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EAN : 9782714456717
216 pages
Belfond (07/05/2014)
3.74/5   29 notes
Résumé :


A Francfort, en 1936. La ville est surexcitée. Bourgeois, commerçants, employés, tout le monde s'agite. Partout des banderoles, des oriflammes, les uns ont mis leurs plus beaux habits, les autres leurs uniformes tout neufs. Le Führer vient d'arriver, il prendra la parole à l'Opéra.

C'est la fête. Gaie, vive, jolie, Suzanne Moder a dix-huit ans. Avec ses amies, elle se moque des garçons dans leurs tenues de parade. Certains paraissent ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Chaque livre m'en ouvre d'autres. Chaque livre me propose une chaine de lecture et je mords souvent a l'appat. Je ne suis surement pas seul dans mon cas. Cette fois-ci le Loin d'ou? de Magris m'a appris que Joseph Roth avait eu une liaison relativement longue avec une auteure allemande exilee comme lui: Irmgard Keun. Je ne connaissais pas, mais aiguillonne, je me suis mis frenetiquement a chercher une de ses oeuvres. Par chance, Apres minuit a ete reedite dernierement.

Ce livre, ecrit en 1936 (quand elle est avec Roth), publie en 1937 en Hollande, est une critique aceree du nazisme et de la societe allemande d'avant-guerre. Mais une critique drapee d'une prose fraiche, cristalline, le soliloque d'une jeune femme qui se proclame elle-meme ingenue et naïve mais ne l'est pas pour un sou, et nous sert, avec un sens de l'observation tres aigu et beaucoup d'ironie sous-jacente, d'incisifs portraits de tous ceux qu'elle croise, campagnards et citadins, gens du peuple et intellectuels, couples de ses pensees, ses doutes, ses apprehensions, dans un discours descriptif et reflectif en un seul et meme temps. Son regard innocent mais sagace permet a l'auteure de denoncer ceux – une majorite du peuple – qui consentent a toutes les indignites par interet, peur ou couardise.

L'heroine, Suzanne Moder, que tout le monde appelle Suzon, avoue ne pas comprendre grand chose a la “doctrine" mais saisissant que tout geste, toute parole, peut etre dangereuse, se retournant contre celui qui l'esquisse ou la prononce, sait intuitivement se proteger. Mais elle observe tout, parle peu, garde tout pour elle, et ses remarques additionnees deviennent une chronique lucide des annees de consolidation du regime nazi, une denonce precoce de l'effondrement d'un peuple dans la barbarie. Rien qu'autour d'elle, son pere a renie son propre fils, sa tante la denonce a la Gestapo, son frere, ecrivain a succes, est force de changer ses ecrits et de “s'aligner", son fiance est jete en prison pour des mois sans qu'il sache pourquoi. ”Nous vivons sous le signe du mouchard. Chacun surveille chacun : chacun a barre sur chacun. Chacun peut faire jeter chacun en prison. Bien peu resistent a la tentation d'exercer ce pouvoir. Les plus nobles instincts du peuple allemand sont eveilles et entretenus avec soin”.

La fraicheur ironique qui imbibe les propos de Suzon devient poignante vers la fin. Un autre ecrivain (c'est tres possiblement un portrait aigre-doux de Roth, beau-parleur, moqueur et provocant: “Heini seul est encore lucide et mechant") se suicide, et elle-meme est forcee de fuir, de s'exiler avec son fiance, s'ils veulent vivre. Apres minuit. Parce qu'en Allemagne c'est la nuit noire.

Un livre (et une auteure) a redecouvrir. Drole et douloureux. Qui attaque le nazisme et les nazifiants par le ridicule. C'etait avant les exces du regime. C'etait tres juste et tres courageux alors. Il procure encore aujourd'hui, avec un talent stupefiant, un remous d'emotion.
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Il faut se pincer pour croire que ce roman a été rédigé en 1937. Il décrit la société allemande « après minuit » car à minuit la radio joue l'hymne national et en 1937 il est même national-socialiste. L'Allemagne est-elle toute entière enfiévrée de son amour pour le Führer ? On se presse aux parades pour l'admirer mais c'est surtout parce qu'il est hors de question de ne pas se précipiter à un spectacle gratuit. Et puis, sait-on jamais ? Rester chez soi un jour de liesses peut conduire au poste, si un voisin malintentionné vous signale à la police comme suspect d'idées subversives. Depuis qu'Hitler a réalisé l'union du peuple allemand, tout le monde se jalouse et s'épie.
Il faut croire que la pureté à laquelle chacun aspire n'est pas de ce monde. Non seulement les Juifs sont partout mais on les découvre même dans sa propre famille. L'épouse chérie est répudiée, qui s'était laissée emmenée à l'église alors qu'elle avait une grand-mère juive. Peut-on encore aimer? le mieux serait sans doute de ne plus éprouver de sentiments mais qui sait si cela sera encore toléré dans quelques mois ou même demain ? Il est bien difficile de savoir ce qu'exige l'idéologie aryenne. Doit-on s'extasier sur l'engagement physique d'Hitler mouillant sa chemise pour emporter son peuple par ses discours ? Ou faut-il pieusement détourner les yeux de sa transpiration qui fait de lui un simple homme ? À force de se vouloir esprit subtil, une végétarienne ne pense qu'à la nourriture en se concoctant toute la journée des jus diététiquement irréprochables.
Mais Hitler n'est pas seulement le messie au corps sanctifié, il est surtout l'image même de la mère patrie dont les enfants abusés réclament l'amour vache. Tous les personnages souffrent d'avoir une relation viciée avec une mère intrusive qui les empêche de s'émanciper et devant laquelle ils se soumettent.
Aussi tous les Allemands sont-ils coupables. de rester. D'avoir les moyens de s'exiler. de rire et d'aimer alors qu'il existe des camps de concentration. de croire que l'art est compatible avec le Reich (Si l'Allemagne est devenue un paradis, de quoi va-t-on parler? de l'envergure d'une aile d'ange? Et si on pense qu'elle ne l'est pas, on ne pourra le dire et encore moins l'écrire)
Reste le suicide ou la fuite désespérée. Reste aussi l'ironie légère qui imprime tout le roman, la candeur d'une narratrice pour qui le Führer est nu comme le roi d'Andersen et dont on espère contre toute évidence que le monde hors de l'Allemagne saura la recueillir.
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Suzanne est une jeune fille de 18 ans qui habite à Francfort chez son demi-frère Algin. 1936, la ville prépare l'arrivée du Führer. Tout est mis en place pour faire la fête. Mais Suzanne est inquiète, elle s'interroge sur l'évolution du pays. Des dénonciations à tour de bras, des perquisitions, les juifs montrés du doigt ne la rassurent pas. Elle est à l'affût de toutes les conversations avec ses amis pour se faire sa propre opinion. Car elle n'apprécient guère ces changements, elle ne comprend pas la "doctrine", et n'ose pas demander de peur de se faire mal voir.
Eric-Emmanuel Schmitt commentera dans sa préface avec la phrase suivante: "Au fond, le nazisme prospère sur l'ignorance plus que sur la connaissance qu'en ont les Allemands."
J'ai préféré lire la préface après le roman et je ne regrette pas, il m'a permis d'éclairer la compréhension de la situation en Allemagne à l'époque de la montée du nazisme. Ce roman est l'un des rares témoignages écrits à cette période.
L'histoire peut vous sembler partir dans tous les sens, c'est l'impression que j'ai pu avoir au début de la lecture du roman. Mais en faite, cette structure reflète exactement l'incertitude, les doutes qu'ont pu ressentir le peuple allemand, je pense, mais ce n'est juste que mon avis.

Je remercie les éditions Belfond et l'opération masse critique qui nous permet toujours de faire de nouvelles découvertes. Je félicite également les éditions Belfond pour la mise en place de leur collection "Vintage" qui nous invite à lire des chefs d'oeuvre oubliés. J'ai déjà mis dans ma PAL deux autres livres de cette collection.
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Sur le 4ème de couverture, le livre est présenté comme un témoignage unique sur les tensions, les ambiguïtés et l'hystérie régnant dans l'Allemagne des années 1930, dénonciation sans appel de l'horreur totalitaire, un roman plein de charme et d'humour, lors même qu'il décrit les premiers instants d'un cauchemar.

Ce que j'en pense : Assurément, cet Après minuit sort de l'ordinaire et, une fois de plus, on ne peut que féliciter la superbe collection Belfond Vintage d'avoir mis la main sur ce livre dont je n'avais jamais entendu parler .

Tout d'abord , écrit en 1937, il nous livre une analyse fine et inédite de l'Allemagne dès les premiers moments de la montée d'Hitler au pouvoir. Ensuite, j'ai particulièrement apprécié le fait que le récit nous fait suivre des personnages d'opinion différentes, la majorité admire le Führer et se laisse bercer par ses promesses. Pour les autres la vie devient difficile et la répression est partout.

Comme il est simple déjà de se débarasser des genants en les dénonçant sous prétexte de communisme ou de pensées subversives. Evidemment, on a déjà lu et vu quantités de témoignages sur cette période charnière de l'Histoire, mais ici, s l'atmosphère, puisque le livre est écrit par une écrivaine de l'intérieur, est particulièrement bien rendue.

On appréciera également la belle préface du décidément omniprésent Eric Emmanuel Schmitt qui éclaire de belle façon l'ouvrage avec notamment une phrase qui résume bien le bouquin: "Au fond, le nazisme prospère sur l'ignorance plus que sur la connaissance qu'en ont les Allemands."
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Un mouton noir dans le troupeau

Dans cette Allemagne d'avant guerre, on suit Suzon, dix-huit ans. La jeune femme qui aspire à des choses légères, de son âge, n'est pourtant pas dupe de ce qui se passe : montée de l'anti-sémitisme, querelles intestines au sein des activistes du parti national-socialiste, délation abusive, autoritarisme et restriction des libertés individuelles, idéalisation d'Hitler, endoctrinement et autres dérives. Suzon jette un regard éclairé sur les évènements et nous donne accès à l'état d'esprit particulier dans lequel se trouvaient les allemands à cette époque.

La préface d'Eric Emmanuel Schmitt est un condensé de ce roman. L'auteur éclaire de son regard la lecture à venir d'Après minuit et met le récit en lien direct avec le vécu de son auteure, Irmgard Keun. Cette dernière black listée par les nazis du fait de ses écrits, choisit de s'exiler ainsi que d'autres écrivains aux Pays Bas. Elle reviendra en Allemagne sous une fausse identité, mais noyée dans l'alcool et n'écrivant plus, s'y fera oublier.
Ses romans remis au goût du jour par des féministes permettent à Irmgard Keun d'être aujourd'hui connue dans le monde entier.

Après minuit se construit sous la forme de courts récits anecdotiques livrés par Suzanne Moder, dite Suzon. de son arrivée à Cologne, auprès de la détestable tante Adelaïde et de son cousin Franz jusqu'à son installation à Francfort auprès d'Algin, son demi-frère écrivain, et son départ du pays.
La jeune Suzon, au gré de ses fréquentations (juifs ou allemands, artistes et nantis formant la jeunesse dorée) et sorties dans les brasseries allemandes ouvrent un regard circonspect et critique sur ses concitoyens, plus ou moins endoctrinés et, par là, sur la société allemande de l'époque qui voulait se construire un visage parfait à l'image du Führer.
Le roman oscille entre cette légèreté de ton liée aux récits de ces soirées entre jeunes femmes et hommes, plus ou moins éclairés, et la noirceur à laquelle les réflexions et tristes constatations de Suzon aboutissent. L'esprit de fête est ainsi souvent entaché de doutes, de craintes quant à ce qui peut être dit, fait non seulement en ces lieux investis aussi par les gradés de la SA ou SS mais aussi chez soi. Notre narratrice nous décrit à la fois le sentiment nationaliste et la terreur qui viennent gangréner l'esprit de chacun, les poussant à la délation pour un oui, pour un non ; pour gagner quelques échelons ; pour être irréprochable aux yeux des militaires et de la Gestapo aussi.
Suzon nous raconte aussi ces hommes et ces femmes devenus lâches, qui ont agit parfois par peur plus que par conviction. Elle raconte l'aveuglement de ses contemporains qui se sont laissés endormir par l'idéologie nazie et qui ont laissé faire. Enfin "laissé faire"... non, beaucoup ont pris une part active dans cette glorification du Nazisme, d'Hitler et ce qui a conduit le monde à la guerre de 39-45 et à l'extermination de millions de juifs et Hommes du monde entier.

Après minuit est intéressant pour cette vision de l'intérieur qu'il donne de ce qu'était l'Allemagne à la fin des années 30. C'est un regard quasi auto-biographique parce que nul doute que l'auteure, Irmgard Keun, sous les traits de personnages fictifs s'est inspirée de son propre vécu pour écrire ce roman. Ecrit en 37, la critique qui y est faite est déjà très lucide.
Lien : http://quel-bookan.hautetfor..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
[Le personnage de Heini est un peu, beaucoup, un portrait grincant de Joseph Roth, avec qui l'auteure avait une liaison quand elle ecrivait ce livre. Dandine]

Heini a passe son bras autour de moi. Sa voix un peu rauque est si enveloppante… Je pourrais l’ecouter pendant des heures, il m’arrive meme de comprendre ce qu’il a voulu dire.

Heini n’a-t-il pas dit : « La chair des femmes et la viande de boucherie ont besoin d’une lumiere savante. L’eclairage, c’est tout dans la boucherie et dans les boites de nuit. »

Heini est venu.« Bonsoir, madame, dit-il en lui baisant la main. Que vous etes belle, un peu barbare. Tiens, vous avez du sang aux oreilles… Ah ! ce sont des rubis. Splendides. »

Heini: -- Un ecrivain ne doit avoir peur de rien quand il ecrit, ni de ses propres phrases, ni de Dieu, ni du monde. Un ecrivain qui a peur n’est pas un ecrivain.
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Les Juifs de la bonne societe restent le plus souvent chez eux. S’ils veulent sortir et se montrer, et voir d’autres gens, ils ont encore trois cafes a Francfort. Ce sont les plus beaux et c’est bien dommage pour les Aryens de ne pas oser s’y montrer. Ils ont tout lieu de craindre, s’ils y vont, de voir imprimer dans le Sturmer qu’ils sont aux gages des Juifs. S’ils sont fonctionnaires, c’est pour eux la mise a pied. Il y a tout juste quelques Aryens assez braves pour s’y risquer, quand ils n’ont pas de situation a perdre. Au café du Rossmarkt, quelques Juifs courageux osent entrer. Ils boivent de la biere claire qu’ils n’aiment pas, pour ne point attirer l’attention et pour se donner l’air d’etre des Aryens. Du coup, dans ce cafe, les Aryens ne boivent pas de biere.
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Betty Raff s’occupe de tout ce qui ne la regarde pas ; c’est une belle ame. Elle veut venir en aide aux gens, les reconcilier. Par grandeur d’ame elle se mele de tout et met partout la discorde. Heini la connait bien: il l’appelle « le coin empoisonne ».Deux personnes ont une dispute; ce ne serait rien et elles se raccommoderaient la minute d’apres si Betty Raff n’intervenait pas pour leur faire faire la paix. Les gens que Betty Raff veut reconcilier sont brouilles pour la vie. « La banquise », disait Heini en parlant d’elle.
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Algin est venu nous rejoindre. Pâle et sombre, il est assis là, les yeux creusés, les mains blêmes à plat sur la table. Il a encore reçu une lettre de l'Office de contrôle des gens de lettres. On va procéder à une nouvelle épuration des écrivains: on va le passer au crible; cette fois-ci, sans doute, il va être sacqué. Il pourrait peut-être se tirer d'affaire en écrivant un long poème sur le Führer: il n'a pas encore pu s'y résoudre.
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Vidéo de Irmgard Keun
Interview with Martina Keun-Geburtig, daughter of late Weimar author Irmgard Keun. Produced in 2011 by the German Book Office New York.
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