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Citations de Sándor Márai (675)


Les Juifs ont terriblement souffert et une part significative de ceux qui ont survécu a perdu, sous l'effet des souffrances endurées, son équilibre : ces Juifs-là veulent se venger. Ils ne savent pas que la réalité ne supporte pas la vengeance. La vengeance n'existe pas, seule la justice existe. La justice apaise alors que la vengeance n'engendre que de la vengeance au centuple.
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Comme pour certains types de musique, il faut du temps pour lire Proust, du temps pour que le système nerveux humain prenne possession de sa voix et de sa mélodie; on a besoin de quarante, cinquante pages avant de commencer à percevoir sa voix. Mais ensuite elle ne vous lâche plus.
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Il existe une sorte de vertu qui n'est autre que la confiance absolue en notre être, notre destin et nos inclinations.
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Désormais, il n'était plus seul. Ce qu'il ne pouvait supporter en somme, c'était de se sentir seul parmi les gens.
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Nous sommes tombés tellement bas que nous ne distinguons plus les contours de la fosse. La seule lueur qui clignote encore au ciel de notre vie est celle, rougeâtre, que la guerre allume autour des terres.

1944, p. 189
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(description des bains de Budapest, Hongrie, début du XXᵉ, note de Voui)

Un silence moite et dense régnait dans la salle aux voûtes soutenues par des colonnes séculaires. À travers les fentes percées dans la coupole par des fenêtres à vitraux, le soleil du mois de mai se déversait en rayons multicolores qui se perdaient dans l'eau fumante des bassins, la parsemant par endroits de taches rouges, bleues, vertes et jaunes, comme si, encore plongé dans les vapeurs alcoolisées du petit matin, un peintre ivre y avait mis ses pinceaux à tremper. Cette coupole, avec ses brèches de couleur lumineuses, faisait penser à la voûte céleste orientale dans un conte des Mille et Une Nuits, un ciel aux étoiles chamarrées brillant de tous leurs feux au-dessus de la misère et de la nudité des hommes. Car dans ces bassins trempaient des hommes de tous les âges, de tous les rangs, aux destins divers, de même que ceux allongés sur les bancs de pierre, le long des murs, nus, les bras croisés sur la poitrine, les yeux clos, semblables à des cadavres vieux de deux jours exposés en chambre funéraire, oubliés par la parentèle et dont les veuves ont déjà, en ce matin de mai, donné des rendez-vous galants aux fringants ordonnateurs des pompes funèbres au restaurant du Ramoneur dans le Bois de ville.
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Un silence moite et dense régnait dans la salle aux voûtes soutenues par des colonnes séculaires. À travers les fentes percées dans la coupole par des fenêtres à vitraux, le soleil du mois de mai se déversait en rayons multicolores qui se perdaient dans l’eau fumante des bassins, la parsemant par endroits de taches rouges, bleues, vertes et jaunes, comme si, encore plongé dans les vapeurs alcoolisées du petit matin, un peintre ivre y avait mis ses pinceaux à tremper.
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Le journal du matin annonce qu’il a fallu retarder les exécutions capitales à cause d’une grève des bourreaux -ils reçoivent dix forints par exécution, ils trouvent que ce n’est pas suffisant, ils exigent quinze forints par pendaison dans l’avenir. Il est certain que le coût de la vie a augmenté ces derniers mois (1947 - page 464).
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- A nous deux. Je me suis souvent demandé si la véritable essence de tous les liens humains n'est pas le désintéressement qui n'attend ni ne veut rien, mais absolument rien de l'autre et réclame d'autant moins qu'il donne davantage. Lorsque l'on fait don de ce bien suprême qu'un homme peut donner à un autre homme, je veux dire la confiance absolue et passionnée, et lorsqu'on doit constater qu'on n'est payé que d'infidélité et de bassesse... a-t-on le droit d'être blessé et de crier vengeance?
Conrad reste immobile dans son fauteuil et demande d'une voix enrouée:
- Tu parles de vengeance?...
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Les hommes leur rendraient toujours volontiers une partie de leur joie, car les dieux jaloux, quand ils accordent à un mortel le bonheur pendant une année, inscrivent aussitôt, en contrepartie, une dette qu'ils réclament à la fin de la vie avec des intérêts usuraires.

C'est exact, dit Conrad. Il faut toujours payer, finalement.
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Frérot ne dit rien, mais les autres convives dissertent savamment de la guerre, comme si elle était déjà là - et, du coup, la guerre ne parait plus aussi invraisemblable, aussi inconcevable qu'hier. Personne n'y croit, personne ne la souhaite, elle est encore loin, des mers et des montagnes la séparent toujours de la paix, le monde en reste encore aux marchandages et aux explications. Nul ne peut imaginer la façon dont se déclenchera cette guerre "moderne", ni prévoir quels seront les belligérants et comment ils se répartiront, ni l'effet que produiront des bombes de plusieurs tonnes et ces gaz qui tuent à la perfection - tout cela est absurde, invraisemblable, contraire aux itnérets de tous.
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Pas une fenêtre qui s’ouvrît, pas même un chat qui miaulât dans la nuit, car à cette heure tardive de la nuit ou plutôt en cet instant plus proche de l’aube, le peuple romain dormait d’un sommeil profond et si quelqu’un entendait le martèlement des pas et la lamentation des litanies, personne ne se précipitait hors de son lit pour contempler le pieux défilé ; on se tournait plutôt sur le côté dans un soupir ensommeillé : tout le monde savait qui psalmodiait dans la nuit et pourquoi.
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Désormais, je ne crains plus la mort, cette terrifiante inconnue non, c'est la vie que je regrette de quitter. Je reproche à la mort de me priver des saveurs et des parfums de l'existence. Au moment où mon père ferma les yeux pour toujours, je compris que la mort n'était ni un bien ni un mal, mais une chose neutre, dépourvue de tout caractère.
P. 567
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Autant ces Anglaises, dans leur pays natal, étaient pudiques, décentes, réservées et respectueuses des traditions, autant elles se déchaînaient et se mon traient affamées, avides de plaisirs, quand elles séjournaient de ce côté du « Channel ». Dans ce quartier mondain de Paris, elles se révélaient telles qu'elles étaient. En quelques semaines, j'appris à les connaître beaucoup mieux qu'au cours de mes longs mois de séjour en Angleterre.
P. 465
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Derrière les murs frais, l’été bourdonnait et fermentait. Dans son demi-sommeil, le général percevait le bouillonnement de la lumière torride, le bruissement du vent chaud dans les feuillages flétris et les mille rumeurs du château. Remis de sa première surprise, il ressentait une grande fatigue. On se prépare parfois, la vie durant, à quelque chose. On commence par être blessé et on veut se venger. Puis on attend.
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Lorsqu'un homme, au bord de la tombe, raconte avec sincé rité ce qu'il a connu de plus essentiel dans sa vie, il espère certainement que sa confession pourra venir en aide à d'autres.
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nombreux sont ceux qui confrontés à l'absurdité de la vie, oublient d'en souffrir
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Non, le printemps n'arrive pas - tout s'en va à vau l'eau, les journaux relatent d'étranges évènements ; des milliardaires se jettent même dans l'océan ; début avril, on n'entend pas encore le chant des pinsons. Décidément, le monde est sens dessus dessous.
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Déjeuner chez le banquier U. Les invités : l'un des directeurs de la banque, M. , l'avocat et B., la sommité financière, considéré comme l'un des rares hommes de l'avenir et garants d'une moyenne voie honnête, un homme d'État capable de développer la démocratie... ... Quand B. parle de "démocratie chrétienne" , je perçois à quel point nous nous somme éloignés l'un de l'autre... Je ne veux pas d'une "démocratie chrétienne" dont je sais pertinemment qu'en peu de temps, elle ne serait plus ni chrétienne ni démocratique et qu'elle rassemblerait sous sa bannière les masses contre-révolutionnaires les plus brutales. La démocratie sans la soupape de sécurité socialiste tomberait inéluctablement dans la contre-révolution. Il se peut que B. n'y croie pas ; moi, je ne peux concevoir ce projet autrement. Sans socialisme, il n'y a ni développement ni équilibre social. Personnellement, je ne peux pas m'engager dans le socialisme : je suis beaucoup trop attaché à mes origines, à mon passé et à mon nom, tout ce qui est mon emblème, et je ne voudrais pas que l'on m'accuse d'avoir trahi " ma classe et ma culture ", etc. C'est pourquoi je reste seul et je sais que, de ce fait, j'encours un danger moral. Mais je ne peux pas faire autrement...

En Europe, toutes sortes d'élections et, partout, ce sont les partis bourgeois et la droite qui ont le dessus. Mon Parti, celui de la justice et de la dignité humaine ( si tant est que cela existe...), n'a jamais le dessus. C'est normal qu'un tel parti n'existe pas : les hommes ne veulent ni dignité ni justice ; ils ont besoin d'argent facile, besoin de violence et aussi de jouer aux cow-boys. Se pourrait-il que, au fond de mon âme, ce soit ce qu'il me faut aussi et que je n'ose pas me l'avouer ? " 
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Et si tu pleurais ? Pourquoi pas ? Devant qui dois-tu faire preuve de maintien , de prestance ou d'importance ? Personne. Et puis, qu'est-ce que tout cela signifie ? Tu vis au milieu des ruines de ce qui était hier encore des foyers avec des ambitions, des chimères, de l'orgueil et de la passion. Aujourd'hui, à leur place, il n'y a plus que saleté, charognes, déchets. Tu te promènes sur le Bastion où tu t'est promené tous les jours pendant vingt ans, parmi des tombes de soldats et des carcasses de maisons - et alors ? Que reste-t-il de ce en quoi tu as cru, de ce que tu as affirmé et espéré durant ces vingt années ? Que vaut tout comportement humain ? Les hommes ont-ils tiré quelque leçon de cette guerre ? Tout est encore gangrené et à vif et déjà on se prépare à la prochaine, en criant à pleins poumons, comme si rien ne s'était passé. On fabrique de nouvelles bombes qui ne se contenteront pas de raser une ville jusqu'à ses fondations mais la feront disparaître entièrement, à tel point qu'il n'y aura plus rien qu'un désert et un trou à la place de toute création humaine. Et, une fois cette bombe "produite" ( quel terme terrible ! ), pourquoi ne pas la larguer ? Qui pourrait l'empêcher ? Voilà la prévision dûment renseignée que je lis dans un journal américain : 1) dans cinq ans, toute puissance dont c'est l'ambition - et laquelle ne l'aurait pas ? - possédera la force atomique, 2) dans quinze ans, l'Amérique possédera dix mille bombes atomiques, capables de détruire tout territoire connu de la planète et 3) d'ici treize à vingt ans, toute grande puissance aura à peu près le même nombre de bombes atomiques. Et ainsi de suite. Dans les esprits, une joie et un empressement de plus en plus sauvages : nous détruire tous et détruire tout ce qui restera encore. Alors pourquoi ne pleurerais-je pas ?
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