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"Poète-truand", mis en musique par Georges Brassens (Ballade des dames du temps jadis, par exemple), François Villon était un repris de justice. Bagarreur, voleur et même meurtrier.

« Baise m'encor, rebaise moy et baise / Donne m'en un de tes plus savoureux / Donne m'en un de plus amoureux / je t'en rendray quatre plus chaus que braise / ... Jouissons-nous l'un de l'autre à notre aise » *** Avec ces mots chauds et sensuels, Louise Labé semble affirmer, chose rare pour une femme de l'époque, le plaisir féminin. *** Mais il faut être prudent avant d'évoquer un manque de vertu chez la poétesse lyonnaise du 16e siècle, surnommée La Belle Cordière. Car on ne sait presque rien de sa vie, et les avis sont très partagés. Pour certains, comme Mireille Huchon, elle n'est qu'une créature de papier qui n'a jamais existé. (En 2005, pourtant, les oeuvres de Louise Labé sont inscrites pour la première fois au programme de l'agrégation de lettres). D'autres lui prêtent toutes sortes de personnalités: nymphomane, lesbienne, guerrière. Veuve très tôt, elle aurait eu de nombreux amants. Dotée d'un grand charme, « la Belle Louise, dit un de ses biographes, qui ne vouloit pas que rien manquât à la satisfaction générale, ne sçut jamais refuser ses faveurs à ceux qui parurent les désirer. » *** Son intimité avec Clémence de Bourges acheva de flétrir sa réputation (Histoire des femmes écrivains de la France, Henri Carton, 1886). *** Prudence, donc, avec la Belle Cordière...

Les oeuvres de Donatien Alphonse François Marquis de Sade peuvent être lues sur le beau papier bible des éditions La Pléiade. Et ma foi, ce n'est pas immérité tant sa plume est admirable. Mais c'est le XVIIIe siècle littéraire qui est somptueux, peut-être le firmament de notre littérature. L'existence du "divin marquis", elle, a été moins reluisante. Il en a passé la majeure partie dans les geôles, à écrire et à s'insurger contre les lois, les moeurs et la peine de mort. *** "Détenu sous tous les régimes politiques (monarchie, République, Consulat, Empire) il a été emprisonné pour divers motifs, notamment pour dettes, empoisonnement et sodomie, puis enlèvement et abus sur des jeunes filles, et enfin pour modérantisme. Sur les soixante-quatorze années de sa vie, il a passé un total de vingt-sept ans en prison ou asile de fous. Lui-même, en passionné de théâtre, a écrit : « Les entractes de ma vie ont été trop longs ». (...)." *** Son nom est passé dans le langage pour évoquer toutes les tyrannies et cruautés, notamment sexuelles, qu'un individu livré à lui-même peut exercer sur d'autres, plus faibles que lui.

Histoire d'O est "un manifeste érotique voulu comme une réponse aux fantasmes sadiens des hommes qui fait d'elle la créatrice d'un nouveau genre, la littérature libertine féminine". Le livre décrit la jouissance de celles qui s'abandonnent et deviennent des esclaves sexuelles. Anne Cécile Desclos, dite Dominique Aury alias Pauline Réage, fut la compagne clandestine de Jean Paulhan. Sa vie durant, elle cultiva l'ambivalence sexuelle, les doubles vies et les engagements politiques contraires, de Vichy à la Résistance.

En 1662, Molière épousa Armande Béjart, de 20 ans sa cadette, et dont on ne sait pas très bien si elle fut la fille ou la soeur de Madeleine Béjart. Cette dernière fut auparavant la compagne de l'acteur écrivain. Naturellement, les ennemis de Molière l'ont accusé d'inceste mais le roi soutint l'auteur et devint le parrain de son premier fils en 1664.

" Apôtre de la tolérance, le prince des Lumières a aussi sa part d'ombre. Il se révèle misogyne, homophobe, antijuif, islamophobe. Quelle faute ! " (Roger-Pol Droit, Le Point, 02/08/2012)

La plume de Jean-Jacques Rousseau est admirable. Lire ses Confessions et ses Rêveries d'un promeneur solitaire est un régal. Il postule un Homme naturellement bon, corrompu par la société. Dans Emile ou de l'éducation (1762), il expose les principes d'une éducation conforme à la nature. Mais il a aussi "abandonné" ses 5 enfants à l'Assistance publique (il essaie de se justifier dans les Confessions).

La vie d'Antoine François Prévost d'Exiles, dit l'abbé Prévost, fut très agitée et l'on ne peut pas dire qu'il se soit abimé dans l'amour de Dieu et la contemplation cloîtrée du miracle divin. Il fut aussi soldat, déserteur, officier. Il prononça des voeux à plusieurs reprises, chez les jésuites, les bénédictins, connut plusieurs exils, en Hollande notamment, mais aussi en Angleterre, où il chercha à épouser une jeune fille. Il retourna en Hollande, et se lia avec une aventurière. Criblé de dettes, il a souvent fui ses créanciers en s'exilant.

"Le connétable des lettres", total réactionnaire partisan d'un monarchisme intransigeant et d'un catholicisme ultramontin, fut aussi un dandy désordonné. Avec ses nombreuses passades et les fêtes de plaisirs et d'alcool qui meublaient son existence, il fut aussi surnommé le « Roi des ribauds » ou encore « Sardanapale d’Aurevilly ».

"Poète de la charogne", qui élargit le domaine de la poésie au mal et à l'horreur, Baudelaire mena une vie dissolue de dandy endetté, adonné aux drogues (haschich et opium) et il dût être placé sous tutelle judiciaire.

"Poète maudit", sa vie privée est effroyable. Alcoolique, il cherche plusieurs fois à tuer sa mère. Marié et père d'un enfant, il les délaisse pour Arthur Rimbaud, sur lequel il tire au revolver ( il écope de deux ans de prison pour cet acte).

Ecrivain précoce encouragé par Cocteau, Radiguet est mort à 20 ans, en laissant quand même 2 romans ayant rencontré un certain succès: Le Diable au corps et Le Bal du comte d'Orgel. La brièveté de son existence a permis de contenir les outrages aux bonnes moeurs causés par ses multiples liaisons et sa vie désordonnée. Ainsi de sa relation à 14 ans, en 1917, avec la jeune épouse d'un soldat envoyé au front (cette histoire lui inspire le Diable au corps et le personnage pathétique de Marthe).

Proust, les bordels et la rumeur de l'homme aux rats... Proust aussi était un homme bizarre et cachait certains vices. Ce bâtisseur d'une cathédrale de mots, que l'on regarde comme un sommet isolé de la littérature du XXe siècle, au sujet duquel les proustologues glosent sans fin, et à propos duquel les proustolâtres ne cessent de se pâmer, Proust donc, qui portait haut l'esthétisme et le raffinement, était aussi un habitué des bordels, notamment ceux fréquentés par les soldats. Aux dires de certains (Maurice Sachs, Jouhandeau, Gide, Cocteau et du tenancier d'une maison close pour invertis dont Proust était un client assidu), le fantasme de l'auteur aurait consisté à poursuivre des rats, à les attraper et à les transpercer avec des aiguilles à chapeau. Ou à trouver sa jouissance à les regarder s'entretuer. Mais où le plaisir sexuel ne va-t-il pas se nicher !

Bien que Montherlant ait toujours affirmé par principe que Les Garçons était une oeuvre imaginaire, il semble établi que l'auteur a entretenu des relations très intimes avec de jeunes adolescents.

L'uranisme de Gide est connu, et en particulier son attirance pour les jeunes hommes ou garçons. Ses vues personnelles sur la question sont exprimées dans Corydon, mais ses Carnets d'Egypte, récit d'un voyage réalisé au début 1939, évoquent aussi cette préférence sexuelle.

Ministre de la culture du Général de Gaulle, Malraux semble aussi illustrer une grande fumisterie artistique avec ses expéditions en Indochine. En 1923, il a en effet volé des chefs d'oeuvre au Cambodge, n'hésitant pas à décapiter des statues du site de Banteay Srei, pour les rapatrier en France. Il fut condamné à une peine de prison ferme pour ce pillage. Cléments, les juges de la cour d'appel ont néanmoins réduit la peine au sursis, après recours contre le jugement de 1ère instance.

Colette a été très libre de moeurs. Sa conduite n'a pas manqué de faire scandale, même si elle a aussi symbolisé les débuts de l'émancipation féminine. A 47 ans, elle cocufie son second mari, Henry de Jouvenel avec son fils Bertrand de Jouvenel, âgé de 17 ans (issu d'un premier mariage).

Figure tutélaire de la littérature française du XXe siècle, après Proust son anti-thèse, il est devenu infréquentable à partir de 1936, pour ses propos racistes, ses pamphlets anti-sémites délirants et ses accointances avec l'Occupant nazi. Côté hygiène de vie, il était du genre sobre et semblait peu porté à la licence. Il ne fumait pas, ne buvait pas et mangeait peu. Côté sexe, il s'entichait très vite des danseuses et a même avoué être un voyeur : "étalon très modéré, la vue, le palper m'enchantent à souhait, m'enivrent, m'inspirent - je donnerais tout Baudelaire pour une nageuse olympique ! - Pas violeur pour un sou, mais voyeur à mort !" (lettre à Milton Hindus, 23/08/1947). Gageons qu'au regard des chefs d'accusation qui l'accablent, ce pêché avoué pourra paraître bien véniel ...

Sartre et Beauvoir ont conclu très tôt un mignon petit pacte d'amour sur mesure, pour s'autoriser l'un l'autre toutes amours contingentes nécessaires au plein épanouissement de leur liberté respective. Avec ses élèves, Le Castor (Simone de Beauvoir) servait même de rabatteuse et pourvoyeuse de chair fraîche à Sartre, pour être sûre de le garder (cf. Bianca Lamblin, Mémoires d'une jeune fille dérangée). Ce dernier aurait même eu jusqu'à 7 maîtresses en même temps, leur promettant le mariage, en vertu d'un "code moral temporaire". *** On dit que science sans conscience n'est que ruine de l'âme, mais que dit-on pour Liberté sans conscience morale ? Décidément, chez Sartre, la laideur n'était pas qu'extérieure ...