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Claire Malroux (Traducteur)
EAN : 9782869306332
218 pages
Payot et Rivages (01/03/1993)
3.43/5   7 notes
Résumé :

Une première histoire : Miss Peabody, une vieille fille de Londres qui partage la grisaille de ses jours entre le bureau et une mère clouée au lit, reçoit une lettre de Diana Hopewell, romancière australienne qu'elle admire. La nuit, elle lui répond et devient ainsi l'écoute parfaite d'un roman encore sans titre. Une deuxième histoire : Miss Thorne, directrice bonne vivante du collège Les Hauts du Pin en Australi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Encore un roman anglais au charme un peu rétro comme je les aime.
Mrs Peabody est l'héroïne de cette histoire où il ne se passe pas grand-chose mais où le style de l'auteur est comme une rivière, il coule tout seul et on se laisse bercer par les petits riens de la vie de cette femme plus toute jeune qui s'ennuie à son travail et qui consacre ses soirées à s'occuper de sa mère invalide.
Mrs Peabody a la soixantaine, elle vit à Londres et n'a pas de vie sociale.
Mais Mrs Peabody a un secret : elle entretient une correspondance avec son écrivain favori, une australienne dont les lettres la font rêver car elle lui raconte ce que sera son prochain roman, elle lui fait partager l'élaboration de l'intrigue, elle lui parle des personnages, elle lui décrit également sa vie dans un ranch à l'autre bout du monde.
J'ai beaucoup aimé le coté désuet de cette histoire où les sous-entendus sont nombreux et où l'humour est discret mais bien présent.
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Miss Peabody's Inheritance
Traduction : Claire Malroux

Voici un curieux petit roman, à la fois amer et drôlatique, dans ce style particulier à quelques romancières anglaises à vrai dire assez peu connues chez nous mais très appréciées dans le monde anglo-saxon, à savoir Elizabeth Taylor, Barbara Pym et l'incontournable et surprenante Ivy Compton-Burnett. Ajoutons à cette triade la mansfieldienne Elizabeth Bowen et Muriel Spark et le portrait de groupe sera encore plus parlant.

Miss Peabody est ce que l'on appelle encore, à l'époque où se déroule le roman, "une vieille fille." Elle a grandi dans une petite maison de la banlieue londonienne, entre un père et une mère qui l'aimaient, certes, mais la couvaient un peu trop. le père - avec qui elle semble avoir eu un lien privilégié - décédé, la jeune femme s'est retrouvée seule avec sa mère. le temps a passé avec ce naturel et cette rapidité dont lui seul est capable et les espoirs de mariage de Miss Peabody se sont envolés, complètement évanouis dans la nature, ne laissant derrière eux qu'une Mrs Peobody désormais impotente et à laquelle la fille se dévoue sans relâche matin et soir, avant de partir à et en revenant de son travail.

Seule échappatoire pour Miss Peabody : la lecture. Esprit relativement simple, elle aime les succès de librairies et, un jour, trouve on ne sait où le courage d'écrire à Diana Hopewell, romancière australienne dont elle a énormément apprécié le dernier ouvrage, une histoire de pensionnaires entrant en communion avec la Nature par le biais de chevauchées au clair de lune et d'explorations tâtonnantes d'amours adolescentes au parfum de lesbianisme. Ce dernier détail en dirait long sur les propres rêveries de Miss Peabody mais elle est à vrai dire si naïve - et le lecteur ne cessera d'ailleurs de la trouver de plus en plus naïve - qu'on peut douter de sa bonne compréhension de l'intrigue.

Miss Peabody est la première à s'en étonner : Diana Hopewell lui répond. Mieux : la romancière prend l'habitude de lui écrire très régulièrement et de lui faire part de ses travaux sur son prochain ouvrage. Là encore, il y aura des pensionnaires, celles d'une institution haut-de-gamme pour jeunes filles de bonne famille, dénommée "Les Hauts du Pin". Mais on y verra un peu plus de professeurs - des femmes elles aussi, bien sûr. Au premier rang, Miss Thorne, directrice pleine d'allant et débordante d'idées, toujours flanquée de la pâle, terne et pleunicharde Miss Edgely avec laquelle, on le découvre au fil des extraits et commentaires reçus par Miss Peabody, elle a jadis vécu une liaison torride et avec qui elle forme l'un de ces vieux couples qui sont légion chez les hétérosexuels et dont on a tort de sous-estimer le nombre chez les homosexuels.

Avec une habileté d'autant plus remarquable qu'elle paraît absolument naturelle, Elizabeth Jolley mène de main de maître ses trois intrigues : la découverte d'elle-même que, par le biais de sa correspondance avec Diana Hopewell, fait Miss Peabody, l'étude des difficultés rencontrées par la romancière australinne pour mener à bien son dernier projet littéraire et bien entendu les tribulations de Miss Thorne, partie en voyage en Europe avec sa bonne "Edge" et une jeune pensionnaire qui inspire à cette dernière une redoutable jalousie.

Le plus étonnant, c'est qu'on entre dans ce roman avec un petit sourire distrait, en se disant presque que ça ne fonctionnera pas et qu'on en sort fasciné par la technique de l'auteur. Tout est clair et calculé au millimètre. Loin de s'embrouiller avec ses voisins, chaque fil met en valeur le suivant. Et tout ça avec une économie de moyens qui laisse rêveur et admiratif.

Avec un projet un peu plus long - le roman ne fait que deux-cent-dix pages chez Payot-Rivages - l'effet en aurait peut-être été gâché. Mais Jolley a conscience de ses limites et nous invite à refermer le livre quand tout est joué - sauf pour Miss Thorne et ses compagnes, encore dans les limbes de l'imaginaire et léguées par Diana Hopewell à une Miss Peabody désormais bien plus sûre d'elle. A plus de cinquante ans, il était temps que cela lui arrive, non ?

Elizabeth Jolley a écrit d'autres romans dont "Foxybaby", qui prend pour cible les cures amaigrissantes. Je crois bien que, un de ces jours, je vais me l'acheter. Et, bien entendu, je reviendrai vous en parler. ;o)
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Tout commence par la lettre d'une romancière australienne, Diana Hopewell, à une curieuse vieille lectrice de l'autre bout du monde, Dorothy Peabody, puisque celle-ci réside à Londres. La seconde a écrit à la première pour lui avouer toute son admiration après la lecture de son livre Les anges cavaliers. de cette lettre teintée d'enthousiasme nait une correspondance basée sur l'écriture fictionnelle. Je m'explique : Diana Hopewell met notre vieille fille londonienne dans la confidence en lui faisant partager les prémisses de son prochain roman en cours de rédaction. C'est donc une deuxième narration qui s'imbrique dans l'échange avec le récit d'une directrice d'un pensionnat australien (les Hauts du Pin), Miss Thorne, intransigeante et bien entourée qui vient peupler les lettres. Car Miss Thorne gère son pensionnat de jeunes filles à la baguette. Ses amies et professeurs, Miss Edgely et Miss Snowdon, sont des confidentes de tous les instants. Miss Thorne a également des relations privilégiées avec ses élèves dont la pauvrette Gwendaline, abandonnée par son père, et l'énigmatique Debbie, fille de bonne famille et intriguante à la manière d'une Lolita. Les vacances approchent et nos trois miss (T., E. et S.) font comme chaque année un pèlerinage en Europe avec des escales culturelles et gastronomiques à Vienne, Paris et Londres. Gwenda, laissée seule au pensionnat, est donc invitée à convoler en compagnie des demoiselles.
Au gré des lettres, on suit les relations ambiguës qui semblent immuables entre les trois amies, et leurs rapports entre conflit et attirance avec les adolescentes. Miss Thorne est le pilier autour de qui toutes gravitent (les personnages sont essentiellement féminins) et on sent qu'elle jouit de sa position de pouvoir.

Dans cette mise en abyme du roman dans le roman, Miss Peabody, l'interlocutrice privilégiée de notre écrivain australien, se prend à la magie de tous ces personnages qui évoluent au fur et à mesure de l'échange épistolaire. Car Miss Thorne cultive une part de mystère, Gwenda semble être un pion facilement manipulable et les autres personnages mettent un certain piquant à l'action et au voyage d'apprentissage.
Miss Peabody est quant à elle un personnage bien plus réel, bien plus terre à terre puisqu'elle vit avec sa mère clouée au lit, qui sans cesse l'appelle à son chevet. On sent qu'avec l'imaginaire créé par Diana Hopewell, Miss Peabody s'élève de ses occupations quotidiennes : de son travail où elle ne s'épanouit pas, de ses amours inexistants, de son invisibilité aux yeux du monde. Les lettres sont une échappatoire et au fil du temps on sent que Miss Peabody ne discerne plus la fiction et la réalité. Son attente se mue en véritables préparatifs puisqu'elle espère rencontrer Miss Thorne et toute la troupe lors de la venue anglaise. Et c'est à partir de ce moment-là qu'un espèce de malaise devient prégnant : on sent que notre vieille fille est toute entière plongée dans la fiction avec ses amies imaginaires. le trouble augmente lorsque Miss Peabody décide d'aller à la rencontre de la romancière australienne qui a tout mis en place.

Je suis partagée entre la satisfaction d'avoir lu mon premier roman australien et la relative perplexité en refermant celui-ci. J'ai trouvé que la fiction avait beaucoup d'agréments : cette histoire qui prend forme au fil des lettres m'a émue car on voit les pièces d'un puzzle lentement former la pièce maitresse. Mais la traduction m'a plus d'une fois dérangée et j'ai été assez opaque à certains éléments du récit. Si je suppose que le personnage de Miss Peabody aurait dû susciter la sympathie, pour ma part il m'a laissé froide, voire lasse.
Le livre m'a fait penser au Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates car dans les deux oeuvres un écrivain est le messager, dans les deux livres une concrétisation éditoriale est au bout. Pour rester dans les parallèles entre livres laissez-moi évoquer Splash et son personnage de représentante de l'autorité qui profite de son statut pour nouer des relations troubles avec ses élèves. Dans ce livre, Miss Thorne semble profiter des mêmes privilèges pour approcher des élèves en quête d'écoute. Dans le Jolley le style est exigeant, plaisant mais il requiert une forte attention car le roman dans le roman, bien qu'intéressant, nécessite de bien faire la part des choses entre le premier tableau (Peabody et Hopewell) et le second (Thorne et ses acolytes). Mais que la narration est ambitieuse ! Que le rythme est soutenu ! Accrochez-vous et embarquez !
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
[...] ... Pour l'instant, en attendant Miss Peabody, il tenait sa tête entre ses mains, les coudes posés sur le bois bien ciré de son bureau. Il lui avait été odieux de devoir avouer, en public, qu'il la connaissait et encore plus odieux de conduire cette idiote chez elle en l'écoutant bavarder comme une pie à propos de ce qu'elle appelait les sujets d'actualité.

- "Miss Peabody ! Ah ! vous voilà ! Asseyez-vous, s'il vous plaît." Il bondit pour lui avancer une chaise tandis que, marchant en crabe, elle franchissait la porte et se dirigeait vers lui.

- "Une cigarette ?

- Oh ! merci, ce n'est pas de refus.

- Miss Peabody," commença Mr Bains, "nous, ceux d'entre nous qui sommes à la tête de Fortress, estimons que vous avez besoin, je veux dire que vous méritez, oui, méritez de longues vacances. Je suggère que vous preniez trois mois de congé, après quoi, euh, après quoi nous réexaminerons euh, votre situation.

- Oh, merci, Mr Barrington.

- Bains.

- Oui, vous êtes Mr Bains, bien sûr. Je vous remercie. Je me suis sentie très fatiguée ces derniers temps. C'est l'excitation, je veux dire la mort de ma mère. Elle a été si subite ...

- Oui, oui, vous êtes fatiguée, oui," murmura-t-il en s'efforçant de rendre aussi bienveillant que possible son propre visage fatigué. Il songea qu'il serait peut-être mort avant la réapparition de Miss Peabody. Cette perspective le réconforta. Il sourit. Appuyant le bout de ses doigts l'un contre l'autre, il demanda : "Avez-vous un endroit où aller ? Un endroit où vous aimeriez aller ? Pour un repos et un changement de vie total ? Les gens ont besoin d'un changement de temps en temps, vous savez." Il marqua une pause et ajouta rapidement : "Nous sommes prêts, à Fortress, à vous aider sur le plan financier. Je, euh, je pensais peut-être à une petite plage sur la côte-sud ?

- Oh, non, ce ne sera pas nécessaire," répondit Miss Peabody. "J'ai de l'hypertension, voyez-vous.

- Oui, nous en avons tous, nous en avons tous," se hâta de dire Mr Bains sans chercher à savoir ce que l'hypertension avait à voir avec les tarifs de chemin de fer.

- "J'irai en Australie," déclara Miss Peabody. "J'ai une amie là-bas. C'est une déesse, vous savez. Diane. Artemis. Déesse de la mythologie grecque. Fille de Zeus. Seigneur de la libre nature. Elle chasse sur les montagnes avec ses vierges. Elle est la soeur d'Apollon. Elle est," - Miss Peabody marqua une pause - "elle est aussi la déesse de la lune."

Mr Bains se glissa jusqu'à la porte et appela Miss Truscott (= sa secrétaire et maîtresse). "Emmenez-la !" réussit-il à dire en remuant les lèvres de telle façon que Miss Truscott le comprenne sans que personne entende ses paroles. "Emmenez-la !" ... [...]
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[...] ... Dans sa chambre virginale qui sentait le renfermé, Miss Peabody essayait de comprendre la lettre griffonnée à l'encre rouge et bleue. Elle cherchait à reconstituer les vies de Miss Thorne et de Miss Snowdon (=amie de Miss Thorne dans le futur roman de Diana Hopewell). Il y avait un manque d'enchaînement. Elle se rendit compte qu'il lui faudrait prendre chaque lettre comme elle venait, en espérant qu'elle en tirerait bien un sens.

Miss Peabody ne buvait jamais d'alcool mais, à cette occasion, elle se versa dans sa tasse de lait chaud un peu du brandy prescrit à sa mère à titre de médicament. C'était apaisant. La bataille dans l'eau (= une scène du futur roman racontée par Hopewell et à connotation lesbienne) l'avait un peu perturbée.

Les scènes d'amour sont banales et même répétitives si on les sort de leur contexte et si on les lit sans préparation. (La romancière terminait sa lettre par une petite leçon écrite à l'encre verte.) Ce sont les circonstances, la progression vers l'acte d'amour et puis ce qu'on éprouve ensuite, les pensées et les sentiments, voyez-vous, qui rendent les scènes mémorables. Les scènes d'amour devraient être toutes sortes de choses. Elles peuvent même être grotesques , car il y a quelque chose de ridicule dans des corps d'hommes et de femmes nus, n'est-ce pas ? A présent, poursuivait la romancière, parlez-moi de vous. Avez-vous un beau petit dos bien droit ? Etes-vous amoureuse ? Parlez-moi de vos amours car je suis sûre que vous êtes amoureuse. ... [...]
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L'écrivain n'a pas d'amis, écrivait la romancière, et ceux qu'il peut avoir ne lisent pas ce qu'il écrit.
Oh ! Miss Peabody retint un cri devant la détresse de cet aveu. Elle saisit son stylo. Oh, Diana, je suis votre amie, écrivit-elle, et je lis et relis chaque mot que vous écrivez. J'adore ce que vous écrivez... Elle posa son stylo.
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