Il s'agit d'un petit miracle :
Matéo Maximoff a commencé à écrire en détention, pour une affaire plus ou moins liée à sa qualité de Tzigane. Et il s'agissait, puisqu'il est décédé en 1999, d'un véritable Tzigane, avec tout ce que cela peut représenter de handicaps du point de vue de la littérature : prévalence de la culture orale ou musicale, relations avec l'orthographe et il paraît que la sienne était bien délicate. le miracle aussi de tomber dessus au déstockage d'une médiathèque de ma région : un livre des éditions Wallada, auto-distribuées, c'est-à-dire introuvables.
Nous nous trouvons donc dans les marges : la mise en page ou le style ne sont pas toujours très académiques, des coquilles subsistent. Dans l'ensemble, cependant, c'est finalement très intéressant sur la forme comme sur le fond. L'esclavage des Tziganes en Roumanie au dix-neuvième siècle reste peu abordé en littérature ou ailleurs et cet épisode d'histoire constitue un sujet original et de valeur. J'y ai appris des choses, comme le phénomène de déflation qui a conduit à la fin du système, mais aussi l'existence de camps des Tziganes esclaves à la périphérie des domaines, qui expliquent en partie leurs habitations contemporaines, même si la narration prédomine, en particulier l'action.
Sur la forme, on trouve certes peu d'antimétaboles ou de symploques, toutefois un style se dégage : usage de l'ellipse, prédominance des dialogues, emprunts aux langues étrangères parfois... La caractérisation marque aussi le roman : brève, parfois versatile. Les personnages agissent et changent de façon de voir les choses en fonction des circonstances. On devine un peu ces Tziganes qui en un instant peuvent sortir une lame et qu'on a peu intérêt à pousser à s'en servir. le livre ne cache pas en effet la violence, parfois la misère, loin des descriptions idéalistes que l'on lit parfois de la vie de bohème. du côté de la sociologie, on peut relever la place des femmes, qui serait de nature à alimenter bien des réflexions sur ce qu'on appelle l'intégration et ses difficultés...
Mais cela reste avant tout un roman d'aventures passionnant et les marges recèlent souvent autant voire plus d'intérêts que le centre.