elle me parlait..." Page 184.



J'ai été touchée René par le souci que vous vous faites pour votre papa dans une maison de repos, par vos pensées qui si souvent rejoignent votre maman décédée, mais aussi par l'indulgence dont vous faites preuve envers votre prochain, envers ces hommes, braqueurs, voyous ou criminels, vous ne les jugez pas.



Et puis cher René, je ne vous retiendrai plus très longtemps, vos mots, vos phrases, vos pages, vos chapitres semblent souvent venir du paradis. Cette manière si poétique, je sais je me répète, je le dis dans chacune de mes critiques, de décrire les paysages de Marseille et de ses alentours, de l'univers carcéral, de mettre des mots beaux sur la laideur, sur la solitude et la misère, des mots de vie, des mots d'espoir qui me transpercent le coeur chaque fois que je vous lis.



Au revoir cher René, le soleil a déjà fait son lit sur ma ville du Nord, je vous retrouverai très bientôt dans "Lettre à mes tueurs".

Babounette







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Sous la ville rouge

Sous la ville rouge - René Frégni - Lu en août 2019.



Dédié à Christian qui est parti avec "Geronimo"

Pour tous ceux qui écrivent pour leur poubelle,

Pour la fiancée des corbeaux.



Marseille - la ville rouge - chaleur - peur - sang.



Cher Charlie,

J'ai été renversée par le récit de votre parcours d'écrivain.

Dix années à tenter désespérément d'être enfin publié.

Dix années de galère.

"Ça fait dix ans que j'écris jour et nuit et que j'envoie mes manuscrits.

Ça fait dix ans que je reçois la même phrase en retour". Page 52



Vous passez votre colère et votre trop plein d'amertume chez votre ami Karim, ancien détenu, qui enseigne la boxe comme un moyen de se défouler pour les hommes que la vie n'a pas gâté.

"Personne ne vous demandait dans quelle nuit vous meniez vos vrais combats, quelles ombres vous veniez affronter depuis si longtemps". page 32



Et puis, un jour, vous avez enfin reçu LE coup de téléphone que vous n'attendiez plus. Vous avez été lu et apprécié, votre livre "Geronimo" avait trouvé grâce auprès d'une maison d'édition.



Mais votre enthousiasme fut de très courte durée, une personne parmi les votants ne voulait pas que ce soit votre livre, éditeur et écrivain lui-même.

Écrivain encensé et qui faisait la une des rubriques culturelles des revues et journaux. Et cet écrivain à l'égo démesuré se permit de vous dénigrer et de vous inciter à travailler plus. "Ça se travaille un texte. Reprenez vos manuscrits, travaillez, travaillez. Relisez chaque mot". page 53

Ce fut plus fort que vous Charlie, "votre droite partit toute seule. Foudroyante". page 53 - Un direct que vous n'aviez pas prévu "qui se constituait depuis des années, face à un sac de sable et au néant d'une boîte aux lettres". page 53.



Votre incompréhension, votre rage, votre désespoir vous ont poussé à en savoir plus sur cet homme qui, d'une pichenette, vous avait balayé comme on ôte un cheveux indésirable sur une veste.



Et le démon s'empara de vous.



Depuis votre existence est passée du gris au noir, de la morosité des jours à la peur au ventre, celle qui vous tenaille, qui vous empêche de manger et de dormir. Vous n'êtes plus qu'une ombre. "Une ombre parmi les ombres dans ce puits éclairé de cris et de chair. Un rat au milieu des rats". Page 98.

Vous n'aviez plus envie de rien. Plus envie d'écrire.



Charlie, vous n'avez plus que votre mère, qui bien que décédée, est présente dans vos pensées et qui reste si chère encore dans le coeur de l'enfant qui vit en vous. Assis sur les marches de l'immeuble dans lequel vous avez vécu avec elle 18 années de votre vie, vous avez enfin craqué et laissé s'ouvrir les digues de votre désespoir, d'ouvrir les digues de ces mots que vous n'avez dit à personne.

"Maman... Maman,..., dit-il soudain tout haut, j'ai fait une grosse bêtise. Quelque chose de très grave... J'ai besoin de toi maman... Tu m'entends?...

Et il lui raconta tout, d'un coup, sans s'arrêter. Pour la première fois, il raconta ce qu'il avait fait et qui était dans son ventre comme un bloc de ciment". Page 117.



Deux heures plus tard Charlie, vous êtes reparti, allégé du fardeau qui vous faisait ployer la tête et les épaules, ce fardeau qui vous pesait tant.



Vous êtes rentré chez vous, vous avez repris votre cahier rouge et votre stylo, vous vous êtes penché dessus et vous avez tracé les mots. "Il dessinait les contours de sa vie". Page 121.



Cher Charlie, dites-moi, est-ce un rêve, est-ce la réalité ce que vous avez vécu là ?



C'est à ceux qui vous liront que je laisse la porte ouverte pour connaître votre vérité.

J'espère que vos mots si beaux, si pleins de force, si remplis d'amour, si tranchants parfois, atteindront leur coeur de lecteur comme ils ont atteint le mien.

Au revoir Charlie.



C'est le 13ème livre de René Frégni que j'ai lu, toujours aussi passionnément. Mon prochain sera : Où se perdent les hommes.



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Dernier arrêt avant l'automne



Ami lecteur. Si tu envisages de lire ce livre, ou que d'aventure tu en entreprends un jour la lecture, tu n'y trouveras ni matière à palpiter de frayeur, ni, même s'il est question de jambe fraichement inhumée et découverte par le gardien d'un monastère inhabité, niché dans les collines et loin de toute civilsation, une enquête menée tambour battant. Cependant, tu n'en seras pas déçu.

René Frégni t'invitera à l'apaisement, à t'isoler du tumulte du monde, et avec la poésie de ses mots, il t'amènera à un de ces états contemplatifs, auxquels il nous est si difficile de nous abandonner.

Convié par cet amoureux de la nature, tu entendras le chuchotis de la Durance, rivière dans laquelle jeune garçon il s'ébaudissait, et dont il se souvient en ces termes : "Je sentais l'odeur de l'eau, entre les saules et les roseaux, cette belle odeur verte". Cette rivière dont il parle comme il parlerait d'une adolescente que jadis, il aurait étreinte : "Entre ces deux ponts, elle est un corps de jeune fille que j'ai parcouru, caressé, découvert. Je connais la moindre de ses courbes, ses muscles, ses mystères, ses caprices, sa respiration, la puissance soudaine de ses désirs".

La plume de René Frégni est d'une grande douceur. Pareille à un murmure, elle t'effleure l'oreille et te susurre de porter un regard plus attentif sur les merveilles de la nature.

Tu feras la connaissance de Solex, petite chatte blanche oh combien attachante, trouvée non loin du monastère dont le narrateur est le gardien. Cette petite boule de poils qui accordera ses pas aux siens, sa solitude et sa vie à la sienne, sera prénommée "Solex", en souvenir de son solex sur lequel, naguère, il parcourait les routes de sa provence bien-aimée, "le pays bleu".

René Frégni te parlera d'amitié, d'amour, de nuages, de ciel et de couleurs, mais il évoquera également le temps qui passe. "La vie avait filé de vallée en vallée, sans m'en apercevoir j'avais vieilli, avant de revenir dans ce vallon oublié des Basses-Alpes".

La vieillesse, que nous redoutons tant, serait-elle vaine ? Peut-être est-elle le prix à payer pour que nous nous détachions de toute futilité, et que nous apprenions, enfin ! À poser sur le monde un regard émerveillé, celui de notre enfance , celui qu'a su garder René Frégni.





































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