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Critiques de Robert Merle (1113)
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Malevil

C’est au cours d’une de ces fameuses lectures communes entre amies et amis babelpotes que j’ai ressorti du fond de ma bibliothèque le roman Malevil de Robert Merle. Il avait pris la poussière depuis une cinquantaine d’années. Je l’avais acheté neuf à sa sortie en 1972 et du haut de mes 16 ans je l’avais dévoré à pleines dents en une nuit. Je l’ai redécouvert en 1981, pour mes 25 ans, avec la sortie du film que je m’étais empressé de voir pour mes acteurs fétiches qu’étaient pour moi Michel Serrault (Emmanuel), Jacques Dutronc (Colin), Jean louis Trintignant (Fulbert) et jacques Villeret (Momo). Le roman de Robert Merle très différent du film, avait conservé à mes yeux la même richesse dans ces propos comme dans son histoire. Avec mon expérience de lecteur âgé de 67 ans, j’étais en droit de me demander si cette troisième lecture allait conserver le même intérêt.



C'est vrai que le roman de Robert Merle n'a pris aucunes rides. Nous sommes pourtant en 1970, en pleine guerre froide avec le risque d’un holocauste nucléaire qui plane dans toutes les discussions familiales et qui reste présent dans toutes les conversations de comptoir de l’époque. Cette explosion atomique est au cœur de Malevil et survient brutalement alors qu’Emmanuel Conte, héros de l’histoire, se trouve dans la cave à vin de son château en compagnie de ses amis d’enfance. Les épais murs de la bâtisse vont les sauver du souffle et du rayonnement thermique de l’explosion. C’est ensemble qu’ils vont devoir apprendre à vivre dans une société post moyenâgeuse où l’insécurité et la loi du plus fort est devenu la règle.



Le scénario du roman trouve sa force dans sa narration à la première personne. Le coté dramatique et angoissant de l’œuvre est aussi accentué par la forte personnalité des protagonistes. Ceux –ci sont autant complexes qu’attachants. Que ce soit Emmanuel propriétaire du château, la Menou sa gouvernante au caractère bien trempé, Momo fils de cette dernière et attardé mental ; tous les premiers habitants de Malevil sont hauts et riches en couleur. De même les Colins, les Thomas, les Peyssous, les Meysonnier en tant qu’amis d’enfance du narrateur amènent une réalité et une profondeur à l’histoire qui se transforme grâce à eux en une véritable robinsonnade à la sauce post-apocalyptique.



Les femmes ne sont pas non plus oubliées dans Malevil. De Miette, la jeune fille muette à Catie sa sœur ; de La Falvine en passant par la solide Judith qui est la seule citadine et soixante-huitarde égarée dans cette région rurale du Périgord où l’on parle encore le patois. Robert Merle nous décrit un monde qu’il connaît et qui est à des années lumières des dystopies actuelles où les femmes sont devenues de vraies héroïnes modernes. Le roman est écrit à une époque où le féminisme fait ses premiers pas avec la naissance du MLF et où seules les villes à l’inverse du monde rural ont su s’émanciper de l’apport d’un mai 68.



Enfin, les méchants ont aussi droit à toute leur place. De Fulbert le faux prêtre et ennemi juré d’Emmanuel à Armand son homme de main, du comptable Wilmain se faisant passer pour un ancien para aux yeux des hommes de sa bande équipée d’armes de guerre ; tous les ingrédients sont là pour corser l’histoire et lui donner une dimension dramatique. De l’importance d’un semblant de religion à l’inutilité d’une guerre entre survivants dans un monde déjà ravagé, de la traîtrise des derniers hommes à l’égoïsme des autres, le livre aborde ces sujets sans tabous tout au long de ses 600 pages.



Vous l’avez compris, Malevil nous parle d’une communauté sédentaire d’hommes et de femmes avec ses forces et ses faiblesses, derrière les remparts d’une forteresse dans un monde détruit. Un groupe où les différences idéologiques et morales rendent la survie périlleuse. Un groupe qui doit aussi lutter contre des bandes extérieures mais aussi contre sa propre indiscipline interne. Ou les rivalités de sexe sont aussi de la partie, un monde où la monogamie n’a plus sa place et où seule la survie de l’espèce demeure l’essentiel.



Malevil reste et restera toujours sur mon île déserte. Ce sera toujours le coup de cœur du lecteur passionné que je suis resté pour le livre de Robert Merle. Je vous invite à sa lecture et moi pour ma part, je me laisse le droit d’y retourner un jour surement pour une quatrième fois …



« De l'hébreu "imanu-el", qui signifie Dieu est avec nous, Emmanuel est un prénom biblique présent dans les récits de l'Ancien Testament. Le prophète Isaïe désignait le Messie à venir par ce prénom… ».

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La Mort est mon métier

Le narrateur de ce roman est Rudolf Lang, personnage qui incarne Rudolf Hoess commandant du camp d'Auschwitz.



Une enfance rigoureuse, la froideur d'un père, une éducation ultra catholique, la soumission d'une mère, forgent son caractère dénué de sentiments. Il ne connaît que la valeur des ordres, le bien et le mal importent peu.



Il renie sa foi catholique. Son église s'appelle l'Allemagne.



Remarqué très tôt pour son application à obéir aux ordres, son manque glaçant de conscience, sa profonde inhumanité, il sera choisi par le Reichsführer Himmler pour mettre au point l'Usine de la mort d'Auschwitz.



Pas plus que la vie, la mort n'a d'importance pour lui, pas même la sienne. Les Juifs ne sont que des statistiques, des marchandises à détruire, le plus efficacement possible, avec le moins d'encombrement possible. Sa seule raison d'exister est d'obéir aux ordres, sans prendre d'initiative, sans émettre la moindre critique, "consciencieux sans conscience". Tout est moral si cela contribue à la victoire du nazisme. "Moraux à l'intérieur de l'immoralité"



Un roman effrayant car, si c'est un homme, comment peut-il être à ce point monstrueux ?









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Fortune de France, tome 1 : Fortune de France

J'ai eu pour les "Fortunes de France" un vrai coup de cœur, le même ressenti que pour les "Rois maudits" de Maurice Druon. Je suis toujours admiratif devant le talent de ces auteurs qui nous font vivre l'Histoire comme si nous y étions, le tout avec un bagage documentaire qui force le respect.

Dans cette saga historique, la période qui nous intéresse est celle des guerres de religions en France, les catholiques contre les protestants. Dans la culture générale collective, la saint Barthélémy a au moins la même résonnance que "1515" et Marignan.

L'auteur choisit de nous faire découvrir ce pan de notre histoire du point de vue des huguenots, où le récit débute en 1547 avec un jeune nobliau, Pierre de Siorac, qui vit dans le Périgord méridional, pas très loin de Sarlat.

Accompagné de son valet et ami Miroul (aux yeux vairons) nous suivrons dans ce premier tome ses aventures qui le mèneront de Montpellier à Paris. Si la quasi totalité des personnages de cette saga sont fictifs (dont notre héros), les personnages qui ont fait l'histoire de France sont eux, parfaitement authentiques, car s'il s'agit bien d'un roman, la trame historique est quant à elle rigoureusement respectée. A ce sujet, j'ai été stupéfait d'apprendre que la saint Barthélémy de sinistre mémoire était en fait des représailles à un fait similaire s'étant produit à Montpellier auparavant, les protestants avaient donc "tiré" les premiers.

L'ensemble de cette saga est ni plus ni moins que passionnante pour qui aime l'histoire, quant aux qualités de Robert Merle, elles nous assurent une écriture et un style qui contribuent pour beaucoup au succès de cette série.
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Week-end à Zuydcoote

Il m'a fallu faire un intense effort pour réaliser que "Week-end à Zuydcoote" était bien le premier roman de Robert Merle tant son talent d'écrivain transparaît déjà dans chaque phrase. En fait, j'ai eu l'impression de lire du Steinbeck et je ne m'étonne pas que Robert Merle ait obtenu le Goncourt général à sa parution en 49.



Zuydcoote, Bray-Dunes... charmants ports de pêche entre Dunkerque et la frontière belge... Jolies villes de front de mer avec leurs villas bien soignées aux pignons biscornus et leurs cabines de plage bien alignées. Mais ça, c'était avant... Avant 1940, avant la retraite de l'armée franco-britannique, avant l'invasion allemande ; ça, c'était avant de devenir une nasse à crabes dans laquelle ont été enferrés soldats et artillerie.



Comme son titre l'indique, le récit se déroule sur deux jours, un samedi et un dimanche. Le lecteur fait connaissance avec un groupe de quatre soldats, quatre "copains" pris dans le flux désordonné de la retraite, avec un seul espoir, passer la Manche, et une seule certitude, bientôt mourir. Mourir là, sur le sable immaculé des plages, mitraillés par l'un des raids de la Luftwaffe.



"Week-end à Zuydcoote" retrace la tentative de survie de ces quatre hommes, Maillat, Pierson, Alexandre et Dhéry, maillons faibles d'une armée disloquée en fuite, acculée à la mer, sous le feu nourri du bombardement ennemi. Quatre existences enfermées dehors, sous une pluie d'acier.



J'ai beaucoup apprécié cette lecture, j'ai lu le roman d'une traite. Si par la suite Robert Merle développera davantage ses contextes, ses personnages sont quant à eux déjà bien campés, comme ils le seront dans toutes ses autres œuvres. Son premier roman a clairement annoncé la couleur d'un style talentueux et a prophétisé son parcours dans la cour des grands.





Challenge ATOUT PRIX 2015 - 2016

Challenge de lecture 2015 - Le premier roman d'un auteur célèbre
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Malevil

Roman écrit en 1972, mais l scénario pourrait être d'actualité.

Destruction de notre monde. Quelques survivants, reconstruction d'une communauté, des liens sociaux, etc...

Sauf qu'aujourd'hui, si une telle catastrophe se produisait, je suis persuadée que les survivants s'en sortiraient beaucoup moins bien que les protagonistes du livre de Robert Merle. L'homme actuel est tellement dépendant des technologies et si peu autonome que sa disparition serait certaineemnt accélérée.

Ici, Robert Merle expose l'homme comme un survivant qui tente de reconstituer à tout prix une communauté solide, avec pour objectif la reproduction de l'espère humaine. L'homme en lui-même, malgré la catastrophe, reste avec ses besoins de liens sociaux, amis aussi avec toutes ses caractéristiques de maîtriser les autres, de corrompre, de tirer la couverture à lui. Une belle critique de l'humanité d'hier et d'aujourd'hui.

Je pense que ce roman écrit aujourd'hui aurait été moins positif, plus dur envers l'espère humaine.
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La Mort est mon métier

C’est l’histoire de Rudolf Lang (alias Rudolf Hoess), officier SS qui dirigea le camp de Auschwitz et mit au point le gazage de juifs, les fours crématoires… officier zélé qui n’a fait « qu’obéir aux ordres ».



Robert Merle reconstitue son enfance, à partir de ce que Rudolf Lang a raconté au psychologue qui l’a interrogé pour le procès de Nuremberg.



On retrouve une violence familiale édifiante avec un père ultrareligieux, avec les prières assidues, à genoux, (on est plus dans l’autoflagellation que dans la foi), fou à lier qui veut faire de son fils en prêtre. Il l’oblige à se mettre au garde à vous en sa présence, à marcher au pas.



Il s’engage à l’âge de seize ans, alors qu’il n’y est pas autorisé car trop jeune, mais l’armée, la guerre le fascinent et aussi l’amour de son pays. Il va combattre en Turquie et sa bravoure sera reconnue.



De retour à la vie civile, il participe à la mise en place des chemises brunes et adopte les idées nazies.



Robert Merle reconstitue ensuite tout son parcours, notamment à Auschwitz et la manière dont il a accepté la mission que Himmler lui a confiée. Fonctionnaire zélé, il a mis en place le processus d’extermination des juifs comme il aurait conçu la mise ne place d’une chaîne automobile : le gazage, les ascenseurs pour acheminer les corps vers les fours crématoires…



Cet homme était marié et avait des enfants ! et si Himmler le lui avait demandé qui sait s’il n’aurait pas été capable de les tuer ? Seule comptait la mission qui lui avait été confiée et dans le meilleur délai : si Himmler le voulait, c’est qu’il avait raison !



Au procès, il répètera « je n’ai fait qu’obéir aux ordres » et n’aura jamais l’ombre d’un regret, il ne considérait pas que les juifs qu’il envoyait à la mort étaient des humains, pour lui c’était des « unités » qu’il envoyait à la chambre à gaz.



Cet homme est glaçant, déshumanisé, rien ne le touche, c’est un exécutant ! lorsqu’on lui demande comment il trouvait son travail à Auschwitz, il répond « ennuyeux » !



Je connaissais l’histoire de cet homme, avant d’ouvrir le livre, car j’ai vu un film il y a longtemps, et cette phrase « je n’ai fait qu’obéir aux ordres » m’a hantée à l’époque !



J’ai beaucoup aimé ce livre, il permet de réfléchir et de ne pas oublier surtout à une époque où l’antisémitisme a fait un retour en force.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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La Mort est mon métier

Obéir aux ordres, fussent-ils les plus fous, les plus inconcevables, les plus atroces, c'est la défense des criminels de guerre nazis, ils ont obéi aux ordres. Quand on est militaire cela fait partie des règles de base, et quand on est allemand cela fait partie des gènes dit-on. Seulement là, ce n'est pas recevable, le crime est trop horrible, trop grand, ils sont impardonnables et responsables du sentiment de culpabilité des générations suivantes.



Rudolf Höss (Rudolph Lang dans le roman), le commandant du camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau, fait partie de ces hommes, un militaire à qui Himmler a ordonné d'appliquer la solution finale aux Juifs et qui s'est acquitté de sa tâche avec « soin », sans affect pour les victimes quelles qu'elles soient, il dira d'ailleurs face à ces juges : " vous comprenez, je pensais aux Juifs en termes d'unités, jamais en termes d'êtres humains. Je me concentrais sur le côté technique de ma tâche ".



La Mort est mon métier est remarquable dans ce qu'il illustre parfaitement cette attitude qui conduit à la banalité du mal dont parle la philosophe Hannah Arendt. Envoyée spéciale du New Yorker en Israël au procès d'Adolf Eichmann, elle a estimé que l'homme était tristement banal, un petit fonctionnaire ambitieux et zélé, entièrement soumis à l'autorité, incapable de distinguer le bien du mal.



Eichmann comme Rudolf Höss ont cru accomplir un devoir, ils ont suivi les consignes et cessé de penser. Et le seul moyen d'échapper à l'inhumain qui se loge en chacun n'est-il pas bien de penser, de réfléchir à nos actes en dehors de toute pression extérieure ?

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Malevil

Malevil prenait la poussière au fond de mon pense-nouille, ne m'étant jamais hasardée à l'ouvrir, et il y serait probablement resté encore un moment si mon ami Patounet n'avait pas volé à mon secours en me proposant de le lire avec moi.

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Emballées par l'idée, d'autres babelpotes se sont jointes à nous : Sandrinette, Anne-So, Fanny, et ma Yaya pour le soutien psychologique.

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Tout le monde connaît Malevil, au moins de nom, donc je n'apprendrai rien à personne.

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Non, ce n'est pas une "romance du pays basque qui entraîne le lecteur à s'interroger sur le couple", pour ceux qui en douteraient encore.

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Emmanuel nous conte sa vie avant l'apocalypse.

Mal aimé par ses parents et ses pestes de soeurs, il fonde une nouvelle famille composée de sept amis, avec lesquels il fonde Le Cercle, société archisecrète.

Un jour plus pénible que les autres, Emmanuel prend son vélo et va se réfugier à Malevil, château fort abandonné qui jouxte la propriété de son oncle Samuel.

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Je vous passe les détails : Malevil finit par lui appartenir et il s'y installe avec la Menou et son fils Momo.

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C'est en 1970, alors qu'ils sont à la cave en train de mettre le vin en bouteilles que la civilisation s'effondre, et avec elle toute forme de vie sur la surface du globe.

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Coup de bol, ses potes étaient venus le voir. Ils forment un petit groupe de rescapés qui vont devoir réapprendre à vivre et s'adapter au nouveau monde.

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Après une première partie que j'ai trouvée un peu longuette, je me suis complètement fondue dans le roman (la chaleur, voyez-vous) et la plume de l'auteur m'a embarquée, envoûtée, et plein de mots en "ée".

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Le décor est magnifiquement décrit, on s'y croirait.

On s'attache aux personnages, savoureux et atypiques.

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L'émotion est au rendez-vous, avec tout un éventail de sensations et de sentiments.

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C'est un récit addictif et les pages défilent, aussi nombreuses soient-elles.

Encore un bouquin que je n'ai pas lâché, même en promenant ma chien.

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Si comme moi vous hésitez à vous lancer, bousculez vos hésitations et foncez, vous ne le regretterez probablement pas.

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La Mort est mon métier

Les nazis voulaient se débarrasser des juifs et créer grâce à l'eugénisme l'aryen parfait. Avec Rudolf Lang, le commandant d'Auschwitz, double littéraire de Rudolf Hoess, ils ont surtout créé l'homme désincarné...



Sans coeur, sans émotions, sans désirs, sans rêves, sans conscience et probablement sans âme, Rudolf Lang voit les juifs à tuer comme des unités à traiter, les chambres à gaz et les fours crématoires comme des problèmes industriels et l'odeur de chair brulée comme l'inconvénient principal...



C'est glaçant, digne des pires scénarios de science-fiction, et pourtant c'est vrai, puisque Robert Merle s'est apparemment basé sur les transcriptions d'entretien de Rudolf Hoess pour écrire ce récit.



C'est le côté désincarné de l'homme qui m'a le plus frappée, au-delà de son obéissance aveugle aux ordres ou de son enfance et sa jeunesse effectivement propres à faire de lui un psychopathe. Il ne ressent rien, alors même qu'il est confronté à l'horreur pure. On dirait qu'il est anesthésié ou hypnotisé.



C'est d'autant plus frappant que le récit est écrit à la première personne et qu'on est donc dans sa tête. Pas dans son coeur puisqu'il n'en a plus depuis longtemps apparemment. Mais dans sa tête, qui raisonne comme celle de tout un chacun, même peut-être mieux, sauf qu'il l'utilise pour exécuter un génocide. Parce que la mort est son métier...
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La Mort est mon métier

Ce qui, entre autres, fait la force de ce livre est la manière dont Robert Merle s'est effacé pour entrer dans la peau de Rudolf Lang (Hoess).

Ce n'est pas une grosse prise de risque que de se faire le porte-parole de victimes mais il faut du cran pour décider que l'on va décrire l'effroyable par la voix d'un bourreau. Et, qui plus est, d'un bourreau qui ne s'est jamais repenti.



En effet, inconsciemment, nous avons tendance à considérer les S.S. comme une sorte d'humanoïdes, programmés pour l'extermination et parachutés sur Terre à une période donnée allant de 1941 à 1945, prolongée pour certains jusqu'au Procès de Nuremberg en 1947.

Par cette audacieuse prise de position, Robert Merle leur redonne la dimension "humaine" d'individus lambda qui, en d'autres circonstances, auraient suivi, avec la même discipline, un parcours banal : enfant, adolescent, adulte, mari, père...

Je n'irais pas jusqu'à supputer que nous croisons certainement chaque jour des Rudolf Hoess en puissance mais, finalement, au lu de "La Mort est mon métier", je ne vois pas ce qui me permettrait de penser le contraire.



Aucun livre sur cette période tragique ne m'aura atteinte comme celui de Robert Merle.

Aucun voyeurisme, aucun pathos, aucun sentiment, dans sa narration. De la méthode, rien que de la méthode... à l'image de Rudolf Lang (Hoess).



Lang (Hoess) est dangereux car il n'a pas de faille, ne traduit aucune émotion, ne reconnaît pas celles des autres. Il ne boit que très modérément et à des occasions spéciales, dort très peu, ne mange que pour se nourrir, ne baise que sans plaisir et par nécessité. Il est incapable d'explosions de joie ou de passions dévorantes, est inapte à tout sentiment, même celui de haine.

Rudolf Lang est un exécutant au sens le plus complet du terme.



Je terminerais mon commentaire en reprenant les mots de la préface de Robert Merle :

"Il y a eu sous le Nazisme des centaines, des milliers, de Rudolf Lang, moraux à l'intérieur de l'immoralité, consciencieux sans conscience, petits cadres que leur sérieux et leurs "mérites" portaient aux plus hauts emplois. Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l'impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l'ordre, par respect pour l'Etat. Bref, en homme de devoir ; et c'est en cela justement qu'il est monstrueux."

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La Mort est mon métier

Il s'agit, ici, de la biographie de l'homme qui devint commandant du camp d'extermination d'Auschwitz.

L'auteur le nomme Lang, Rudolf Lang mais de fait son véritable nom est Hoess, Rudolf Hoess.



Alors c'est un livre épouvantable, comme on en a déjà connu, dans le même registre, mais une vie passée dans l'horreur, dans la vénération de l'absolument détestable, c'est indigeste mais nécessaire parce qu'historique, pour la mémoire et pouvoir transmettre cette période noire de l'histoire, encore, contemporaine.



Merle est un écrivain de renom qui a déjà traité le sujet, différemment, mais de cette époque. C'est quelqu'un qui sait écrire et dont l'écriture est reconnue, de moi également. On peut, normalement, se poser la question de savoir quelle mouche l'a piqué pour écrire cette histoire. C'est bien écrit, comme pour ses autres sujets mais c'est un coup de marteau, chapitre après chapitre pour enfoncer le clou de l'horreur.



La fascination horrible et tout autant étrange que pouvait avoir ce "Fuehrer" que je ne nommerai pas, sur beaucoup et notamment sur cet homme, ce mari, ce père qui, à la question posée par son épouse de savoir s'il sacrifierait ses enfants à la demande du Monstre, ne répond pas et, c'est bien connu, qui ne dit mot consent. Raisonnablement la mère part avec ses enfants et quitte cet homme devant l'impossibilité d'acceptation de la situation. Elle a, bien sûr, raison.



On connaît la suite et la fin : pendaison!

Robert Merle signe, ici, un grand livre historique.




Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Fortune de France, tome 1 : Fortune de France

Voilà, je referme ce livre et je suis conquis, une écriture fluide, imagée très cinématographique, le fait de prendre le personnage principal et d'en faire le narrateur, pour ces raisons-là, je me suis régalé.

Une totale immersion dans l'histoire avec l'impression d'en être l'un des protagonistes c'est rare...quel plaisir! mais quel plaisir.

J'aime l'histoire et je ne sais pas pourquoi je n'avais jamais osé cette saga.(les 13 tomes, peut-être...).



Merci à Denis. qui grâce à sa critique m'a donné l'envie de lire Fortune de France
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Madrapour

Madrapour est un petit territoire entre l'Inde et la Chine qui viendrait d'être déclaré indépendant. C'est en tous cas ce qu'ont cru comprendre les 15 passagers du charter dont c'est la destination, qui ont chacun une bonne raison de s'y rendre. Décollent ainsi de l'aéroport de Roissy : un diplomate, un présumé agent de la CIA, un pseudo trafiquant de drogue, deux hindous, deux veuves désirant passer du bon temps dans un hôtel de luxe pour touristes, une vieille bique, deux hommes d'affaires, une héritière, une mère maquerelle, et j'en passe.





Mais ce voyage s'avère rapidement très étrange : de l'embarquement, à l'absence d'équipage en passant par ce vol qui semble à la fois si long, et si court, et que certains passagers semblent vouloir détourner, le lecteur est pris en otage : Sans possibilité de sortir de la situation où on l'a mis, mais surtout sans volonté d'en sortir maintenant qu'il y est. Un peu comme de nos vies, dont nous sommes à la fois les maitres et les prisonniers. Bien sûr, Robert Merle nous mène par le bout du nez, nous laissant tenter de démêler la situation en écoutant débattre les passagers de cultures et langues différentes, en nous mettant dans la peau de son narrateur traducteur à l'ONU qui, lui, les parle toutes. C'est ce personnage, plus passionnant que les autres, qui va nous décrypter toutes les nuances d'attitude, de posture, de voix, de mots de chaque personnage. La plume de l'auteur met en lumière à quel point il est fin observateur et psychologue, et ce huis clos pourtant extrêmement pesant en devient captivant. Même si l'on sent que l'auteur veut nous faire transcender son histoire pour nous raconter autre chose, on s'accroche à chaque détail pour que ce récit ait un sens, le sens qu'on voudrait qu'il ait. Comme on le fait avec nos vies : Ne sont-elles pas censées avoir un sens elles aussi, et si possible celui que l'on voudrait leur donner ?





En 320 pages, Robert Merle nous livre une fable sur la vie et sur la mort, sur le temps qui passe et notre court passage sur Terre. Nous ne sommes que des passagers, comme ceux qui ont embarqué un peu par hasard, un peu malgré eux, dans cet avion à destination de Madrapour. Madrapour, cette destination existe-t-elle seulement ? Certains d'entre eux le voient comme un paradis avec hôtel 4 étoiles et attendent son arrivée avec impatience, pour d'autres c'est l'enfer sur terre que des guerres intestines ont laissé à feu et à sang ; Pour d'autre encore, Madrapour n'existe tout simplement pas, a été inventé par les Etats et les médias en vue d'un complot. Bref, on est embarqué dans un voyage dont on tente de maîtriser la trajectoire, mais dont on ne connaît pas l'issue. Mais l'important n'est-il pas le chemin ? Alors comment va-t-on occuper notre voyage, obnubilés que nous sommes par la destination finale ? N'ayant aucune certitude sur cette dernière, on la trouve effrayante, cette perspective de débarquer : Où va-t-on atterrir ? Et dans quel état ? Et surtout, dans combien de temps ? Si au départ, on nous a donné un itinéraire plus ou moins tracé et un temps de vol approximatif, pour certains le voyage sera raccourci par les circonstances, pour d'autres il sera finalement plus long que prévu. Qui en décide ainsi ? le destin, Dieu, le hasard ? Ou chacun d'entre nous, avec nos décisions et nos actions ? Dans cet avion avec les passagers, on prend conscience du temps qui passe… Et chacun réagit à sa manière.





Une expérience métaphysique sur un fond entre complotisme et science fiction que j'ai bien aimé. Moins pour le propos en lui-même, qui est classique, que pour la manière dont l'auteur le superpose à l'histoire et, surtout, pour l'art de l'auteur de disséquer et d'analyser ses personnages. Je referme ce livre en me disant que, peut-être, je n'aime pas l'avion parce qu'il me rappelle à quel point je ne suis qu'une passagère minuscule, fragile et éphémère sur cette terre, dont la vie ou la mort ne tient qu'au fil invisible de l'aléa, du déterminisme, de ma décision de monter ou non et de toutes les actions des autres.… J'ai l'impression que l'avion me rapproche de ma propre mort, voire m'y emmène. Je ne suis qu'une passagère, je le sais. Et comme vous tous, j'essaye de vivre avec. Avec une certitude en ce qui me concerne : Peu importe ce qu'il y a après, je n'ai pas envie de gaspiller ce qui se déroule ici et maintenant.





Y-a-t'il un pilote dans l'avion ? Oui : Nous-même, jonglant avec ce que nous ne maîtrisons pas, tel le pilote du film Sully.
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La Mort est mon métier

J'ai découvert La mort est mon métier de Robert Merle lors du cycle Littérature et nazisme pendant les cours de francais de Terminale. Inscrite en Bac A2 (dernière fournée avant qu'il devienne L), j'avais poursuivi cette matière bien que l'épreuve fut derrière moi. Grand bien m'en a pris car ce cycle fut des plus passionnant et présenté par une prof passionnée. Ça n'est pas toujours le cas...



Revenons à Robert Merle et à son livre aussi formidable que terrifiant. L'auteur prend aux tripes dès le titre qui annonce la couleur avec froideur. Par le biais d'une docufiction, il retrace la vie et le parcours de Rudolf Lang, avatar fictionnel du tristement célèbre Rudolf Hoess. On le suit depuis son enfance jusqu'à ses fonctions à la tête du camp d'Auschwitz où il mit son efficacité et sa rigueur au service de la "solution finale", vaste système d'extermination industrialisée du "problème juif". Où l'on remarque le goût prononcé des dirigeants nazis pour les euphémismes...



Robert Merle est un écrivain dont les qualités ne sont plus à démontrer. Touche à tout littéraire, il livre ici un des romans les plus noirs, durs et terrifiants qu'il m'ait été donné de lire. Et de relire d'ailleurs à quelques années d'écart. Il met en scène la banalité administrative du génocide instauré par les hiérarques du IIIème Reich. Rudolf Lang est un être froid, comme déshumanisé, dont les seules questions qui le préoccupent sont celles de la rationalisation et du perfectionnement du massacre de masse. Le système concentrationnaire devient pour lui une équation mathématique à résoudre.



Difficile de ne pas penser, en lisant ce livre, à ce que la philosophe Hanna Arendt appela la banalité du mal, lors du procès de Eichmann à Jérusalem.

Et en effet, plus qu'un monstre, Robert Merle montre un homme obéissant aux ordres, consciencieux dans son travail et à l'esprit de qui ne viendrait pas l'idée de s'opposer aux instances hiérarchiques. C'est cet aspect qui rend la lecture de cet ouvrage - et d'autres traitant du même sujet - si bouleversante, dérangeante et terrifiante.
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La Mort est mon métier

Quel livre troublant ! D'autant plus troublant qu'on en ressort avec un avis très nuancé sur ce Rudolf Hoess. Cela aurait été beaucoup plus simple que seul le côté abject ressorte de cet homme. Or, retraçant son enfance Robert Merle nous fait comprendre comment ce petit Rudolf s'est construit. On en arrive, non pas à excuser et encore moins à admettre mais à comprendre d'où vient cette monstruosité. Ce n'est en aucun cas une excuse car tous les enfants ayant vécu auprès d'un père tyran et névrosé ne deviennent pas des monstres mais cela permet d'en comprendre la genèse.

Cette phrase qu'il ne cesse de répéter et qu'il dira encore lors de son procès de Nuremberg " je n'ai fait qu'obéir aux ordres" fait froid dans le dos car on comprend bien qu'il est pris dans un mécanisme psychique dans lequel il ne peut s'extraire.

Oui, comme il lui sera signifié lors de son procès il est déshumanisé et c'est ce qui met à mal le lecteur car cette distanciation, cette dichotomie entre l'homme et les faits peut avoir pour effet d'atténuer la haine qu'on pourrait avoir pour cet homme. Il n'y a aucun doute les actes sont condamnables et d'une monstruosité sans nom mais l'homme ? Le fait de se poser la question trouble et met vraiment mal à l'aise car on ne peut et ne veut pas cautionner ce qu'il est mais son histoire interpelle.

Très intéressant, cette biographie romancée est à lire !
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L'Idole

Avec "L'idole", Robert Merle, grand maître du roman historique, offre à son lecteur une brillante évocation de l'Italie du XVIème siècle dans toute sa crudité et ses excès.



Vittoria est l'Idole, une femme si belle qu'on pourrait mourir pour l'un de ses regards. De Rome à Florence, le lecteur, en suivant le destin de la jeune femme, découvre une société morcelée, déstructurée où les seigneurs se font brigands, où les pontifes sont corrompus, et où la dague et le poison sont devenus armes communes. Une société extrêmement violente et terriblement noire sous ses soieries bruissantes et bigarrées.



Un roman qui m'a passionnée et qui réunit tout ce que j'apprécie en littérature : l'histoire, l'Italie, le drame, la passion et l'étude de mœurs, le tout servi par une plume exceptionnelle.
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La Mort est mon métier

Encore un livre délicat, difficile, en tous cas pour moi. J'ai vraiment eu beaucoup de mal à le terminer et je dois avouer avoir lu la dernière partie en diagonale tant cela était insoutenable.



Je me pose encore la question de pourquoi je l'ai terminé, pourquoi me suis-je forcée à le lire jusqu'au bout quand mon cœur se soulevait à chaque page ? Je ne sais pas répondre à cette question, ce dont je suis sûre c'est que ce n'est pas une contemplation malsaine mais plutôt la volonté de ne pas céder à l'hypocrisie car comme le dit Robert Merle dans sa préface "(…), je savais que de 1941 à 1945, cinq millions de juifs avaient été gazés à Auschwitz. Mais autre chose est de le savoir abstraitement et autre chose de toucher du doigt, dans des textes officiels, l'organisation matérielle de l'effroyable génocide."

Et effectivement, dans ce livre il faut affronter la réalité de plein fouet. Lorsque des êtres humains deviennent des "unités", lorsque leur éradication ne se résume plus qu'à une entreprise dont le principal soucis est le "rendement", on descend tellement bas dans les tréfonds de l'âme humaine que plus rien ne paraît avoir de sens.



Quand Rudolf Lang (qui est en fait Rudolf Hoess, commandant du camp d'Auschwitz) commence à imaginer l'organisation de son "Usine de Mort", j'ai pensé qu'il pourrait presque s'agir d'un roman d'anticipation où des êtres NON Humains réfléchiraient au moyens d'éliminer des êtres Humains ; mais non, c'est un livre d'Histoire ! Ce ne sont pas des "aliens" qui ont mis au point cette entreprise meurtrière, ce sont des Hommes qui ont fait ça à d'autres Hommes. Et pour moi c'est bien là le pire.
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La Mort est mon métier

Discipliné, consciencieux, ingénieux, capable de prendre des initiatives et surtout, dépourvu de conscience et de tout sens moral, Rudolf Lang a le profil idéal pour occuper le poste de commandant des camps de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Robert Merle imagine les mémoires de ce double fictif de Rudolf Hoess dans « la mort est mon métier ». Il livre un roman didactique essentiel pour comprendre la Shoah et la mentalité des criminels nazis.



Le roman s’attache dans un premier temps à analyser les circonstances qui ont permis la naissance d’un tel monstre. Enfant, il grandit sous la férule d’un père autoritaire doté d’une religiosité névrotique. Âgé de seize ans, il s’engage dans les rangs de l’Armée allemande et combat sur le front oriental pendant la Première Guerre mondiale. Après l’Armistice, il rejoint le corps-franc Rossbach avant de connaître une période de chômage et d’emplois mal rémunérés. Il s'inscrit au parti nazi dès les premiers mois de sa création. En mélangeant tous ces ingrédients, on obtient un animal de sang froid, patriote revanchard, prêt à obéir sans état d’âme.



Le roman décrit dans un second temps l’élaboration d’un génocide industriel. Les massacres de masse des premiers temps de guerre commis par les Einsatzgruppen sont aux yeux de Lang un procédé grossier indigne d’une nation moderne. Il va chercher à perfectionner l’organisation du camps d’extermination pour être en mesure de « traiter » un convoi de deux mille « unités » en quelques heures. Il faut être efficace et productif pour tuer un maximum de déportés et se débarrasser de cadavres encombrants dans des délais très courts. Lang relève le défi technique et travaille avec dévouement pour perfectionner son usine de mise à mort. La mort est son métier.



Je regrette l’emploi répété d’expressions allemandes en *v.o.* comme « Jawohl », « Mein Herr » ou « Mensch ». Si le but était de germaniser les dialogues, c’est raté, je trouve qu’au contraire que le texte perd en crédibilité. A noter que si Robert Merle analyse les mécanismes de l’extermination, il aborde peu ou pas l'aspect concentrationnaire et l'exploitation économique des détenus. Cette thématique est plus largement traitée par Martin Amis dans « Zone d’intérêt » qui s’inspire lui aussi de Rudolf Hoess, mais dans un registre totalement différent.



« La mort est mon métier » permet de comprendre le parcours de Rudolf Lang/ Hoess sans toutefois l’absoudre de ses responsabilités. Lors de son procès, l’ancien commandant ne ressent aucune culpabilité, il n’a fait qu’exécuter des ordres. Si l’ordre était mauvais, il n’en est pas responsable. Robert Merle conclut : « Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l’impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l’ordre, par respect pour l’État. Bref, en homme de devoir : et c’est en cela justement qu’il est monstrueux. »
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Week-end à Zuydcoote

"Hello, le soleil brille, brille, brille,

Hello, tu reviendras bientôt là bas..."

Robert Merle fait vivre au lecteur cette évacuation des soldats britanniques, dans une débâcle sans nom. Les côtes anglaises sont si proches, et si éloignées en même temps!

Les chasseurs allemands piquent, mitraillent bombardent, et les cadavres se multiplient dans une atmosphère de vacances gâchées; le long de ces plages de sable fin et d'un bord de mers aux villas blanches.

Les soldats français, en rupture de régiment, sont plutôt dans l'impossibilité d'embarquer pour Albion. Ils se regroupent au hasard des popotes . Certains se résignent à attendre d'être fait prisonniers, d'autres tenteront d'embarquer... Certains même de prendre une tenue civile en se faisant passer pour des habitants du coin.

Un week-end qui dure, où l'auteur suit plus particulièrement le sergent Maillat et son retour périodique à la popote où il retrouve Pierson, Dhéry et Alexandre rejoints , un temps, par Pinot et son fusil-mitrailleur.

Week-end à Zuydcoote, un morne épisode de guerre et une lente apocalypse racontée du côté perdant.

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La Mort est mon métier

C'est un ouvrage tout à fait fascinant. La vie de Rudolf Höss (Rudolf Lang dans le livre) défile sous son regard, Robert Merle nous délivre toute la profondeur sombre de son âme (car il en a une, oui c'est homme). Malgré le courant juste après guerre voulant déshumaniser le régime nazi et ses exactions, Robert Merle prend le parti de faire de Rudolf Höss un être humain dans toute sa complexité et de nous livrer une partie de sa biographie qui est inspirée entretiens avec l'intéressé.

L'intérêt de vouloir montrer l'histoire sous cet aspect est de tenter de permettre de comprendre la mise oeuvre des mécanismes menant à l'extermination massive de peuples mais aussi de mettre en garde sur sa faisabilité.

Plusieurs ingrédients sont présents après la première guerre facilitant la mise en place d'un régime autoritaire, comme l'humiliation du peuple allemand, démilitarisé, endetté, qui produisent la haine, l'esprit revanchard et l'extrémisme.

Reste à savoir quels sont les hommes qui vont pouvoir dans ce contexte servir les desseins du nazisme, quels sont les hommes qui vont pouvoir servir la cause les yeux fermés.



Rudolph a pendant son enfance une éducation rigoureuse, une éducation protestante, la religion est omniprésente. On lui apprend à obéir, à se plier à la règle du père de famille et à ne jamais lui mentir sous peine des pires humiliations. Aussi le petit Rudolph ne doit rien faire sans qu'il en soit autorisé, les initiatives ne sont pas tolérées dans cette atmosphère familiale austère.

Destiné à une carrière religieuse, il prend la fuite pour s'enrôler dans l'armée alors qu'il a moins de 16 ans et s'illustre par ses faits d'armes pendant la première guerre mondiale.

il intègre peu à peu le parti nazi en prouvant sa ténacité, sa capacité de résistance (psychologique) et de soumission.

Lorsque le régime Nazi prend le pouvoir il est rapidement sélectionné "pour ses talents d'organisation et ses rares qualités de conscience".

A partir de là, la mise en place des camps et des méthodes d'extermination sont détaillées, montrant toute l'horreur et l'aveuglement dont ont été capable les décideurs jusqu'aux exécutants. Robert merle met aussi en évidence la manière dont a pu être mis en place un système reposant sur une hiérarchie structurée de telle sorte qu'elle permettait la déresponsabilisation de chaque échelon convaincu d'oeuvrer pour le bien de la patrie et même de l'humanité.



Un ouvrage à continuer à faire circuler à travers les générations.
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Roman historique lauréat du prix Goncourt publié en 1949 racontant la retraite d'un groupe de soldats français lors de la défaite franco-britannique lors de la seconde guerre mondiale. Mon titre est "week-end

chez ma mère'
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à Zuydcoote'
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