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EAN : 9782743615383
341 pages
Payot et Rivages (05/04/2006)
3.76/5   133 notes
Résumé :
Emily Stockwell Turner est-elle heureuse ? Elle n’en sait rien elle-même jusqu’au jour où elle s’aperçoit qu’elle aime moins son mari qu’elle ne le croyait et entreprend d’échapper à l’enfermement de la petite existence trop banale de Convers College, en Nouvelle-Angleterre.

« Un roman impitoyable qui confronte sans cesse le désir de s’envoler avec le quotidien meurtrier. » (Diane de Margerie, Le Figaro littéraire)
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Love & Friendship
Traduction : Sophie Mayoux

Premier roman d'Alison Lurie, "Les Amours d'Emily Turner" parut en 1962. D'ores et déjà, on y rencontre l'écriture serrée, les demi-teintes, les non-dits et les sous-entendus qui caractérisent le style de cet auteur. Peut-être l'exposition de la situation sera-t-elle tenue pour un peu trop longue par les puristes. Peut-être jugera-t-on que le contrepoint formé par les lettres d'Allen Ingram à Francis Noyes est amené de manière trop maladroite. Mais enfin, un premier roman demeure un premier roman et les génies eux-mêmes se sont fait les griffes avant de produire leurs miracles
L'intrigue se situe dans une petite ville universitaire du Minnesota, Convers où vient d'être nommé Holman Turner, qui se verra défini plus tard comme "le mari-type américain" : sain, assez primaire sur le plan sexuel et plutôt conservateur. Issu d'un milieu simple, Holman a fait un beau mariage en épousant Emily Stockwell, fille d'un financier qui siège également au Conseil d'Administration de Convers. de leur union est né un petit garçon, maintenant âgé de quatre ans, Freddy.
C'est leur installation à Convers qui va révéler très vite à Emily qu'elle n'aime plus son mari. du coup, bien évidemment mais non sans avoir beaucoup hésité et un peu par défi, elle prend un amant parmi les collègues de son mari. (Il va de soi qu'elle choisit le plus anti-conformiste, tout au moins en apparence.) Mais bien que leur relation soit intense, Emily finira par réaliser que mieux vaut pour elle demeurer avec Holman et Freddy ...
Un peu maigre pour plus de 340 pages en petits caractères, direz-vous. C'est à voir. Car Alison Lurie s'attache à décrire, avec la rage d'un peintre pointilliste, le plus infime détail - drôle, loufoque, tragique - de la vie universitaire américaine au début des années soixante, c'est-à-dire, il faut le garder à l'esprit, avant que les événements du Viêt-Nam n'ait gravement secoué ce mode de vie si particulier.
Cet univers en vase clos est lui-même emprisonné au sein d'un autre vase hermétiquement fermé : celui de la ville de Convers elle-même où vous ne pouvez rien faire sans que cela soit su par votre voisin. D'où une impression d'étouffement qui ne peut qu'accabler les esprits comme ceux d'Emily ou de Julian et Miranda Fenn, un couple d'amis qui préfigurent pour leur part les hippies de la décennie suivante.
Ce resserrement de l'intrigue, cet enfermement forcé des personnages accentuent les ambiguïtés des caractères et des comportements. Ainsi, Will Thomas, l'amant d'Emily, est-il vraiment si désintéréssé que ça ? Car Emily, en bonne héritière, jouit de revenus personnels qui ne sont pas à négliger, si anti-conformiste que l'on s'affirme ...
En contrepoint, à la fin de chaque chapitre, une courte lettre adressée par Allen Ingram, romancier homosexuel new-yorkais engagé pour un an à Convers pour y gérer des ateliers d'écriture, à son compagnon, Francis Noyes. Ingram, qui n'est pas tributaire de Convers, pose un regard évidemment plus libre sur les faits et gestes des autochtones. Et le recul qui est le sien permet au lecteur de relativiser le "drame" vécu par Emily, par les Fenn (qui sont dans le collimateur de l'Administration universitaire) ou encore par Dick, l'étudiant qui se fera virer de Convers à l'issue du roman.
Mais si le lecteur parvient à relativiser, du coup, il perçoit de façon plus aiguë le désarroi qui touche ces marionnettes, toutes plus prisonnières les unes que les autres non seulement de Convers mais aussi du style de vie qu'elles ont choisi.
Lecture faite, on comprend pourquoi les critiques de l'époque jugèrent ce livre si prometteur. Pour pénétrer dans le monde d'Alison Lurie, il n'est peut-être pas pourtant le meilleur. Comme je vais en lire d'autres, je vous dirai si cette opinion se confirme. ;o)
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Le début
"The day on which Emily Stockwell Turner fell out of love with her husband began must like other days."
(Le jour où Emily cessa d'aimer son mari commença comme les autres jours )(je traduis rapidou)

Issue d'une famille aisée de l'est des Etats-Unis, Emily a étudié dans les meilleures écoles pour jeunes filles de sa classe sociale. Holman, son mari, rencontré lors d'une soirée à New York où il n'aurait jamais dû logiquement se trouver, vient de Chicago et d'un milieu beaucoup plus populaire. Son salaire de professeur à Convers College peine à être supérieur à la rente d'Emily 'sans travailler'. Pour achever le tableau, leurs deux pères peuvent être dits travaillant dans la banque, celui d'Emily comme le gros directeur, et celui d'Holman comme portier. Mais le mariage fonctionne depuis quelques années, et leur fils Freddy a quatre ans.

La nature a horreur du vide, dit-on, Emily remplit ses journées en se rendant à une boutique de vêtements de seconde main (thé et papotages, de plus), et surtout visitant longuement Miranda, elle aussi épouse de professeur. Là elle va rencontra Will, professeur -et compositeur-, pour un flirt au début, mais...

L'intérêt du roman ne vient pas que de l'évolution des relations entre Emily et Will, pourtant finement racontées, avec des ellipses étonnantes. Plus généralement, Alison Lurie a le chic pour ne pas allonger la sauce, dialogues et gestes suffisent la plupart du temps à laisser percevoir les pensées des protagonistes. le lecteur aux aguets des petits détails saura combler ce qui manque.

Il dépend aussi, en arrière plan, mais tellement prégnant et non sans conséquences, du petit monde universitaire fréquenté par les Turner. Bruits de couloir, évolutions de carrière. Convers College est un petit monde dans le pas si grand monde de la ville de Convers, apparaissant comme au fin fond d'un trou, et avec un climat hivernal épouvantable.

Chaque chapitre se termine par des extraits de lettres envoyées par Allen Ingram, écrivain et professeur, à un de ses amis. L'humour d'Alison Lurie est à son maximum dans ces courts passages, où il dissèque ce qui l'entoure. Car dans ces coins là, rien ne peut demeurer caché bien longtemps.
"This college may be run by men and for men -the town is run by women for women. And not the slightest event can occur here (or not occur) without its being noticed. Out in the world a scandal spreads quickly and is gone, expanding in fading rings like wawes from a stone tossed into a river, washed away down to sea. In this pond -this puddle- the ripples reach shore and bounce back, interlacing, till the whole surface becomes a net of lines."

(le collège est régi par les hommes pour les hommes, mais la ville par les femmes pour les femmes. Aucun événement même le plus minuscule ne peut arriver -ou pas- sans être remarqué.Ailleurs dans le monde un scandale s'étale rapidement en cercles diminuant comme des vagues quand une pierre a été jetée dans une rivière, balayé jusqu'à la mer. Dans cette mare -cette flaque- les rides atteignent la rive, reviennent, s'entremêlent, jusqu'à ce que toute la surface devienne un lacis de lignes.)

Plus rarement, Alison Lurie use de jolies formules
"his wife looks like a pre-Raphaelite watercolour that's been left out in the rain."
(sa femme ressemblait à une aquarelle préraphaélite laissée dehors dans la pluie)

Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Je vous renvoie aux excellentes critiques complémentaires de Woland et Keisha, et à celle, plus synthétique de Laurence 69008.

Histoire d'une liaison entre l'épouse d'un universitaire et d'un professeur de musique marginal et séducteur, peinture à la David Lodge du milieu universitaire américain dans les années 60.

Le roman peine à démarrer sur les cent premières pages, mais une fois le décor planté on s'attache aux deux personnages principaux Emily TURNER et Will THOMAS, de leur rencontre jusqu'à l'idylle, l'amour passionnel et le dénouement à l'initiative d'Emily.
Un autre personnage essentiel et intéressant est celui de Miranda, l'amie et confidente d'Emily et Will, mère de trois enfants, fidèle à son mari. Elle tire un peu les ficelles, conseille, rabiboche.

Les péripéties à partir et autour du campus universitaire, les drames secondaires qui encadrent l'intrigue sentimentale principale sont un peu un prétexte pour asseoir la satire sociale d'un milieu renfermé sur lui-même, sclérosé, l'université ou la vie locale où tout se sait, tout se commente, où la pression sociale joue à plein sur les attitudes et les comportements.

Le roman aurait gagné à être condensé et épuré de certaines scènes et dialogues de vie de famille autour des enfants. Miranda est mère de trois enfants, et si l'on prend en compte qu'Alison Lurie née en 1926, mariée en 1948 a également été mère de trois enfants, professeur d'université, et que le roman a été publié en 1962, on peut penser qu'il y a du vécu derrière.

Alison Lurie fait preuve d'une grande finesse psychologique pour peindre ses personnages et les affres de la vie conjugale. Les problématiques, les dialogues, les situations sont plausibles, intéressants, bien rapportés. J'ai notamment apprécié cette technique qui consiste à superposer les pensées intimes et les interprétations des personnages aux dialogues en direct, cela donne de la profondeur et de l'épaisseur.

Le titre original du roman 'Love and frienship" est un hommage à Jane Austen : "Raison et sentiment" : "Orgueil et préjugés"

Comme Woland je découvre Alison Lurie en commençant par son premier roman et vais poursuivre ma découverte de cette auteur décédée en 2020 à 94 ans.
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Les Amours d'Emily Turner, premier roman d'Alison Lurie, est paru en 1962. Il raconte l'installation d'Emily Stockwell mariée à Holman Tuner dans la petite ville universitaire de Convers, en Nouvelle-Angleterre. Alison Lurie dresse un portait cynique et tendre de la société par le récit de menus faits et dialogues du quotidien.
Ce roman s'attache particulièrement à décrire les relations homme-femme et est sans concession sur la considération accordée aux femmes par l'américain moyen (cependant intellectuel) campé par Holman. Par ailleurs le milieu universitaire dans lequel évolue Holman est finement décrit.
L'analyse est toujours laissée au lecteur. C'est par l'ironie toujours présente que la critique prend forme.
C'est léger délicat subtil, bref un moment délicieux !

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Emily Turner est une jeune et riche héritière mariée à Holman, un professeur d'université dans la petite ville de Convers en Nouvelle Angleterre. L'éducation de son fils et son engagement dans une vente de charité ne suffisent pas à remplir les journées d'Emily qui s'ennuie ferme surtout depuis qu'Holman a cessé de lui raconter ses activités à la fac. Emily est à la recherche d'une vie moins routinière aussi, quand elle fait la connaissance de Will Thomas, professeur de musique, elle est attirée par sa réputation d'artiste et de séducteur.

L'arrière-plan du récit est la vie de la communauté éducative de l'université. Les jeunes enseignants chargés de cours aux contrats précaires sont mal payés et obligés de vivre dans des logements vétustes loués par l'université -la fortune des parents d'Emily permet cependant aux Turner d'être logés correctement. Les épouses sont sensées veiller à ce que le foyer soit ordonné et propre et il est implicite que leur comportement peut influer sur la carrière de leur mari. Dans cette société très conformiste Julian et Miranda Fenn forment un couple atypique, sortes de hippies avant l'heure -le roman a été publié en 1962. L'intérieur de Miranda est peu soigné et ses enfants à l'imagination vive considérés comme négligés. Dans ce milieu fermé les rumeurs circulent facilement.

S'il ne se passe pas grand chose les personnages sont finement observés, souvent avec un humour caustique. Chaque chapitre se termine par une lettre de Allen Ingram, romancier en poste à Convers pour un an, à son ami Francis Noyes. Il apporte un regard extérieur et décalé aux événements qui sinon sont vus par les yeux de leurs protagonistes forcément très impliqués dedans. J'ai trouvé ce procédé bien imaginé. La lecture est plaisante et j'ai apprécié ce roman.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
* Elle avait vingt-sept ans, et avait toujours, comme au jour de leur mariage, l’air d’un bel animal élevé et soigné avec attention, maintenu en permanence au sommet de sa forme pour être utilisé dans une occasion importante qui ne s’est pas encore produite et ne se produira peut-être jamais.

* - « Il la néglige, hein ? Quel dommage ! Une fille comme elle, on ne la laisse pas mariner toute seule à la maison toute la journée ; elle a besoin d’attentions, de bon air, d’exercice, de distractions.»
- « Besoin de toi, en somme. »

* Emmy, et c’était là une des conséquences de l’éducation reçue à Si-Kit, se sentait coupable de l’acte moral d’adultère, non pas de l’acte physique. Tous ses remords passagers avaient pour cause son mensonge envers Holman, son incapacité à l’aimer, son amour pour un autre. Lorsqu’elle était avec Will, cela n’avait plus d’importance, elle était ivre, transportée. Les moments les plus pénibles venaient avant, lorsqu’elle se préparait, enfermée dans la salle de bains, et pensait : je pourrais m’arrêter ; il faudrait que j’arrête ça. C’était pénible après, également, mais pas autant. Elle ne remettait pas en question les grands principes, mais elle ne voyait pas comment ces principes pouvaient s’appliquer à elle ; elle nageait dans le bonheur.

* L’aventure se révèle toujours (sitôt passés les premiers élans) répugnante, brutale brève. Telle du moins était l’expérience de Miranda. L’amour romantique ne produit qu’images fausses et attentes fallacieuses ; le mariage est plus clément, même si lui aussi vit de petits mensonges apprivoisés. On fait de son mieux avec ce qu’on a. Seule l’amitié est réelle de part en part. Parce que Will, devant elle et devant personne d’autre, laissait tomber tous ses déguisements, elle était la seule à le connaître vraiment. El connaître, c’est pouvoir : la seule forme de pouvoir qui vaille la peine’— les autres formes en sont grossières, matérielles et, de ce fait, éphémères. Tôt ou tard, comme toute matière, elles aboutissent à la déchéance et à la pourriture. Will lui appartiendrait toujours, jamais il n’appartiendrait à Emmy ni aux autres filles auxquelles il se frottait dans des draps sordides, leur donnant ce qu’elles voulaient, jouant à incarner l’amant imaginaire qu’elles s’étaient inventé. Elle ne leur en voulait même pas...
- «Oui, l’amour complique les choses, il ne crée que des complications,» poursuivit-elle… Je préfère être ton amie pour dix ans plutôt que de devenir ta maîtresse pour dix semaines. Et si tu y réfléchis, on n’a pas d’autre choix.
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