Nous sommes en 1979. Hugues a 14 ans. Un soir où il aide sa mère à faire la cuisine, cette dernière lui suggère de l'aider à tuer son père, en lui décrivant son idée : le pousser dans les escaliers. C'est aussi violent que ça. Une violence morale qui l'atteint de plein fouet tandis que sa mère, elle, subit les coups. Hugues tente de garder la tête hors de l'eau en s'éclipsant chez la grand-mère et en se rapprochant d'une tante qui l'aide à découvrir la lecture.
L'été 79 est clairement un récit autobiographique. le jeune Hugues est l'auteur lui-même, 30 années auparavant comme il nous l'annonce d'emblée.
Il revient sur ce fameux été 79 où tout a basculé et sur les quelques mois qui l'ont précédés.
Le père de Hugues s'est mis à boire. Il ne rentre plus à la maison que de manière aléatoire. Les disputes avec sa femme sont devenues monnaie courante et désormais il n'a aucun scrupule à être très violent avec elle. Avec son plus jeune frère, Hugues se réfugie dans leur grenier aménagé où le père ne vient jamais. Poltronné dans ses couvertures, il tente d'occulter le bruit des coups.Hugues a véritablement peur de son père dont il fuit la présence.
Pour cela, il va le plus souvent possible chez sa grand-mère qui fait mine de ne pas savoir ce qu'il se passe dans leur foyer.
L'été 79, c'est aussi l'été où le jeune homme se met plus sérieusement au dessin. Son professeur d'art plastique manifeste un intérêt pour son travail. Sa tante Dominique qu'il voit ponctuellement l'encourage et lui offre régulièrement des livres. Une chaleur et un intérêt inespérés auxquels se raccroche désespérément le garçon.
Mais la situation à la maison se dégrade de plus en plus et bientôt des mesures vont être prises qui vont laisser Hugues seul, désarmé et véritablement abandonné.
Ce n'est donc pas une adolescence particulièrement joyeuse que nous raconte ici l'auteur. il se penche avec beaucoup de sérieux et d'abandon sur une période sombre de sa vie qui l'a profondément marqué.
L'été 79 est un moment de basculement où sa vie prend un nouveau tour entre une nouvelle condition familiale et de récentes aspirations artistiques qui, comme nous le prouve cet album, finiront par porter leurs fruits.
Le personnage de Hugues est bien évidement authentique et l'auteur a su retranscrire avec force détails ses états d'âme de l'époque. On ne peut que rester bouleversé devant la peur totale qu'il éprouve face à son père, devant la violence physique qui imprègne toute la vie de la maison, devant sa manière encore enfantine de fuir les blessures morales qui l'atteignent malgré tout. On s'indigne devant le laissez-faire des proches et devant la solitude des enfants face à ce drame familial. le garçon semble seul et démuni au sein même de sa famille. Ses frères sont quasi absents de la narration et on ne saura rien les concernant. Sa mère est une victime qui reporte sa souffrance sur ses enfants, incapable de prendre les décisions qui s'imposent.
Voilà donc un témoignage plutôt courageux qui, de manière peut-être cathartique, raconte avec beaucoup de force sans tomber dans le pathos une expérience d'enfance difficile. Une sorte de témoignage qui démontre une fois de plus que, ce genre d'agressions et de souffrances, sont bien plus monnaie courante qu'on ne le croie. Une violence physique exercée sur la mère mais surtout une violence morale encore plus forte qui touche les enfants témoins invisibles et silencieux de ce gâchis.
On peut d'ailleurs se poser la question de l'impact de cette histoire sur la propre famille de l'auteur. Est-ce une manière de communiquer sur le sujet, de mettre le doigt là où ça fait mal ?
Graphiquement, le trait en noir et blanc faussement simple s'accorde bien à l'histoire et évite d'accentuer l'aspect tourmenté du sujet. A travers de petits détails, l'auteur souligne avec finesse certains faits. Par exemple, les propos du père saoul sont retranscrit à un moment dans des phylactères tourbillonnants. La mère est toujours cachée derrière de grosses lunettes noires. Quant au père, son visage ne sera jamais montré, toujours situé hors-cadre. Reste ses mains menaçantes armées de couteau, sa voix qui hurle des insultes ordurières à sa femme et sa présence étouffante. Je ne connais véritablement pas les oeuvres précédentes de l'auteur et ne saurais donc juger de son évolution graphique. Mais malgré tout, je trouve l'album plutôt abouti, retranscrivant à merveille ce que l'auteur a voulu nous faire passer.
Voici donc un récit bouleversant sur une adolescence brisée par la violence, un été qui signe la fin d'une époque tourmentée pour partir peut-être sur des lendemains qui chantent. Période charnière entre deux âges, cet été est aussi le symbole de transition entre adolescence et maturité adulte. On pourra d'ailleurs découvrir plus précisément la suite du parcours de l'auteur dans un second opus, intitulé
L'automne 79, à paraître cette année.
L'été 79 est donc un ouvrage assez violent dans son propos qui n'épargne pas le lecteur mais réussit avec brio à mettre des mots et des images sur un passé douloureux.
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