"Le Maghreb a refusé l'écriture. En
Algérie, les femmes n'écrivent pas, elles brodent."
Assia Djebar.
L'homme est seul, avec son panneau : "Vive le Président", écrit en arabe, ce 1er mai, jour férié.
Un premier policier fit semblant de rien voir. Un autre appela son chef, qui appela son N+1, etc...
- C'est louche, ce manifestant solitaire!
Le commissaire appela la Présidence, le Parti, le Syndicat... On lui demanda d'arrêter le manifestant.
Il n'y a pas de manifestation autorisée (même pour louer le Président, puisqu'il ne l'a pas autorisé formellement..)
- Attention, mon gars! Il n'y a que 2 tabous : le Prophète et le Président.
"Critiquer l'un, c'est vouloir mettre bas l'islam. Critiquer l'autre, c'est vouloir mettre en l'air la Révolution."
L'homme ne manifestait pas contre la religion ou le Président (que Dieu le garde!), ni pour le droit des femmes ou des chiens (c'est pareil!)...
-Le prisonnier soutient le Président," alors que les usines ne fonctionnent pas, que la production agricole peine, que les queues s'allongent dans les supermarchés, que le chômage et la délinquance augmentent, comme les prix..."
C'est incroyable!
Ce n'est même pas un délit d'opinion!
-Ce délit n'existe pas dans notre constitution, il faut donc le libérer? Fit le commissaire.
Mais... on va fouiller son passé, questionner ses collègues et ses voisins... On va trouver un prétexte pour le jeter, en prison!
On le tient, on ne va pas le relâcher, de quoi on aurait l'air ?
D'idiots et d'incompétents?
-Ah, est ce qu'il va à la mosquée, est-ce qu'il fait ses prières quotidiennes ? Et le Ramadan? le Coran, il le connaît par coeur?
C'est ubuesque... Comme les autres nouvelles: le gardien, le poilu, l'évadé...
"En
Algérie, les génies (de la lampe) ne brillent pas, ils brûlent. Lorsqu'ils échappent à l'autodafé, ils finissent sur le bûcher."
Yasmina Khadra.