Toutes les petites filles rêvent-elles de donner naissance, un jour, à un bébé ? Quand l'obsession de l'une d'entre elles prend le pas sur la réalité, préparez-vous à lire un récit glaçant, sans filtre, une histoire qui aurait pu s'intituler Fanny au pays des merveilles, sauf que ...
Découvrir une facette méconnue du talent d'une auteure, démontrer que tout est possible devant une feuille de papier blanche pour la noircir dans tous les sens du terme,
Alice Quinn prouve avec ce roman sombre combien la vie peut prendre de multiples visages, l'habit ne fait pas toujours le moine et qu'il faut compter sur un talent qui a déjà fait ses preuves dans d'autres genres, cette faculté à endosser et à se surpasser pour prendre le lecteur à la gorge, lui donner envie d'aller toujours plus loin dans la psyché de son personnage principal, d'insinuer et destabiliser le lecteur par des éclairs noirs et des sueurs froides, je suis totalement admiratif devant cette plume talentueuse.
Je remercie l'auteure pour sa proposition de me faire découvrir ce livre qui n'est pas le plus connu dans sa biographie déjà bien fournie mais pour lequel je n'en suis pas sorti indemne !
Une lecture viscérale dans les eaux troubles de la conscience et de l'inconscience, la folie douce et ordinaire qui habite le personnage principal et cette contagion qui guette chaque page, prise de risque maximum pour celui s'approchant trop près de l'abysse, un sentiment malsain et glauque habite et traverse chaque pas, la souffrance qui torpille l'esprit au point de la rendre défendable à corps perdu, une histoire qui donne des sueurs froides, des envies d'amour impossible, un passé dévasté qui n'en finit plus de poursuivre
Fanny N., l'histoire aurait pu virer dans une spirale indigeste de successions de scènes parfois à la limite du soutenable mais l'auteure l'a magnifiée dans une nouvelle dimension, l'a rendue touchante et déchirante pour surpasser l'attente, trouver des ressorts dramatiques tout en donnant une certaine tiédeur sous-jacente et immersive, d'une sensibilité prégnante, cette incertitude et une impérieuse d'assouvir et combler ses attentes, éprouver suffisamment d'empathie et surtout cette forme de compassion à l'égard de la protagoniste qui montera graduellement en puissance au fil des pages.
"On est ce qu'on fait ..."
Toute la délicatesse de trouver une résonance en chacun de nous, à sortir des sentiers battus, la construction de l'histoire s'appuie sur une narration à la première personne pour lutter contre une autre qui surgit rapidement à la troisième personne, rapidement les présentations sont faites, la suite alternera le quotidien et les souvenirs pour saisir toute la personnalité de Fanny, un être différent de ses semblables, ses fêlures diverses, ses blessures secrètes qu'elle traîne comme des plaies jamais cicatrisées, le poids d'un passé qui est loin du conte d'amour, l'espoir d'une vie meilleure, des désirs refoulées pour expulser ce trop-plein d'amour qui menace à tout instant de la faire sombrer dans la plus obscure des prisons jamais construites sur terre, l'esprit humain.
Ce combat d'une vie, cette dévotion extrême et déplacée, un roman qui frôle souvent la noirceur la plus sombre qui soit, la face cachée de l'humanité, celle que l'on fait tout pour isoler et rendre opaque et transparente, cette ombre qui cherche à tout jamais à transmettre le virus du désespoir sans fin, verrouillage et cadenassage de toutes les issues, un climat dérangeant et en complète complicité avec les personnages, l'envers du décor d'une ville d'abord reconnue pour ses jolies façades et plages majestueuses, le lapin sort du terrier douillet pour se frotter à l'absurdité du monde du dehors, cette dualité de deux entités cohabitant au sein du même espace, cette antagonisme latent et provoquant des conflits intérieurs imperméables, le récit prend alors des airs de combats acharnés et difficile de rester de marbre devant tant de peines, courir vers une pente vertigineuse, une course folle pour aboutir dans une impasse ou un tunnel, le lecteur est emporté dans son sillage, dans des situations de bruits et de fureur, au bord de l'implosion, l'étincelle qui peut mettre le feu au poudre et à changer à jamais l'existence de Fanny et des siens.
"Quand toutes les étoiles meurent, elles deviennent un trou noir ..."
L'introspection de Fanny impressionne dans sa description et ce vase communicant entre deux pôles, ce dialogue infernal qui n'oublie pas de verser dans le sarcasme ou l'humour involontaire mais faisant mouche à chaque fois, ce qui permet d'alléger une ambiance délétère, de donner un rythme de lecture tout dans la frénésie et le danger constant, une âme perdue et paradoxalement faisant preuve d'une lucidité temporaire, ce roman se lit d'une traite pour s'immerger à 100 % dans la peau et les affres de l'angoisse de la protagoniste, une mélancolie plane dans cette contrée édifiante qui ne verse jamais dans le pathos ou la violence gratuite, une prouesse de l'auteure à contenir cette émotion qui étreint le coeur, la tendresse qui s'invite lors de fulgurant instant de temps suspendu, cette montée en adrénaline qui ne cesse jamais de monter dans les plus hauts fourneaux jusqu'à une conclusion implacable, Fanny trouvera-t-elle son havre de paix et sa place dans un monde en totale opposition avec ses désirs élémentaires et fondamentaux ? Survivra-t-elle à ses démons intérieurs et à jouir enfin d'une liberté jusqu'alors marquée par les excès en tout genre ?
Dérangeant, parfois cru mais jamais dans la complaisance ou l'outrancier, un parcours chaotique et jalonné par des drames, de trop rares instants de joie fugace, l'empreinte invisible d'un personnage au bord du précipice, un esprit délicat et emprisonné dans une bataille déséquilibrée par les forces obsucres régnant ici bas ou dans les soubassements de la mémoire inconsciente ou défaillante, une survie pour résister à toutes les tentations et à toutes les raisons acceptables, le besoin d'aimer et de se sentir désiré est de l'ordre naturel mais pour Fanny, c'est juste son sacerdoce et son désespoir qui la guident.
Impressionnant d'audace dans sa folie, d'une rare luminosité et tout dans la construction nuancée, l'histoire d'une femme pas comme les autres, de celle qui vous laissera une marque indélébile dans votre coeur. Inoubliable et monstrueusement contagieuse.
Une plongée impressionnante et vertigineuse dans la psyché humaine ...
Fanny N. est un roman auto-édité que je vous recommande sans modération et à lire sans filtre pour appréhender et
découvrir une autre facette du talent de l'auteure,
Alice Quinn.
❤️❤️❤️
N'oubliez pas, éviter de trop regarder vers les profondeurs, l'abysse vous regarde aussi ...