Ainsi parlait Maître Eckhart

Aucun vase ne peut contenir deux sortes de boisson. S'il doit contenir du vin, il faut le vider de son eau : le vase doit être vide et nu. C'est pourquoi, si tu dois recevoir Dieu et la joie divine, il te faut absolument te vider des créatures.

Des lors que tout ce qu'il y a de bon et de consolant ici-bas, n'a été confié à l'homme qu'à titre de prêt, qu'a-t-il donc à se plaindre si celui qui a prêté veut reprendre ?

Personne ne vient réellement au Fils, en tant qu'il est Fils, que celui qui lui-même devient fils. Personne n'est là où est le Fils, un dans l'Un dans le sein et le coeur du Père, que celui qui lui-même est fils.

Si l'homme est bon, il veut tout ce que Dieu veut, et non pas que Dieu veuille ce qu'il veut lui-même. Ce lui serait grand tort.

Le médecin est là pour guérir les malades. Mais si quelqu'un comprend cette parole de travers, est-ce la faute de celui qui enseigne avec justesse une parole qui est juste ?

Lorsqu'un maître fait une statue de bois ou de pierre, il n'introduit pas l'image dans le bois, mais il détache les copeaux qui la recouvraient et la cachaient. Il n'ajoute rien au bois, mais il lui prend, il retire la carapace et enlève la rouille : alors peut resplendir ce qui se trouvait caché au-dessous.

Sois un, afin de pouvoir trouver Dieu ! En vérité, si tu étais justement un, alors tu resterais un jusque dans la différence, et la différence te serait une et ne pourrait plus en rien te faire obstacle.

Les gens me disent souvent : "priez pour moi!" Je pense alors : Pourquoi sortez-vous ? Pourquoi ne demeurez-vous pas en vous-mêmes et ne prenez-vous pas dans votre propre bien? Et pourtant vous portez en vous, par essence, toute la vérité!

Tel est le vrai détachement : que l'esprit, face à tout ce qui lui arrive d'agréable ou de douloureux, honneur, honte ou infamie, aussi impassible qu'une large montagne face à un vent léger

Un homme serait-il en extase comme le fut saint Paul, s'il avait connaissance d'un malade qui ait besoin de recevoir de lui un peu de soupe, je trouverais bien préférable que par amour il renonce à son extase, et avec un plus grand amour porte secours au malheureux.

Quand l'âme entre dans la lumière sans mélange, elle pénêtre dans son rien de rien, si loin du quelque chose créé dans ce rien absolu, qu'elle ne peut absolument pas revenir, par sa propre force, à son quelque chose de créé.