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EAN : 9782081357747
192 pages
Flammarion (19/03/2015)
3.44/5   9 notes
Résumé :
Anthologie historique et littéraire sur l'esclavage et les grands débats suscités par le sujet. Les textes d'Aristote, Sénèque, La Boétie, Hugo..., réunis en cinq parties (droit et esclavage, la traite des Noirs, les révoltes d'esclaves, les discours abolitionnistes et la survivance de l'esclavage), peuvent servir de cadre à l'étude de l'argumentation en classes de 2de et 1re.
Que lire après C'est à ce prix que vous mangez du sucreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Les historiens estiment que les hommes ont commencé à asservir leurs semblables à l'aube de l'humanité.
Esclave, un autre 'plus vieux métier du monde' avec la prostitution - sans rémunération, sans liberté, sans droits.
« La plus ancienne preuve écrite de l'existence de l'esclavage remonte à plus de 4 000 ans : il s'agit d'une tablette d'argile sumérienne. »
On se rappelle, dans nos livres d'Histoire de collège, les images d'esclaves trimant sous le soleil égyptien et sous la menace du fouet, pour édifier les pyramides... [ eh ben on oublie ! cf. commentaire d'Alfaric ci-dessous 😉]
Les organisations politique, économique et sociale de la Grèce et de la Rome antiques étaient indissociables de l'esclavage.

Dans cet ouvrage, deux professeurs de lettres (P. Kleff et P. Soulier) présentent et expliquent des documents (lois, plaidoyers, tableaux, affiches) et des extraits d'ouvrages (essais, romans...) évoquant l'histoire de l'esclavage, d'Aristote à Aimé Césaire.
On y trouve des témoignages, des textes prônant et/ou justifiant l'esclavage, des critiques de cette pratique, et des écrits abolitionnistes.

Une place importante est consacrée ici au commerce triangulaire, la 'traite des Noirs', ce trafic meurtrier et rentable qui permit aux Européens de connaître et d'adopter des produits exotiques (tabac, coton, indigo, sucre de canne, cacao) et à quelques villes de la côte atlantique de prospérer (Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Lisbonne...).

« Selon l'historien américain Hugh Thomas, plus de 54 000 traversées de navires négriers auraient été effectuées entre l'Europe, l'Afrique de l'Ouest et l'Amérique ; selon les mêmes sources, ces navires auraient ainsi déporté plus de 11 millions d'Africains, nombre extrêmement difficile à vérifier et que d'autres historiens multiplient par deux, voire plus. »

Le tout est très instructif ; les extraits cités, comme la bibliographie et la filmographie en fin d'ouvrage donnent des repères si l'on veut approfondir le sujet.
Un sujet inépuisable, d'ailleurs, car il se prolonge avec celui de la colonisation, des débuts du capitalisme (toujours régi par la loi du plus fort) et des formes plus insidieuses d'esclavagisme (trafic des 'enfants réunionnais de la Creuse' des années 60 à 80-90, exploitation de la main d'oeuvre dans nos prisons, dans certains pays d'Asie et d'Afrique, certaines formes de prostitution, etc.).
___

PS : livre acheté au 'Musée du Nouveau Monde', à la Rochelle - une ville où les rues portent aussi bien des noms de négriers que d'hommes et de femmes ayant combattu l'esclavage. Schizophrénie ou transparence ?
Mais sur les plaques de rue, Fleuriau, Rasteau, Admyrault, etc. sont pudiquement désignés comme 'armateurs', pas 'négriers'.
Même phénomène à Nantes :
https://la1ere.francetvinfo.fr/2015/04/09/sur-les-traces-du-passe-negrier-nantais-246249.html
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Dans cet ouvrage, des textes à propos de l'esclavage sont réunis et commentés.
Comme l'annonce le sous-titre, ils sont extraits de documents de formes et d'époques diverses (traités philosophiques, romans, discours politiques, textes de loi, affiches publicitaires…).
Quelques images illustrent les propos.
Les commentaires resituent chaque extrait dans son contexte historique, permettant d'en comprendre les enjeux de manière synthétique et claire.
Les extraits choisis paraissent plus ou moins intéressants selon les affinités du lecteur. Certains m'ont donné envie de découvrir ou de relire les ouvrages dont ils sont tirés (Mérimée, Voltaire, Koestler…), tandis que d'autres m'en dissuadent pour des raisons de forme essentiellement (Platon, Aimé Césaire…).

Les auteurs mentionnent également des débats récents sur la manière dont notre société contemporaine regarde le sujet : avec la loi Taubira du 21 mai 2001, la France reconnaît officiellement sa responsabilité dans la traite et l'esclavage, considérés comme crimes contre l'humanité, mais cette loi fut contestée par des parlementaires de l'UMP.

Nantes fut l'un des points de départ importants du commerce triangulaire (entre le XVIe et le XIXe siècle).
La municipalité y a d'ailleurs fait installer un mémorial en bordure de Loire, inauguré en 2012. On ne peut que louer l'esprit de cette démarche, censée rappeler avec quels moyens furent édifiés une partie des immeubles du centre ville nantais. Cet édifice enterré est néanmoins d'un intérêt pédagogique très limité : un esprit 'artistique' ayant primé sur le contenu historique.

Ce livre est nettement plus réussi sur ce dernier point.
Je m'étonne néanmoins que les civilisations précolombiennes n'y soient pas évoquées, et surtout que le « Goulag » n'ait pas été cité alors qu'il s'agissait bien d'un système esclavagiste, même s'il fut aussi un outil de répression politique - les camps de travail nazis sont en revanche évoqués dans cet ouvrage, à juste titre.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis retrouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.
Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait « Mon cher enfant, bénis nos fétiches*, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les Blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. »
Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. [...]

* statue ou objet considéré comme sacré, auxquels sont attribués des pouvoirs surnaturels
___
extrait de 'Candide', Voltaire, 1759.
(lorsque Candide et son serviteur Cacambo, entrant dans la ville de Surinam, rencontrent un esclave mutilé)
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- Pourquoi le [physiquement] fort servirait-il le faible ? rugit-il, tandis que ses bras s'élevaient, comme tirés par une force invisible. Pourquoi la dureté servirait-elle la mollesse ? Pourquoi le nombre servirait-il une poignée ? Nous gardons leur bétail et nous aidons le veau sanglant à sortir des entrailles de sa mère, mais ce n'est pas pour enrichir notre troupeau. Nous leur construisons des piscines, mais nous n'avons pas le droit de nous y baigner. [...]
Nous sommes le nombre et nous les avons servis parce que nous étions aveugles et que nous ne nous sommes jamais demandé pourquoi. Mais dès que nous nous le demandons, c'est la fin de leur pouvoir sur nous. Et je vous le dis, c'en sera fini d'eux, et ils pourriront comme le tronc d'un homme qu'on aurait amputé de ses quatre membres. Nous suivrons notre propre voie et nous rirons d'eux.

• extrait de 'Spartacus', Arthur Koestler (1938)
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Fait unique en Europe, la France a connu deux abolitions de l'esclavage. La première date de la Révolution française et émane directement de la philosophie des Lumières qui eut cours au XVIIIe siècle. [...]
Ce sont les esclaves qui prennent les choses en main, se révoltant à Saint Domingue en août 1791 et obtenant, après deux ans et demi de guerre - et grâce au soutien de Robespierre - l'abolition de l'esclavage le 4 février 1794.
Huit ans plus tard, la Révolution achevée et Bonaparte gouvernant la France en tant que Premier consul, l'esclavage est entièrement rétabli dans les colonies françaises, 'Code noir' inclus. [...]
Il faut attendre l'éphémère IIe République pour que le gouvernement provisoire, sous l'impulsion de Victor Schoelcher, revienne aux principes de droit naturel qui font de l'esclavage « un attentat contre la dignité humaine », et l'abolissent.
Problème définitivement résolu ? Retour à la grande devise républicaine, 'Liberté, Egalité, Fraternité' ? Ce serait faire peu de cas de l'idéologie coloniale qui se met en place en ce milieu de XIXe siècle et qui verra suivre les pires clichés racistes, au nom de la mission civilisatrice que la France se doit de mener auprès des « races inférieures »...
(p. 108-109)
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• Elodie Barthélemy, née en 1965 de mère haïtienne et de père français, est plasticienne. Dans ce tableau intitulé 'Madame la marquise de Vaudreuil', elle juxtapose deux discours radicalement différents : le portrait en pied d'une aristocrate française, conformément aux règles académiques de peinture en vigueur au XVIIIe siècle, et le texte* d'une petite annonce authentique de la même époque. La place prépondérante du texte, qui barre un portrait presque fondu dans l'arrière-plan, a pour effet de déplacer le centre d'intérêt du tableau : la marquise s'efface au profit de ses chiens et d'un texte qui, avec le recul historique, porte en lui sa propre dénonciation.

* texte :
POUR CAUSE DE DÉPART
EN VENTE EN GROS OU
EN DÉTAIL UN ATELIER
DE 80 NÈGRES TANT
MALES QUE FEMELLES
DANS UN ASSEZ BON ÉTAT - 3 AVRIL 1785

>> http://www.elodie-barthelemy.com/petites-annonces/
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• 2005 : Promulgation de la loi du 23 février, qui stipule : « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'Histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. »
Une vive polémique s'ensuit.
• 2006 : Le Président de la République, Jacques Chirac, demande au Conseil constitutionnel de supprimer l'article controversé de la loi de février 2005. La date du 10 mai est retenue pour commémorer l'abolition de l'esclavage en France.

(Quelques repères historiques sur l'esclavage, p. 26)
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