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EAN : 9791092444469
9 pages
l'Atelier contemporain (08/11/2017)
4.12/5   4 notes
Résumé :
Ce petit recueil, totalement hors normes dans la production de l’auteur, se déploie en deux volets – comme deux ailes de papillon :
« Dans les prairies d’asphodèles » puise aux sources de l’onirisme et de l’enfance, à travers une prose délibérément concise ; « Jours », à l’inverse, explore une forme élégiaque pour traduire des visions très concrètes – enchaînant atmosphères urbaines, puis bucoliques.
Mais une même déchirure baigne ces textes conçus com... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
J'ai pu découvrir ce recueil grâce à une opération Masse Critique.
« Dans les prairies d'asphodèles » est un petit recueil construit en deux volets autour de deux formes d'art qui ici, se complètent et se marient harmonieusement. D'un côté, le ciseleur des mots, Bruno Krebs, né en Bretagne. de l'autre, une orfèvre des images, Cristine Guinamand. Pour clôturer ce dialogue minutieux, une lecture d'Antoine Emaz, poète angevin, vient brosser une vue d'ensemble de l'oeuvre, en judicieux point de capiton.
Sous la forme d'une prose poétique, Bruno Krebs dessine deux volets d'une oeuvre originale. le premier volet, intitulé « Dans les prairies d'asphodèles », se veut structuré, les mots agencés précisément, de façon concise, venant restituer des songes et souvenirs d'enfance. le second volet se nomme « Jours ». Peu à peu, la prose semble se libérer des contraintes syntaxiques, comme si les mots, en se heurtant, s'entrechoquant, juxtaposés sans la ouate des virgules ni des points, s'envolaient, permettant à un sens d'éclore, autorisant le monde de l'auteur et celui du lecteur à se rejoindre. Dès lors, des étincelles d'émotion jaillissent, à la confluence des mots patiemment façonnés, polis par Bruno Krebs, des images créées par Cristine Guinamand qui enserrent délicatement les deux volets - un papillon en devenir dans sa chrysalide - et de solitudes qui consentent, pour un temps, à s'extraire du monde, le temps de l'écriture pour les uns, le temps de la lecture pour les autres, pour mieux retrouver et son centre et son sens.
« … en elle je trouverais le tout, le rien, le plein et le vide –
le silence et le vent –
mon centre et mon sens et mon souffle, épanouis sans borne aucune » (p. 29.)

Deux volets donc, scandent le recueil, deux contrepoints, deux chants à la courbure inversée, depuis la rêverie jusqu'au réel, un point de départ et d'arrivée, tel un Ouroboros.
L'auteur explore la solitude en une série de fresques où la nature, sous diverses formes, explose, respire, vient faire écho à ses paysages psychiques. Car le manque est là, qui traverse les deux volets – brisure continue – en échos intérieurs, portés par les mots, autant de déchirures, de fêlures muettes.
« Amours de rien ne me protègent, ne m'habillent – me laissent peau nue écaillée au soleil – aux brûlures de l'absence. » (p. 75.)
Les prairies d'asphodèles seraient-elles au fond ces limbes que hantent les apatrides, condamnés à boire les eaux du Léthé, rongés par l'oubli, maintenus dans une indifférence lénifiante ?

Malgré la mélancolie qu'exsude chaque fresque, peinte ou écrite, les artistes savent capter et retenir la lumière que le noir met en valeur. Fleurs, air marin, froid rugueux des montagnes enneigées, soleil qui pleure des larmes d'or, enfance qui déferle et bouillonne en écumes de souvenirs, paysages et passages urbains, l'oeuvre bouleverse, transmute et chavire pour qui sait prendre le temps de s'immerger dans l'inédit de ce voyage des sens.
Si la plaie vive de l'absence s'inscrit en creux de chaque mot, l'oeuvre reste portée par une énergie vive. Elle est marquée par la continuité d'une quête qui se veut patiente, qui, pas à pas, saison après saison, déroule en litanie d'images et de visions le chemin d'une construction de soi.
Je tiens à remercier les éditions l'Atelier contemporain et Babelio pour cette très belle découverte.
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Je ne sais comment composer ma critique, tant mes mots sont pauvres après la lecture de ce beau livre. Forcément, je vais appauvrir, les pouvoir du conte, dénaturer la musique des phrases et je ne parviendrai pas à retranscrire l'atmosphère envoûtante des mots.


J'ai énormément aimé être bercée par le récit en forme d'écriture poétique de ce petit livre précieux mais comme toutes les rencontres précieuses, son appréciation ne se partage pas, il faut le découvrir seul à seul, et pénétrer dans cette luxuriante nature que l'on peine à quitter.


Merci pour ce beau cadeau qu'a été la découverte de ce livre dans le cadre de la Masse Critique.
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Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Il faisait si tiède ces derniers temps je n’ai pas senti le vent
tourner, puis fraîchir d’un coup.
Boursouflé d’abord, lourdes bâches frangées de neiges, le
ciel s’est rapidement obscurci, gagné par d’instables ruines,
murailles et citadelles, où valsent tourbillonnantes quelques
bandes d’oiseaux noirs.
Avec la nuit c’est un râle profond qui vient envahir la forêt où
je me suis engagé tardivement, délaissant route puis chemin.
Le vent déboule en grondant sous les futaies dont il froisse et
arrache par pleines brassées les feuilles prématurément brunies.
Mes pieds nus caressent mousses et brindilles. Mains tendues j’écarte les branchages des taillis.
Essoufflé je m’arrête en lisière d’un champ, devant une
crête cendreuse, auréolée d’éclairs.
Les frondaisons s’entrelacent, grincent et gémissent dans
les ténèbres qui se referment brusquement, si opaques, je trébuche au contact des sillons meubles, puis tombe à genoux.
Un souvenir alors me revient.
Enfant déjà quand la lune éclairait les arbres, je quittais ma
petite mansarde, le village et les bois qui le ceinturaient, pour
monter sur la plaine.
Dans les champs j’allais marcher, puis m’agenouiller devant
la lune, les nuages bleus qui s’étageaient comme balcons ou
terrasses d’un palais aérien.
Là je joignais les mains et je priais, la Vierge, notre sainte
Vierge je la priais chuchotant – la priais d’amour, la suppliais
de tendresse, l’entretenais d’espoir et d’affectueuse passion.
Au creux des sillons, guettais le sourire de la lune entre les
nuées, leurs fleuves et leurs rives lactées, où je distinguais
tremblantes car je n’ose les saisir vos bouquets si amoureusement assemblés – cette rose-là, et cette blanche, ces lourds
pétales humides, ces corolles dentelées, je voudrais, ces étamines poudreuses voudrais les caresser, et puis tant caresser
vos joues, tendrement, tendrement – oh, mes petites, mes
adorées – oui, donnez, donnez-moi ces bouquets que je vous
délivre de ce fardeau, que s’épanouissent vos sourires et vos
bouches vos lèvres qui maintenant m’effleurent, m’échauffent
et la joue et le cœur – oh, venez, venez dans mes bras vous serrer parmi les fleurs, et contre vous buvant léchant mes larmes
me laisser pleurer, pleurer à satiété, que plus jamais soif ni
peine d’amour ne nous tourmentent.
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Fin de jour – le soleil bombe, étoile blanche au terme de son
arc se plante puis explose –
ravivant fenêtres et baies par myriades, en une seule incandescence s’épanouit, s’étend par pans, créneaux et remparts
– chemins de ronde, tours, refends de lumière où mon œil ne
cerne qu’un unique, étroit rectangle d’azur –
mais ce rectangle étiré entre lignes d’ombre et de neige effervescente, je le bois chacun le boit le respire, jusqu’aux branches nues des sophoras sur la place, les vieilles qui se saluent alertes,
coiffées caniches, caniches bleus bondissants marsouins en
laisse – rues diagonales, perpendiculaires zébrées de rayons
jaunes, quand là-haut les barres les tours continuellement
s’embrasent – découpes, damiers blancs et bruns tendus vers
la lumière qui par blocs frissonnants, par éboulis de l’azur se
détache, se déverse inondant verticale la ville, ce faubourg, faîte
de colline où comme d’autres en cette fin d’après-midi mauve,
avec mon café par petites lampées je la goûte, l’ingurgite coulée
blanche peu à peu dorée qui de chaque baie, chaque fenêtre fait
un éclair, et des paroles, rires et rencontres continuel babil de
pouillots, rouges-gorges, fauvettes et merles, dans l’apaisante
clarté de ce caféréverbère où j’ai vu deux jeunes rire en terrasse,
belle jeune fille bien couverte, beau jeune homme aux larges
épaules prenant le frais, lapant comme moi, mais plus près,
plus près encore de ses berges le miel la lumière de ce fleuve –
alors jour comme celui-là ne sais s’il finira, ne sais ne perçois si la lumière se rétracte ou s’étend, quand vastes poumons
les murailles des immeubles en éponges semblent s’imbiber,
inspirer la lumière et indéfiniment pouvoir la conserver puis
la restituer, l’inspirer encore puis la préserver –
pour illuminer le soir peut-être, faire du soir ce soir une
longue fête, grande et longue noria de lumières où baies et
fenêtres remplaceraient lampions, guirlandes et projecteurs,
bleuissant la nuit bleue très pâle.
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Jours – je vois sur la ligne d’horizon tu sais là-bas je vois
très loin comme tirés par un fil, sur cette ligne d’horizon qsépare la mer très bleue du ciel tout aussi bleu quoique plus
pâle un peu, mais très scintillant aussi, quoique moins pailleté qu’elle la mer, entre ces deux bleus d’intensité presque
égale finalement je vois, tu sais je vois comme tirés par un fil
invisible (c’est si loin) sur cette ligne toute une procession de
bateaux, très petits bateaux, chalutiers, cargos, ferries, mais
tous très petits à cause de la distance, considérable, et leur
mouvement si infime, quand on croit les voir bouger, les voir
avancer un peu, d’un millimètre, les chalutiers bleus, les cargos noirs, jaunes, rouges, les ferries tout blancs, l’œil pleure
à en scruter les éclats, les taches de couleurs, les reflets de
soleil, pleure mais se dilate encore, malgré l’éblouissement,
pour contempler avec une extase très profonde cette ligne,
cette chaîne de petits bateaux multicolores, dont les fumées
si légères à l’horizon ne ternissent rien, dans ce très mince
halo de brume qui les baigne, ce fil qui les tire, tout doucement, du nord au sud – à l’horizontale maintenant frappés
par l’intense, l’explosive lueur que derrière nous le soleil lève
et déverse, bleuissant, bleuissant toujours le ciel et la mer –
la mer ses fines rides, le ciel ses voiles légers – quand mon
cœur dans ma poitrine s’élargit, comme celui d’un enfant au
cirque devant la grande parade des éléphants, des écuyères et
de leurs chevaux.
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Les lianes, les buissons s’entremêlent, fauves fouillis piquetés de fleurs pâles, poussiéreuses, d’où émergent quelques
murs bas et toits de villas solitaires, aux fenêtres aveugles.
Longtemps inhabitées, ruines bientôt englouties par des
cascades de ronces, lichens et lierres triomphants où s’accroche un rai de soleil, à moi pourtant il semble que ces maisons sommeillent – comme ma propre conscience endormie,
repliée dans les profondes broussailles de l’oubli.
D’elles silencieuses je ne perçois qu’un faible bruissement,
une respiration lente où s’étouffe même le chant des oiseaux.
Et si maintenant avec le soir je distingue plus nettement
l’écho, de leurs voix le délicat murmure, mi-feuillage, mi-torrent, c’est comme du bout des lèvres et sans logique aucune:
leur langage incohérent babil, suite d’ondes et de clapotis, grelots ou vaguelettes chuintantes se heurtent, se fondent, sans
jamais former le moindre sens, ni chercher rime ou raison –
musique doucement, délicatement folle, série de sanglots et de
rires éteints, d’appels ou de chuchotements tantôt sombres,
tantôt gais, qui peu à peu tendres berceuses submergent mon
cœur.
Sans hâte j’ai cueilli des fleurs une à une en ce jardin
funèbre, pour à la nuit tombante rebrousser chemin
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IV

Les lianes, les buissons s’entremêlent, fauves fouillis piquetés de fleurs pâles, poussiéreuses, d’où émergent quelques murs bas et toits de villas solitaires, aux fenêtres aveugles.
Longtemps inhabitées, ruines bientôt englouties par des cascades de ronces, lichens et lierres triomphants où s’accroche un rai de soleil, à moi pourtant il semble que ces maisons sommeillent – comme ma propre conscience endormie, repliée dans les profondes broussailles de l’oubli.
D’elles silencieuses je ne perçois qu’un faible bruissement, une respiration lente où s’étouffe même le chant des oiseaux. Et si maintenant avec le soir je distingue plus nettement l’écho, de leurs voix le délicat murmure, mi-feuillage, mi-torrent, c’est comme du bout des lèvres et sans logique aucune : leur langage incohérent babil, suite d’ondes et de clapotis, grelots ou vaguelettes chuintantes se heurtent, se fondent, sans jamais former le moindre sens, ni chercher rime ou raison – musique doucement, délicatement folle, série de sanglots et de rires éteints, d’appels ou de chuchotements tantôt sombres, tantôt gais, qui peu à peu tendres berceuses submergent mon cœur.
Sans hâte j’ai cueilli des fleurs une à une en ce jardin
funèbre, pour à la nuit tombante rebrousser chemin.
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