Les fondations commencèrent à soutenir l’ANC, qui ne tarda pas à attaquer les organisations plus radicales comme le Black Consciousness Movement [mouvement de la conscience noire] de Steve Biko et à les éliminer peu ou prou. Lorsque Nelson Mandela prit le pouvoir en tant que premier président noir d’Afrique du Sud, il fut canonisé de son vivant, non seulement pour avoir passé vingt-sept ans en prison en tant que combattant de la liberté, mais aussi pour s’être complètement plié au consensus de Washington. Le socialisme disparut du programme de l’ANC. La grande “transition pacifique” de l’Afrique du Sud, si louée et encensée, signifiait qu’il n’y aurait ni réformes agraires, ni demandes de réparations, ni nationalisation des mines du pays. Au lieu de cela, il y eut de la privatisation et de l’ajustement structurel. Mandela remit la plus haute distinction honorifique d’Afrique du Sud — l’ordre de Bonne Espérance — à son vieil ami et partisan, le général Suharto, le tueur de communistes en Indonésie. Aujourd’hui, l’Afrique du Sud est gouvernée par une poignée d’anciens radicaux et syndicalistes qui roulent en Mercedes. Mais c’est amplement suffisant pour perpétuer le mythe de la libération des Noirs.
Dans la nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine, on prépare l’Inde à jouer le même rôle que celui tenu par le Pakistan en tant qu’allié américain dans la guerre froide avec la Russie. (Et voyez ce qui est arrivé au Pakistan.)
Ayant trouvé comment s’y prendre avec les gouvernements, les partis politiques, les élections, les tribunaux, les médias et l’opinion progressiste, l’establishment néolibéral fut confronté à un ultime défi : gérer l’agitation croissante, la menace du “pouvoir du peuple”. Comment l’apprivoise-t-on ? Comment transforme-t-on des protestataires en gentils toutous ? Comment canalise-t-on la colère des gens pour l’évacuer vers des voies sans issue ?
8 février 2013 :
- "Indigo", Catherine Cusset, Gallimard -
Un festival culturel rassemble pendant huit jours en Inde quatre Français, deux hommes et deux femmes, qui ne se connaissent pas. Une surprise attend chacun d'eux et les confronte avec leur passé. Cette semaine bouleverse leur vie. de Delhi à Kovalam, dans le Sud, ils voyagent dans une Inde sur le qui-vive où, juste un an après les attentats de Bombay, se fait partout sentir la menace terroriste. Une Inde où leur jeune accompagnateur indien déclare ouvertement sa haine des États-Unis. Une Inde où n'ont pas cours la légèreté et la raison françaises, où la chaleur exacerbe les sentiments, où le ciel avant l'orage est couleur indigo. Tout en enchaînant les événements selon une mécanique narrative précise et efficace, ce nouveau roman de Catherine Cusset nous fait découvrir une humanité complexe, tourmentée, captivante.
- "Le Dieu des petits riens", Arundhati Roy, Gallimard -
Rahel et Estha Kochamma, des jumeaux de huit ans, vivent en Inde, entourés de leur grand-mère, Mammachi, qui fabrique des confitures trop sucrées, de l'oncle Chacko, un coureur de jupons invétéré, esprit romantique converti au marxisme pour les besoins de son portefeuille, de la grand-tante Baby Kochamma, qui nourrit un amour mystique pour un prêtre irlandais, et de leur mère Ammu, abandonnée par son mari, qui aime secrètement Velutha, un Intouchable. Un drame va ébranler leur existence et les séparer. Comment réagir quand, à huit ans, on vous somme de savoir «qui aimer, comment et jusqu'où» ? Comment survivre quand, après un événement affreux dont on a été témoin, on vous demande de trahir la vérité pour l'amour d'une mère ?
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