On ne s'endort jamais seul - René Frégni - Folio - lu en juillet 2019.
Le 7ème livre de René Frégni dans l'ordre de ses écrits.
Le 12ème dans l'ordre de mes lectures de ses livres.
Le mariage de la chaleur et de la glace, du silence et du bruit, de la haine et de l' amour, de la vie et de la mort, de la violence et de la douceur.
C'est tout cela à la fois qui forme la trame de ce livre. le plus noir de René Frégni que j'ai lu jusqu'à présent.
La couverture du livre donne le frisson.
"Ce que l'on fait par amour s'accomplit toujours par-delà le bien et le mal"
Friedrich Nietzsche.
Ce roman se divise en 3 parties.
La 1ère : Pourquoi les vautours.
Antoine Briata s'occupe seul de Marie (Marilou plus tard dans ses livres), sa femme étant décédée 5 ans plus tôt. Il se fiche pas mal de la poussière, mais de la petite Marie, la prunelle de ses yeux, le coeur de son coeur, ça oui, il s'en occupait. Ils habitent la banlieue de Marseille, dans l'appartement que sa mère lui a laissé à sa mort. Antoine est facteur. Chaque jour, sans exception, il reprend Marie à l'école à 5 heures tapantes. Marie vient d'avoir 7 ans.
Le 10 mai, il eut un retard de quelques minutes et en arrivant à l'école en courant, pas de Marie. Camille Ferréol, la douce institutrice (qui deviendra son Isabelle plus tard dans ses écrits)lui dit que Marie était sortie comme d'habitude avec les autres enfants.
Antoine se décompose, "le coeur d'Antoine devient bruyant" - page 19.
La police, les recherches vaines, les dépositions de témoins, dont celle de Mme Léontine, la plus importante, pas de piste sérieuse.
Antoine passe ses jours et ses nuits à chercher et appeler la petite Marie, il observe, scrute les moindres recoins, rien ne lui échappe, mais pas de Marie. "Pendant un mois il marche sous le soleil, la nuit, le vent, et son visage devient gris, ses pieds aussi, gris comme la poussière des milliers de trottoirs, d'escaliers, de jardins publics qu'il foulait harassé de détresse sous des ciels de feu ou d'orages" - page 33.
En juin, il croise sur le Quai des Belges son ami Jacky Costello surnommé Cristal à cause de la couleur de ses yeux , un caïd, son ami d'enfance - "Jacky avait toujours veillé sur Antoine comme on protège un petit frère fragile et doux"- page 35.
Ils décident de rechercher Marie méthodiquement à eux deux, en laissant la police faire son travail de son côté. Jacky contacte tout ceux qu'ils connaît dans les milieux les plus louches et nous entrons dans un monde que l'on ne peut même pas imaginer. Il y a le Bègue, l'Anguille, Moumoute, le Dingue, Trompe la mort, l'Américain et Tania la prostituée. Tous se tiendront les coudes pour retrouver Marie.
2ème partie ; Les monstres.
Les recherches continuent, Antoine se déguise en clodo, il surveille les sex-shop, une cassette vidéo qui pourrait les mettre sur la voie, car oui, ici, on entre dans l'innommable, le viol de petites filles. On entre dans le monde des monstres.
Antoine n'est plus que rage. "Le sang d'Antoine bombarda le moindre vaisseau irrigant son cerveau. Sa vue se troubla. Ils étaient chez le monstre". - page 114.
3ème partie : Brûle en enfer.
Dans cette 3ème partie, il est question d'une secte, "L'Ordre du Tombeau".
Une menace terrible plane sur Marie. Antoine devient fou, fou de peur et de fureur.
Lui et Jacky parviendront-ils à sauver Marie du sort qui lui est réservé?
C'est un livre que je ne voulais pas lire après avoir consulté la belle et sensible critique de Ladybirdy qui déconseillait cette lecture aux âmes sensibles. Mais j'ai voulu savoir, non pas les détails sur les actes des monstres qui s'attaquent aux enfants, mais pourquoi René Frégni avait écrit tant de violence et d'horreur.
Et puis, il y a la fin, une fin stupéfiante, résumée en seulement 2 phrases qui disent tout. Et à cet instant-là, j'ai été heureuse d'avoir été jusqu'au bout, à cet instant-là, la tension dans laquelle m'avait plongé cette lecture s'est relâchée.
René Frégni, malgré le thème épouvantable et glaçant de son roman laisse transparaître cette lumière et cette poésie qui lui sont propres.
L'amour inconditionnel d'un père pour sa fille, l'amitié, la vraie, assez rare à vrai dire, celle qu'on trouve quand tout va mal.
Bref, je termine en disant que je n'ai aucun regret d'avoir lu On ne s'endort jamais seul et que René Frégni a toujours mon admiration.
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Parfois il nous arrive d'aborder un livre, non pas pour son histoire à proprement dit, ce qu'elle peut raconter, mais pour tout autre chose, c'est-à-dire les à-côtés du livre, ce qui se promène sur la marge, sa petite musique, ce qu'il prépare en souterrain, le sens qu'il donne déjà à l'empreinte d'un écrivain dont, quelques livres plus tard, celui-ci vous devient familier, presque un ami, ses mots vous semblent fraternels, chaleureux, comme s'ils étaient écrits simplement pour vous. Une main apaisante, avec le soleil de Provence qui se glisse sous la peau, quelques cerisiers en fleurs, des cris de joie, des cris de révolte, des doutes aussi qui effleurent cette même peau quelques pages plus tard... Je suis heureux d'être entré par l’œuvre plus autobiographique que romanesque de René Frégni car elle me parle davantage, même si les deux pans de cette oeuvre se parlent, se conjuguent, finissent par former un même chemin. Dans la partie romanesque, chaque personnage, à commencer par le narrateur, ressemble un peu à sa vie. C'est à force de côtoyer son oeuvre, s'en approcher au plus près, sentir la tendresse de ses pages, qu'on finit par le déceler. Et dans ses récits plus autobiographiques, il y a des personnages romanesques qui se mêlent à la réalité.
On ne s'endort jamais seul est bien un roman, un roman noir.
Ici au premier abord, l'histoire ne m'a pas franchement emballée. Non pas parce que le thème est totalement rebutant, portant entre autres sur les réseaux pédophiles et tout l'envers glauque d'un décor qu'on ne soupçonne pas, derrière des vitrines de magasins d'apparence anonyme ou des pavillons silencieux perdus en rase campagne. Le fait divers sur lequel repose l'histoire est en effet particulièrement ignoble et sordide. Mais il m'a semblé que le scénario était un peu cousu de fils blancs, même si le suspense se veut haletant. Difficile d'y croire un seul instant et d'être pris par l'intrigue.
Non, le roman vaut pour tout autre chose. Les personnages sans doute, mais bien plus que les personnages et l'âme fragile qui traîne autour d'eux, il y a un paysage propre à l'univers de René Frégni qui s'installe ici.
Antoine est facteur. Il est veuf depuis peu. Sa fille Marie, sept ans, est tout pour lui. Il y a comme un rituel chaque soir. Après la pétanque, à dix-sept heures, il va chercher sa fille à la sortie de l'école. Mais voilà, ce jour-là il a un quart d'heures de retard, pour des broutilles, et Marie n'est déjà plus là. Marie a disparu. Bientôt le constat est sans appel : Marie a été kidnappée.
Le hasard permet à Antoine De renouer le contact avec un ami d'enfance, Jacky Costello, qui a purgé une longue peine de prison, mais demeurant toujours un caïd du grand banditisme marseillais... Par amitié, Jacky Costello s'engage à aider Antoine.
La douleur d'Antoine ressemble à un précipice. René Frégni pose des mots sensibles sur ce trou béant. Plus tard, la douleur fait place à la rage, à l'abattement d'un homme seul, effondré, prêt à se laisser couler dans ce trou béant, mais l'amitié a cette magie capable de créer des sursauts improbables et c'est là que se construit le ressort principal permettant la résolution de l'intrigue.
Dans le personnage d'Antoine, j'ai reconnu un père, ce père qu'est aussi René Frégni à d'autres endroits lorsqu'il nous parle de sa fille, Marilou, dans plusieurs de ses livres.
Le personnage de Jacky Costello revient souvent dans d'autres récits et sous d'autres identités, René Frégni s'est construit des amitiés solides dans le milieu carcéral, notamment par le biais des ateliers d'écriture qu'il a longtemps animé aux Baumettes ou dans d'autres prisons.
Plus tard dans le roman, comme un soleil, celui de Provence, dans l'arrière-pays au-dessus de Marseille, il y a l'institutrice de Marie qui vit avec son père Lili, il a quatre-vingts ans, s'occupe encore de ses arbres, les taille, prend soin d'eux. Comment ne pas retrouver ici ces personnages que j'avais découvert avec tant d'empathie dans ce livre qu'est La fiancée des corbeaux. Camille Ferréol, l'institutrice, ressemble comme deux gouttes d'eau à la fameuse Isabelle qui m'a tant ému dans La fiancée des corbeaux, par sa tendresse, une présence, une attention, une façon de cueillir le soleil dans son regard, le contour de ses seins comme une promesse à venir.
Ici il est question aussi des vivants parmi les morts, à la faveur d'une citation biblique. C'est peut-être déjà un prémices de ce que sera le livre Les vivants au prix des morts.
Voilà, ce livre est intéressant pour tout cela. Une sorte de « galop d'essai », pour reprendre une très belle expression, citée à propos, par une de mes amies Babelio, mais j'invite les novices, celles et ceux qui ne connaissent pas encore l’œuvre de René Frégni à entrer par d'autres portes, comme je l'ai fait naguère.
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Un petit Fregni pour la route !
Un polar bien marseillais, hommage à Izzo, fraîchement disparu, où le facteur Antoine, transformé en loque clochardisée de douleur par l'enlèvement de sa petite fille Marie, prunelle de ses yeux, bouffe soudain du lion pour la retrouver , l'arracher aux pédophiles très- vilains -pas -beaux qui la détiennent, et leur faire croquer les pissenlits par la racine.
Le fregnimane averti aura tôt fait de reconnaître René sous les traits d'Antoine, Marilou, transparente sous Marie, d'identifier , derrière Jacky , Toni, le ganster-sauveur-au-grand-coeur, et dans le personnage de Camille Ferréol, institutrice compatissante aux seins réconfortants, la douce Isabelle, la Maîtresse des corbeaux ...
Du coup, la fiction policière un peu outrée, pas vraiment crédible, devient, pour les amateurs que nous sommes, un galop d'essai romanesque de personnages qui vont bientôt, comme leur auteur, sauter de plain-pied et tels qu'en eux-mêmes , de la vraie vie au livre, quand Fregni, affranchi de la fiction, se fera confiance, et comprendra que son monde, poétique, rebelle et ensoleillé , est un univers romanesque à part entière , et qu'on l'aime tel qu'il est, tout frais sorti de ses carnets..
Pour notre bonheur plus grand et pour notre plus grand bonheur!
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Pour ceux qui n'ont pas de famille, Noël est le moment le plus dur de l'année, les nuits sont interminables, tout, autour de nous, parle de bonheur, de foyer, de tendresse. Les arbres illuminés font le ciel encore plus noir.
Durant toute son enfance Antoine était venu là dès les premières tiédeurs d'avril au lieu d'aller à l'école. Il pouvait rester des heures immobile sous l'immense lumière de la mer à regarder les bateaux franchir la passe, danser entre les îles et se dissoudre dans les embruns. Antoine était né rêveur et doux, la vie l'avait rendu timide. Cette existence avec Marie lui convenait très bien, lentement il oubliait les femmes, celles que l'on étreint, pas celles avec qui on vit.
Quand on gagne sa vie comme moi avec des machines à sous,des tables de jeu et des cigarettes qui traversent l'Europe incognito,on fait des envieux,beaucoup d'envieux.C'est à chaque seconde qu'il faut la protéger sa vie,tu ne peux pas te balader derrière moi jour et nuit avec un fusil de chasse sous le bras.
Cent fois il posa aux mêmes voisins la même question:"Marie? Marie? Marie?" Comme si de prononcer ce nom,inlassablement,de jour,comme de nuit,sur chaque placette ou escalier du quartier,ramenait dans sa main la petite main de l'enfant qui était la lumière et la chair de sa vie.
Dédicace :
...
A Jean-Claude Izzo abattu de deux cartouches de cigarettes en pleine poitrine.
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Super bande de potes de Smriti Halls, Steve Small aux éditions Sarbacane
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