Citations de Sophie Brocas (234)
« J'ai cherché, tâtonné, admiré M. Rodin pour sa liberté. Mais j'ai refusé de rejoindre son atelier, car je crois qu'il ne pousse rien sous les grands arbres. Aujourd'hui j'ai trouvé mon chemin. Je suis heureux. »
Qui a dit que l’amitié est la petite sœur de l’amour ? Pourquoi pas sa sœur aînée ?
C'est difficile de dire non. Ça exige des arguments, ça se conquiert, ça s'affirme. Un oui, ça coule tout seul, ça se passe d'explications, ça ne résiste pas.
Alors quoi ? Ne serais-je donc que sa muse irréelle comme l'a dit Marthe un jour ? Une muse, ça n'a pas un gros ventre dans lequel pousse un enfant. Une muse, ça n'accouche pas dans le sans et les humeurs. Une muse, ça ne se met pas au ban de la société. Une muse ne respire pas, ne souffre pas, ne pleure pas. Une muse, elle inspire et c'est tout.
Femme et muse ne font qu une, deux faces d une même pièce, deux sources vives d une même inspiration, deux racines pour un seul attachement.
Les mots sont des coquillages vides. Ils ne rendent pas compte à leur juste mesure du chatoiement, de l emportement, des cieux prodigieux que je découvre entre ses bras.
Peut-être est-ce cela, le pardon. Renoncer à réduire un être humain à une étiquette, à un trait unique de sa personnalité, à un moment singulier de son existence. L'accepter dans ses différentes facettes, les chatoyantes et les sombres. Lui accorder le crédit du changement dans d'autres lieux, avec d'autres gens, dans une autre histoire.
[.] j'ai l'impression d'appartenir à une génération sans idéal politique, sans bataille collective, sans valeur à conquérir. Seules les victoires individuelles comptent. Elles écrasent les projets partagés parce que les droits de chaque individu sont présentés comme le nec plus ultra de la démocratie. "C'est ma vie, c'est mon choix et je t'emmerde" pourrait assez bien résumer l'état d'esprit de mes contemporains.
Son dynamisme est comme un couvercle posé sur son monde intérieur. La capacité de décision lui tient lieu de viatique.
p. 173 "Personne n'appartient à personne. Chacun s'appartient à soi. Or, qui peut nous obliger à aimer l'autre ? Et que faire lorsque le lien a disparu ? Rester par devoir ? Par convention sociale ?
Mais toi, tu es bien restée trente ans avec ton Alonso ?
Oui, mais ne crois pas que ce lien soit resté le même durant ces trente années. Il a évolué avec nous parce que cela correspondait à notre désir profond. Nous l'avons nourri par une attention vigilante à soi-même et à l'autre, nous l'avons cajolé, nous avons intriqué chaque brin de ce lien pour le renforcer. Nous avons recherché des intérêts partagés et respecté scrupuleusement la liberté de l'autre. Ce lien n'a jamais résumé ce que chacun de nous était mais il a maintenu ensemble les pans de notre amour. J'aurais détesté que mon Alonso reste avec moi sans y consentir, sans tendresse, par habitude ou par renoncement."
Mais on peut aussi parier sur la vie. Décider que la douleur ne nous aura pas, qu'elle ne mènera pas notre vie, ne sera pas notre destin. On peut se dire : OK, j'ai une grande balafre mais elle ne m'empêche pas de vivre si j'évite d'appuyer dessus. Cette cicatrice me donnerait presque du caractère, une allure tout à fait unique, si tu vois ce que je veux dire.
C'est difficile de dire non. Ca exige des arguments, ça se conquiert, ça s'affirme. Un oui, ça coule tout seul, ça se passe d'explications, ça ne résiste pas.
Ici, c'est le monde entier qui se presse, se croise, se hèle, s'interpelle, se moque, se découvre, se renifle, s'aime, se quitte, se retrouve, s'évite, s'invite. Tant d'accents rauques, de belles langues, d'inflexions chantantes, d'outrages à la grammaire, de verbes maltraités, d'expressions inventées, de moues à la place de mots qui tricotent un langage cosmopolite, coloré, poétique, vivant. Le Quartier Latin, c'est Paris qui relève la tête avec la fierté orgueilleuse de la jeunesse et qui éclate d'un rire franc à la face du vieux monde. p.68
C'est quoi pour toi, pardonner ?
Accepter, je dirais. Pas oublier ni se résigner. Encore moins se culpabiliser. Bien sûr, je n'aurais pas fait le même choix à sa place. Mais il faut que j'admette que les choses ont été ainsi, qu'elles ont été voulues ainsi. Pardonner, pour moi, c'est accepter qu'elle est différente de moi sans que je me trouve nul pour autant. p.215
Ce n'est pas parce qu'on est rugueux dehors qu'on n'est pas tendre à l'intérieur. Mais cela, je ne le savais pas encore. p.58
Les mots peuvent avoir le tranchant de la lame.
L'amour, ce n'est pas un gâteau qui diminue à mesure que tu distribues des parts. C'est même le contraire.
Mais la colère ne reflue pas comme ça, une fois qu'elle est montée à la tête des hommes.
LEUCEMIE. C'est un mot cru, tout nu, obscène, un mot terroriste, tu ne trouves pas? Il t'oblige à voir. Il te force à comprendre. Il sème la terreur. Ce n'est pas comme néoplasie, oncologie, ou d'autres mots compliqués qui ne se laissent pas aisément attraper par le commun des gens. Non, leucémie, c'est la mort qui s'invite avec sa morgue dans ta maison.
p.30 : "J'aime être malade. Sentir des muscles dont j'ignorais tout, des nerfs insoupçonnés. J'aime cette indolence qui m'empêche de revoir mes leçons. Mes cheveux qui cascadent en boucles. L'odeur épicée de mon corps quand je ne le lave pas. Mes petits seins en liberté sous la robe de nuit. J'aime la certitude que ces douleurs seront bientôt anéanties, terrassées par ma jeunesse. Demain ou dans deux jours, j'aimerai, je le sais, la paix de la bonne santé recouvrée."