Elvide et Milon : La musique au temps du Moyen Âge

Que ne ferait-on pas par amour?

Si Elvide avait demandé à Milon de sauter sur un pied jusqu'à chez lui, sans doute l'aurait-il fait.

Terrible, incroyable et bête à la fois.

On se demande pourquoi les sorcières des contes ne l'ont pas plus utilisé ce pouvoir si il est si puissant.

Elvide n'avait rien d'une sorcière, c'était un être délicieux que le jeune fils de chevalier, Milon, trouvait très à son goût.

Nous sommes au Moyen Âge, à la cour de Marie de France, comtesse de Champagne et Elvide était désormais en âge de se marier à 14 ans.



Milon, 13 ans, ne souhaitait pas perdre sa bonne amie, sa secrète aimée aussi, aussi demanda t-il lui-même Elvide pour épouse à la jeune fille.

Ne le prenant pas plus au sérieux et puisqu'il se posait à rivaliser avec des chevaliers, la malicieuse Elvide défia son ami sur quelques épreuves qualifiantes qui le rendraient digne d'être le héros qu'il cherchait déja à être.

Le pauvre Milon ne se laissera pas décourager.



Il devra lui rapporter la queue d'un monstre, défier le plus terrible des chevaliers en duel et enfin, lui offrir le plus grand trésor des terres de Champagne.

N'est-ce pas un peu cher payé, me demanderiez-vous, pour s'amuser de la naïve jeunesse du jeune garçon et le dissuader le jeune garçon?

Sans doute Elvide était elle-même un peu naïve, de croire que l'amour d'un jeune garçon de 13 ans ne valait pas celui d'un autre.



Le récit nous amuse, entre folie douce et courage singulier.

Milon n'est pas encore un homme mais il est persévérant et très malin, il arrivera à gagner ses épreuves d'une autre manière que celle attendue, selon ses moyens.

Nous ne sommes pas dans la facétie mais plutôt l'astuce, personne ne se joue de personne, Milon est très très motivé par le pouvoir de l'amour et c'en est touchant.

L'enthousiasme de Milon est rafraîchissant, aucun adversaire ne se refusera à son défi, àce qui ne sera pas un combat à mort aussi, fort heureusement.



Mais, me dites-vous, Elvide le moment venu ne se trouvera t-elle pas coincée par sa promesse de mariage?

Nous en connaissons plus d'une qui sait se dédire, rappelez-vous la princesse du "Prince Grenouille" des Frères Grimm et celle de "Riquet à la Houppe" de Charles Perrault.

Suspens.



Le caractère inconscient de Milon amusera les lecteurs tout du long, c'est certain.

Ils apprendront également qu'il y a une autre raison à son obstination, que l'aventure du jeune homme s'inscrit à une époque médiévale où les jeunes femmes étaient courtisées par des actes de bravoure et quelques poèmes.

Notre héros Milo nous est présenté dès le début animé de cette volonté et il tente donc de s'en montrer digne.

Cela s'appelle l'Amour Courtois.

Les jeunes lecteurs trouveront des détails en fin d'album et pourront également profiter d'une bande son pour nous mettre pleinement dans l'ambiance.

Faire découvrir la musique médiévale dans un format jeunesse, il fallait oser et le pari est ma foi réussi.

Sous la plume d'Eric Senabre et le trait d'Elodie Coudray, les éditions Didier Jeunesse revisitent la chevalerie avec beaucoup de fraîcheur : ici, point de grand et noble chevalier lourdement armé et prêtant allégeance à son suzerain, mais plutôt, comme il y en avait beaucoup au Moyen Age, un jeune héros qui appartient à la « classe moyenne » (ces chevaliers « d'extraction plus modeste, servaient de garde rapprochée à leur seigneur et vivaient plutôt chichement » précise l'auteur à la fin du livre.) Par contre, Milon n'est pas dépourvu de noblesse de coeur ni de l'esprit de l'amour courtois, un esprit qu'il manifeste en composant des poèmes pour la jolie Elvide et en accomplissant les trois épreuves qu'elle lui ordonne pour conquérir son coeur.

Cet album ressemble un peu à un conte de fées, avec cette quête, ces épreuves que mène Milon avec beaucoup d'astuce et d'humour et la douceur un peu naïve des illustrations d'Elodie Coudray, qui a travaillé des papiers gouachés pour l'occasion.

Côté CD, c'est Jacques Bonnaffé qui raconte l'histoire d'Evide et Milon et cela m'a bien fait plaisir de retrouver la voix de cet acteur qui se fait rare sur les écrans. C'est l'Ensemble Obsidienne qui assure la partie musicale : on découvre ainsi des pièces polyphoniques, des chansons de Pierre de la Rue par exemple, des compositions pour instruments comme le psaltérion, le tympanon, le rebec et autres cornemuses. Tous ces instruments sont présentés aussi à la fin du livre. Certes, ces musiques sont un peu insolites à nos oreilles plus habituées à de la musique tonale, les sons de certains instruments (comme la cornemuse) peuvent paraître lancinants (ce son-là m'a un peu vrillé les oreilles, je l'avoue) mais les pièces sont assez courtes, variées, et les polyphonies sont particulièrement agréables.

Une belle découverte donc que cet album-CD.
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