Ce roman se présente comme un conte initiatique érotique.
La jeune Leïla contracte un mariage arrangé avec son cousin : celui-ci ne peut pas consommer la nuit de noces.
Qu'elle ne soit pas vierge, ou que son mari soit impuissant, la honte retombe toujours sur la femme, être maléfique par nature, et sur sa famille.
S'engage donc un voyage initiatique de la jeune Leïla avec une sage matrone pour retrouver celle qui aurait, non pas "noué l'aiguillette" du mari, mais blindé le sexe de la jeune épousée, le rendant ainsi impénétrable.
A travers les aventures du voyage, l'initiatrice apprend peu à peu à Leïla ce qu'est l'amour physique.
Mais c'est par l'amour des mots que Leïla sera sauvée et c'est la poésie qui dénouera le sortilège et apprendra l'art d'aimer à la jeune fille.
C'est un beau texte violemment satirique d'une société qui marche sur la tête et délaisse le développement économique, l'essor politique, la lutte contre les maladies, la curiosité intellectuelle, en bref toutes les affaires importantes, pour examiner collectivement ce qui se passe dans la culotte des femmes ; prêtant ainsi à Allah les mêmes obsessions que celles qui pourrissent la vie des hommes (et de leurs affidés femelles) ; véritables obsédés ayant réussi le tour de force de détourner la loi de Dieu à leur profit et au détriment de celles qu'ils devraient chérir au lieu de les faire périr.
Car cette loi tue les femmes deux fois : la première en les déshumanisant jusqu'à les transformer en pauvres choses illettrées et terrorisées, vendues dans de pseudo mariages qui ne sont que des transactions mobilières cyniques ; martyres sacrifiées on ne sait sur quel autel, répudiées sur un caprice du mari, puis honnies, miséreuses, réduites à la prostitution pour survivre et risquant la lapidation quand elles ne sont pas tout bonnement jetées au fond d'un puits. La seconde en les rendant à force d'abrutissement, incapables d'un quelconque attachement sentimental ou conjugal : on aime rarement d'amour le maître violent, irascible et arbitraire dont on est l'esclave.
On peut déduire que la haine institutionnalisée des femmes n'est que le retour d'un sentiment de culpabilité collectif : aux yeux mêmes de leurs bourreaux, les êtres ainsi maltraités ne peuvent qu'être hostiles, malfaisants, vengeurs, dangereux en proportion des torts qu'on leur inflige. C'est bien le moins : et c'est ainsi que seraient les hommes si pareil lot leur était échu.
Nedjma dépeint là une société sans amour qui a perdu les riches racines culturelles qui inspirèrent les chants de bel amour des troubadours occidentaux et où la foi a été instrumentalisée pour en faire un outil d'oppression nuisible à tous.
Mais demeure un espoir pour certains êtres touchés par la grâce : celui que véhiculent l'art et les mots, renouant avec la riche tradition arabe.
Là comme ailleurs, la véritable émancipation commence avec l'ouverture de l'esprit ; celle du corps vient ensuite. Et l'on comprend mieux pourquoi l'éducation des filles est si taboue dans les sociétés claniques. Elle en saperait les fondements archaïques.
On comprend aussi que l'autrice de ce roman érotique, le premier, dit-on, écrit par une femme arabe, reste dans l'anonymat pour éviter une fatwa.
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Tante, qu'est-ce qu'une jolie chatte pour un homme ?
- Un sexe charnu mais bien dessiné, plein sans être mal seyant, aussi bon aux baisers qu'une bouche généreuse, aux lèvres pareilles à des anémones humides, aux parois presque sèches, au toucher comme sucre fondant, niché dans une croupe somptueuse, où la verge glisse avec entrain et se retire à contrecoeur.
- Mais encore ?
- Une bonne fente est étroite sans être gênante, humide sans trop couler, chaude et musclée. Son monticule se love tout naturellement dans la paume qui le cueille. Il est doux au toucher, rebondi comme le dos lisse d'une grenade, ou légèrement incliné vers le bas. Une fente ça clapote comme les fontaines dès qu'un doigt s'y aventure, ou un membre, ou une langue. Qu'on ne s'avise pas de dire qu'elle doit rester inerte, ou ne pas frémir. Dieu a créé la fente et le plaisir. Les deux. (p 157)
L'Histoire avait désormais un nom, un seul : "l'hymen de Leïla". Le pays pouvait être annexé, les croyants se faire occire par les infidèles, les montagnes se fissurer comme des pastèques, les rivières se faire gober par le vent, ce n'était plus le souci des villageois. Il y avait quelqu'un dans le ciel qui surveillait le sexe des femmes et qui risquait de priver les hommes du paradis, s'ils n'y veillaient pas du même oeil vigilant. Et comme les Zébibiens n'entreprennent rien ici bas qu'ils ne comptent faire prévaloir auprès du Seigneur, il fallait s'attendre à ce que ces marchands comptables de l'outre-tombe se soucient en premier lieu des membranes des vierges et s'affirment les meilleurs gardiens de la vertu.
Ces ménagères se délectaient des rumeurs, les semant aux quatre vents, l'air de rien, en secouant leur linge sur les terrasses ou bien en roulant leurs grains de couscous. Et d'ailleurs, pourquoi rouler le couscous tous les jours, je te le demande, si ce n'est parce qu'elles n'ont rien à faire, ces femelles devenues mauvaises à force de peser sur leur séants, ces fauves que Dieu a oubliés dans les souricières, sous la férule des mâles, qui passent leur temps à pisser sur les arbres comme les chiens, à se gratter les testicules, et à attendre l'heure de la prière dont ils ne s'acquittent que par crainte de l'imam, pas de celle d'Allah, on ne me la fera pas !
Chaque fois que Sadek me fouettait, sa salive giclait comme crachin de l’enfer, coulait baveuse et abondante, débordait comme l’eau sale des égouts, filait vers les commissures, gonflait comme des pustules, enduisant sa barbe, en même temps que ses mots, toujours les mêmes, que j’avais appris par coeur. Des mots qui cognaient dans ma tête aussi fort que les coups. Il les postillonnait au rythme de la cravache fermement tenue dans sa main droite, jamais la gauche, c’était haram (p. 13)