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EAN : 9782213655505
580 pages
Fayard (22/09/2010)
4/5   19 notes
Résumé :

Ils étaient quatre-vingts et avaient à peine trente ans lors de l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir. Leurs études universitaires destinaient ces juristes, économistes, linguistes, philosophes ou historiens à de belles carrières. Ils ont choisi de s’engager au sein des organes de répression du Troisième Reich. Ils ont théorisé et planifié l’élimination de vingt millions d’individus de race prétendument « inférieure ». Ils ont organisé et assisté à l’exter... >Voir plus
Que lire après Croire et détruire. Les intellectuels dans la machine de guerre SSVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Vertigineux travail d'analyse d'une construction apparemment improbable...

Publié en 2010, « Croire et détruire » est issu de la thèse « Les intellectuels du service de renseignements de la SS, 1900-1945 », soutenue en 2001 par Christian Ingrao.

Ouvrage impressionnant à plus d'un titre, il suit méthodiquement, pas à pas, 80 cadres nazis haut placés, ayant été membres du Sicherheitsdienst (SD) de la SS, dont les études supérieures approfondies (le plus souvent jusqu'au niveau du doctorat) firent nettement des « intellectuels », en épluchant par le menu les sources originales disponibles dans les archives allemandes, et en les confrontant aux travaux antérieurs des historiens, en particulier des fonctionnalistes allemands, sur des sujets liés ou voisins. « En un mot, donc : j'ai essayé de comprendre comment ces hommes firent pour croire, et pour détruire ».

Ces 450 pages de texte dense et précis ne se résumeraient guère en quelques phrases ; le lecteur curieux et non spécialiste retiendra toutefois plusieurs points d'intérêt particulier :
- l'impact durable de la Grande Guerre sur la psychologie et les croyances enfouies de ces intellectuels nazis, y intégrant précocement « une dimension millénariste, séminale et matricielle », avec de forts éléments de deuil jamais effectué, d'obsession de l'ennemi et du complot, de vision assumée d'un combat défensif millénaire – comme l'enseignera l'un d'eux, historien, en 1942 : « Bien que trois cents ans se soient écoulés depuis l'époque de la guerre de Trente Ans, le problème politique et le but de nos ennemis sont restés les mêmes : la partition définitive de l'Allemagne, l'anéantissement du Reich. » ;
- la très rapide inscription dans l'extrême-droite de l'époque d'une forte majorité des étudiants allemands de 1918-1920, dans un contexte de rejet du traité de Versailles et d'invention du « coup de poignard dans le dos », pour aboutir rapidement à une subversion active du réseau universitaire, les villes-« frontière » (Königsberg et Leipzig tout particulièrement) devenant très tôt des plaques tournantes pour la formation et la mise en réseau de ces jeunes intellectuels et futurs cadres dirigeants nazis ;
- le rôle indéniable de mise à l'épreuve initiatique des tâches opérationnelles confiées à partir de 1941 à ces hommes de chaire et de bureau, qui presque tous, effectuant leur « Östeinsatz », devinrent dirigeants d'Einsatzgruppen ou d'Einsatzkommandos, mettant directement en oeuvre le génocide en Ukraine, en Biélorussie et dans les Pays Baltes : « Pour ceux qui réussissaient à « dépasser » l'expérience traumatique qu'elle constituait, le retour à Berlin impliquait souvent l'obtention de promotions déterminantes (...) ; ceux qui, par contre, ne revenaient pas indemnes ou ceux qui ne partaient pas restaient à l'écart de la promotion ».

Une mention particulière doit aussi être faite du lien établi avec brio par l'auteur entre les stratégies d'enfouissement ou de défense juridique adoptées par ces mêmes intellectuels, confrontés aux tribunaux entre 1945 et 1960... Leur constance témoignait ainsi, bien après les faits, du profond enracinement de leur position intellectuelle.

Au-delà d'une lecture attentive, infiniment moins sujette à caution romanesque, et pour cause, que celle, « arrangée », des mêmes facteurs par Jonathan Littell dans « Les bienveillantes », l'ouvrage de Christian Ingrao pose quelques questions à chacun, même à une époque où les points Godwin sont parfois trop vite attribués.

D'une part, et au risque de choquer, la méthode de formation, de déformation, d'initiation partagée et de promotion que l'on voit à l'oeuvre auprès de ces élites intellectuelles nazies devrait donner à penser et à frémir à nombre de dirigeants et de responsables RH d'entreprises occidentales, qui n'en sont pas toujours aussi éloignés qu'ils voudraient le croire.

D'autre part, en lisant la terrible phrase de la page 286 – « Ferveur millénariste, angoisse eschatologique et imaginaire défensif : une telle combinaison d'affects n'amena-t-elle pas les SS des Einsatzgruppen à trouver en eux-mêmes les ressources de haine dans lesquelles ils puiseraient pour mettre à mort ? » -, il est difficile de ne pas se dire qu'à nos sociétés européennes, si immergées en grande partie dans leur pessimisme sociétal, il ne manque guère qu'une dose plus forte de l'ingrédient « ferveur millénariste » pour que les conditions du déchainement violent puissent être à nouveau rassemblées, comme en témoignent au quotidien les crispations racistes qui se multiplient depuis 10 ans... Et j'espère que le lecteur me pardonnera, sur un tel sujet, un ton sensiblement plus sentencieux qu'à l'accoutumée...
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Dès avant "Les Bienveillantes" - Prix Goncourt et Prix du roman de l'Académie française 2006 , de Jonathan Littell, l'idée était déjà commune d'un paradoxe humain, ou inhumain, propre au nazisme : des bourreaux qui pouvaient envisager et mettre en application, les pires actes et puis s'en retourner dans leur salon écouter du Mahler en lisant des poèmes de Schiller. le même motif littéraire avait déjà été illustré dans le roman de Robert Merle, "La mort est mon métier". Quant au paradoxe du bourreau ordinaire, il était déjà étudié par Christopher Browning dans son ouvrage "Des hommes ordinaires : le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne"
C'est sur la figure historique de l'intellectuel dévoyé dans la machine de guerre et d'extermination nazie que Christian Ingrao a soutenu sa thèse d'histoire. En voici la version éditoriale. S'appuyant sur l'étude minutieuse de documents d'archive, l'auteur suit pas à pas le parcours intellectuel puis politique d'un groupe d'hommes représentant cette génération dévoyée.
Le texte est lisible, fluide, clair. Implacable.
Un document historique de première importance.
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Ingrao Christian - «Croire et détruire : les intellectuels dans la machine de guerre SS» - Fayard, 2010 (ISBN 978-2213655505)

Rien que la couverture de l'ouvrage montre un degré d'horreur que l'on peine à imaginer : en bas à droite est reproduite une partie de cette photo connue montrant un SS en train de pointer son pistolet sur la nuque de l'homme qu'il va abattre à bout portant. Car c'est bien de cela qu'il s'agit ici, de ces intellectuels allemands d'assez haut niveau qui ont délibérément participé aux massacres et tueries organisés par les "Einsatzgruppen" actifs dans les pays vaincus à l'Est au début de la Deuxième Guerre Mondiale.

Arrêtons un moment le tourbillon des pensées quotidiennes, concentrons-nous et tentons de nous représenter un tel acte : des hommes, parmi lesquels des intellectuels éduqués, ont délibérément amené plus de un million d'êtres humains – hommes, femmes et enfants – au bord de fosses communes, pour les y assassiner froidement en leur tirant dessus puis en les achevant d'un coup de pistolet dans la nuque. Même le sinistre et sadique Himmler aurait eu un malaise en assistant une fois lui-même à un tel massacre : c'est la "Shoah par balles", longtemps éclipsée par les gazages dans les camps de concentration.

Des intellectuels ont non seulement organisé, pensé, structuré cette insondable barbarie, mais ils y ont aussi directement participé, en allant eux-mêmes massacrer à coup de fusil et de pistolet des civils désarmés prisonniers. Non, décidément, la culture ne protège de rien, bien au contraire, certains intellectuels rationalisent et justifient n'importe quel extrémisme.

Cet ouvrage fut tellement lourd à lire que j'y ai mis plusieurs mois, intercalant la lecture d'autres livres pour ne pas être submergé, alors que j'ai déjà lu et étudié tant et tant de choses sur le nazisme et ses exactions...
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Ce livre est une plongée nécessaire dans l'univers mental (on ne saurait dire intellectuel) qui a fondé, permis et soutenu le nazisme, jusque dans ses productions les plus extrêmes. Un univers en partie incompréhensible, mais qui doit être sondé avec pugnacité.
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Comment des intellectuels (économistes,légistes,enseignants d'université…) ont-ils pu participer de manière directe ( en planifiant ,dirigeant et exécutant parfois de leur propre main ) au massacre de populations entières (hommes,femmes,enfants).C'est cette construction intellectuelle du consentement à l'horreur qu'analyse ce livre et le résultat fait froid dans le dos . Je crains de plus en plus que la constante dégradation du discours politique , de la situation économique ,du tissu social ne nous amène au même point .Peut être avons-nous déjà fabriqué les futurs assassins capables de faire éclater la tête d'un enfant …
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critiques presse (1)
Telerama
26 octobre 2011
Un livre à lire avant les cérémonies du 11 Novembre pour comprendre en quoi le premier conflit mondial fut aussi déterminant dans les parcours politiques de beaucoup d'hommes après guerre.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Elles [les procédures de mise à mort]semblent en tous cas satisfaire à deux des impératifs de l'imaginaire aseptique à l'oeuvre derrière le discours hiérarchique:m'impératif de productivité -il faut tuer beaucoup et vite- et l'impératif d'exhaustivité - il ne faut laisser aucun survivant.
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Videos de Christian Ingrao (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christian Ingrao
Christian Ingrao vous présente son ouvrage "Le soleil noir du paroxysme : nazisme, violence de guerre, temps présent" aux éditions Odile Jacob. Entretien avec Nicolas Patin.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2486537/christian-ingrao-le-soleil-noir-du-paroxysme-nazisme-violence-de-guerre-temps-present
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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