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Céline Schwaller (Traducteur)
EAN : 9782869307919
228 pages
Payot et Rivages (08/03/1999)
3.76/5   44 notes
Résumé :
Femmes et Fantômes est le premier livre de nouvelles d' Alison Lurie. Qu'elles soient menacées par leurs meubles, persécutées par un esprit jaloux ou par un double maléfique, victimes d'hallucinations ou de phénomènes paranormaux, les héroïnes de ces neuf nouvelles se trouvent dans des situations amoureuses, familiales ou amicales dangereuses pour elles. Terrées dans leur silence de peur de paraître ridicules ou bien bafouées par leurs proches, elles restent souvent... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Je lis que très rarement des nouvelles et j'ai peut-être tort..... J'ai à la fois découvert une auteure, Alison Lurie dont je ne connaissais rien mais également un style à travers neuf histoires de femmes et de fantômes avec lesquels j'ai passé un excellent moment, tout à fait ce qu'il me fallait pour sortir de la morosité ambiante. 

Donc neuf nouvelles très différentes dans leurs contextes mais ayant comme point commun que les narratrices sont des femmes apparemment sensées, qui sont confrontées à une présence, qu'il s'agisse d'une bizarrerie ou d'une sensation inexpliquée ou inexplicable. Il est question d'une deuxième épouse retrouvant la première épouse coincée dans un recoin de la cuisine,  de vengeances au fond d'une piscine , d'une commode héritée qui se révolte, d'un poète qui se rêve mouton, d'une diplomate poursuivie par l'ombre d'un amant éconduit, d'une future maman adoptive entendant les pleurs d'un enfant irréel,  d'un régime amaigrissant tournant à l'obsession, d'une voisine qui transforme les soirées d'Halloween en chasse au lapin et une femme poète dont le double prend de plus en plus de place dans ses lectures publiques.....

Neuf textes dans une écriture vive, dynamique, avec une pointe d'ironie, qui en profite, comme cela, l'air de rien, pour également quelques réflexions sur certains comportements vis-à-vis des femmes que ce soit au sein du couple, du travail ou dans leur style de vie mais aussi leurs réflexions intimes sur leurs libertés, leurs désirs ou de leurs excès et l'impossibilité de révéler ce qui ne peut s'expliquer au risque de passer pour folles.

Quand l'inexplicable flirte avec la réalité, quand les coïncidences ou l'irrationnel ne peuvent que conforter les sensations éprouvées ne trouvant (ou ne voulant trouver) d'autres réponses que celles issues d'un monde parallèle  à moins qu'il ne s'agisse de culpabilité, de schizophrénie ou de mauvaise conscience.  Cela se veut à la fois léger mais troublant car finalement pourquoi pas ..... Hallucinations, esprits, mondes parallèles où même les objets parfois peuvent avoir une âme..... Voilà qu'à mon tour je déraille......

Des petites histoires pour raconter ce qui n'est pas de l'ordre du possible, sans d'ailleurs donner y trouver un sens, sans porter un jugement, des nouvelles qui se lisent avec plaisir et que j'ai parfaitement imaginé les lire le soir à la veillée, dans une semi-obscurité, pour non pas faire peur, mais pour distraire avec ce petit frisson d'étrangeté qui vous parcourt l'échine sans pour autant terrifier.

Je ne sais pas si Alison Lurie, aujourd'hui décédée, s'est amusée à rédiger ce recueil de nouvelles mais en tout cas, moi, j'ai pris énormément de plaisir à la suivre dans ses déambulations fantomatiques, à penser que parfois il ne peut y avoir d'autres explications que celles que l'esprit imagine, que certaines coïncidences ne sont pas toujours le fruit du hasard.

J'ai aimé
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Etoiles Notabénistes : ******

Ilse's House
Traduction : Céline Schwaller pour Rivages - Bibliothèque Etrangère

ISBN : Inconnu mais 9782743600372 pour "Femmes & Fantômes" dont est tirée cette nouvelle

Alison Lurie, qui commença à se tourner vers l'écriture dans les années cinquante et, malgré de très nombreux refus d'éditeurs, se cramponna à son désir jusqu'à percer enfin dans le métier et même y obtenir le Prix Pulitzer en 1984, est surtout connue pour ses romans. le plus célèbre d'entre eux, en France, reste "La Vérité sur Lorin Jones", Prix Fémina étranger 1988. Et vous trouverez certainement des fiches relatives à au moins deux des ses essais sur la littérature enfantine dans notre rubrique "Biographies et Documents sur La Littérature et les Arts."

Par ailleurs, Lurie nous a également concocté quelques recueils de nouvelles dont "Femmes et Fantômes", qui ne traite que de l'intrusion de l'Au-Delà dans la Réalité. Vous en trouverez une fiche globale dans notre rubrique "Terreur ...", l'une des plus ancienne fiches de ce Forum-Bibliothèque, si mes souvenirs sont bons.

C'est d'ailleurs "La Maison d'Ilse" qui ouvre ce recueil dans lequel, je tiens à le rappeler, je n'ai lu que des textes de très haute tenue pour le genre abordé. On retiendra avant tout de cette première nouvelle une impression marquante de froid et de solitude car l'action se situe dans une grande ville américaine de l'Est, en hiver, alors que la neige rôde ou s'étale, avec son éblouissante et trompeuse insouciance, sur les trottoirs, les pelouses, les voitures ... Et pourtant, le climat intérieur est chaud, brûlant même. Nous tombons en effet en pleine idylle, une idylle quasi parfaite, à fort peu de détails près, entre Gregor Spiegelman, professeur d'Histoire économique des Balkans à l'Université du lieu et par ailleurs Directeur d'Etudes à ladite Université pour on ne sait trop combien de projets, et Dinah, une courtière d'un nombre conséquent d'années sa cadette (Greg, comme elle l'appelle, a cinquante-quatre ans), qui a, de son côté, tout aussi brillamment réussi dans la finance.

Leur liaison dure depuis déjà pas mal de temps et Dinah passe de plus en plus de nuits et de week-ends dans la grande et fort belle maison que son amant - fortune et statut social obligent - possède en banlieue. le lieu est à l'image de leur relation : idyllique quoique un peu isolé. Mais enfin, comme cela, il n'y a pas d'intrus pour venir les embêter, n'est-ce pas ?

Cependant, un dimanche matin que Dinah, s'étant levée un peu plus tôt pour préparer à son Bien-Aimé un authentique petit-déjeuner à l'Américaine - il prétend en effet n'en avoir jamais goûté qui mérite ce nom - pénètre dans la cuisine encore plongée dans une demi pénombre et bien close, elle distingue, dépassant d'une anfractuosité située entre un réfrigérateur et l'évier (ou entre deux meubles, je ne me rappelle plus très bien), une paire de jambes emprisonnées dans un gros collant de laine grise et s'enfonçant dans deux ballerines de toile noire, toutes usées. Sous le choc, la jeune femme fait un bond en arrière, allume le plafonnier et se précipite. Trop tard, bien sûr : en supposant qu'il y ait eu quelqu'un, la personne, en tout cas, s'est envolée.

Dinah, qui a accepté depuis peu la demande en mariage que lui a adressée fort solennellement son prétendant quinquagénaire, préfère ne pas évoquer l'incident. Mais cet événement inquiétant, le visage aux traits fripés et malheureux de la toute petite bonne femme assise par terre et comme coincée dans ce trou entre deux éléments de cuisine, continuent à la hanter. Elle en arrive à la conclusion qu'il s'agit du spectre de la première épouse de Grégor, Ilse, une Tchèque qu'il avait eue jadis pour élève et qui, ne pouvant s'habituer ni au rythme ni aux coutumes de la civilisation américaine, avait préféré divorcer pour rejoindre sa Tchécoslovaquie natale. La seule et unique fois où Gregor avait évoqué Ilse, il l'avait fait avec tristesse, déplorant que, malgré tous les efforts de la jeune femme et malgré tous ceux, éreintants, qu'il avait faits de son côté pour l'aider, malgré tout son amour et malgré toute sa détermination, il n'était pas parvenu à rétablir la situation et à la dissuader de divorcer. Evidemment, Ilse était étonnamment têtue et quand elle avait une idée dans la tête ... Mais quel gâchis tout de même - bien que, à bien y regarder, ce fût elle qui, bien plus lourdement que Greg, en portât la responsabilité ...

Bien entendu, vous vous en doutez, l'apparition remet ça, non pas une mais plusieurs fois. Jamais, notez-le bien cependant, lorsque Dinah est sur ses gardes : toujours lorsqu'elle s'y attend le moins. A bout de nerfs, Dinah demande alors à Greg de vendre la maison. Celui-ci, qui n'y comprend goutte, s'y refuse. Après tout, depuis le temps, il a tiré une croix sur son lointain premier mariage et, dans cette maison par ailleurs si pratique, il a aussi connu de bien bons moments. En dernier recours, Dinah se résout à lui demander de faire construire un petit placard dans la cuisine, là où apparaît toujours la femme en ballerines noires. On ne sait trop d'ailleurs pourquoi Dinah s'imagine à tout prix qu'elle a affaire d'une part à la première épouse de Greg, d'autre part pourquoi elle est persuadée de sa mort. Certes, on entre bien dans l'esprit de Dinah mais, pour songer à ce qu'il lui arrive, elle parle de jalousie éprouvée par Ilse si elle est morte (on vit si mal, de l'autre côté du Rideau de Fer) et, si elle est vivante, de la possibilité pour elle, toujours sous l'effet de la jalousie à l'approche du remariage de Greg, d'expédier aux USA, pour dissuader la future seconde épouse de se lancer dans l'aventure, une espèce de corps astral. Nul n'ignore que certaines personnes en sont capables. Pourquoi pas Ilse ?

Deux points sont à remarquer sur les cogitations pour le moins curieuses de Dinah : d'abord, elle ne s'interroge pas sur la manière dont Ilse serait morte et encore moins, si elle est toujours en vie, sur la façon dont elle aurait pu apprendre le remariage de son ex-époux ! Enfin, il ne me semble pas avoir lu quoi que ce soit sur des pratiques shamaniques ou extra-sensorielles dont Ilse aurait eu l'habitude et que Greg aurait rapportées à Dinah ...

Pour apaiser sa future, Greg consent à faire construire le fameux placard. Provisoirement satisfaite et pour bien marquer son territoire, Dinah y range immédiatement une foule de choses. Mais, quand elle en ouvre la porte pour en reprendre certaines, que voit-elle ? Bingo ! La petite bonne femme aux ballerines noires et aux collants gris, aux traits si tristes et tout chiffonnés, mais plus petite que d'habitude, comme si elle avait adapté sa taille à ce que lui laissaient de place les montants et les étagères du placard ...

Sonne alors pour Dinah l'heure de tout expliquer à Greg. Et alors, là ...

Alors là, mes amis, je préfère ne pas vous raconter. Permettez-moi de clore cette modeste fiche par le pendant au fameux proverbe (parfait d'ailleurs pour Greg) "Tout ce qui brille n'est pas or", à savoir "Tout spectre n'est pas forcément animé de mauvaises intentions ..."

Méditez là-dessus et, si "La Maison d'Ilse" vous plaît, sachez que nous reparlerons fatalement, un jour ou l'autre, de "La Commode", autre nouvelle fantastique due à la plume d'Alison Lurie. D'ici là, bonne lecture et cogitez bien - allez jusqu'au bout de vos pensées, ce que n'a pas osé faire la pauvre Dinah. ,o)
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FEMMES ET FANTÔMES d'ALISON LURIE
Neuf nouvelles.
Personne n'avait vraiment compris qu'à 15 jours de son mariage avec Greg, Dinah renonce. Greg était riche, beau, intelligent et gentil mais le problème était autre, Dinah ne voulait pas emménager chez lui, elle y avait vu un fantôme…
Lary emmène sa fille Kate à Key West chez sa belle mère, loin des brouillards de Boston. Kate enrhumée retrouve immédiatement la forme profitant de la piscine, mais elle y voit de drôles de choses…
Buffy était déçue à la mort de sa tante de ne pas avoir reçu la commode, c'est Clarke qui en avait hérité. Il va accepter de l'échanger contre la ménagère en argent. Buffy prête aux meubles des sentiments humains, d'ailleurs, sitôt chez elle, les tiroirs de la dite commode coincent ou semblent frapper certaines personnes…
Janine dirige un programme littéraire dans une campagne anglaise où peu d'étudiants postulent. Robbie, lui, est passionné par le lieu et l'écrivain qui y vivait. Des lacs, des moutons, mais peu d'opportunités de travail, or Robbie veut rester. Il apprend qu'il y a pas loin, une pierre à voeux, il va y faire une surprenante demande…
Célia est diplomate, a du succès avec les hommes, sort avec plusieurs, jamais longtemps. Dwayne la demande en mariage et lui offre une montre ayant appartenu à sa mère. Elle refuse, il décède dans un accident, sort avec d'autres hommes puis soudain elle accepte un poste en Afrique au Goto, que s'est il passé?…
Aster et Clarke sont en Inde pour adopter une petite fille, ils ne peuvent procréer. Les démarches sont longues ils vont visiter un temple dédié à Laksmi, des femmes se roulent par terre, elle les imite. Leur demande d'adoption est rejetée et Aster réalise qu'elle a du retard dans ses règles…
Quand Scott part pour trois mois en Inde, elle veut perdre du poids, elle voit des gros partout…
Pour Halloween, Marguerite voit une fille déguisée en lapin qui lui rappelle un souvenir de sa soeur …
Karo, une poétesse, fait des lectures à travers les États Unis, plusieurs personnes disent l'avoir rencontré dans des villes où elle dit n'être jamais allée…
Premier recueil de nouvelles d'Alison Lurie, une galerie de portraits de femmes en danger, menacées, dans des univers étranges voire fantastiques. Elles ont peur sans savoir pourquoi. Fascinant.
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Femmes et Fantômes est un recueil de nouvelles, constitué de neuf histoires ayant comme dénominateur commun des femmes confrontées subitement dans leur quotidien à des phénomènes surnaturels ou hallucinogènes. Si une hésitation, un remord, une crainte, une peur ou une angoisse prennent la forme d'un retour du refoulé des plus étranges et inquiétants, ces manifestations inexpliquées conduiront nos héroïnes à des situations plus que périlleuses, aboutissant à des conséquences multiples mais souvent majeures et comme semblant inéluctables.

J'encourage vivement les lecteurs à lire ce très bon recueil de nouvelles, qui présente des situations très diverses tout en permettant d'explorer une thématique commune, celle de l'obsession lancinante surgissant brutalement dans la vie des personnages, avec toutes les implications que ces obsessions induiront sur leur psychologie et leur quotidien. Ce recueil est par ailleurs composé de nouvelles bien équilibrées et de grande qualité, aucune ne souffrant de la comparaison de celle qui la précède ou qui la suit. Il ne faut non plus être féru de littérature fantastique pour les apprécier à leur juste valeur, dans la mesure où Alison Lurie arrive avec beaucoup d'intelligence et de finesse à distiller le doute quant à leur origine psychologique ou paranormale. Sans oublier l'humour qui se glisse subrepticement entre les pages.
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Women & Ghosts
Traduction : Céline Schwaller

Dans "Femmes & Fantômes" paru aux éditions Rivages Poche, neuf nouvelles où sont analysées, dans des contextes très différents, les relations entretenues par une héroïne avec un ou plusieurs "fantômes." Certains de ces spectres appartiennent effectivement à l'Au-delà. Trois d'entre eux cependant relèvent plus de la psychose qui afflige le personnage principal.
Sans hésiter, c'est à "La Commode" - la troisième nouvelle en fait - que vont mes préférences personnelles. Une quinquagénaire un peu excentrique et qui estiment que tous les meubles ont une âme recueille chez elle une commode qui, pourtant, selon le testament de sa tante, ne devait pas lui revenir. Au début, tout se passe relativement bien, tant qu'on n'énerve pas la commode. Mais un jour ...
Autre excellente nouvelle bien fantastique : "Les Gens de la Piscine" où des ouvriers renvoyés par une femme très riche mais trop snob ... Mais je vous laisse découvrir l'histoire.
Pour être honnête, l'intégralité de ces nouvelles sont d'un très haut niveau. Allison Lurie sait manier de façon remarquable le non-dit et le sous-entendu. Son style est par ailleurs très poétique. Quant à sa faculté d'analyse des caractères, je l'ai trouvée à la fois très profonde et très particulière.
Bref, ce petit livre est une véritable gourmandise pour tous ceux qui ne détestent pas qu'une pincée de fantastique saupoudre ici et là leurs lectures. A noter qu'il n'y a jamais rien de gore ou de sanglant, bien au contraire. Non, c'est beaucoup plus insidieux ...
Une authentique découverte. Je n'ai qu'un regret : de ne pas l'avoir faite plus tôt. ;o)
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
[...] ... Après le travail, je suis allée là-bas. Je devinai à quel point Greg était encore furieux à la manière dont il avait jeté mes affaires par la porte de la cuisine. Ma chemise de nuit couleur lavande semblait avoir été étranglée, et il y avait des miettes de toasts aux raisins partout ; un flacon d'après-shampoing qu'il n'avait même pas pris la peine de reboucher avait tout inondé. Un vrai gâchis. Pendant tout le temps où je nettoyai ce chantier, je n'ai cessé de pleurer, car je pensais encore être amoureuse de Greg, et je me disais que tout était ma faute. Ensuite, je n'ai pas pu m'empêcher de regarder une dernière fois à travers la vitre de la cuisine pour voir si Ilse se trouvait à l'intérieur. Peut-être qu'elle sourirait maintenant, ou même qu'elle rirait. La porte du placard bâillait, mais il était vide.

J'ai entassé toutes mes affaires dans ma voiture, puis je suis rentrée chez moi ; heureusement, le bail ne se terminait pas avant un an mais mon appartement se trouvait dans un état lamentable. Je n'y vivais presque plus depuis des semaines. Il y avait de la poussière partout, et de la suie noircissait les fenêtres. Je suis parvenue à décharger la voiture et à tout monter, puis j'ai balancé mon tas de vêtements poisseux d'après-shampoing et parsemé de miettes dans la baignoire, près de laquelle je me suis agenouillée pour mettre l'eau à couler.

Ensuite, je me suis vraiment effondrée. Je me sentais tellement vaincue, folle, malheureuse, que je me suis laissée glisser sur le lino jaune sale pour me blottir entre la baignoire et les toilettes. J'avais envie de me suicider, mais pas la force de bouger. Je me disais que dans un petit moment, j'allais peut-être ramper jusqu'au four et me mettre la tête dedans.

Et puis tout d'un coup, j'ai pris conscience d'être assise par terre, dans un endroit exigu, exactement comme Ilse. Elle avait fini par me réduire à une condition aussi pitoyable que la sienne.

Mais peut-être n'était-elle pas la seule en cause. Et pour la première fois, je me suis demandé si Greg lui avait déjà dit le même genre de choses qu'à moi durant ce week-end, jusqu'à ce qu'elle s'accuse de tous les torts et se sente vidée, battue à plates coutures. Je me suis souvenue de la façon dont [le visage de Greg] s'était transformé en image de film d'horreur, et soudain, je me suis dit que j'avais de la chance d'avoir quitté sa maison. Même s'il changeait d'avis et me demandait de retourner vivre avec lui, même s'il se montrait aussi charmant et affectueux qu'avant, je ne pourrais jamais oublier ce week-end ni cesser de me demander si un tel incident risquait de se reproduire, et je me sentirais obligée de marcher sur la pointe des pieds toute ma vie. ... [...]
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[...] ... C'est le jour suivant que j'ai vu Ilse pour la première fois. J'avais encore mon appartement dans le centre-ville, mais je passais beaucoup de temps chez Greg et y dormait presque toutes les nuits. Je m'étais levée tôt le dimanche pour préparer des saucisses et des gaufres au sirop d'érable parce que deux jours plus tôt, nous avions discuté des petits-déjeuners américains traditionnels et il m'avait dit ne jamais en avoir goûté un bon.

C'était un matin d'hiver humide et sombre, et une pluie à moitié gelée striait les vitres de la cuisine comme une colle transparente. En entrant dans la pièce, j'ai d'abord aperçu quelque chose ressemblant à des jambes et à des pieds, avec des collants gris et des ballerines noires éculées, dépasser entre le réfrigérateur et le mur. J'ai voulu crier, mais rien n'est sorti à part une sorte de gargouillis. Ensuite, j'ai fait un pas en avant et j'ai vu une femme pâle, vêtue d'une robe noire recroquevillée dans le trou.

Je n'ai pas pensé à Ilse. Si jamais j'ai pensé à quelque chose, c'est que nous avions laissé la porte de derrière ouverte et qu'une pauvre sans-abri ou une étudiante schizo était entrée.

- "Bon Dieu, qu'est-ce que c'est que ça ?" ai-je hurlé en reculant pour allumer la lumière.

Ensuite, j'ai regardé à nouveau, mais il n'y avait personne. Tout ce qu'il y avait, c'étaient les bottes en caoutchouc noir de Greg, qu'il avait mises à sécher en rentrant du cinéma la veille au soir, et sa longue écharpe de laine grise accrochée à côté des chiffons à poussière. Je ne voyais pas comment mon esprit avait pu assembler ces divers objets pour en faire une silhouette de femme, mais l'esprit fait parfois de drôles de choses.

Plus tard, après avoir retrouvé ma respiration, j'ai repensé à l'histoire de Greg et j'ai compris que ce que j'avais vu, ou cru avoir vu, était Ilse Spiegelman. Cet incident m'a troublée car il signifiait que l'ex-femme de Greg me trottait dans la tête à un point que je n'avais pas soupçonné. ...
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Je n'ai jamais vu de fantômes agitant des draps, de cavaliers sans tête, des manoirs hantés, ni rien de ce genre. Mais une fois, il s'est passé quelque chose d'étrange...
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