Quelle jolie histoire et qu'elle est bien tournée !
Ils sont cinq qui s'aiment et forment une famille attentive et chaleureuse : il y a Daniel et Sarah, mariés d'amour et dont le lit « danse » encore et toujours même si les années se sont écoulées depuis leur mariage, leur petite fille Madelyn, de douze-teize ans, discrète, à l'esprit bien trempé et ce couple de grand-parents adoptifs Murray et Ella qui s'occupe d'eux, les accueille dans leur chalet et autour de leur table. ..
Découverte d'un réel talent d'écrivain, celui de
Kevin Hardcastle, capable de décrire en quelques phrases légères des scénettes de tous les jours comme ici :
« Un vent chaud printanier entrait par la vitre baissée et fit avancer un vélo équipé de petites roues, qui descendit tout seul sur la route avant de basculer. Un enfant arriva pour le récupérer et commença péniblement à le hisser sur le trottoir. Sa jeune mère l'aida à le remettre d'aplomb, puis en fit le tour avant de coincer la roue entre ses jambes. Elle tourna le guidon et redressa la roue, sa jupe dansant sur ses cuisses. Elle rendit le vélo au gamin et essaya de frotter les marques sur sa peau, au niveau des genoux. Elle renonça vite. le petit garçon était déjà reparti sur son engin. » .
Clair, efficace. L'image s'impose avec ses sensations.
En lisant ce paragraphe et la courte biographie de l'auteur, il est évident que M. K. Hardcastle possède un réel talent pour écrire des nouvelles .
Alors pourquoi s'est-il embarqué dans la composition de ce « policier-thriller » ?
Une commande ? Un challenge ? Et un curieux assemblage qui plonge dans la noirceur et la perversité. L'impression d'un patchwork d'intrigues, sans liant.
Daniel soudeur professionnel et ex-champion de boxe & lutte thaïe se fait voler son poste de soudeur et se retrouve contraint à trouver du travail. Pour arrondir ses fins de mois, il renoue avec ses anciens amis, tueurs à gage. Et comme M.
Kevin Hardcastle pratique la boxe et en est passionné, la moitié de son livre sera la description de ces combats et entraînements. Mâchoires fracassées, « jab » violemment effectués pour mettre à terre, et dans un sale état, les adversaires, descriptions des ecchymoses, cicatrices, etc...mais, le lutteur se relève encore et encore. Lassant ! Beaucoup trop longues ces descriptions, comme si l'auteur se raccrochait à ce qu'il connaît le mieux, pour faire de la ligne, pour trouver un souffle, qui lui échappe. Alors que son écriture est prenante pour décrire la vie familiale de Daniel. de même, sa description du milieu des tueurs n'a pas de « corps », simple retranscription de ce qu'on a lu ailleurs. Pas de personnalités, pas de consistance, même « Tarbell » simple copie blonde et pâle de milliers de tueurs méchants du cinéma.
Et l'écriture !
A se demander s'il s'agit du même auteur... Je reconnais avoir bloqué sur des phrases incompréhensibles : « Daniel avait les pouces coincés dans sa ceinture et les poings collés aux cuisses ». Celle-ci je l'ai relue , et relue, avant de comprendre que Daniel était assis. Que je suis inattentive ! Malheureusement il y en a d'autres de ces petits obstacles à ma lecture. S'agissant ici d'un recueil d « épreuves non corrigées » certainement que ces petits problèmes seront évacués à l'édition.
La description physique de ses personnages, est quelque peu … frustre. Pour ce qui est des meurtrissures, des tâches de sang sur les tapis de combat : pas de problème. Mais côté hommes ce sont leurs chevelures, leurs coupes de cheveux, l'aspect rêche de la peau , qui nous sera détaillé (le poivre et sel ou le gris, la qualité du rasage, ou la fraîcheur d'une coupe...c'est un peu pauvre pour décrire une personnalité). A chaque auteur ses obsessions :
Paul Auster est fasciné par la papeterie, spécialement les cahiers, calepins, si possible juste avec de fines lignes...et M. Hardcastle par la chevelure de ses héros.
Et pourtant, c'est toute l'histoire de ces cinq là qui s'aiment qui emporte l'intérêt. Frustration de ne pas mieux les suivre ces héros magnifiques. Quelle chance il a Daniel d'avoir Sarah et Sarah d'avoir Daniel. Et on y croît à leur vie toute en difficultés. Au fur et à mesure de l'avancée dans ce livre c'est ce que j'ai ressenti comme frustrant : l'articulation loupée entre ces trois histoires, etdonc la moins grande qualité du récit.
Cette histoire ne m'a donc pas captivée, mais j'avoue que les sports de combat m'ennuient et que je ne comprends pas cette recherche systématique de la douleur. Et dans quel but, pour en tirer quel bénéfice ? Juste un petit trip d'adrénaline ?
Pas seulement. Certainement ce penchant profondément humain de se mesurer à plus fort que soi, soit en affrontant des éléments naturels, dans des conditions extrêmes ou en effectuant les recherches les plus pointues scientifiquement.
Sans aucun doute le ressort principal de cette histoire.
Et que le titre est beau : « La Cage »
Mot d'initié pour les adeptes de ces sports de combats...mais aussi ce sentiment que nous naissons dans un environnement que nous n'avons pas choisi et dans lequel nous devons trouver notre place.
Le premier chapitre est tout à fait en adéquation avec le titre : Daniel fuit la « cage » proposée par son père qui le verrait bien reprendre le métier de soudeur et il va choisir SA cage, celle dans laquelle il pourra libérer sa rage de vivre.
Ce mot « cage » évoque bien sûr celle utilisée pour les animaux ; elle peut être la cage utilisée pour les chiots, petit espace où ils se réfugieront, s'adapteront à la société des hommes (et au fond, Daniel à vingt-sept ans, c'est peut-être ce qu'il recherche inconsciemment.. ).
C'est aussi, la cage à parois glissantes dans laquelle le vétérinaire enserre le fauve qu'il doit soigner, du braconnier qui va tuer ..
C'est aussi le piège, celui qui se referme sur celui qui a choisi le mauvais chemin, le mauvais passage. Comme une punition.
Beau titre et prometteur ! C'est bien la description de la vie que s'est choisi Daniel, en se trompant de chemin de vie. Beau sujet.
Même si cette lecture m'a quelquefois exaspérée et déçue, c'est la découverte d'un excellent auteur qui promet. Merci à Babelio et aux Editions Albin Michel de l'avoir proposé en cadeau de lecture.
Et j'espère bien que « Debris » sera prochainement traduit.