Citations de Yves Viollier (162)
J'étais jeune, et je n'avais pas choisi le sacerdoce pour me soumettre à un riche Lucien Rougier.
Puisqu'on m'interdisait de passer par la porte, j'étais bien décidé à entrer par la fenêtre.
Olivier ne le savait pas encore, mais ils étaient alors des sans-terre, les derniers des derniers, ceux qu'on appelait ici des ramasseurs de moules, qui trouvaient l'indispensable pour survivre dans ce que la mer abandonnait. Pourtant, en cet instant, il n'avait pas l'impression d'être un malheureux, parce qu'ils étaient en train de vivre l'un des moments les plus heureux de leur existence à tous les trois.
- Qu'est-ce qui est arrivé ? demanda-t-il, la voix brisée.
- Ton Edmée est tombée dans le jardin, la veille du 11 novembre. Nous étions à cueillir des poires...
Elle avait apporté une serviette, et elle lui essuyait le visage, les cheveux.
- .... Quand les cloches ont sonné pour annoncer que la guerre était finie, elle était au lit, rouge comme un tison. Elle a dit en souriant : "Pourvu que je sois guérie quand Antoine reviendra." Le médecin est venu. Mais on savait déjà qu'elle était prise par cette grippe espagnole qui a couru au secours de la guerre.
Les héritages sont parfois lourds à porter dans un village. On connaît tout de vous, vos parents, les histoires, le passé, les croisements, les réussites, les échecs.
Il évoque le héros de 1793, tué par les soldats bleus, à la mémoire duquel on inaugure ce monument. Il avait soixante-douze ans. Les Bleus qui l’avaient arrêté lui avaient promis la vie sauve s’il criait « Vive la République ! » Il a ouvert les bras et crié « Vive Jésus ! » Les Bleus lui ont coupé les oreilles, arraché tous les ongles. Ils n’ont réussi à le faire taire qu’après lui avoir coupé la langue, avant de l’achever.
On est l'enfant de ceux qui nous ont élevés.
La laine des vêtements est lourde de pluie glacée. Les chapeaux dégouttent. Le vent qui charrie les nuées perce les chemises, gèle les mains. Le froid succède à la pluie.
Ils étaient quatre,alignés côte à côte, avec leurs pelles emmanchées de fer.Des manches de bois ne résistent pas à ces terres -là .Ils formaient un tableau tragique comme sur certaines peintures realistes.La terre noire du marais s'étalait jusqu'à l'horizon, sans arbres ,tachée de quelques touffes de tamarins dépouillés. Et elle se perdait dans le ciel chargé de nuages lourds.
J'ai reconnu Jean-Marie en avance d'une enjambée sur les trois autres.Plus vif et efficace il enfonçait la pelle d'un coup de sabot avec une force brutale qui paraissait déborder de lui.Il soulevait la motte sans effort des reins comme les autres .Il pleuvait.Le vent alternait les rafales sèches et mouillées. J'étais enfondu comme eux et ,comme eux sans doute,je redoutais davantage les rafales sèches qui glaçaient les vêtements mouillés. Je marchais tête baissée. J'avais hâte de rentrer chez moi.Et j'imaginais déjà les lamentations de maman me reprochant d'être sorti par un temps pareil.
Avec sa mère ,elles faisaient la lessive deux fois par an.Elles allaient à Javerlhac à la rivière. A cinq kilomètres !
Elles allumaient le feu sous une grande ponne ,un bassin en grès au Grand-Gillou .Elles mettaient le linge à bouillir,parce que les draps de lin tout ça, avec le temps y en avait vingt,trente.Et puis les chemises,les culottes.Le lendemain elles chargeaient tout ce linge que les boeufs transportaient au Bandiat. Et brosse que je te brosse!
Toinou esquisse le geste.
Elles brossaient les cols en toile de coton et les poignets des chemises.Elles lavaientt la toile .Et rince!......
....Toinou et sa mère brossaient des tas ,des mouchoirs,des essuie-mains.Y en avait des pleins sacs, trois, quatre grands sacs.Elles lavaient toute la journée !Et les boeufs retournaient chercher tout ça, le soir.
Elles utilisaient de la lessive?eh ben ,des cendres!Des cendres qu'elles avaient emportées dans des sacs.
Elle m'a dit que les gens qui comptent pour chacun de nous continuent de nous accompagner toute notre vie. Ils hantent nos moments les plus banals, surgissent quand on ne les attend pas, nous aident, orientent nos choix, marchent avec nous, infiltrés jusque dans les semelles de nos souliers.
Malidor avait commandé de quérir un tombeau pour ramener nos morts. J'ai éprouvé un curieux élan de plaisir en croisant l'un des nôtres qui brandissait les trophées de deux culottes de Bleus. Et j'ai compris que mon plaisir était de haine.
Depuis sa naissance, Clotilde est assaillie par des images de guerres, de meurtres, de violences, associées à un visage de femme dont elle ne sait que le nom : Sétima.Contre l'avis de ses proches, Clotilde est déterminée à découvrir toute la vérité sur cette femme qui la hante. Dans quelle aventure inouïe se lance-t-elle pour se libérer de ses fantômes? Jusqu'où suivra-t-elle Sétima ?
Pourquoi Dieu a-t-il inventé les hommes? Il n'y a pas d'espèce plus nuisible sur terre.
Je te dis que je n'aime pas ça !
Ce sont maintenant les heures les plus difficiles pour lui, où le sommeil le gagne. Rien ne l’indique, d’autant plus avec ce ciel sans ciel, mais le moment de bascule approche où la nuit s’organise pour laisser la place au jour, Pierre le sent dans sa tête, dans ses yeux qui se ferment. Le froid mouillé qui l’enveloppe et l’ankylose et lui pénètre maintenant la chair n’arrange pas les choses. Il faut qu’il soit robuste. D’autres tomberaient malades. Il faut qu’ils soient tous solides dans les loges de la forêt.
En ce mois de mai 1933,il y avait encore un Jacques Devineau à la Devinière, le grand-père ,mais tout le monde dans le pays l'appelait Galoche.
-Toinou!Toinou! cria le vieux Bordes, les mains en porte-voix autour de sa moustache blanche.
L'écho répétait d'un coteau sur l'autre les appels inquiets du bonhomme à sa petite Toinette.
-Toi-nou-ou!
-Hou!Hou!lui répondit un hurlement de l'autre côté de la rivière.
-Toinou!
Un autre hurlement sauvage monta des fonds qui s'enlisaient dans les fumées violettes du soir.Jean-Marie Chèze n'attendit pas.Il descendit le chemin qui tournait dans les profondeurs de la vallée. Il n'avait pas peur il était jeune ,souple ,armé d'un bâton ferré.
Le temps ne se lèvera pas , aujourd'hui.Les guenilles froides sont plus épaisses après les dernières maisons du bourg.Elles frissonnent dans l'air humide.Il y en a partout, pendues aux branches noires de chaque côté de la route.Elles traînent parfois jusqu'à terre et laissent tomber leurs gouttes aigres.
Le pays est poissé d'humidité et Totome renifle de plus belle en marchant.L'eau de l'air lui gorge les sinus et son nez coule comme un robinet. Il trompette pour le dégager.
Pour un temps de Toussaint, c'est un temps de Toussaint.
Il désigna l'humble toit de ferme, sur le côté, dans l'alignement des granges. La porte était ouverte. Un beau soleil oblique exaltait le parfum du buis et de la touffe de pivoine poussée au pied.
— Je n’aimerais pas être jeune aujourd’hui. Oh… non, parce qu’ils sont trop gâtés. Vous ne croyez pas ? Ils ne sont pas plus contents que moi qui ai jamais rien eu, puisqu’ils ont jamais assez. Quand ils ont ça, ils veulent autre chose. Alors, ils sont pas heureux.